Intervention de Christian Demuynck

Réunion du 10 septembre 2010 à 15h00
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Articles additionnels après l'article 10, amendement 26

Photo de Christian DemuynckChristian Demuynck :

J’ai donc souhaité les présenter pour deux raisons.

La première est qu’ils comptent beaucoup de cosignataires. Les problèmes de justice que je soulève sont en effet partagés par un grand nombre de nos collègues.

La seconde raison est que mon département de la Seine-Saint-Denis, qui est remarquable – il compte des jeunes exceptionnels, des familles qui s’intègrent et qui veulent s’en sortir –, connaît des difficultés considérables par la faute de délinquants multirécidivistes connus des services de police, de la justice, des assistants sociaux et des élus.

Ces délinquants, qui sont passés à plusieurs reprises devant les juges et qui ont écopé de multiples sursis, posent des problèmes à tout le monde depuis des années. On ne peut pas continuer à les laisser faire. Contrairement à ce que l’on entend, il n’y a pas de zones de non-droit dans ces quartiers. Ce sont eux qui font la loi ! Ceux qui n’acceptent pas leurs deals, qui ne cèdent pas à leurs menaces ou à leurs rackets sont victimes de représailles.

C’est intolérable ! Il faut impérativement que la justice prenne ses responsabilités et fasse en sorte que ces jeunes délinquants ne soient plus sur place.

Ceux qui cèdent, ceux qui plient, ce sont les braves gens. Ils n’ont pas 36 000 solutions : soit ils pactisent avec les délinquants – c’est malheureusement ce que font les plus jeunes –, soit ils essaient de ne pas les rencontrer – ils se débrouillent pour sortir le matin lorsque les délinquants ne sont pas encore levés –, soit ils partent. Je le répète : c’est intolérable !

Alors, on peut tenir des discours philosophiques au sein du Sénat, en réunion de commission des lois, mais il faut aussi prendre en compte la réalité sur le terrain. Et cette réalité, elle est totalement insupportable !

Permettez-moi de vous donner un exemple – j’aurais pu vous en citer des dizaines –, celui d’un jeune dans ma ville.

Il a commencé à sévir en 2007. Il a d’abord commis des infractions au code de la route sur des motos non homologuées. Il a alors été présenté au délégué du procureur de la République. On lui a tiré l’oreille, on lui a dit : « attention, mon garçon, il ne faut surtout pas faire ça ! », puis on l’a laissé partir.

Ensuite, il a participé à des regroupements dans des halls d’immeubles. Ces groupes ont tout cassé. Le pire est qu’ils obligeaient les locataires qui voulaient rentrer chez eux à leur demander l’autorisation de le faire ! Évidemment, une plainte a été déposée et on lui a une nouvelle fois tiré l’oreille.

Pour continuer, ces groupes se sont attaqués à des commerçants. Le jeune en question a été placé sous contrôle judiciaire et condamné à une interdiction de territoire. Inutile de vous dire que, malgré cela, il était toute la journée sur le terrain ! Inutile de vous dire également que la commerçante qui avait porté plainte a subi des représailles. Inutile de vous dire enfin que ces groupes n’ont pas mis fin à leurs agissements et que plus aucun commerçant n’a porté plainte. Et cela continue !

Par la suite, ils ont volé des scooters et se sont attaqués à leurs propriétaires. Le premier d’entre eux a porté plainte, mais ni le deuxième, ni le troisième parce que les représailles sur le terrain sont telles que personne n’ose bouger ! Je peux vous dire que lorsque j’organise des réunions publiques, c’est l’omerta : tout va bien dans cette résidence ! On sait pourtant que c’est faux, que des voitures brûlent et qu’il y a des règlements de comptes.

Je poursuis au sujet du même loustic.

En 2007, il est condamné pour outrage et menaces de mort envers un policier. Il se voit infliger une peine de 250 euros d’amende, qu’il ne paiera évidemment jamais parce qu’il est insolvable.

En 2008, il est de nouveau condamné pour violences envers un policier. Cette fois-ci, le montant de l’amende est plus élevé – 1 500 euros –, mais il ne la paiera pas non plus car il n’est toujours pas solvable.

Pour la troisième fois, il vient de commettre des violences avec récidive, pour lesquelles il n’a pas encore été jugé. Il a juste passé une heure au poste de police, avant d’être présenté au procureur de la République, puis rendu à la liberté. Il est alors immédiatement allé au poste de police pour menacer de mort les policiers !

Pensez-vous que la République soit respectée ? Selon vous, que pense la population ? Que disent les pauvres gens ? Ils disent que la police ne peut rien faire et que la justice a les mains liées.

Qui est le patron dans ce secteur ? Ce n’est ni le maire, ni la police, ni la justice, mais les lascars. Il est donc impératif de serrer la vis au niveau des procédures judiciaires. Certains juges sont très bien, mais d’autres font preuve de laxisme et considèrent que ces jeunes sont de pauvres enfants n’ayant pas eu d’éducation. C’est sûrement vrai, mais il n’en demeure pas moins qu’il faut faire quelque chose, car on ne peut pas continuer de la sorte.

Je tiens à faire savoir que les gens dans ces quartiers ne disent rien. Ils sont pris en otage. Leurs voitures brûlent, mais ils ne portent pas plainte. Ils ne peuvent pas rentrer chez eux le soir parce que des bandes le leur interdisent – dans certains endroits, ils trouvent même des verrous sur les portes ! –, mais personne ne dit rien. La voilà, la réalité. Nous sommes loin du Sénat et des huis clos en commission. C’est la réalité sur le terrain.

Telles sont les raisons pour lesquelles j’ai déposé ces amendements : je souhaitais vous livrer ce témoignage. Je savais bien qu’ils ne seraient pas acceptés, à part un ou deux d’entre eux peut-être.

Les premiers amendements portent sur le bracelet électronique mobile. Je vous avoue que je n’arrive pas à comprendre pourquoi on en fait un usage si restrictif alors que, comparé à l’emprisonnement, il ne coûte pas cher, qu’il permet de suivre le délinquant et déclenche une alarme lorsque celui-ci se trouve dans une zone qui lui est interdite.

Il est très utile notamment pour protéger les femmes battues. Il est donc dommage de ne pas l’utiliser. On sait comment les choses se passent pour ces femmes : le bourreau, qui est jugé et condamné à un ou deux mois d’emprisonnement, s’empresse à sa sortie de prison d’aller retrouver sa femme, mais certainement pas pour l’embrasser sur les deux joues ! Nous sommes aujourd'hui incapables de protéger ces femmes et d’interdire à leurs conjoints de les approcher. Le bracelet électronique le permettrait. Que font donc ces pauvres femmes ? Elles déménagement ! C’est finalement la victime qui est condamnée. Nous sommes dans une société de folie !

Je le répète : je sais que mes amendements vont être refusés. Mais, franchement, il me semble que nous devrions nous interroger sur la réalité et sur ce qui se passe vraiment sur le terrain.

L’amendement n° 26 rectifié bis a pour objet d’étendre le placement sous surveillance électronique mobile aux personnes condamnées à une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à deux ans.

L’amendement n° 27 rectifié ter, qui concerne la réitération, vise à permettre d’ordonner un tel placement à l’encontre d’une personne condamnée pour une infraction punie d’au moins cinq ans d’emprisonnement et ayant déjà été condamnée trois fois par la justice.

L’amendement n° 25 rectifié bis tend à supprimer l’obligation pour le tribunal correctionnel de motiver sa décision d’ordonner un placement sous surveillance électronique mobile. Je ne comprends pas en effet que l’on oblige le tribunal à motiver sa décision alors que l’on ne cesse de nous dire que les tribunaux sont engorgés, ce qui est vrai, et que le traitement des dossiers a pris du retard. Je pense que cet amendement, qui n’a rien de révolutionnaire, pourrait être adopté sans que cela nuise en quoi que ce soit à l’image libérale du Sénat.

