Je voudrais d’abord dire à mon collègue Christian Demuynck qu’il n’y a pas deux catégories de parlementaires dans cette assemblée : ceux qui sont sur le terrain et ceux qui, à l’ombre bienfaisante de la commission des lois, pourraient se permettre de légiférer pour un État idéal.
Lorsque je siège en commission des lois, je n’oublie pas que je suis conseiller général du canton de Marcq-en-Barœul, que j’ai été maire de cette ville avant d’être sénateur, et qu’il y a quelques jours une jeune fille y a été sauvagement assassinée par un récidiviste.
Lorsque je retourne dans ma circonscription, on me demande de contribuer à supprimer toute possibilité de libération conditionnelle. J’estime qu’il est de mon honneur de tenter d’expliquer à mes concitoyens que la libération conditionnelle est un des moyens d’éviter les sorties sèches et de limiter la récidive. Il faut faire en sorte que ces aménagements de peine puissent être réellement effectués, avec intelligence et efficacité.
Cependant, l’encadrement de la personne faisant l’objet de l’aménagement de peine nécessite la disponibilité d’un certain nombre de personnels, notamment des conseillers d’insertion et de probation.
L’aménagement de peine ne doit pas être un cadeau fait au détenu ; il doit, au contraire, être assorti d’obligations beaucoup plus lourdes que celle qui consiste à rester étendu sur son lit dans une cellule à regarder des émissions de télévision avec ses trois ou quatre codétenus.
Par conséquent, il faut que nous ayons des moyens financiers suffisants pour recruter des conseillers d’insertion et de probation. À cette fin, il faut cesser de construire des prisons et considérer que 63 000 places sont suffisantes pour les besoins d’un pays comme le nôtre.
Je crois que ce débat est important. Il faudra y revenir dans un autre cadre que celui de la discussion de cette LOPPSI.
À l’occasion de mes régulières visites en prison, je constate de nombreuses choses qui me heurtent. Je suis aussi heurté que mon collègue par le développement très limité des bracelets électroniques mobiles. Les bracelets fixes, quant à eux, sont beaucoup plus largement utilisés.
Le bracelet mobile est un instrument, un outil, mais, en l’absence de conseillers d’insertion et de probation, il sera un outil de récidive et non pas de réinsertion. Le bracelet n’a jamais empêché personne de passer à l’acte. Il permet simplement de retrouver la personne plus vite.
Quant à la loi pénitentiaire, elle n’est même pas encore mise en œuvre puisque la plupart de ses décrets d’application n’ont pas été publiés. Cette loi pénitentiaire dont l’encre n’est pas sèche est pourtant le moyen de lutter contre « l’humiliation de la République » dénoncée par le président Hyest et la commission d’enquête sénatoriale sur la situation des prisons. Or on veut lui retirer sa chance de s’appliquer avant même qu’elle n’ait commencé à le faire !
M. Jean-Jacques Hyest a évoqué ce point, 83% des peines d’emprisonnement prononcées sont des peines de moins d’un an. Si les juges de l’application des peines libéraient allégrement tous ceux qui sont condamnés à moins de deux ans d’emprisonnement, il n’y aurait plus l’ombre de l’ombre de l’esquisse d’un problème de surpopulation carcérale dans notre pays.
Néanmoins, il est vrai qu’il y a des problèmes. Que les mesures prises depuis 2002 soient toujours les bonnes, je n’en suis pas sûr.
Les établissements pénitentiaires pour mineurs, d’abord considérés comme un progrès, méritent une évaluation. Je ne suis pas convaincu que ces établissements, remplis dans le meilleur des cas à 50 % et dont le prix de journée se situe entre 1 000 et 1 500 euros, donnent des résultats particulièrement satisfaisants.
Lorsque j’interroge les jeunes détenus des quartiers pour mineurs ou des établissements pénitenciaires pour mineurs sur leur projet d’avenir, si tant est qu’ils en aient un, leur réponse est toujours la même : l’armée, comme si ces jeunes complètement déboussolés, non respectueux des règles de la société, avaient besoin qu’on leur fournisse des cadres et qu’on leur fixe des règles.
Je suis convaincu qu’il y a une réflexion à mener conjointement par le ministère de la justice, le ministère de l’intérieur et le ministère de la défense sur des opportunités qui pourrait être données à la défense de trouver des solutions qui seraient plus efficaces et beaucoup moins coûteuses pour le contribuable que celles qui sont proposées actuellement.
Lorsque j’étais maire, j’ai développé ce que l’on appelle des lieux de vie non traditionnels. À 600 kilomètres de ma commune, un de mes fonctionnaires territoriaux, une sorte de moine civil, a hébergé jusqu’à une dizaine de jeunes en situation de grande difficulté. Retirés de leur milieu, ils n’avaient plus de réputation à défendre. Les résultats en matière de réinsertion étaient absolument remarquables. Lorsqu’il est parti à la retraite, il fallait une dizaine de travailleurs sociaux pour le remplacer ! Certaines législations sont peut-être excessives ou abusives, puisqu’elles ne permettent plus aujourd’hui de prendre des initiatives de ce type.
Par ailleurs, je sais que Jean-Marie Bockel développe actuellement une réflexion sur le problème de la prévention précoce. Une telle réflexion me paraît essentielle et fondamentale. Nous en avons discuté à diverses reprises avec un nombre très limité de maires, dont mon collègue Louis Nègre ici présent, qui ont mis en place un conseil pour les droits et devoirs des familles. Des lois ont été votées, par exemple la loi sur la prévention de la délinquance. Les structures dont elles prévoient l’instauration pourraient être parfaitement efficaces et opérationnelles. Or, mes chers collègues, je constate que, quelle que soit la tendance politique des élus, de droite ou de gauche, ces structures n’ont, pour l’essentiel, jamais été mises en place.
Alors, mettons d’abord en place ce qui a été voté. Donnons à la loi pénitentiaire la chance de s’appliquer. Pour ma part, je suis convaincu qu’il n’y a pas d’hostilité entre ceux qui sont pour la lutte contre la récidive et ceux qui sont pour la lutte pour la réinsertion. En effet, réinsertion et lutte contre la récidive sont l’avers et le revers de la même médaille.