Je serai brève car certains collègues de la majorité développent des points de vue que nous pourrions partager, compte tenu des propos exagérés que l’on peut entendre par ailleurs.
Je voudrais simplement vous faire part de la position de mon groupe.
D’abord, comme d’autres, nous considérons qu’il n’y a pas deux catégories d’élus au Sénat ou à la commission des lois, ceux qui sont sur le terrain et ceux qui gambergent en vase clos, ou qui croient le faire car je ne sais même pas si on nous gratifie de penser. §(Sourires.) Tenir de tels propos dans cette enceinte est absolument inadmissible !
Je suis parlementaire depuis près de quinze ans, cher collègue Demuynck, et j’ai entendu parler à de nombreuses reprises de « zones de non-droit » dans des quartiers, des villes, des départements. D’ailleurs, je ne sais pas si ce vocabulaire est très adapté mais, s’agissant des phénomènes que cette formulation recouvre, chacun a effectivement conscience de leur existence.
Or, depuis tout ce temps, je constate qu’on ne fait que décrire le développement croissant de zones de non-droit assorties de zones où se pratiquent des trafics en tous genres. Cela va d’ailleurs de pair.
La question est évidemment de savoir comment rétablir le droit dans ces zones de non-droit. Je constate que l’inflation de mesures de renforcement des peines et des sanctions n’a pas permis d’y parvenir.
Je crois que cette situation devrait faire réfléchir les uns et les autres, tant ceux que vous associez au terrain que ceux que vous identifiez à des coupeurs de cheveux en quatre, si je vous suis bien.
S’il faut raison garder, il faut aussi chercher à agir réellement. À cet égard, je souscris en grande partie aux propos de notre collègue Jean-René Lecerf. Le compte n’y est pas, tant s’en faut : le plan Marshall pour les banlieues, toutes les choses récemment annoncées à qui mieux mieux, que nenni ! Les moyens pour la police dans les mêmes endroits, que nenni !
Pourtant, chacun sait que la police est très inégalement répartie, et pas seulement la police de proximité. S’agissant de cette dernière, vous me répondrez que, de fait, elle ne peut pas aller dans les zones de non-droit. Cela dit, elle n’était déjà plus dans les quartiers avant que ceux-ci deviennent des zones de non-droit. De plus, le ratio de policiers dans certains départements par rapport à d’autres n’est pas du tout adapté. Il faut en tenir compte, monsieur Demuynck.
Il en est de même des moyens de la justice.
Par ailleurs, pour éradiquer les trafics, de stupéfiants par exemple, de gros moyens doivent être mobilisés. Je ne suis pas si sûre que cela soit fait, malgré quelques actions spectaculaires de temps à autre.
Quant à la prévention, gros mot, apparemment, pour certains d’entre vous, elle concerne beaucoup de questions économiques et sociales, notamment d’aide et de prise en charge, et ce avant que les actes ne soient commis, avant même le premier.
Pour toutes ces raisons, il serait très grave de vous suivre et cela vous conforterait, vous et quelques autres. Dire que l’on va rajouter une louche, toujours dans le même sens, et que cela va avoir, comme par miracle, un effet, cela reviendrait à mentir à nos concitoyens, et donc à vos propres administrés.
Enfin, j’évoquerai deux derniers arguments.
On ne peut pas, au gré de chaque loi, modifier le code pénal et le code de procédure pénale. C’est du très mauvais travail parlementaire. Vous êtes maire, c’est-à-dire un élu de proximité, mais vous êtes aussi sénateur. Vous devez donc faire un travail de législateur. Il n’est pas possible de modifier chaque fois la hiérarchie des peines.
En outre, monsieur Demuynck, vous en avez bien conscience, des lois récentes qui ne sont même pas encore appliquées et ce projet de loi d’orientation et de programmation – que vous allez voter, j’en suis sûre, même si vos amendements ne sont pas retenus – aggravent les sanctions. Les peines encourues actuellement seront donc alourdies. Cela répondra à ce que vous cherchez au travers de votre placement intempestif sous surveillance de toute personne qui trouble l’ordre public.