Pour répondre au problème du déplacement des malades mentaux, il suffit d'interconnecter ces fichiers entre eux, et je pense que la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, pourrait donner son accord, de manière à élargir au niveau national la procédure d'échange d'informations tout en préservant les garanties existantes en termes de libertés publiques et de préservation du secret professionnel.
La logique est la même en ce qui concerne la toxicomanie. Vous promettiez, là encore, une réforme de la loi de 1970 et, finalement, vous ne faites que détourner le dispositif sanitaire existant au bénéfice de l'arsenal répressif.
Tous les spécialistes entendus par la commission des affaires sociales l'ont dit : les liens entre consommation de drogue et criminalité sont complexes et multiples. La logique répressive ne peut valoir que dans certains cas. Il en résulte que la prohibition rencontre obligatoirement des limites et que l'aggravation des peines sera privée d'effets face à certains facteurs psychopathologiques et psychosociaux. D'autres logiques doivent alors être favorisées, notamment celles des soins et de la prévention au sens large.
Je rappelle que la loi de 1970 présente deux particularités : elle a choisi de sanctionner pénalement le simple usage de stupéfiants, même en privé - ce que les conventions internationales n'exigeaient pas -, et elle a prévu la possibilité d'une alternative thérapeutique à la sanction pénale.
L'instauration de cette sanction pénale visait à la fois à dissuader le consommateur et, par le biais de l'injonction thérapeutique, à l'inciter à se faire désintoxiquer. Un dispositif sanitaire financé par l'État a ainsi été mis en place avec la création de centres de soins spécialisés et de diverses structures d'accueil. La gratuité et l'anonymat des soins y sont la règle.
Si, comme le relève le président de la commission des affaires sociales, le dispositif de l'injonction thérapeutique, créé par la loi de 1970, est tombé en désuétude, c'est parce que soigner un consommateur de drogues nécessite d'établir une relation de confiance. Or cette confiance ne peut-être qu'altérée si la loi oblige le personnel médical à transmettre des informations à la police ou à la justice. Pour soigner un consommateur de drogues, il faut obtenir son adhésion ; pour obtenir son adhésion, il faut obtenir sa confiance.
Les médecins que nous avons entendus au cours de la préparation de ce débat nous l'ont dit : l'observation clinique confirme aujourd'hui l'existence d'une forte demande de soins chez les toxicomanes dépendants ; dans la majorité des cas, cette demande est volontaire et l'intérêt de l'injonction thérapeutique consiste parfois à permettre un accès plus rapide aux soins. Désormais, les pratiques sont rodées et efficaces, grâce notamment aux traitements de substitution, même s'il arrive que les lieux où sont distribués ces traitements fassent l'objet d'une surveillance trop rapprochée par la police, qui risque de rendre le dispositif inefficace.
Il faut donc bien faire la différence entre usagers « récréatifs » et toxicomanes dépendants : ces derniers ont besoin de l'aide des médecins et des centres de lutte contre la toxicomanie. Or ces centres doivent déjà faire face au manque de places, surtout en ambulatoire. Plutôt que de les encombrer avec des « fumeurs de joints », il serait opportun de leur donner plus de moyens et de développer les campagnes de prévention.
En fait, c'est la consommation de cannabis qui est la véritable raison de l'insertion de ces dispositions dans ce texte. Celle-ci connaît incontestablement une forte progression.