Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 10 septembre 2010 à 9h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Articles additionnels avant l'article 24 bis

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Par cet amendement, nous entendons également revenir sur l’une des malfaçons législatives les plus criantes de la précédente LOPSI, promulguée en 2003.

Le Gouvernement en était alors au tout début de ses gesticulations sécuritaires, et le ministre de l’intérieur de l’époque multipliait quotidiennement les moulinets répressifs.

Cela avait débouché, notamment, sur la création d’un délit d’une incroyable sottise, le délit de racolage passif.

Puisque nous en sommes à l’examen du texte qui vient renouveler l’orientation et la programmation de la sécurité intérieure, il est temps de revenir sur ce délit, dont l’application relève du fiasco absolu.

Outre l’intitulé même de cette infraction, la première raison de cet échec tient, d’une part, à la réalité des cours de justice, où magistrats et avocats tentent de définir quelles sont les attitudes passibles de racolage passif et, d’autre part, à la réalité beaucoup plus complexe et floue de la prostitution dans les rues.

En 2002, la Commission nationale consultative des droits de l’homme signalait, à l’occasion de sa saisine sur le projet, « qu’en l’état, les sanctions pénales proposées concernant les seul(e)s prostitué(e)s ne peuvent être admises ». Elle s’émouvait du « sort réservé aux prostitué(e)s d’origine étrangère, victimes de réseaux organisés et violents : la remise d’un titre de séjour provisoire est lié à un témoignage ou à un dépôt de plainte alors que ce titre, limité à la durée de la procédure judiciaire, aura pour effet d’exposer le bénéficiaire ainsi que sa famille, à des graves mesures de rétorsion, voire de violences sans qu’il y ait même en contrepartie la possibilité pour elle d’avoir l’espoir de s’extraire de la prostitution et de s’insérer ».

Rappelons que la France est signataire du protocole de Palerme, qui garantit la protection des victimes de traite.

Depuis 2003, les personnes prostituées sont donc soumises à de fortes amendes, qu’elles doivent payer en continuant à se prostituer. L’État devient donc indirectement proxénète.

Elles sont par ailleurs obligées de quitter des lieux fréquentés pour gagner la périphérie des villes, où elles réduisent certes leur risque d’être arrêtées, mais où leur sécurité n’est pas assurée. Les associations d’aide aux prostituées soulignent toutes que, depuis l’application de cette loi, les personnes prostituées sont en plus grand danger qu’auparavant : agressions sexuelles, agressions, coups et blessures…

La définition, fort vague, du délit de racolage passif a contraint les syndicats de police à établir quatre critères pour décider ou non d’une arrestation : l’heure, le lieu, la tenue et l’attitude, des critères qui peuvent s’appliquer à toute personne, plus particulièrement aux femmes.

Cette loi, loin de réprimer les réseaux mafieux, fragilise davantage les personnes prostituées, ce qui est proprement scandaleux.

Le milieu associatif, qu’il s’agisse des partisans de la légalisation ou des abolitionnistes, sont d’accord sur le principe de la suppression de ce délit, à l’instar des sénateurs du groupe CRC-SPG.

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