L’amendement n° 18 rectifié bis a pour but d’étendre les peines planchers aux délinquants en situation de réitération et ayant été condamnés à trois reprises. Comme je l’ai dit tout à l’heure, de nombreux jeunes délinquants sont condamnés à des peines avec sursis. Résultat : ils sont toujours dans le quartier. Les peines planchers doivent s’appliquer dès lors qu’une personne a été condamnée trois fois. Cela permettra de sortir ces délinquants de la cité, ce qui serait une très bonne chose, car je peux vous dire que lorsqu’ils y sont, cela fait mal !

L’amendement n° 17 rectifié bis a pour objet de restreindre les peines planchers à des peines d’emprisonnement sans sursis. Je ne suis pas un spécialiste de la justice – je ne suis qu’un pauvre maire de banlieue –, mais je trouve extraordinaire que les peines planchers incluent des peines de sursis, comme si le sursis était une peine. Sur ce sujet aussi, il faut se poser des questions !

L’amendement n° 19 rectifié bis vise à étendre les peines planchers aux condamnés pour crimes et délits à sept reprises. Il s’agit de faire en sorte qu’une peine de prison soit automatiquement prononcée. Même si je considère que la prison n’est pas la panacée, il faut bien trouver une solution. On ne peut pas garder ces personnes, alors où les met-on ? Cela pose une véritable difficulté, je vous l’accorde.

Le sursis a perdu toute signification, car il est possible d’être condamné à dix peines avec sursis. Cela conduit à fabriquer des caïds : lorsqu’un délinquant condamné à une peine de sursis revient dans sa cité, il en est le patron ! On ne peut rien y faire. En outre, il deale. La police l’a arrêté dix ou vingt fois, elle a fait son travail, mais il revient, parce qu’il n’a pris que du sursis. C’est absolument surréaliste !

Comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas un spécialiste de la justice, mais je me suis penché sur cette question. Je me suis rendu compte que l’on avait inventé quelque chose de génial : le double jugement ! Je vous avoue que je ne comprends pas bien comment c’est possible. Le juge du tribunal correctionnel rend son jugement, le condamné peut évidemment faire appel, mais, s’il sort libre, c’est le juge de l’application des peines qui, plusieurs mois plus tard, aménage la peine. Plus personne n’y comprend rien ! La victime quitte le tribunal correctionnel sachant que le coupable a été condamné à une certaine peine, puis quelques mois plus tard, tout a changé : elle le retrouve devant chez elle, en semi-liberté ! Il faut essayer de faire des choses claires.

Je sais bien que je ne parviendrai pas à remettre en cause le système du double jugement. Je propose donc, et c’est l’objet de l’amendement n° 23 rectifié ter, de revenir aux dispositions que nous avions votées il y a quelque temps en prévoyant que les aménagements de peine concernent seulement les peines d’un an d’emprisonnement. En ce moment, on veut faire des économies budgétaires, en voilà une !

Je me mets aussi à la place du juge du tribunal correctionnel : il rend un jugement dont il sait à l’avance qu’il ne sera pas appliqué. Il faut s’interroger également sur ce sujet ! Mes propositions n’ont rien d’extrémistes.

Concernant l’amendement n° 24 rectifié bis, l’article 707 du code de procédure pénale prévoit que « les peines sont aménagées ». Cela revient, selon moi, à désavouer le juge qui a décidé de la peine. En outre, ce juge pourrait lui-même aménager ladite peine.

J’en viens à l’amendement n° 21 rectifié bis, qui porte sur le bulletin n° 1 du casier judiciaire. Cet amendement pourrait lui aussi être adopté, me semble-t-il, car il n’a rien de révolutionnaire.

Le bulletin n° 1 du casier judiciaire est exclusivement destiné aux autorités judiciaires. Il permet au juge de savoir à qui il a vraiment affaire et de connaître toutes les condamnations d’une personne. Or, certaines peines peuvent en être effacées. L’amendement n° 21 rectifié bis vise donc à restaurer l’exhaustivité du bulletin n° 1.

Enfin, l’amendement n° 22 rectifié bis, qui est un amendement de coordination avec l’amendement précédent, porte sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire et concerne les effacements.

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