Monsieur le ministre, le titre III du projet de loi que vous venez de présenter fait peser une grave menace sur l'exercice du droit de grève, pourtant érigé au rang de principe constitutionnel depuis 1946.
Sous prétexte d'un « plan de prévisibilité » interne à l'entreprise, l'article 5 oblige les salariés à informer leur employeur de leur intention de participer à la grève quarante-huit heures à l'avance, sous peine de sanctions disciplinaires.
D'un point de vue juridique, ces dispositions sont irrecevables. Elles sont, en effet, contraires aux règles de droit, en l'occurrence aux articles L. 521-1 et L. 122-45 du code du travail, et à la jurisprudence de la Cour de cassation depuis l'arrêt Air France du 20 novembre 2003.
Faut-il le rappeler dans cette assemblée, l'exercice du droit de grève revêt un caractère individuel et, dans le cadre d'un préavis régulièrement déposé par une organisation syndicale, le salarié peut se déclarer gréviste à tout moment. Il peut se déterminer la veille de la journée de mobilisation, le jour même ou à tout moment du conflit, et ce dans un sens ou dans l'autre. Car, mes chers collègues, le salarié peut décider aussi bien de participer au mouvement que de mettre un terme à sa participation.
L'article 5 nous semble, pour tout dire, dangereux, car nous craignons que le dispositif proposé ne se traduise par l'exercice de pressions à l'encontre des salariés, en particulier dans les petites entreprises.
Nous voulons souligner aussi, monsieur le ministre, le manque de cohérence d'un texte dont les dispositions majeures, qui font l'objet de la communication gouvernementale, se trouvent en totale contradiction avec l'objectif affiché, puisqu'il s'agit, nous dit-on, de mettre en place un dispositif de « négociation collective et de dialogue social » !
De même, en imposant une consultation des salariés sur la poursuite de la grève au-delà de huit jours de mobilisation - une telle durée n'est tout de même pas courante -, l'article 6 vise à soumettre l'exercice individuel du droit de grève à une décision collective. Cette disposition va opposer les salariés entre eux, grévistes contre non grévistes. Elle va instaurer un climat de tension délétère entre les salariés d'une même entreprise, ...