Séance en hémicycle du 17 juillet 2007 à 17h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de l'Établissement national des invalides de la marine.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jean-Pierre Godefroy pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition, à l'expiration du délai d'une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des lois et sera disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (urgence déclarée) (n°s 363, 385).

Dans la discussion générale, la parole est M. le ministre.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité

Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, un jour de grève, des quais ou des arrêts de bus surchargés, avec des clients qui attendent un train ou un bus qui ne viendra peut-être jamais, je ne veux plus, vous ne voulez plus, nous ne voulons plus de telles situations !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Nous sommes donc réunis cet après-midi pour débattre du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, afin de mettre en place dans notre pays un service minimum en cas de grève.

L'objet de ce projet de loi est triple : éviter au maximum le recours à la grève ; éviter, autant que faire se peut, la paralysie en cas de grève ; éviter, enfin, l'absence d'information pour les usagers.

Je veux donc que l'on dialogue pour éviter la grève. Je veux que les entreprises s'organisent mieux pour éviter la paralysie. Je veux aussi un maximum d'informations pour les usagers.

Nous avons fait, avec Dominique Bussereau, le choix d'une loi-cadre, afin de dire avec ambition ce que nous voulons et pour préciser le plus possible les modalités de ce service minimum.

Ce choix nous permet d'être plus concrets que certains ne l'auraient imaginé, car je crois que la politique doit sortir des généralités pour entrer dans les aspects les plus pratiques.

Il ne s'agit pas pour nous de renvoyer le dossier aux acteurs locaux après le vote de cette loi-cadre en leur disant « débrouillez-vous » ; au contraire, notre volonté, est, d'une part, de veiller en permanence à ce que le service minimum soit une réalité au 1er janvier 2008, et, d'autre part, de permettre à ces acteurs de faire du « sur-mesure » en mettant à profit les quelque cinq mois qui nous séparent du 1er janvier.

Ce texte correspond à un engagement fort que le Président de la République a pris avec les Français durant la campagne électorale. Nous le savons, 71 % à 80 % de nos concitoyens souhaitent la mise en place d'un service minimum dans les transports.

Le service minimum, ce n'est donc pas une question de droite ou une question de gauche ; c'est tout simplement une question de service public.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Sur un tel sujet, le Gouvernement a fait le choix d'avancer sans idéologie aucune. Il ne s'agit certainement pas de prendre une quelconque revanche sur le passé ou de vider des vieilles querelles ; cela n'intéresse pas les Français et, pour être clair, cela ne m'intéresse pas non plus.

Il ne s'agit pas non plus d'assurer la victoire d'un tel sur un tel. La seule chose qui nous intéresse, Dominique Bussereau et moi-même, c'est que nous puissions, avec la mise en place de ce service minimum, améliorer la situation concrète dans les services de transport.

Dans notre pays, le droit de grève est un droit constitutionnel, et ce projet de loi n'entend nullement le remette en cause. Il s'agit donc précisément de trouver un point d'équilibre qui fasse également toute leur place à d'autres droits à valeur constitutionnelle, eux aussi, et qui sont tout aussi légitimes, à savoir la continuité de l'accès aux services publics, la liberté d'aller et venir, la liberté du commerce et de l'industrie et la liberté du travail.

Le service minimum est aussi un instrument de justice sociale en ce qu'il s'adresse d'abord à ceux de nos concitoyens qui n'ont pas d'autre moyen que les transports en commun pour se rendre à leur travail ou pour que leurs enfants aillent au collège ou au lycée.

Je sais que le service minimum est un sujet régulièrement abordé dans le débat politique français. Ainsi, le service minimum a donné lieu à pas moins de quinze propositions de loi déposées sur le bureau de l'une ou l'autre assemblée au cours des vingt dernières années. Par ailleurs, de nombreux parlementaires ont travaillé sur le sujet ; je pense, en particulier, au sein de la Haute Assemblée, aux travaux des sénateurs Claude Huriet et Hubert Haenel.

Je tiens également à saluer le travail effectué par la commission spéciale, et notamment par son président, Charles Revet, ainsi que par son rapporteur, Catherine Procaccia ; j'aurai l'occasion de revenir sur le rapport qu'ils ont rédigé avec le concours des autres membres de la commission spéciale.

Je crois important de saluer le choix qui a été fait de constituer une commission spéciale ; cette formule a permis aux commissions permanentes concernées de travailler ensemble et à chaque sensibilité politique d'exprimer ses positions.

Ce travail collectif dont ont fait la démonstration la commission des affaires sociales, la commission des finances, la commission des affaires économiques et la commission des lois, a permis d'enrichir le texte gouvernemental.

Ce projet de loi va donc apporter une réponse concrète et pragmatique aux attentes quotidiennes des Français, et ce sur l'ensemble du territoire, qu'ils soient Lorrains ou Aquitains, qu'ils habitent Marseille, Beauvais ou la région parisienne. Car le service minimum ne concerne pas seulement l'Île-de-France, ni la seule SNCF. Le service minimum, nous le voulons partout et pour tous. Telle est la logique d'action qui est la nôtre !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

C'est aussi la raison poux laquelle ce texte a trait aux transports terrestres de voyageur:s. Je sais que d'aucuns auraient souhaité une loi plus générale qui étendrait le service minimum à d'autres champs de la vie sociale.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Mais je préfère agir au coeur du quotidien le plus immédiat des Français et faire en sorte que, pour eux, les choses changent rapidement, dans leur ville comme dans leur région.

Toujours par pragmatisme, nous avons souhaité bâtir ce projet de loi en nous appuyant sur les différentes expériences qui ont été menées dans notre pays depuis une quinzaine d'années.

Je pense à l'accord d'alarme sociale conclu dès 1996 à la RATP, qui a permis, grâce à une meilleure prévention des conflits ainsi qu'à une évolution du management, de réduire de plus de 90 % le nombre des jours de grève en dix ans et, ainsi, d'améliorer le service rendu aux usagers. Cet accord a montré la voie à d'autres entreprises, telles que la SNCF, avec l'accord de 2004.

Je veux également citer le rapport remis la même année par M. Mandelkern, qui a précisé le cadre juridique dans lequel un service minimum pouvait être mis en oeuvre.

Je pense, enfin, aux démarches conduites par Dominique Perben en 2006 pour l'amélioration de la prévisibilité.

Nous avons tenu compte de ces expériences pour élaborer ce projet de loi, avec une seule volonté : améliorer la continuité du service public.

En effet, ce texte repose sur l'idée qu'en renforçant le dialogue social dans les entreprises de transport, les grèves pourront être, pour une large part, évitées. Et si jamais une grève se produit, il fixe le cadre dans lequel le service de transport public doit être organisé, afin de garantir aux usagers un service, certes réduit, mais prévisible, en cas de grève ou de forte perturbation.

Comme vous, madame le rapporteur, nous avons voulu que ce texte s'applique aussi en présence de situations exceptionnelles, qui seraient dues, par exemple, à des plans de travaux programmés.

Nous sommes donc parvenus à une position d'équilibre, en suivant une méthode simple, celle du dialogue et de la concertation. Ainsi, dès le 25 mai, le Président de la République, avec le Premier ministre, a reçu les partenaires sociaux. Puis j'ai moi-même engagé le dialogue sur ce sujet avec l'ensemble des organisations syndicales et patronales, à partir du 21 juin, date à laquelle j'ai reçu les partenaires sociaux pendant plus de onze heures.

Par la suite, nous avons continué le dialogue avec les usagers, les partenaires sociaux, les entreprises, les élus locaux et, bien sûr, les parlementaires. Ces échanges se sont déroulés dans la clarté, et ils ont été importants, car ils nous ont permis de mieux cerner les enjeux pratiques du sujet, ce qui nous a conduits à distinguer trois grands axes correspondant aux trois volets du texte qui vous est présenté.

Tout d'abord, la grève n'est pas une fatalité en cas de conflit, et bien des questions peuvent être réglées par la négociation et le dialogue social.

Dans cette perspective, le premier volet du projet de loi met l'accent sur la prévention des conflits. Car je suis persuadé, tout comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que lorsqu'on amène les entreprises et les partenaires sociaux à s'asseoir autour d'une table pour discuter, il y a tout simplement moins de conflits.

Pour cela, nous nous sommes inspirés des expériences déjà engagées dans certaines entreprises, où il existe, d'ores et déjà, des accords d'alarme sociale, auxquels nous voulons commencer par donner une base légale sur tout le territoire.

Nous souhaitons généraliser ce type d'accords de prévention des conflits dans tous les services publics de transport terrestres d'ici au 1er janvier 2008. L'alarme sociale, nous la voulons pour tous et partout !

L'enjeu n'est pas seulement juridique : comme dans nombre de pays, la négociation doit précéder l'action, et non plus l'inverse.

Or une véritable négociation prend du temps. Au-delà des cinq jours de préavis, qui constituent le délai légal et qui le resteront, il nous faut prévoir un temps supplémentaire, de huit jours au maximum, pour conduite la négociation en vue d'éviter le recours à la grève. C'est pourquoi, d'ailleurs, les accords d'alarme sociale existants accordent plus de temps à la négociation avant tout dépôt de préavis.

C'est dans cette logique aussi que nous nous inscrivons, car, aux termes du présent texte, chaque entreprise doit parvenir, avant le 1er janvier prochain, à un accord de méthode prévoyant l'organisation d'une négociation préalable avant le dépôt de tout préavis de grève.

Cet accord pourra aussi intervenir au niveau de la branche professionnelle, comme le prévoit un amendement, afin d'en faire bénéficier au plus vite les usagers et de suppléer à l'échec ou à la carence éventuelle de certaines négociations d'entreprise.

En effet, au travers de cette négociation obligatoire et de l'accord de méthode auquel elle est censée aboutir, il s'agit pour nous de promouvoir le dialogue social, qui doit être un principe d'action au sein de l'entreprise.

Pour faire vivre ce principe, nous voulons accorder aux partenaires sociaux le temps nécessaire à la négociation mais, en retour, nous posons très clairement une obligation de résultat : si toutes les entreprises n'aboutissent pas à un accord avant le 1er janvier 2008, l'État prendra ses responsabilités, sous la forme d'un décret en Conseil d'État qui réglera la situation pour les entreprises dans lesquelles la négociation collective aura échoué.

Je ne suis pas ministre pour dire à nos concitoyens : « nous avons essayé, malheureusement, nos efforts n'ont pas abouti, tant pis... » Non, les Français nous ont élus non pas pour essayer, mais pour réussir, c'est-à-dire pour améliorer concrètement leur quotidien.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Quand toutes les entreprises auront signé un accord de méthode, de très nombreux conflits pourront être évités, j'en suis convaincu, mais peut-être pas tous. C'est pourquoi un second volet du projet de loi trace les grandes lignes de l'organisation du service qui devra être mis en place en cas de grève ou de forte perturbation.

Une fois encore, il n'est pas possible de dire aux Français : « nous avons amené les partenaires sociaux à négocier, ils n'ont pas trouvé de solution, tant pis pour vous ! ».

Non, nous avons un objectif à atteindre, et le projet de loi fixe cet objectif, sans toutefois retenir une définition uniforme du service minimum, car il est possible et préférable, me semble-t-il, de faire du « sur-mesure ». En effet, la réalité n'est pas la même en Île-de-France et dans une région à dominance rurale.

Le présent texte, dans le respect des principes-cadres qu'il établit, renvoie donc la définition du service minimum aux autorités qui seront en mesure de prendre en compte les réalités de terrain et les spécificités locales.

En Picardie, par exemple, les besoins ne sont pas les mêmes que dans la région d'Île-de-France. Il nous faut donc aller au plus près du terrain pour trouver les meilleures solutions possibles.

Les autorités organisatrices de transport sont les collectivités territoriales, qui sont compétentes en matière de transports terrestres de voyageurs. C'est donc à elles qu'il reviendra de fixer les priorités de desserte, en fonction des besoins quotidiens de la population. Elles définiront parmi ces priorités celles qui constituent des besoins essentiels, et qui doivent donc être assurées en toutes circonstances, y compris en cas de grève. Je pense notamment aux lignes qui desservent les hôpitaux, à celles qui permettent d'aller au travail, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

... aux trajets scolaires ou aux liaisons entre les principaux centres urbains, qui doivent être assurés au moins le matin et le soir, comme l'a obtenu, par exemple, le conseil régional d'Alsace dans le cadre de la convention TER.

Ces autorités pourront ainsi assurer un service sur mesure à leurs usagers, dans le cadre de plans adaptés propres à chaque entreprise de transport, qui devront être mis au point dans la concertation et la transparence, en associant bien évidemment les représentants des usagers.

Poux que ces plans soient pleinement opérationnels, il est impératif que les entreprises puissent savoir précisément qui sera présent le jour de la grève. Aussi, et c'est l'un des points importants du présent projet de loi, les salariés devront informer l'entreprise, au plus tard quarante-huit heures avant le début de la grève, de leur intention de se joindre, ou non, au mouvement.

Cette déclaration d'intention préalable est capitale dans l'équilibre du projet de loi. Elle n'a évidemment rien d'idéologique. Nous en avons simplement besoin pour réaffecter les agents non grévistes sur les lignes prioritaires, dans le cadre d'un accord collectif de prévisibilité, en gardant toujours à l'esprit - et pour ma part je ne l'oublierai jamais - que la sécurité constitue notre première priorité.

Ma logique, purement pratique, est uniquement liée à l'organisation du service. L'enjeu de ce texte, c'est aussi une meilleure organisation des entreprises en cas de grève. Or, tout en respectant le droit de grève, je crois que, dans certaines entreprises, la direction dispose de marges de progression importantes, voire très importantes, pour améliorer le service les jours de grève.

Je préfère voir des voitures à double étage transporter les usagers les jours de grève plutôt que stationner dans des gares de transit ou de triage !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

La responsabilité pèsera clairement sur le management de ces entreprises, mais si nous voulons organiser le service et informer les usagers de l'état du trafic vingt-quatre heures à l'avance, nous avons besoin, quarante-huit heures avant le début du conflit, de savoir qui va travailler, tout simplement !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

La déclaration constitue un outil indispensable pour fournir aux Français une information à la fois précise et opérationnelle.

Je veux, pour les usagers et comme les usagers, être plus exigeant. Car l'enjeu ne sera plus seulement de savoir si un train sur deux ou sur trois circulera. Nous voulons savoir, précisément, si le train de 6 heures 44 circulera ou non, si nous pourrons partir, mais aussi revenir chez nous, si le car de ramassage scolaire prendra nos enfants le matin et les ramènera le soir. Voilà ce que nous voulons savoir !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Nous ne voulons plus d'une situation dans laquelle on attend, sur un quai, un train qui ne viendra peut-être jamais.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

On attend toujours sur les quais ! On voit bien que vous ne prenez jamais le métro !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Les moyens d'information modernes, sur lesquels je reviendrai, nous permettent de satisfaite cette exigence.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous ne connaissez pas plus le métro que le droit de grève !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

En outre, il est bien précisé dans le présent projet de loi que la déclaration d'intention préalable ne vaudra que pour les salariés dont la présence détermine directement l'offre de service.

Pour que ce texte demeure équilibré, il est prévu une très grande vigilance sur les entreprises, avec une détermination de même nature pour sanctionner toute entreprise qui utiliserait les informations contenues dans les déclarations préalables à d'autres fins que l'organisation du service, ou qui chercherait à faire pression sur les salariés.

Dans le même esprit d'équilibre, il est prévu d'organiser, au bout de huit jours de grève, à la demande des syndicats ou de l'entreprise - ou d'un médiateur, comme le propose la commission -, une consultation sur la poursuite du mouvement, qui aura une valeur indicative. Afin qu'elle puisse s'exercer en toute transparence, cette consultation devra avoir lieu à bulletins secrets.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Si la consultation intervient au bout de huit jours, c'est tout simplement parce que je distingue la grève qui crée de la perturbation, celle-ci étant intrinsèquement liée à l'exercice du droit de grève, de la paralysie qui peut s'ensuivre, et que nous refusons car elle pénalise avant tout les usagers des transports publics. Ainsi, nous connaîtrons précisément l'état d'esprit des salariés concernés.

Enfin, le projet de loi rappelle le principe du non-paiement des jours de grève.

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais si tel est le cas, pourquoi serait-ce un problème de préciser ce principe dans la loi ?

Applaudissementssur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

On voit que vous ne savez pas ce que c'est que de faire grève !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Il est important, me semble-t-il, que nous écoutions les arguments des uns les autres. Ce projet de loi constituera un signal important, et il mettra un terme aux rumeurs et aux fausses informations qui peuvent encore circuler sur le sujet.

Si l'on fait grève, on ne travaille pas, donc on n'est pas payé, tout simplement !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C'est honteux ! On ne fait jamais grève quand les jours ne sont pas payés !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Pourquoi avoir donné un avis favorable à la médiation sur l'organisation du service ? Parce qu'il faut, en permanence et jusqu'au bout, tout mettre en oeuvre pour éviter une grève ou pour la terminer.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

D'où le recours au médiateur, qui me semble important et qui répond d'ailleurs à une demande adressée par de nombreuses organisations syndicales.

Vous le voyez, si je suis ouvert à la concertation, je le suis tout autant aux souhaits des parlementaires. C'est dans cet esprit que nombre d'amendements seront soutenus par le Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous serez peut-être surprise, madame Borvo Cohen-Seat !

Le dernier volet du projet de loi n'est pas le moindre, puisqu'il donne tout son sens aux deux précédents. En définissant les droits des usagers en cas de grève, il institue un véritable droit à l'information des usagers, puisqu'il impose aux entreprises de faire connaître le service qui sera assuré durant la grève au moins vingt-quatre heures avant le début de celle-ci.

Je ne raconterai d'histoire à personne : s'il y a grève, le service sera perturbé, voire diminué. En fonction du nombre de grévistes, il ne sera pas assuré comme à la normale. Toutefois, face à cette perturbation, qui découle de l'exercice du droit de grève, nos concitoyens ont le droit d'être pleinement informés : quels sont les bus ou les trams qui circuleront demain en centre-ville ? Quels sont les trains de banlieue qui rouleront ? À quelle heure passera le car de ramassage scolaire ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

En ce qui concerne cette information, qui me tient particulièrement à coeur - de même qu'à vous, je le sais, mesdames, messieurs les sénateurs -, j'entends que soient exploités l'ensemble des moyens dont nous disposons aujourd'hui, car ils permettront d'offrir en amont aux usagers une information précise, par voie d'affichage dans les gares, aux arrêts de bus ou sur des sites Internet, avec des serveurs vocaux dédiés, ou encore, de façon plus personnalisée, par SMS ou courrier électronique.

Par ailleurs, si le service n'est pas assuré comme prévu, si l'information donnée vingt-quatre heures auparavant ne reflète pas la réalité, la moindre des choses sera de rembourser leurs titres de voyage aux usagers ou de prolonger leur abonnement. C'est aussi cela que prévoit ce texte de loi !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Toutes ces questions sont essentielles pour les usagers comme pour les agents, qui assurent au quotidien la qualité de notre service public de transport, en s'engageant beaucoup, je le sais. À ce propos, je me réjouis, comme Dominique Bussereau, que la SNCF s'apprête à mettre en oeuvre un plan « Qualité de service dans les trains de la vie quotidienne », notamment dans les TER, dont la fréquentation se trouve en forte hausse et qui doivent constituer une priorité, au même titre que les TGV.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je salue cette initiative, qui est axée sur la régularité, l'information et le confort des voyageurs. Elle montre que les préoccupations en matière de transport sont multiples et que tous les acteurs doivent y répondre, chacun à son niveau de compétence propre.

Il est par ailleurs nécessaire de moderniser les voies et les rames, et je connais l'engagement de Dominique Bussereau sur ces questions.

Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet est d'importance, et je suis heureux de constater que vous êtes nombreux, aujourd'hui, pour l'examen de ce texte.

Je suis profondément convaincu que la France de 2007 n'est pas une société bloquée

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

On nous avait dit que ce dossier était un serpent de mer, qu'il n'aurait jamais aucune chance d'aboutir, qu'il s'agissait d'un sujet tabou.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ce sont les exemptions fiscales qui ne sont plus taboues !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Je crois qu'il n'y a plus de sujet tabou, comme le faisait d'ailleurs remarquer un sénateur de votre groupe lors de la réunion de la commission spéciale, madame Borvo !

Très bien ! et applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je remercie l'ensemble des sénateurs d'avoir montré que le dialogue était possible, au-delà des clivages idéologiques. Oui, des points de convergence sont apparus ! Et je reste persuadé, à la fin de cet exposé, que nous aborderons ce débat dans la sérénité et sans passion polémique.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Pour ma part, je l'aborde dans un esprit d'ouverture et de conviction, la conviction qu'il existe, nous le savons tous, de fortes attentes et même une véritable exigence de nos concitoyens s'agissant du service minimum. Nous devons y répondre par une volonté, une méthode et un résultat ; une volonté : tenir les engagements que nous avons pris pendant la campagne présidentielle ; une méthode : le dialogue, afin de trouver les meilleures solutions ; enfin, un résultat : mettre en place un service minimum de qualité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi est ambitieux et pragmatique. C'est un texte au service des Français.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est attendu depuis longtemps. Je serais même tentée de dire : « Enfin ce texte ! » Enfin, nous allons changer quelque chose dans l'organisation du service des transports publics, mais surtout dans la vie quotidienne de nos concitoyens, qui sont confrontés trop souvent à des difficultés dans leurs déplacements.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

(M. Alain Gournac s'esclaffe.) Est-il plus indispensable de regarder les informations télévisées sur une chaîne publique que de prendre son train ou son bus pour aller travailler et revenir chez soi ?

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Depuis des années, on évoque ce fameux « service minimum », mais sa concrétisation a toujours été remise à plus tard, pour de bonnes mais aussi pour de mauvaises raisons. Je n'en citerai qu'une : son inconstitutionnalité. Mais alors, je m'interroge : pourquoi le service minimum dans l'audiovisuel est-il, lui, conforme à la Constitution ? §

Je vous l'avoue, il y a des échelles de valeur que j'ai du mal à comprendre ! D'ailleurs, pourquoi les plus récentes études consacrées à ce sujet ont-elles conclu à la faisabilité constitutionnelle d'un service minimum dans le secteur des transports ?

Certes, dès la première lecture de ce projet de loi, qui est court - neuf articles -, on s'aperçoit qu'il n'institue pas un service minimum au sens strict. Mais les très nombreuses auditions menées par la commission spéciale m'ont convaincue que seule une approche pragmatique pouvait être porteuse de succès.

Ce texte fixe en effet, parallèlement, deux objectifs, à mes yeux d'égale importance : d'une part, il tend à prévenir plus efficacement les conflits dans les entreprises de transports terrestres et ferroviaires par le développement du dialogue social ; d'autre part, il garantit, en cas de grève ou de perturbation prévisible du trafic, un service réduit mais connu par avance.

Ce faisant, nous l'avons bien compris au cours de la vingtaine d'auditions que nous avons menées, ce texte répond aux attentes de nos concitoyens usagers des transports publics, qui, à une très large majorité - un sondage le confirmant vient d'être publié -, souhaitent l'instauration d'une forme de service minimum dans les transports publics.

Il répond aussi aux attentes des collectivités locales organisatrices de transport, lesquelles doivent faire face aux exigences de plus en plus grandes des usagers, qui réclament un meilleur service de la part des opérateurs de transport.

Il répond encore aux attentes des employeurs du secteur, qui, soumis à une plus forte pression, doivent disposer des moyens nécessaires au maintien d'un service de qualité.

Il répond également aux attentes des salariés des entreprises de transport, dont les conditions de travail particulières exigent qu'ils puissent bénéficier, au sein de leur entreprise, d'un haut niveau de dialogue social.

Il répond enfin aux attentes de l'ensemble des acteurs économiques de notre pays, dont l'activité est fragilisée par les grèves ou qui, du moins, subissent de façon directe ou indirecte les conséquences des divers aléas de fonctionnement des services de transport.

Ne lit-on pas que le transport est maintenant un facteur de discrimination, certaines entreprises renonçant à embaucher des personnes qui habitent sur une ligne de transport où incidents et irrégularités sont quotidiens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Ces différentes attentes étant néanmoins parfois contradictoires, le projet de loi tente de trouver un équilibre et de concilier plusieurs principes constitutionnels : la liberté du commerce et de l'industrie, la liberté d'aller et de venir, la liberté du travail, l'accès aux services publics, ainsi que, naturellement, le droit de grève.

II s'agit également de respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales, auquel nous sommes tous ici attachés. Celui-ci a une importance particulière en matière de transport public, surtout en ce qui concerne les déplacements quotidiens, du domicile à l'école, du domicile au travail, l'accès aux hôpitaux et aux autres services publics.

En effet, nos collectivités ont dû favoriser, au cours des dernières années, le développement des transports collectifs pour toutes sortes de raison, au nombre desquelles figure, naturellement, la préservation de l'environnement.

Il paraît dès lors impératif qu'en contrepartie de ce développement les services de transport proposés aux usagers atteignent un très haut niveau de qualité de service, notamment en termes de sécurité, de fiabilité, de régularité et de ponctualité.

C'est pourquoi ce projet de loi est vraiment nécessaire. Il repose sur l'idée - que je défends avec conviction - qu'en renforçant le dialogue social dans les entreprises de transport les grèves pourront - j'allais dire devront - pour une large part être évitées. Comme le souligne le rapport de M. Mandelkern, « la bonne grève est celle qui n'a pas lieu parce que le dialogue l'a prévenue ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Si la grève intervient néanmoins ou si survient toute autre perturbation prévisible du trafic, le projet de loi fixe le cadre dans lequel doit être organisé un service de transport réduit, mais « prévisible » ; je préfère ce terme, car il m'est apparu que la notion de service minimum ne correspondait pas forcément à la même réalité en région parisienne, dans les grandes villes, à la campagne ou en interurbain rural.

Cependant, je tiens à rappeler qu'un grand nombre de nos partenaires européens ont déjà mis en place un service minimum. Presque la moitié des États membres de l'Union européenne l'a en effet instauré pour les services essentiels ; c'est notamment le cas de l'Italie...

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

...du Portugal, de l'Espagne, de la Grèce. Pour l'autre moitié, soit il n'y a pas de culture de conflits sociaux importants, notamment parce que le dialogue social est efficace - je pense à la Suède, à la Finlande ou à l'Allemagne -, soit le droit de grève est strictement encadré, comme au Royaume-Uni.

Il s'agit donc bien d'une singularité française. Elle est flagrante et tient à la combinaison de trois éléments principaux : un droit de grève large, une continuité du service public très partiellement garantie, un dialogue social limité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Il en résulte que, dans notre pays, ce sont les usagers et le droit dont ils peuvent se prévaloir qui sont incontestablement défavorisés.

C'est pourquoi la commission spéciale a voulu aller encore plus loin que le Gouvernement pour faire des usagers sa priorité. C'est dans cet esprit qu'elle a élaboré ses conclusions.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Je vous présenterai maintenant les observations et propositions de modifications adoptées par la commission spéciale. J'en profite pour remercier tous mes collègues, sans exception, qu'ils soient de droite, de gauche ou du centre, qui sont issus de quatre commissions différentes, des échanges constructifs et fructueux que nous avons eus. La présence de commissaires dont la spécialité était complémentaire a été pour moi passionnante sur ce texte court, mais pas forcément facile.

Je dirai d'abord quelques mots sur le champ d'application de ce projet de loi. Le Gouvernement a choisi de limiter celui-ci au secteur des transports terrestres réguliers de personnes. Je crois en effet que la priorité est bien de répondre aux attentes quotidiennes de nos concitoyens qui utilisent les transports en commun, encore que certains sont parfois contraints d'utiliser au quotidien d'autres modes que les transports terrestres pour aller travailler, par exemple parce qu'ils doivent traverser un bras-de-mer ou prendre un avion plusieurs fois par semaine ; je pense en particulier à des enseignants ou à des commerciaux.

Nous sommes plusieurs à considérer que ce texte n'est qu'un premier pas et qu'il permettra, s'il prouve son efficacité, d'étendre, à brève échéance, le principe qu'il instaure à d'autres modes de transports réguliers, y compris au fret, qui est l'une des clefs de l'activité des entreprises et des nombreux salariés qu'elles emploient.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Il permettra aussi peut-être, dans un second temps, que ce principe soit transposé à d'autres services publics.

Le premier volet du projet de loi porte sur le renforcement du dialogue social dans les entreprises de transport. Vous l'avez souligné, monsieur le ministre, ce texte entend d'abord généraliser les pratiques d'alarme sociale en vigueur à la RATP et à la SNCF, qui ont permis de réduire de façon significative, mais pas complètement, les jours de grève. Il encadre ensuite de manière plus rigoureuse le dépôt des préavis de grève.

La commission approuve totalement ces mesures, mais elle souhaite les renforcer sur plusieurs points.

Ainsi, il lui semble important de préciser que la négociation préalable au dépôt d'un préavis de grève doit se tenir avec les seules organisations syndicales qui envisagent de déposer ce préavis et non avec l'ensemble des organisations syndicales. C'est la pratique actuelle !

Il lui paraît également indispensable d'inciter les partenaires sociaux à conclure un accord de branche ; vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, que vous y étiez favorable. Nous souhaitons que celui-ci soit conclu avant le 1er janvier 2008.

C'est la raison pour laquelle nous pensons utile d'encourager la RATP et la SNCF à conclure rapidement un accord-cadre conforme aux principes de ce projet de loi. Nous vous proposons de leur enjoindre de le faire avant le 1er janvier 2009, puisque le projet de loi ne fixe aucun terme, hormis celui de la fin des conventions existantes.

Le deuxième volet du projet de loi concerne l'organisation de la continuité du service public de transport.

Le texte prévoit que l'autorité organisatrice de transport, l'AOT, devra définir des priorités de desserte, à partir desquelles l'entreprise devra élaborer un plan de transport adapté ainsi qu'un plan d'information des usagers.

Ce volet repose donc sur un équilibre entre la continuité du service public et la nécessité d'informer les usagers, d'une part, les contraintes qui peuvent peser sur l'organisation de l'entreprise, d'autre part, tout en assurant le respect du droit de grève.

Nous approuvons pleinement cette approche. Toutefois, il nous a semblé utile d'améliorer le dispositif afin de rendre plus effectifs les droits des usagers.

Nous proposons donc une nouvelle rédaction de l'article 4 afin de recentrer le dispositif sur les perturbations prévisibles qui affectent le trafic. En effet, la grève n'est qu'un cas de perturbation. Par conséquent, il nous a semblé utile qu'à l'occasion de ce texte le législateur apporte ou tente d'apporter une réponse à l'ensemble des perturbations prévisibles. C'est pourquoi nous souhaitons inclure dans le champ de cette notion, outre les grèves, les incidents techniques et les aléas climatiques qui ont fait l'objet d'une alerte météorologique.

Nous proposons aussi de simplifier la notion de dessertes prioritaires et de la compléter en prévoyant que l'autorité organisatrice de transport peut déterminer des niveaux de service correspondant à l'importance de la perturbation rencontrée, comme cela existe efficacement dans certaines régions, comme l'Alsace.

En outre, nous proposons de prévoir que les transports scolaires fassent partie des droits et libertés auxquels il convient de ne pas porter une atteinte disproportionnée.

J'estime également nécessaire d'aller plus loin dans la définition du service minimal, en prévoyant que le service soit garanti les jours d'examens nationaux, c'est-à-dire lors des épreuves du brevet des collèges et du baccalauréat.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Il m'a semblé que cette atteinte au droit de grève était conforme à la Constitution, car elle était limitée et proportionnée aux exigences de l'intérêt général. Je vous précise que nous parlons là de vingt à vingt-cinq journées par an.

Nous proposons une autre modification importante : nous souhaitons que le préfet soit informé de l'avancement du processus de définition des dessertes prioritaires et des niveaux de service, afin qu'il puisse se substituer rapidement et efficacement à l'AOT en cas de carence ou, le cas échéant, approuver les plans de transport proposés par l'entreprise.

Sur l'article 5, qui doit permettre de limiter l'effet des perturbations sur les usagers en mettant en place un accord de prévisibilité dans l'entreprise, afin que cette dernière puisse se réorganiser, selon l'importance de la grève, et informer les usagers vingt-quatre heures à l'avance, la commission spéciale a simplement déposé des amendements de clarification rédactionnelle. En effet, après avoir longuement réfléchi sur l'opportunité du délai de quarante-huit heures que devront respecter les salariés qui veulent participer à un mouvement collectif, elle a estimé que lui seul pourrait permettre aux grandes entreprises de transport d'organiser le service et l'information sur le trafic vingt-quatre heures à l'avance, ainsi que les réaffectations du personnel non gréviste.

L'article 7, qui affirme un droit de l'usager à l'information précise et fiable sur le service assuré au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation prévisible du trafic, est donc bien l'un des articles les plus importants ; il explique et justifie certaines dispositions de ce texte. Il répond à une véritable attente des usagers.

Nous avons voulu, parallèlement, que l'autorité organisatrice de transport soit elle aussi informée par l'entreprise de transport en cas de perturbation ou de risque de perturbation.

Enfin, s'agissant de l'indemnisation des usagers prévue à l'article 8, nous estimons nécessaire de réécrire ce texte, afin de ne pas prévoir le recours à un décret en Conseil d'État et d'organiser directement les modalités de cette indemnisation. Cette dernière sera donc obligatoire en cas d'inexécution par l'entreprise de ses obligations, sauf, bien sûr, en cas de force majeure, et ses modalités pratiques seront arrêtées dans le cadre d'une convention passée entre l'AOT et l'entreprise de transport pour tenir compte, en particulier, des différentes catégories d'usagers et des tarifs qui leur sont applicables, par exemple la gratuité.

En outre, il est explicitement prévu que les pénalités financières perçues par les AOT pourront contribuer au financement de cette indemnisation.

Concernant toujours la deuxième partie du projet de loi, ce texte prévoit qu'au-delà de huit jours de grève l'entreprise pourra organiser une consultation des salariés. Nous insistons sur le fait que cette consultation sera sans incidence sur le droit de chaque salarié à poursuivre la grève, puisque, dans notre système juridique, le droit de grève est un droit individuel.

Nous vous proposons de compléter ce dispositif en prévoyant que les parties pourront, d'un commun accord, désigner un médiateur. Ce dernier aura pour mission de rechercher une solution amiable au conflit et pourra aussi décider d'organiser la consultation prévue, comme le chef d'entreprise ou l'un des syndicats représentatifs.

Le dernier article du projet de loi rappelle le principe selon lequel les périodes de grève ne sont rémunérées ni par un salaire ni par une prime quelconque. Nous vous suggérons s de le compléter, afin d'exclure expressément la pratique dont nous avons eu connaissance au cours des auditions et qui consiste à prévoir le paiement de tout ou partie des jours de grève dans un accord de fin de conflit.

Cet article lèvera ainsi toute ambiguïté dans l'esprit des usagers qui, eux, perdent parfois une journée de travail et ce, involontairement, et les syndicats qui veulent la transparence ne pourront pas s'offusquer de cette clarification.

Enfin, il nous a semblé indispensable de prévoir une évaluation de l'application de la loi dès l'année prochaine. Ce bilan sera prospectif puisque l'efficacité ou non des dispositions votées permettra au Gouvernement et au législateur de décider ou non d'étendre le double principe dialogue social-service réduit mais garanti à d'autres types de services publics, en priorité à d'autres types de transports.

En conclusion, et après avoir entendu nombre des parties prenantes à l'organisation du service public des transports dans notre pays, il nous semble que l'économie générale de ce projet de loi est acceptable, dès lors que nous y apporterons les modifications que je vous ai proposées.

Nous faisons, cet été 2007, un vrai premier pas, que j'espère être un pas de géant, dans l'intérêt de tous : usagers, entreprises et salariés des transports. Mais je tiens à souligner aussi que, comme pour tout texte législatif, seule sa correcte application permettra vraiment de changer la vie de nos concitoyens ; j'en veux pour preuve la pratique courante des grèves dites « émotionnelles » ou des piquets de grève qui paralysent les transports publics, alors que ce type de manifestation est illégal.

