Intervention de Richard Yung

Réunion du 10 septembre 2010 à 9h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Articles additionnels avant l'article 24 bis

Photo de Richard YungRichard Yung :

Cet amendement vise à abroger ce que l’on appelle, à mon avis à tort, le délit de solidarité – deux termes contradictoires –, qui est défini à l’article L.622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ou CESEDA. Cet article incrimine en termes très généraux les personnes qui auront, « par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France ».

Ce délit pénal, puni de cinq ans de prison et d’une amende de 30 000 euros, est certes tempéré par des immunités, mais assez modestes.

Sur la base de ces dispositions, plusieurs dizaines de nos concitoyens ont récemment fait l’objet d’incriminations et d’interpellations, de placements en garde à vue, de mises en examen, de poursuites et de rappels à la loi pour avoir accueilli, accompagné ou hébergé des migrants.

En 2007, par exemple, deux intervenantes sociales de l’association France terre d’asile ont été interpellées, de même que des membres de la communauté Emmaüs de Marseille dont les locaux ont été perquisitionnés, et, à Calais, une personne qui fournissait de la nourriture et des vêtements a été placée en garde à vue.

Depuis plusieurs années, de nombreuses associations demandent l’abrogation de ce délit de solidarité.

De même, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a émis le 19 novembre 2009 un avis affirmant que la législation française, en l’état actuel des textes, est non seulement en contradiction avec les principes internationaux mais également non conforme à la législation européenne.

Pour ces raisons, nous proposons de réécrire l’article L.622-1 en prévoyant une clause humanitaire qui dépénalise toute aide lorsque la sauvegarde de la vie ou l’intégrité physique de l’étranger est en jeu, sauf si cette aide a donné lieu à une contrepartie pécuniaire.

Nous souhaitons inverser la logique du dispositif et faire de l’incrimination l’exception.

Nous proposons également de clarifier la définition de l’incrimination en remplaçant le terme général de « circulation » par celui de « transit », afin de ne sanctionner que les passeurs qui tentent de faire traverser les frontières aux migrants. C’est en particulier le cas, vous le savez, entre le Calaisis et la Grande-Bretagne.

Enfin, nous souhaitons étendre le champ des immunités en dépénalisant l’aide au séjour apportée par des personnes physiques ou morales agissant dans le but de préserver l’intégrité physique de l’étranger ou sa dignité, sauf si cette aide est réalisée avec l’idée d’une rémunération.

Le présent amendement vise donc à garantir la sécurité juridique des personnes qui accomplissent des actes de solidarité. C’est, nous semble-t-il, une valeur forte, une valeur de notre société à l’égard des migrants en situation de détresse.

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à voter en faveur de cette nouvelle rédaction de l’article L.622-1.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion