Il s’agit donc d’une espèce de menace arbitraire qui plane au-dessus de la tête de tout un chacun, et cela pose problème. On se demande d’ailleurs si ce n’est pas simplement une manière pour les commissariats de faire du chiffre, comme l’on dit, ce délit permettant d’arrêter plusieurs fois une personne dans la même journée, ce qui est bon pour les statistiques.
Je ne reprendrai pas les arguments qui ont été développés précédemment, mais, sept ans après la promulgation de la loi, nous avons maintenant le recul nécessaire pour faire un bilan.
On constate notamment que l’issue des jugements est imprévisible. Le délit étant arbitraire, la jurisprudence se fixe difficilement et l’imprécision du texte entraîne d’un tribunal à l’autre des jugements contraires sur des situations pourtant semblables.
Je me permettrai également de rappeler un autre aspect, déjà évoqué, probablement le plus important d’ailleurs : si, évidemment, la création de ce délit n’a eu aucun effet direct sur la prostitution, il a contribué en revanche à chasser une partie non négligeable des personnes prostituées vers des lieux de plus en plus éloignés des centres urbains, dans les bois et les chemins vicinaux, où elles sont beaucoup plus menacées que lorsqu’elles exercent en ville.
Pour toutes ces raisons, comme vous le savez, l’ensemble des associations qui s’occupent de la prostitution, quelles que soient leurs orientations, souhaitent la suppression de ce délit. Mme Michèle André et moi-même l’avions demandé lors d’un débat au mois de mai, et nous avions également déposé un amendement en ce sens. La réponse du ministre ne nous avait pas convaincus, mais nous avions senti comme un doute du côté du Gouvernement et de la majorité.