Les mesures que nous allons voter doivent être intégralement et parfaitement mises en oeuvre pour que les attentes de nos concitoyens soient réellement satisfaites. Il s'agit d'une question de volonté politique. Nos concitoyens nous le demandent. Nous ne pouvons pas les décevoir ni, surtout, contribuer à entretenir l'idée d'une certaine forme d'impuissance publique. Je vous demande, donc, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, qu'il soit rappelé aux préfets, tant dans les départements que dans les régions, que la loi de la République s'applique partout, et pas simplement dans les transports, et à tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de votre écoute. J'adresse également mes remerciements à M. le président de la commission spéciale et à tous les collègues qui m'ont fait l'honneur de m'avoir choisie pour porter ce texte emblématique.

Très bien !et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Je veux, en premier lieu, vous remercier, madame le rapporteur, de votre excellent travail, que j'ai pu apprécier. J'adresse également mes remerciements à l'ensemble des collègues de la commission spéciale, ainsi qu'à vous, monsieur le ministre, pour les échanges que nous avons eus.

Le texte que nous examinons est avant tout la mise en oeuvre d'une promesse. Le Président de la République l'a d'ailleurs encore rappelé dans un discours au Havre le 29 mai dernier : « La pensée unique disait que le service minimum dans les transports c'était impossible. Il y aura un service minimum dans les transports. Je l'ai promis aux Français. Je le ferai. »

Cette volonté politique s'exprime dans le projet de loi que le Gouvernement nous présente aujourd'hui. C'est l'un des quatre premiers textes de cette nouvelle législature. Il revêt, de ce fait, une importance toute particulière. Et à en croire les sondages récemment effectués, il répond incontestablement à une très large attente de nos concitoyens.

Il y a donc une volonté certaine de changer les choses, et je m'en félicite. Qui d'entre nous, en effet, n'a pas, un jour, dû subir les conséquences d'une grève dans les transports publics ? Qui d'entre nous n'a jamais été soumis aux aléas et aux perturbations du transport public dans ses déplacements quotidiens ?

Ce texte a pour premier mérite celui d'exister. En effet, combien d'initiatives prises au cours des dernières années sont-elles restées sans lendemain ? On ne compte plus le nombre de propositions de loi, d'études, de rapports, de travaux d'experts menés sur le sujet depuis trois ou quatre ans. Mais, à chaque fois, au lieu de confier le règlement de la question au législateur, comme il se doit, on a préféré s'en remettre aux partenaires sociaux. Pour quel succès ?

Il est donc temps que le législateur exerce ses responsabilités, comme l'y invite d'ailleurs le préambule de la constitution de 1946, qui proclame : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».

Il nous revient d'écrire ces lois, sachant que l'encadrement ou les limitations que nous pourrions apporter au droit de grève seront élaborés sous le regard vigilant du Conseil constitutionnel. Et dans son contrôle, ce dernier doit notamment veiller à la conciliation entre le droit de grève et d'autres principes de même valeur, comme la continuité du service public, la liberté du travail ou la liberté d'aller et venir.

À cet égard, il me semble que les dispositions que contient ce texte entrent clairement dans le cadre constitutionnel et ne sauraient encourir le reproche d'inconstitutionnalité, comme l'a bien démontré Mme le rapporteur.

Cela étant, si l'on devait décider, au cours des prochains mois, d'aller plus loin dans la voie de l'instauration d'un véritable service minimum, peut-être faudrait-il au préalable modifier notre Constitution.

Au moment où une réflexion sur nos institutions s'engage, sur l'initiative de M. le Président de la République, avec la mise en place d'un comité ad hoc qui conclura, vraisemblablement, à la nécessité d'une révision constitutionnelle, il me paraît indispensable que le Parlement s'investisse lui-même dans cette réflexion et suggère les modifications constitutionnelles qui lui paraîtront justifiées. Parmi ces dernières devront figurer des adaptations aux droits inscrits dans la Constitution car, aujourd'hui, faute de précisions, ces droits ne font que se neutraliser.

Ainsi, pour répondre à l'attente forte de nos concitoyens et aux engagements du chef de l'État, il nous faut inscrire ce droit aux services essentiels dans la Constitution et dans mon esprit, pour être respecté, ce droit implique nécessairement l'organisation d'un service minimum.

Ce que je propose là n'est pas particulièrement innovant. C'est la solution retenue par un certain nombre de nos voisins européens.

Je me suis longuement interrogé sur l'intérêt que ce projet de loi franchisse, dès à présent, l'étape du service minimum. Je constate néanmoins qu'il comporte plusieurs points essentiels.

Je note, d'abord, l'organisation du service en cas de grève, avec l'obligation de déclarer son intention de faire grève 48 heures avant le début du mouvement. Il ne s'agit absolument pas de limiter le droit de grève, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

...mais bien de formaliser des pratiques déjà existantes, indispensables pour assurer aux usagers un service qui ne soit pas seulement le minimum du minimum.

De la même façon, j'approuve tout à fait la faculté prévue d'organiser une consultation des salariés à bulletin secret au-delà de huit jours de grève. L'article 6 indique d'ailleurs de façon explicite que cette consultation n'aura qu'un caractère consultatif et ne fera en aucun cas obstacle à l'exercice du droit de grève, qui est un droit individuel dans notre pays. Pourquoi, dès lors, se priver d'un moyen qui pourrait, dans certains cas, concourir utilement à la résolution d'un conflit ?

Enfin, je ne peux qu'insister sur la priorité absolue de l'information des usagers. C'est une exigence très forte de nos concitoyens, qui n'admettent plus d'être bloqués sur un quai, sous un abribus ou dans un train, sans qu'aucune explication leur soit fournie ou, surtout, sans qu'aucune solution de rechange leur soit proposée. Cette information est d'autant plus justifiée que, pour de nombreuses raisons, nous préconisons tous le développement des transports collectifs.

Ma dernière remarque concerne le choix de la commission spéciale d'étendre le texte à l'ensemble des perturbations prévisibles de trafic. En effet - et les personnes que nous avons auditionnées l'ont bien souvent rappelé, monsieur le ministre -, la grève est loin d'être la seule cause de perturbation du trafic.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Cette réalité est, vous le comprendrez, bien connue du rapporteur pour avis du budget des transports que je suis, au nom de la commission des affaires économiques. Dans ce cadre, j'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises déjà, avec mes collègues co-rapporteurs, et en particulier Georges Gruillot, de déplorer l'absence de perspectives de financement des infrastructures de transport dans notre pays. Celle-ci apparaît, notamment, au travers de la situation de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, AFITF. Or, comme l'indiquait le dernier avis de la commission des affaires économiques, « dans le cadre actuel, le financement de l'AFITF n'est pas assuré au-delà de 2008 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Développer le transport collectif, c'est mettre en place les moyens correspondants. J'ai déjà souligné le retard important, faute de financements suffisants, pris dans la remise à niveau du réseau ferré.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Nous sommes en pointe, et je m'en réjouis, pour le TGV. Nous étions toutes et tous fiers lorsque le dernier record mondial a été établi, ..

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

.mais le réseau secondaire intercités, à plus forte raison le réseau local, avec le développement du tram-train, est très souvent vieillissant, voire obsolète, et connaît des dysfonctionnements. Il en va souvent de même des matériels et, bien sûr, cela crée des perturbations, donc des retards.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Là aussi, il est nécessaire d'informer régulièrement les usagers. Rester une demi-heure, voire plus, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

...arrêté en pleine voie, et s'entendre dire seulement qu'il ne faut pas descendre du train, c'est insuffisant !

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs socialistes

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Je connais la volonté de Mme la présidente de la SNCF de remédier à cette situation et il nous faut l'aider dans sa démarche volontariste de remise en ordre de notre transport ferroviaire.

Le Président de la République et les membres du nouveau gouvernement se sont engagés à tenir un discours de vérité aux Français. Je tiens à saluer cet engagement fort et courageux. Le Sénat attend donc que le Gouvernement lui indique comment seront financées nos infrastructures de transport dans dix-huit mois.

La qualité et la continuité du service public de transport passent aussi par un véritable engagement de l'État en faveur des transports collectifs. Monsieur le secrétaire d'État, soyez assuré que nous serons à vos côtés pour vous aider, parce que nous savons tous qu'un effort très important doit être accompli dans ce domaine.

En conclusion, je souhaite insister sur le bilan que notre commission souhaite voir effectué d'ici à un an.

Si celui-ci est bon, tant mieux ! Cela montrera que, grâce au cadre posé par le législateur et à la mobilisation de l'ensemble des parties prenantes dans le secteur des transports publics, le souci de mieux servir les usagers aura, enfin, été vraiment pris en compte. Nous faisons le pari que cela est possible.

Cependant, si ce bilan n'est pas celui que nous espérons, je souhaiterais que la représentation nationale puisse alors se prononcer à nouveau et décider de rendre pleinement effectif le service minimum qu'attendent les usagers, c'est-à-dire un service élevé aux heures de pointe, un nombre minimum de dessertes quotidiennes ou encore l'assurance de disposer de transports de substitution.

Nous vous soutenons donc, monsieur le ministre, mais en assortissant ce soutien d'une obligation de résultat, pour les entreprises comme pour les salariés du secteur des transports. Nos concitoyens nous l'ont demandé ; nous serons les garants vigilants de leurs attentes.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

M. Roland du Luart remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question de la continuité des services publics revient, enfin, devant la Haute Assemblée.

Je dis « enfin », parce que cela fait longtemps que nous attendons cela. Étant l'auteur de deux propositions de loi sur le sujet, vous comprendrez que je me sente particulièrement concerné, même si les textes que j'avais eu l'honneur de présenter portaient de façon beaucoup plus large sur la prévention des conflits collectifs dans le travail et visaient à mettre en place un dispositif de garanties de la continuité de l'ensemble des services publics, sans se limiter aux seuls services terrestres de transport.

Ce projet de loi, déposé en première lecture sur le bureau du Sénat, nous est présenté comme étant la traduction d'une promesse de campagne du Président de la République, lequel s'était engagé à ce que « dès l'été », une loi crée « un service minimum garanti en cas de grève dans les services publics ». Le texte présenté est a minima par rapport à cette annonce, mais constitue déjà un premier pas.

Cependant, dans le même temps, je ne peux m'empêcher de rappeler qu'un autre président de la République s'était engagé à faire de même. C'était M. Jacques Chirac qui, le 4 décembre 1998, à la suite d'importants mouvements de grève, avait lui aussi manifesté solennellement sa volonté de donner au principe de continuité un contenu plus tangible.

C'est ainsi que la proposition de loi que j'avais déposée le 11 juin 1998, soit bien avant l'intervention du président de la République de l'époque, a pu être débattue et adoptée au Sénat le 11 février 1999. Le rapporteur en était notre éminent collègue Claude Huriet.

Hélas ! le texte adopté dans cette enceinte n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, malgré les engagements et les promesses de M. Chirac ; il est resté lettre morte.

J'ai donc à nouveau déposé, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, une autre proposition de loi sur ce sujet en décembre 2003, mais en vain.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

Dans ces conditions, vous comprendrez, mes chers collègues, que j'aborde nos débats avec un peu de circonspection.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Il fallait les étudier à fond, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

Ne feignons pas de découvrir ce problème, finissons de le résoudre ! En effet, l'adéquation du principe de continuité des services publics avec le droit de grève pose un vrai problème dans notre pays et, contrairement à ce que d'aucuns prétendent, l'aborder ne revient en aucun cas à remettre en cause le droit de grève.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

Bien au contraire, même, il apparaît impossible de traiter sérieusement de la question sans réaffirmer au préalable, avec toute la solennité qui se doit -M. le président de la commission spéciale et Mme le rapporteur l'ont rappelé -, que ce droit est un droit constitutionnel.

Cependant, il s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Il doit être concilié avec d'autres principes, à commencer, bien sûr, par celui de continuité, mais aussi avec le droit au travail, la liberté du commerce et de l'industrie ou encore la liberté d'aller et venir.

Loin de remettre en cause le droit de grève, le législateur doit lui rendre sa véritable vocation en déterminant un équilibre entre ce droit et les principes et droits de même rang juridique avec lesquels il entre en concurrence.

L'enjeu de nos débats est double : il s'agit, d'une part, de rappeler à quoi doit servir le droit de grève et, d'autre part, de travailler sur les conséquences de l'exercice de ce droit dans les services publics.

Sur ces deux plans, le texte qui nous est soumis me semble aller dans le bon sens tout en manquant un peu d'ambition.

Sur le premier plan, le projet de loi est sous-tendu par l'idée, à laquelle je suis très attaché, que la grève dans le secteur public constitue un échec du dialogue social.

À quoi sert le droit de grève ? C'est la question clé.

Dans notre pays prédomine l'idée selon laquelle le conflit est au coeur de la relation sociale, si bien que la grève y est considérée comme le moyen ordinaire de gestion des conflits sociaux et s'est banalisée. Encore l'exception française...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il n'y a pas de négociations, c'est sûr ! La faute à qui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

Monsieur le ministre, vous avez déclaré l'urgence sur ce texte. Si, en tant que parlementaire, je n'approuve pas cette procédure, je reconnais en revanche qu'il y a urgence à ce que les usagers des services publics de transports, qu'ils soient particuliers ou entreprises, cessent d'être constamment pris en otages par une petite minorité et ce, bien souvent, sans motifs sérieux, explicables ou compréhensibles, puisque, la plupart du temps, la grève ne peut pas être justifiée par l'échec d'une négociation qui n'a pas eu lieu.

Injustifiée, injustifiable, la grève est devenue insupportable au citoyen, qui en supporte les conséquences en tant qu'usager et le coût économique en tant que contribuable.

L'incompréhension et l'exaspération de nos concitoyens sont accentuées par le fait qu'ils peuvent se sentir victimes de conflits catégoriels menés par des agents salariés déjà bénéficiaires de garanties statutaires souvent plus favorables que les leurs. Ils peuvent se sentir victimes de « privilégiés ».

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Eh voilà ! Vous vous trompez de privilégiés !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

C'est bien la banalisation de la grève, ajoutée à l'incompréhension et à l'exaspération du public, qui menace le droit de grève, et non la précision de son cadre juridique.

La conception française de la grève est absurde. La grève n'est pas le mode ordinaire de gestion des conflits.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

Elle est tout l'inverse ; elle est l'arme ultime à utiliser après l'échec de toutes les procédures de négociation.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

On peut savoir pourquoi les directeurs ne négocient pas ? C'est bizarre !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

Le cadre juridique actuellement en vigueur est impuissant à garantir une protection suffisante du principe de continuité, ce qui est d'autant plus regrettable que, paradoxalement, les journées de grève sont, pour la plupart, le fait de personnels opérant dans des secteurs de services publics, celui des transports notamment, où le principe de continuité devrait être le mieux respecté.

Les grèves surprises et les grèves tournantes sont, certes, interdites, mais le préavis de cinq jours francs imposé par la loi du 31 juillet 1963 est régulièrement détourné. Ce préavis n'est entendu que comme une courte période imposée par la loi, pendant laquelle chacun reste sur ses gardes dans l'attente de l'« épreuve de vérité » que constituera la grève.

Cette incompréhension du rôle du préavis a persisté même après que les lois Auroux eurent clairement affirmé l'obligation, pour les parties, de négocier pendant la durée du préavis.

Il existe un autre détournement, aussi grave : certains syndicats adoptent parfois la tactique du « préavis glissant » consistant à déposer quotidiennement des préavis successifs afin de pouvoir déclencher des grèves inopinées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

C'est un moyen bien commode de passer outre l'interdiction des grèves surprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

Aussi ne puis-je que me réjouir, monsieur le ministre, que ce texte vise à interdire ces pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

Le projet de loi dont nous entamons l'examen répond à la problématique de l'usage du droit de grève en misant sur l'amélioration du dialogue social.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

Il s'inscrit dans la lignée des avancées conventionnelles récemment réalisées dans des entreprises telles que la SNCF et la RATP instituant des dispositifs d'« alarme sociale » qui constituent des progrès sensibles. Il impose aux partenaires sociaux de définir un accord-cadre relatif à la prévention des conflits avant le 1er janvier 2008.

Il s'agira, en quelque sorte, de généraliser les dispositifs d'« alarme sociale » déjà adoptés par les entreprises que j'ai citées mais, pour ce faire, le législateur entend responsabiliser les partenaires sociaux. On ne pourra relancer le dialogue social qu'en misant sur lui.

Sur le plan de la gestion des conséquences de la grève, ce projet de loi apporte également des réponses allant dans le bon sens, mais manque, à mon sens, d'ambition.

Ce volet reprend, lui aussi, les préconisations du groupe d'experts sur la continuité du service public en vertu desquelles la prévisibilité des conséquences de la grève pour les usagers devait être améliorée. Ce groupe d'experts demandait également que les autorités organisatrices de transports définissent les priorités de desserte en cas de grève, ce qui leur est imposé aux termes de l'article 4 du présent texte.

Toutefois, ce projet de loi va au-delà. Ses rédacteurs semblent avoir pris en considération les remarques faites par notre Haute Assemblée à l'occasion du débat que nous avions eu sur ce thème en 2004.

Notre commission des affaires économiques avait, alors, fait observer que la continuité des services publics ne pouvait être améliorée sans prise en compte de la prévisibilité du service les jours de grève et des garanties de service elles-mêmes.

L'article 5 du projet de loi vise précisément à améliorer cette prévisibilité.

Tout cela est très bien, mais le présent texte ne crée pas de service minimum dans les transports ; je le regrette.

Par le biais des plans de transport que seront tenues d'élaborer les entreprises concernées sur les schémas arrêtés par les autorités organisatrices, il créera peut-être les conditions de la mise en place d'un service minimum dans les transports, mais il n'institue pas directement un tel service.

En fait, le service minimum n'est pas l'objet de ce texte : le terme n'y est d'ailleurs jamais employé. Il ne concrétise donc pas totalement l'engagement du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

Cela, je le regrette également.

Ainsi donc, pour me résumer et pour conclure, ce projet de loi me semble, dans ses grandes lignes, porteur d'avancées significatives. Je ne peux déplorer qu'une chose : qu'il apparaisse comme un projet a minima, qui ne s'applique qu'au secteur des transports terrestres. Ma proposition de loi, adoptée par le Sénat, concernait, elle, tous les services publics.

Au moins, vois-je dans ce projet de loi un pas positif.

Il faut prendre ce texte pour ce qu'il est : un texte cadre. En cela, il est satisfaisant. Il tend, tout d'abord, à créer un cadre de négociation pour que soit relancé le dialogue social et que soit évité l'usage abusif du droit de grève ; ensuite, à mettre en place un cadre propice à l'émergence d'un service minimum conventionnel.

Gageons que ce sera suffisant, et misons sur le dialogue social !

Enfin, c'est défendre nos services publics que de vouloir les mettre à l'abri d'incompréhensions de nos concitoyens, qui, à 71 %, réclament un minimum de service en cas de grève. Les usagers des services publics méritent ce minimum de respect et de considération !

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ...

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Alain Gournac. Mon cher collègue, la ceinture n'est pas obligatoire, pour l'instant, dans les trains !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

... j'aurais envie de dire simplement : « Enfin ! ».

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Enfin, un projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans le domaine des transports !

Enfin, un projet de loi qui, par son caractère équilibré, va permettre de garantir la continuité du service public sans porter atteinte au droit de grève.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Enfin, le Gouvernement passe à l'action, dans un domaine où a été largement respecté le temps de la réflexion et où a été laissé celui de la négociation aux entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Le rapport Mandelkern de 2004 en est d'ailleurs la pleine illustration, et ce n'est pas sans une certaine satisfaction que je signale le rôle précurseur du Sénat sur ce sujet.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports

Le Sénat est toujours un précurseur !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Ainsi, dès le mois de février 1999, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à prévenir les conflits collectifs du travail et à garantir le principe de continuité dans les services publics. Ce texte contenait déjà, je le rappelle, un dispositif complet visant à négocier, à renforcer le dialogue social, à améliorer la procédure de préavis obligatoire et à mieux connaître les conflits.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous nous proposez un texte adapté à la situation et à l'histoire des relations sociales de notre pays.

En effet, même si, statistiquement, les grèves dans les services publics sont de moins en moins nombreuses, elles sont de plus en plus mal ressenties par nos concitoyens.

À ce propos, je lisais tout à l'heure les résultats d'un sondage IFOP parus dans l'édition d'hier d'un grand journal.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Je l'ai délibérément cachée pour que vous ne puissiez pas le reconnaître, monsieur Fischer !

Selon ce sondage, 71 % des Français sont tout à fait favorables à l'instauration d'un service minimum.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Ils sont plutôt favorables à la qualité du service public !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Du reste, il est temps de modifier notre approche du sujet et de cesser d'appeler « usagers » ceux qui sont en réalité des « clients », qui paient leur voyage !

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous parlez comme un marchand de tapis ! Les transports sont subventionnés !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Ces clients, particuliers et entreprises, se sentent alors pris en otage pour des revendications qu'ils ne comprennent pas toujours et que les syndicats ont bien souvent du mal à expliquer.

La grève doit être l'ultime recours, la décision finale, quand toutes les voies ont été explorées et qu'aucun accord n'a pu être trouvé. La grève ne doit pas être l'élément déclencheur, le début d'un conflit.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Allons bon ! Comme si les salariés se mettaient en grève tous les jours, et par plaisir en plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Alain Gournac. À ce titre, nous ne pouvons donc que regretter que, trop souvent, comme je l'ai dit, la grève soit le moyen habituel de se faire entendre et la surenchère, le principal moteur d'un conflit.

Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Dans quel monde vivez-vous, monsieur Gournac ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Comme s'il y avait grève tous les jours et que nos concitoyens étaient systématiquement mécontents des transports !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Ce que je dis vous gène, mes chers collègues ! Tant mieux !

C'est un fait, l'immense majorité des Français se déclare favorable à l'instauration d'une garantie de service pendant la grève.

C'est un fait, les Français se sont exprimés : ils ont voté pour un candidat à la présidentielle qui leur a promis l'instauration d'un service minimum. Vous semblez l'avoir oublié !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Arrêtez votre numéro d'illusionniste, monsieur Gournac !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Il ne s'agit pas, contrairement à ce que certains veulent laisser croire, de restreindre le droit de grève.

La grève est et reste un droit fondamental, garanti par la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Ce projet de loi est une restriction du droit de grève !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Mais oui, prenez donc ma place à la tribune, je vous la laisse !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le président, M. Gournac ne cesse de nous provoquer !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Il s'agit de concilier le droit de grève et les principes constitutionnels suivants : la liberté d'aller et venir ; la liberté d'accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement ; la liberté du travail ; la liberté du commerce et de l'industrie.

À cet égard, monsieur le ministre, le texte que vous nous proposez permet de répondre parfaitement à cet objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Ainsi prévoit-il d'agir à un double niveau, non seulement en favorisant l'amélioration du dialogue social au sein de l'entreprise, ce qui est le meilleur moyen de faire de la grève un ultime recours en cas de conflit, mais aussi en assurant l'organisation du service en cas de grève ou de perturbation prévisible du trafic.

Je rappellerai d'ailleurs brièvement les principales dispositions soumises à notre approbation : la signature, avant le 1er janvier 2008, d'un accord de prévention des conflits, qui rend obligatoire l'enclenchement d'une négociation avant le dépôt de tout préavis de grève ; la possibilité de négociations par branche ; l'obligation, pour les personnels, de déclarer quarante-huit heures avant leur intention de suivre la grève, afin que puisse être organisé le service pendant la grève ou les perturbations prévisibles ; pour les jours de grève, la mise en oeuvre, par les autorités organisatrices de transport locales, d'un plan de transport adapté, afin de tenir compte au mieux des besoins de nos concitoyens ; le vote à bulletin secret au bout de huit jours de conflit, pour déterminer si le mouvement est suivi par une majorité de salariés ou non

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Accord de prévention des conflits, accord de prévisibilité, plan de transport adapté et plan d'information, voilà quatre outils qui permettront donc, d'une part, d'encourager le dialogue social en amont, et, d'autre part, d'améliorer la vie quotidienne des usagers en cas de perturbation de tout ordre.

Au final, parce qu'un service public, notamment dans les transports terrestres de voyageurs, est un service essentiel pour nos concitoyens, il est concevable que la grève y prenne un caractère particulier, sans que cela se fasse au détriment de la défense des droits des salariés.

Or, monsieur le ministre, c'est justement à ce point d'équilibre que se situe le texte que vous nous proposez, conformément aux engagements du Président de la République.

En conséquence, le groupe UMP apportera son entier soutien à une loi-cadre qui met l'accent sur la prévention des conflits, qui ne porte aucunement atteinte au droit de grève, qui offre une solution négociée et réaliste aux déplacements des Français lors des grèves, en garantissant aux usagers un « service réduit et prévisible ».

