Monsieur le ministre, permettez-moi à l’occasion de cet article sur les polices municipales de soulever un problème qui me préoccupe depuis longtemps : l’usage du Taser.
J’ai d’ailleurs saisi, au fil des ans, les ministres successifs sur cette question.
Le plus souvent, si j’ai obtenu des réponses mettant l’accent sur le côté positif de l’utilisation du Taser, elles restaient néanmoins prudentes. Or, le 26 mai dernier, vous avez, monsieur le ministre de l’intérieur, publié un décret autorisant de nouveau les policiers municipaux à porter un pistolet à impulsion électrique, c'est-à-dire le Taser.
Pourtant, le Conseil d’État, dans un arrêt du 2 septembre 2009, a annulé un précédent décret en date du 22 septembre 2008. Il considère « que les particularités de cette arme d’un type nouveau imposent que son usage, qui comporte des dangers spécifiques, soit précisément encadré et contrôlé : de fortes précautions doivent entourer son utilisation ».
Depuis le début, cette utilisation du Taser est l’objet de nombreuses critiques. Dans un rapport de 2007, le Comité contre la torture de l’ONU a demandé aux gouvernements de renoncer au Taser en raison de sa dangerosité, dangerosité que des associations dénoncent. Ainsi, Amnesty International fait état de la mort de 351 personnes visées par une décharge de Taser entre 2001 et 2008.
Je rappelle qu’en mars 2009, dans le Michigan, un jeune garçon de quinze ans est mort après avoir été électrocuté par cette arme à impulsion électrique.
En France, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, hélas, en voie de disparition, a elle aussi relevé des cas d’usage disproportionné du Taser. C’est ce que confirme une réponse officielle de la France au Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, lequel considère que les dispositifs du type du Taser « peuvent parfois être utilisés comme instruments de torture ».
Quoi qu’il en soit, 83 % des usages du Taser par la gendarmerie nationale ne relevaient ni de la légitime défense ni de l’état de nécessité prioritairement envisagés dans les procédures internes.
Après le tribunal de grande instance de Paris, la cour d’appel vient de débouter, mercredi 8 septembre, la société SMP Technologies de l’action en justice qu’elle avait entamée contre l’association RAIDH, lui reprochant d’avoir « dénigré » la marque et le nom « Taser ». C’est pourtant la société elle-même qui, dans un guide d’utilisation publié le 12 octobre 2009, reconnaît que l’usage du Taser fait courir un risque cardiaque à la personne visée.
Évidemment, quand on sait le marché très important que représente l’équipement d’environ 18 000 policiers municipaux, on comprend bien que la société Taser ne souhaite pas voir son image ternie et ses démarches commerciales contrecarrées.
Je ne sais pas si vous avez, chers collègues, reçu comme moi au Sénat au printemps dernier un catalogue d’armes proposées à la vente. Parmi elles, le Taser. Je puis vous assurer que cela fait peur !
Je continue de penser que l’urgence est à un moratoire sur l’utilisation de cette arme comme, par ailleurs, sur l’utilisation de Flash-Ball dont on a, hélas, pu mesurer les conséquences dramatiques lors d’une manifestation à Montreuil, l’an dernier, au cours de laquelle un jeune homme a perdu un œil !
En aucun cas ces armes ne sauraient être portées par les policiers municipaux dont je conteste, plus largement, le droit à un armement, car leur rôle, sous l’autorité du maire, doit être préventif. Le droit de porter de telles armes doit être réservé aux policiers nationaux.