Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en quatre jours de discussions, après avoir débattu de quarante-huit articles et vécu quelques incidents – certains étant d’ailleurs désagréables ! –, nous avons examiné non pas une loi sur la sécurité intérieure, mais deux.
La première LOPPSI est une sorte de boîte à outils dans laquelle on trouve un peu de tout, comme dans un grand bazar : des choses utiles, je veux bien l’admettre, mais également d’autres, qui le sont moins.
C’est ainsi que l’on retrouve, par exemple, des mesures visant à lutter contre la cyberdélinquance, des mesures relatives à la réglementation des transports, à la délinquance routière, voire à la police de notre assemblée, certains d’entre nous ayant, semble-t-il, peur d’être harcelés par des forces extérieures qui pourraient, tels des barbares, venir nous envahir. Sans oublier les mesures relatives à la vente à la sauvette, à la distribution d’argent, aux fichiers ! Bref, des mesures de toute nature, qui n’ont aucun lien entre elles.
Pourtant, beaucoup de ces outils existaient déjà ! C’est un peu la surprise ! Sans vouloir rouvrir le débat, pourquoi les reforger alors ?
On trouve également d’autres outils qui, en fait, créent une sorte de confusion. Tout à l’heure, Jean-Pierre Sueur nous a d’ailleurs fait une excellente description du rôle que l’on veut désormais faire jouer à certains agents de Pôle emploi.
D’une façon plus générale, je dirai que cette loi marque un moment important, peut-être une rupture dans notre tradition.
Aujourd’hui, notre sécurité est assurée par 170 000 personnes travaillant dans le privé et 220 000 personnes appartenant au public. Or les différentes mesures, notamment sur la vidéosurveillance, que vous allez voter, mes chers collègues, vont accentuer le mouvement du public vers le privé de ces professionnels. Demain, notre sécurité, autrefois apanage et domaine régalien de l’État, sera probablement assurée plus par le privé que par le public.
Cette première loi est donc une boîte à outils ; la seconde est au fond une urne électorale, qui brille des quelques feux des quatre mesures phare annoncées à Grenoble par le Président de la République.
Cette enseigne électorale pourrait s’intituler « Venez chez nous, vous serez en sécurité ». À mon avis, les manifestants qui défilaient mardi dans les rues pour défendre les retraites ne partagent pas ce point de vue, mais peut-être d’autres l’accepteraient-ils.
Concernant les peines planchers, l’un de vous l’a dit, mes chers collègues, la loi bégaie, et on ne voit pas en quoi une telle mesure était nécessaire.
Quant aux peines de sûreté, quel sera leur effet dissuasif ? Les réponses que vous avez apportées ne nous ont pas convaincus.
Nous avons également parlé de justice des mineurs. Dans ces termes, je relève celui de « justice ». Dès lors, pourquoi Mme la garde des sceaux n’a-t-elle pas participé à nos débats ? Le ministre de l’intérieur ne pouvait sans doute pas attendre les projets qui sont en préparation dans son ministère !
J’évoquerai enfin une dernière mesure phare, extrêmement brillante. Il s’agit bien évidemment de l’expulsion des Roms et de ce qui l’accompagne aujourd'hui, qui va concerner également les SDF.
Nous avons échappé à un autre amendement, qui n’était sans doute pas prêt. Le Président de la République nous a annoncé hier qu’il fallait instaurer des jurys populaires devant les tribunaux correctionnels ! On retrouve là la même inspiration que celle de la LOPPSI 2, à savoir la méfiance du juge. Avec des jurys populaires, vous pourrez, une fois de plus, prendre vos distances avec les juges.
À chaque fois, nous constatons que vous prenez de nombreux risques constitutionnels. À chaque fois aussi, nous entendons s’élever dans vos rangs une contestation. Pas moins de trois Premiers ministres vous ont conseillé de renoncer à des dispositions aussi dangereuses. Sans compter M. Fillon, qui a lui-même fait part de certaines réticences ! Quant à la commission des lois et au président du Sénat, ils ont également manifesté quelques désagréments à l’égard de ce projet de loi.
J’ai dit que ce projet de loi était une enseigne, j’ajoute que c’est aussi un cache-misère. On voit bien, au fond, qu’il s’agit de masquer une diminution des effectifs, en baisse de 10 891 depuis 2002.
Mais surtout, sur ce qui constitue sans doute l’essentiel, à savoir les atteintes aux personnes, vous n’avez jamais répondu, alors que je vous ai interrogé par deux fois. Pourtant, à la page 15 du rapport de M. Courtois, il est indiqué, avec une grande précision, que cette forme de délinquance a augmenté de près de 40 %.
Au final, vous avez empilé des lois, bien visibles, comme on construit une tour. Malheureusement, l’opinion ne pourra pas voir ce que cache celle-ci.