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais, pour terminer, revenir sur un problème évoqué par M. président de la commission spéciale et par Mme le rapporteur, que je tiens d'ailleurs à féliciter pour le remarquable travail réalisé, de surcroît dans une ambiance formidable.

Revenons donc à ce qui s'est passé la nuit dernière, car, de temps en temps, il est essentiel de s'en tenir à des faits précis : mon ami Josselin de Rohan pourrait vous le confirmer, il a fallu douze heures pour se rendre de la Bretagne à Paris.

Oui, un problème technique s'est posé, à savoir une caténaire endommagée.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Non, aucune information n'a été donnée aux passagers de tous ces TGV.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Non, personne ne leur a expliqué pourquoi les trains repartaient dans l'autre sens !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Bien sûr que non, madame ! Je ne vous parle plus du droit de grève, pour lequel, comme le parti communiste, j'ai le plus grand respect !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C'est la direction qui n'a donné aucune information !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

M. Robert Bret. Est-ce qu'une loi peut nous garantir que la foudre ne tombera pas ?

Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Alain Gournac. Bien sûr que non, encore une fois, mais garantir l'information des clients à l'intérieur des TGV, oui !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Ne rien dire, c'est ne pas respecter les clients ! Pour ma part, puisque nous parlons du service minimum dans les transports terrestres, j'estime que nous devons tenir compte du respect des passagers, qui en est une composante essentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Il faut donc absolument faire évoluer les relations entre les transporteurs, notamment la RATP et la SNCF, et les passagers, car ceux-ci méritent le respect.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Alain Gournac. Ils ont tout de même le droit d'être informés des éventuels incidents qui peuvent survenir, à l'image de cette caténaire qui a été touchée par un orage. Ainsi, ils seront en mesure de bien comprendre la situation !

Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Gournac, directeur de la communication à la SNCF !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le droit de grève est une expression pugnace de la liberté.

De plus, et au-delà de sa totale intégration dans les esprits, il est inscrit dans la Constitution.

Faire grève, c'est protester contre une absence de solidarité, considérer que les conditions de travail ou de salaire ne sont pas équitables dans le contexte économique général. Il est donc normal pour les grévistes d'agir, afin que ceux qui sont supposés être à l'origine d'une telle iniquité en subissent le contrecoup. Les responsables sont identifiés et les actions ciblées.

Pour autant, dans le cadre des services publics, particulièrement dans les transports, ce droit de grève a souvent été dénaturé.

Ce sont donc les usagers, beaucoup plus que l'entreprise, qui en subissent le préjudice : ils se retrouvent ainsi otages, acteurs involontaires d'une nouvelle version de la fable Le loup et l'agneau, que l'on pourrait paraphraser ainsi : « Si ce n'est pas toi qui es la cause de ce conflit, c'est toi qui dois en subir les conséquences. »

De façon récurrente, les grévistes des transports publics déclarent regretter les graves nuisances qu'ils font subir aux usagers, lesquels, soit les soutiennent, soit les vouent aux gémonies en trouvant honteux que des personnes qui ne sont pas à l'origine d'un conflit social soient les seules pénalisées.

M. Philippe Nogrix applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Le présent projet de loi relatif au dialogue social et à la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs a pour objectif de concilier ces points de vue très différents, d'abord par la prévention des grèves, et, ensuite, en cas de grève inévitable, par l'organisation d'un service minimum de transport. On pourrait y ajouter un autre objectif, tout aussi fondamental, celui d'éviter la perte de millions d'heures de travail pour notre économie et de préserver des secteurs fragiles.

Lorsque des intérêts s'opposent aussi fortement, le bon sens et la prise en considération de l'opinion de l'autre apparaissent comme les ingrédients indispensables pour rendre conciliable l'inconciliable. Ce projet de loi peut prétendre parvenir à cette fin, en mettant en avant le dialogue, qui permet aux grévistes d'exposer les raisons objectives du mouvement social, à l'entreprise de s'organiser et aux usagers de prendre leurs dispositions. On peut néanmoins, à juste titre, s'interroger sur un point : quelles solutions de remplacement s'offrent en fait aux usagers, vu le contexte quasi généralisé de monopole ?

Je voudrais souligner que, dans les zones rurbaines, les avancées prévues dans ce projet de loi permettront d'apporter une réponse encore plus indispensable, car, souvent, les solutions de substitution n'existent pas sur ces territoires.

Le premier volet de ce texte est la prévention des conflits, ce qui ne signifie pas la réduction du droit de grève : les dispositifs de prévention ont pour objectif de résoudre les conflits par la discussion et le compromis, avant le recours à la grève.

En 1998, on en était arrivé à l'absurdité d'une grève préventive à la RATP, au motif qu'il y aurait davantage de travail en raison de la Coupe du monde de football !

En Allemagne, en Autriche, au Danemark et chez d'autres voisins européens, le principe de la prévention des grèves a été établi depuis longtemps en prescrivant des négociations préalables.

Pendant que nos voisins essaient d'éviter les grèves en mettant en place un dialogue social permanent et des négociations régulières sur les conditions de travail, la France continue à surprendre les citoyens du monde entier par ses grèves imprévisibles, qui donnent une image très négative de notre pays. Le fait que les négociations aient toujours lieu après, et non avant le déclenchement des grèves, ne manque pas non plus de les interloquer.

Le deuxième volet du projet de loi organise et améliore la situation en cas de grève, en garantissant un service minimum aux utilisateurs. Il s'agit de trouver un compromis et de concilier le droit de grève, la liberté du travail, du commerce et de l'industrie, et le droit à l'accès aux services publics.

Pourquoi l'État doit-il fixer les règles d'organisation du droit de grève ?

Chaque citoyen revendique le droit d'accès aux services publics et le droit à l'information, qui doivent être assurés par l'État dans l'intérêt général. L'État ne peut laisser les grévistes et leurs employeurs s'affronter aux dépens des utilisateurs. Il revient donc à l'État d'assurer la continuité du service public, et d'inciter les entreprises et les syndicats à mettre en place un accord-cadre de prévisibilité du service.

La création d'un poste de médiateur serait souhaitable afin de maintenir le dialogue et d'éviter, autant que faire se peut, toute rupture. Jusqu'alors, une entreprise confrontée à la grève ne pouvait que faire le dos rond, en attendant que soit trouvée une solution à plus ou moins longue échéance. Aujourd'hui, les pénalités financières prévues en cas de mauvaise gestion du conflit incitent cette même entreprise à mettre en place des solutions palliatives et à considérer les usagers comme des clients.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Ainsi, l'obligation pour les grévistes d'informer l'employeur deux jours avant le début du mouvement social et le vote à bulletin secret au terme de huit jours de grève, qui sont deux points majeurs du projet de loi, permettent à l'entreprise de mettre en place des solutions tout en prenant en compte la volonté des salariés.

La déclaration de participation à une grève n'affecte pas le droit de grève dans sa substance ; quant à la déclaration préalable, elle assure la légitimité de ce droit.

Le délai de deux jours pour informer l'employeur du lancement d'un mouvement de grève est très raisonnable, car il est suffisant pour permettre à l'entreprise de s'organiser. De plus, si l'on compare ce délai au préavis minimum de dix jours qui prévaut en Italie ou en Espagne, et à celui d'un mois mis en place en Grande-Bretagne, sous un gouvernement travailliste, on ne peut considérer qu'il s'agit d'une « attaque sans précédent » du droit de grève, comme certains l'ont affirmé.

La déclaration de participation doit se faire non pas individuellement, mais sur une base commune, comme c'est le cas en Autriche, au Danemark ou en Allemagne, où la grève n'a lieu qu'après l'intervention de l'Urabstimmung, le vote des salariés adhérents aux syndicats. Dans ces pays, la grève n'est déclenchée que si 75 % des adhérents du syndicat, au moins, s'expriment en sa faveur. Les autres salariés sont invités, par solidarité, à suivre l'avis de la majorité. Cette façon de procéder renforce la puissance de négociation des grévistes en légitimant la grève par le nombre et ne fait pas dépendre celle-ci d'une minorité d'activistes.

C'est le syndicat qui, ensuite, communique sa décision aux employeurs et lance les négociations.

Une fois déclenchée, l'organisation de la grève est exclusivement gérée par la « direction de la grève », formée par le syndicat dirigeant les grévistes. Cette direction centralisée permet une action commune, rapide et efficace.

Il est toujours intéressant de connaître la façon dont les problèmes sont traités au-delà de nos frontières.

L'autre disposition sensible, car novatrice, du projet de loi concerne la consultation, au-delà de huit jours, sur la poursuite de la grève. Le vote à bulletin secret permet de garantir l'absence de pressions, d'où qu'elles puissent provenir, et devrait rassurer les syndicats.

Enfin, le salaire représentant la contrepartie de l'accomplissement d'un travail, le non-paiement des jours de grève constitue une mesure équitable vis-à-vis des salariés non grévistes.

Je regrette toutefois que le projet de loi ne concerne pas le secteur des transports aériens ou maritimes.

Ces mesures apaisantes et de bon sens, qui font converger les droits des travailleurs et ceux des usagers, conduiront la majorité des sénateurs du RDSE à voter ce texte.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui, après des années de débats passionnés et de promesses, l'examen d'un projet de loi instaurant la mise en oeuvre d'un service minimum dans les transports collectifs.

Je souhaite faire un rappel historique concernant la région d'Île-de-France, qui connaît en quelque sorte un régime d'exception.

Depuis un peu plus de cinquante ans, les gouvernements successifs, sans exception, ont eu pour seule obsession de maintenir la paix sociale dans le secteur des transports en Île-de-France, quelles qu'en soient les conséquences en termes de coût, d'organisation et d'efficacité pour les usagers ou les clients.

Il était ainsi de règle de nommer le préfet de région président du syndicat des transports parisiens, le STP, devenu par la suite le syndicat des transports parisiens et de la région d'Île-de-France, le STIF, afin qu'il dirige et organise les transports. Comme s'il n'avait que cela à faire !

L'État avait alors un rôle historique important qui se justifiait, d'une part, par un statut d'exception, lié à la situation de monopole dans le secteur des transports collectifs, et, d'autre part, par une obligation, celle d'assurer le financement de ce secteur.

Les Parisiens et, de façon générale, les Franciliens, ont subi les conséquences de cette situation. Je citerai à cet égard la compétition qui a opposé la SNCF et la RATP, au moment de l'ouverture de leurs lignes respectives Éole et Météor, avec pour résultat deux demi-projets.

Par ailleurs, lorsque le maire de Paris et les élus du conseil régional d'Île-de-France ont souhaité lancer le projet du tramway, la RATP a exprimé son opposition et posé comme condition la gestion par ses services de ce nouveau mode de transport. Quant aux représentants de la SNCF, ils auraient préféré la réouverture de la ligne de chemin de fer de la petite ceinture. Grâce à l'accord historique intervenu entre ces deux grandes entreprises nationales, une solution convenant aux usagers et aux clients a finalement été trouvée.

La libéralisation du secteur des transports intervenue au cours de la dernière décennie en Europe, en particulier dans notre pays, nous a obligés à aborder les problèmes de front, malgré les craintes et la frilosité manifestées par les sociétés de transport et les organisations syndicales. Ce secteur est, en effet, imprégné d'une très forte culture syndicale.

Cette libéralisation, qui s'est traduite par une évolution des statuts, a d'abord concerné, pour les transports maritimes, la CGM, la Compagnie générale maritime, puis, sous le gouvernement Villepin, la SNCM, la Société nationale maritime Corse-Méditerranée. Elle s'est ensuite étendue au secteur des transports aériens, avec Air France et Aéroports de Paris, établissement public de caractère international, voire régional, et, enfin, à nos infrastructures routières.

Mais le gros morceau de la libéralisation concernera le secteur ferroviaire, qui comprend deux grandes sociétés d'État, la SNCF et la RATP.

Je m'intéresserai plus particulièrement à la RATP, qui assure 75 % à 80 % des transports collectifs en région d'Île-de-France et présente quatre caractéristiques.

Premièrement, la RATP, établissement public, est une entreprise à caractère essentiellement régional, puisque 98 % de son activité s'exerce au sein de la région d'Île-de-France.

Deuxièmement, elle bénéficie d'un statut d'exception, qui n'a pas d'équivalent au sein des autres entreprises françaises de transport collectif, que ce soit à Orléans, Bordeaux, Marseille ou Lyon, puisqu'elle a un monopole

Troisièmement, c'est non pas la RATP mais le STIF, mis en place lors de la dernière réforme régionale, qui, en tant qu'autorité organisatrice, fixe en partie les tarifs des transports.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Quatrièmement, l'État, depuis qu'il a résolu le problème spécifique de la caisse de retraite, ne joue plus de rôle particulier en Île-de-France et les transports dans cette région ne lui coûtent pas plus cher qu'ailleurs.

La RATP est financée, pour un tiers, par les usagers, pour un tiers, par les entreprises franciliennes, et pour le dernier tiers, par les collectivités territoriales. Elle n'a pas un statut d'entreprise et connaît de façon récurrente des problèmes de financement portant sur son budget d'investissement et sur son patrimoine. Ce dernier, construit par les collectivités territoriales, lui est attribué uniquement en raison du monopole dont elle jouit.

L'avenir de la RATP est donc, en réalité, assez flou.

En tant que Parisiens, nous sommes très attachés à la RATP, qui fait partie de notre patrimoine et de notre culture, mais nous avons le sentiment que, malgré le coût et les efforts consentis pour obtenir la paix sociale, tout ne fonctionne pas aussi bien que l'on voudrait nous le faire croire.

Permettez-moi, messieurs les ministres, de vous raconter la vie quotidienne d'un Parisien au cours du mois qui vient de s'écouler.

En raison du succès du tramway, lancé par la région d'Île-de-France et le département, il a fallu faire passer la vitesse commerciale de ce moyen de transport de 16 à 18 kilomètres par heure, ce qui a eu pour conséquence le déclenchement d'un mouvement de grève.

Vous avez inauguré une semaine plus tard, monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, la station de métro Olympiades. L'ouverture de cette station a entraîné une nouvelle grève, conséquence de la mise à la disposition des clients de moyens supplémentaires.

Par ailleurs, le maire de Paris, constatant que la fréquentation des bus périclitait ou, tout au moins, n'augmentait pas depuis quelques années, vient de lancer, à six mois de l'échéance des élections municipales de 2008, un plan de relance et d'investissement d'un montant de 7 millions d'euros. Il a tout de même fallu cinq ans pour s'apercevoir que le réseau ne fonctionnait pas de façon satisfaisante !

Enfin, le président du conseil régional d'Île-de-France a constaté que l'interconnexion entre les réseaux RATP et SNCF à la station Châtelet entraînait une baisse de moitié du trafic à cet endroit, problème qui sera résolu en juillet 2008.

Est-ce cela, un système de transport moderne ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Pensez-vous vraiment, mes chers collègues, que le service public est assuré de façon satisfaisante ?

Je constate, en outre, que plus de la moitié des stations de métro sont dépourvues d'escalier mécanique et que le seul fait d'envisager la climatisation des bus ou du métro, qui existe pourtant dans d'autres capitales, semble presque surnaturel.

Sur le plan de la propreté, la situation est bonne, car des efforts ont été faits. Pour autant, tout n'est pas parfait. On pourrait faire encore mieux et prévoir un service maximum pour les Parisiens et les Franciliens !

Quelle drôle de notion, d'ailleurs, que celle de service minimum ! Nous voulons, quant à nous, instaurer un service maximum pour les clients du service public !

Nous allons déposer, avec quelques collègues, notamment des élus parisiens, une proposition de loi sur ce sujet. Mais, d'ores et déjà, je vous propose, mes chers collègues, ainsi qu'à l'ensemble des élus d'Île-de-France, d'envisager pour les cinquante prochaines années, non pas le maintien d'un système passéiste, mais une évolution de nos entreprise nationales de transport dans le sens d'une amélioration de la qualité, avec des objectifs chiffrés.

Il nous faut changer le statut de la RATP pour en faire une véritable entreprise et mettre fin au monopole ainsi qu'au statut d'exception. Nous devons faire en sorte que les réseaux de surface relèvent du droit commun, même s'il faut du temps pour améliorer le réseau souterrain.

Le service maximum signifie une offre diversifiée, la liberté de gestion pour l'autorité organisatrice, c'est-à-dire le conseil régional d'Île-de-France, et la possibilité de choisir des entreprises performantes afin d'offrir un service de qualité aux Parisiens et aux Franciliens. Ce sera l'objet de la proposition de loi que nous allons déposer.

Il est important que le Gouvernement, la région et les départements concernés puissent compter sur des entreprises performantes disposant de moyens financiers importants. Nous pourrions ainsi nous référer, afin de faire évoluer le statut de la RATP, au statut d'Aéroports de Paris.

En ce début de mandat du nouveau chef de l'État, dont nous savons qu'il s'intéresse à la région d'Île-de-France, nous devons dépasser le débat sur le service minimum et mettre en place le service maximum pour les Franciliens !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Monsieur le ministre, je vais sans doute vous surprendre, car je vais commencer mon propos par quelques félicitations : je trouve l'intitulé du projet de loi astucieux...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Cela commence bien !

Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ne vous arrêtez pas en si bon chemin !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Malheureusement, je crains que le projet de loi n'améliore ni l'un ni l'autre et n'ait pour seul objet de tenter de réduire l'exercice du droit de grève, vieux démon de la droite et du patronat.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous aviez si bien commencé...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

M. le président de la commission spéciale a d'ailleurs eu la franchise de lever tous les doutes qui pouvaient subsister à cet égard en envisageant une modification de notre Constitution.

Ainsi que ma collègue Annie David, je reviendrai sur ce sujet lors de la discussion de la motion que nous avons déposée, mais, comme il est d'usage, je me livrerai d'abord dans cette intervention à quelques remarques formelles et circonstanciées.

Au sein de la commission spéciale créée pour l'examen de ce texte, nous avons auditionné un certain nombre de personnalités impliquées dans ce dossier : représentants d'organisations syndicales, d'associations d'usagers, de collectivités territoriales ainsi que de sociétés de transport. Chaque partie auditionnée a eu droit à un entretien individuel, à l'exception des organisations syndicales de salariés, qui ont été auditionnées collectivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

C'est non pas le principe d'une audition en table ronde qui nous déplaît, monsieur le président de la commission, mais plutôt l'inégalité de traitement qu'elle démontre entre les différentes personnalités entendues.

Je n'irai pas plus avant sur ce thème, et loin de moi l'envie de polémiquer, mais, dans le cadre d'un texte intitulé « dialogue social », il me semble que cette manière de procéder donne une indication aux forces syndicales de la réelle conception qu'a la majorité du dialogue social...

Par ailleurs, notre nouveau président, Nicolas Sarkozy, n'a de cesse de se montrer sous le jour d'un démocrate accompli, respectant l'opposition en lui promettant notamment de renforcer ses pouvoirs, mais je remarque que cette session extraordinaire, dont l'ordre du jour est relativement chargé, ne donne pas de signe en ce sens. Tous les projets de loi sont des textes fondamentaux, qu'il s'agisse de la réforme de la justice, de celle des universités, du fameux « paquet » fiscal ou bien du service minimum.

Ces textes sont débattus en urgence et, par conséquent, ils ne feront l'objet que d'une seule lecture par les parlementaires. La commission mixte paritaire sur ce projet va même se dérouler le dernier jour de la session, le vendredi 3 août !

Cette manière de procéder n'est pas nouvelle : il n'y a donc aucune « rupture » dans la vision qu'a la majorité parlementaire de la représentation nationale, considérée comme une simple chambre d'enregistrement des projets gouvernementaux. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne peuvent que le déplorer.

Un traitement similaire est infligé aux forces sociales qui voudraient s'opposer aux projets présidentiels. Comment ne pas voir dans ce texte le moyen d'affaiblir l'action syndicale dans les transports ferroviaires au moment même où se prépare la réforme des régimes dits « spéciaux » ?

En effet, les grèves de 1995, largement soutenues par la population, avaient obligé le gouvernement d'alors à reculer sur son projet de réforme des retraites. Ce souvenir conduit donc le nouveau gouvernement à préparer le terrain pour que ce recul social soit possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

J'y viendrai !

Cette conception de la démocratie n'est pas la nôtre.

Sur le fond, un texte tentant d'imposer un service minimum est une idée de longue date. Jacques Chirac l'avait promis en 1995 et s'était vu contraint de reculer au regard du caractère peu acceptable, dans un État de droit, de cette atteinte au droit de grève, élément fondateur de toute démocratie.

En 2004, le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, avait commandé au Conseil d'État un rapport sur la faisabilité d'une telle réforme et sur ses modalités, rapport appelé « rapport Mandelkern », du nom de son auteur, qui lui fut remis le 21 juillet de cette même année.

La plupart des dispositions du texte dont nous avons à débattre aujourd'hui sont directement inspirées des recommandations de ce rapport, notamment les plus emblématiques, comme la déclaration préalable de grève ainsi que l'organisation d'une consultation à partir de huit jours de conflit. Il n'y a donc rien de nouveau dans ce texte.

Cependant, nous ne pouvons que regretter le caractère polémique et démagogique...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ben voyons !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

...de cette future loi, qui ne réglera rien sur le fond, que ce soit en faveur du dialogue social ou concernant la continuité du service public.

Tout d'abord, comment ne pas remarquer que la loi, acte unilatéral, tourne le dos à l'esprit même du dialogue social ? En effet, une loi ne peut pas suppléer au principe de conciliation, qui doit être la règle au sein d'une entreprise.

De plus, toutes les organisations syndicales sont aujourd'hui favorables au développement d'un réel dialogue. Ainsi, des accords ont pu être signés à la RATP puis à la SNCF pour améliorer la concertation avant le recours à la grève.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Et ailleurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Est-il utile, dès lors, de rendre contraignante la signature de tels accords alors même que l'intelligence des partenaires sociaux permet d'aboutir au même résultat par le dialogue ? Les amendements de la commission vont même obliger la SNCF et la RATP à signer de nouveaux accords. N'est-ce pas particulièrement contre-productif ?

Par ailleurs, si l'objectif est réellement de garantir la concertation avant toute grève, plutôt que d'allonger la période de concertation en instaurant une sorte de « préavis du préavis », il serait opportun de commencer par faire respecter les lois qui existent déjà, notamment celle du 19 octobre 1982, dans laquelle le principe de négociation pendant le préavis de grève est posé.

Pourtant, dans les faits, cette loi est peu respectée par les entreprises elles-mêmes. Or, dans ses amendements, la commission propose que la négociation préalable ne se fasse qu'avec les organisations syndicales ayant notifié leur intention de déposer un préavis : on peut légitiment s'interroger sur l'intérêt pour le dialogue social d'une telle mesure !

Concernant le « plan de transport adapté » et le « plan d'information des usagers » créés à l'article 4, les organisations syndicales sont simplement consultées, sans avoir la possibilité de faire des propositions alternatives sur ces plans, qui sont élaborés par la direction de l'entreprise et approuvés par les autorités organisatrices : curieuse vision du dialogue social !

Le principe de l'élaboration d'un « accord collectif de prévisibilité du service » applicable en cas de grève ou d'autres perturbations prévisibles du trafic est posé à l'article 5. Cet accord doit être le fruit des négociations entre l'entreprise et les organisations syndicales. Pourtant, il est immédiatement précisé que, si la négociation n'aboutit pas avant le 1er janvier 2008, l'accord sera conclu de manière unilatérale par la seule direction de l'entreprise ! Autant dire que cette disposition ne poussera pas franchement les directions des entreprises à négocier avec les syndicats et qu'elle tourne donc également le dos au principe de dialogue social.

Pour finir, comment ne pas se rendre compte que la prévisibilité du trafic en temps de grève repose principalement sur la relation de confiance entre les syndicats et l'entreprise ? Cette confiance est elle-même conditionnée par le respect des libertés syndicales.

À l'inverse, le mécanisme de déclaration individuelle stigmatise les grévistes et détériore largement les liens de confiance. Elle permet la constitution de fichiers, au moment même où la CNIL s'inquiète des très nombreuses dérives portant atteinte aux libertés des citoyens. Cette loi sera donc, de ce point de vue également, inefficace voire dangereuse.

En outre, les réformes proposées par ce texte ne sauraient cacher le besoin urgent de nouvelles dispositions en faveur d'une meilleure démocratie sociale que demandent, notamment, les syndicats.

De grandes réflexions sont à mener sur les questions de représentativité syndicale, sur la notion même d'accord majoritaire ainsi que sur la modernisation des droits des salariés. Faut-il vraiment souligner que les conflits sociaux sont souvent la conséquence du refus de prise en compte des revendications syndicales ?

Par ailleurs, un certain nombre de conflits dépassent le niveau de l'entreprise. L'obligation faite de négocier au sein même de l'entreprise ne vaut pas pour l'ensemble des conflits, notamment lorsque les revendications sont nationales. Ainsi, Anne-Marie Idrac soulignait, dans un entretien du 13 avril 2007 publié dans le journal Le Monde, que, pour l'année précédente, la moitié des jours de grève étaient imputables au CPE, le contrat première embauche.

Cette loi nourrit donc en elle-même les causes de son futur échec.

J'aborderai maintenant le sujet de la continuité du service public et des usagers.

Pour justifier ces nouvelles mesures, M. Sarkozy s'appuie sur l'exaspération des usagers, due aux conditions dans lesquelles ils sont transportés, et qui attendent un service public efficace. Dans ce sens, un sondage CSA de mars dernier fait le constat que les transports en commun arrivent en troisième position parmi les problèmes qu'il convient de résoudre en priorité. Mais pensez-vous réellement, monsieur le ministre, que la qualité de service pourra se trouver renforcée par cette loi alors que celle-ci ne traite que de la continuité du service public ?

Certes, un amendement de la commission spéciale tend à élargir le champ d'application de ce texte à des perturbations prévisibles trente-six heures auparavant, mais même avec cet élargissement, les principaux facteurs de discontinuité du service ne sont pas traités.

En effet, pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, le seul objectif digne d'intérêt est de garantir la continuité du service public des transports chaque jour de l'année, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

...car, malheureusement, vous avez raison, monsieur le président de la commission, pour un grand nombre d'usagers, le service minimum, c'est tous les jours qu'ils y sont confrontés !

La continuité des services publics de transport réside principalement dans la mise en oeuvre d'une politique des transports ambitieuse, en phase avec la satisfaction des besoins. Mais, pour cela, il faudrait avoir le courage politique de revenir sur le dogme de la libéralisation et accepter enfin l'idée d'un bilan sur les ravages de la déréglementation.

Nous « risquerions » alors de constater que la quasi-totalité des perturbations sont liées à des défaillances matérielles, aux insuffisances en moyens humains et financiers ainsi qu'en termes d'infrastructures, défaillances et insuffisances qui provoquent suppressions de services et de dessertes, retards, dégradation de la qualité et de la fiabilité.

Bref, la dégradation de la qualité du service public des transports est non pas la conséquence de grèves à répétition, mais bien le résultat mécanique de la politique de déréglementation et d'asservissement de ce service public aux règles du marché ainsi que du sous-investissement chronique, et cela alors même que la demande de transport ne cesse de croître.

En effet, la précarité explose dans les transports : l'intérim a progressé de 15 % en 2006 et la sous-traitance a enregistré une croissance de 56 % entre 2002 et 2007 dans les transports urbains et routiers de voyageurs ! Depuis 2002, 16 000 emplois ont été supprimés à la SNCF et 800 postes l'ont été à la RATP en quatre ans.

Le budget annuel des transports est en constante régression, les entreprises publiques que sont la SNCF et Réseau ferré de France sont totalement asphyxiées par la dette.

Ce sont ces choix politiques assumés par la majorité au pouvoir qui poussent les personnels à se mettre en grève. Le Gouvernement dispose donc là d'une vaste marge de manoeuvre pour réduire la conflictualité et garantir enfin la continuité du service public en réorientant sa politique des transports.

Pensez-vous réellement que les personnels des transports font grève pour sanctionner les usagers ou qu'une grève est une grande fête ? Bien sûr que non !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Mais qui a parlé de cela ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

M. Michel Billout. Lorsque les personnels des transports font grève, il s'agit, pour eux, de défendre le service public et l'intérêt général qu'ils ont mission de mettre en oeuvre.

Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Je rappellerai à cette occasion les propos, que pour une fois j'approuve, tenus lors des auditions de la commission par le sénateur Alain Gournac

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Ces agents sont effectivement fiers de l'utilité sociale de leur mission et du service public qu'ils rendent. J'ajouterai qu'ils sont également fiers de le défendre quand celui-ci est menacé.

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Je me permettrais donc de vous indiquer que le recours à la grève n'est jamais une partie de plaisir pour les personnels, que la grève s'accompagne de pertes de salaire importantes et de grandes souffrances pour les familles des grévistes.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, pousse la démagogie jusqu'au bout en insérant un article 9 qui prévoit le non-paiement des jours de grèves. Cette disposition existe déjà dans la loi de 1982...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

...dont j'ai fait mention précédemment, et les personnels de transport le savent mieux que personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Par ailleurs, vous pointez la grève comme étant la cause principale des perturbations rencontrées, dans les transports, par les usagers. Vous savez très bien que vous avez tort, monsieur le ministre ; les représentants d'associations d'usagers et d'autorités organisatrices de transport vous l'ont d'ailleurs tous dit.

Seules 6, 7 % des entreprises de transport ont connu une grève en 2005, contre 15, 3 % dans le secteur automobile, 10, 6% dans les activités financières et 22, 8 % dans les entreprises énergétiques.

Par contre, le nombre de perturbations liées aux faibles moyens du service public ne cesse d'augmenter. Elles représentent même, selon les syndicats, 98 % des causes de dysfonctionnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

En 2006, sur 6 043 incidents ayant donné lieu à des retards, seuls 140 étaient imputables à des mouvements sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

De l'avis même de leurs associations, ce projet de loi n'est donc pas la solution au mal-être des usagers, qui demandent la qualité et la fiabilité pour le service public au quotidien. Il est fondamentalement inutile pour garantir la continuité du service public et correspond simplement à une volonté d'affichage du Président de la République.

Comment ne pas reconnaître que les dispositions en faveur d'une meilleure prévisibilité et d'une meilleure information des usagers ne seront pas efficaces si elles sont mises en oeuvre uniquement en cas de grève ?

Il en est de même concernant le principe de remboursement des titres de transport posé à l'article 8, d'autant que le projet de loi fait peser cette obligation sur les autorités organisatrices.

Je remarque à cette occasion qu'il existe quelques incohérences dans cette soudaine volonté de légiférer sur l'exercice du droit des personnels dans l'entreprise. D'un côté, il faudrait libéraliser totalement l'économie et s'ouvrir au « tout contractuel » pour sa souplesse, par exemple pour le droit relatif au temps de travail, mais, de l'autre côté, l'État se devrait d'intervenir par voie législative pour que soient adoptées des mesures de régression sociale ou de réduction des libertés publiques, individuelles et collectives.

Concernant les transports, l'État se désengage de ce service public en le transférant aux régions depuis plusieurs années tout en refusant à ces collectivités les moyens de mettre en place une politique des transports digne de ce nom.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Nous l'avons encore constaté récemment en Île-de-France, comme notre collègue Philippe Dominati l'a souligné.

Ce texte se situe dans cette continuité puisqu'il propose que ce soit les autorités organisatrices des transports, autrement dit les collectivités territoriales, qui aient pour mission de définir les modalités du droit de grève au regard de besoins de services dits « essentiels ».

Autrement dit, le Gouvernement - ou, devrais-je dire, la présidence - souhaite impliquer les régions dans la mise en oeuvre du service minimum afin qu'elles en portent la responsabilité.

Ces mesures, qui peuvent paraître anodines, sont particulièrement graves. Si l'on donne compétence aux collectivités pour définir les services essentiels et les modalités du droit de grève, on ne peut que renforcer des inégalités de situation et de traitement des conflits.

Le droit de grève, droit constitutionnellement reconnu par le préambule de la Constitution de 1946, ne peut souffrir cette « balkanisation ».

En effet, il est précisé dans son septième alinéa que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». C'est donc au Parlement qu'il appartient de définir les modalités d'exercice, et non aux collectivités territoriales.

Par ailleurs, l'idée, posée à l'article 4 de ce texte, de services essentiels nous laisse particulièrement sceptiques, pour la simple et bonne raison qu'il s'agit là d'une notion profondément subjective, voire indéfinissable au regard de la grande interconnexion des réseaux de transport dans certaines grandes villes ou dans certaines régions.

Cette idée laisse également supposer qu'au sein d'un service public remplissant une mission d'intérêt général pourraient être différenciés les services essentiels des services inessentiels. Pour les sénateurs communistes républicains et citoyens, les besoins essentiels, ce sont tout simplement les besoins de service public !

Je remarquerai alors que les missions d'un service public national ne peuvent être définies que par le Parlement puisque, ce qui est en jeu, c'est la définition même de l'intérêt général.

À l'inverse, si l'on devait considérer que la définition des besoins essentiels relève de la compétence de la région, il apparaîtrait alors contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales d'autoriser le préfet à y suppléer.

Nous nous heurtons donc à une forte contradiction, qui rend cet article inapplicable.

Sur le fond, je ne me priverai pas de vous dire une nouvelle fois qu'aujourd'hui les besoins essentiels ne sont pas assurés. C'est l'ensemble du service public que le législateur doit garantir pour répondre à l'intérêt général et aux besoins des usagers. Je le répète, cette loi portant prétendument « sur le dialogue social et la continuité du service public » est inutile, voire néfaste.

Les sénateurs communistes républicains et citoyens estiment pour leur part que deux mesures seraient particulièrement nécessaires pour garantir la continuité du service public des transports et une meilleure démocratie sociale.

Il s'agit, d'une part, de donner un coup d'arrêt aux politiques de déréglementation du secteur des transports pour proposer enfin des investissements et la garantie d'un service de qualité sur l'ensemble du territoire national. C'est en s'attaquant aux causes des grèves que nous réduirons la conflictualité au sein des entreprises de transport, ce qui permettra de garantir la continuité du service public.

Il s'agit, d'autre part, de moderniser le dialogue social en donnant de nouveaux droits aux usagers et aux personnels.

Mais de cela il n'est nullement question dans votre texte !

Alors, nous sommes contraints de constater que, si elle est aussi inefficace qu'inutile, cette loi ne constituera qu'une nouvelle tentative pour restreindre le droit de grève, tentative que les sénateurs communistes républicains et citoyens ne peuvent cautionner.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Pierre Godefroy membre du Conseil supérieur de l'Établissement national des invalides de la marine.

Bravo ! et applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous reprenons la discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Yves Krattinger.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd'hui autour du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs n'est pas nouveau, loin s'en faut.

Vous m'autoriserez, en effet, à rappeler qu'au cours de la précédente législature deux projets de loi visant à renforcer le dialogue social nous ont été présentés, par M. François Fillon pour l'un, par M. Jean-Louis Borloo pour l'autre. Il est donc permis de s'interroger sur la pertinence du dépôt d'un nouveau texte sur le même sujet.

La loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, et celle du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, défendues et adoptées par la majorité parlementaire, se sont-elles vraiment révélées à la hauteur des enjeux et des objectifs qu'elles voulaient atteindre ? Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui ne serait-il pas la traduction du contraire ?

À l'instar de tous les membres de notre assemblée, je me réjouis de voir le dialogue social et l'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers des transports publics terrestres placés au coeur des préoccupations du Gouvernement.

J'ai eu moi-même de nombreuses occasions de réaffirmer mon attachement et celui des socialistes au principe de négociation préalable entre employeurs et salariés.

Je l'ai fait d'abord à l'ADF, l'Assemblée des départements de France, au sein de laquelle une réflexion avait été engagée à la suite de la remise, en 2004, du rapport Mandelkern au ministre des transports de l'époque, M. de Robien.

Je l'ai fait ensuite dans le cadre des travaux entrepris par la commission spéciale chargée d'examiner ce projet de loi, notamment lors de mon audition en qualité de membre de l'ADF.

À ce titre, j'approuve l'invitation ici lancée au législateur à prévenir plus efficacement les conflits sociaux dans les entreprises de transport terrestre en instaurant un dispositif de négociation collective obligatoire.

Le premier volet du projet de loi qui nous est présenté peut constituer un progrès. En effet, nous souscrivons à l'idée que le renforcement du dialogue social dans les entreprises de transport permettra, pour une part, d'éviter les grèves.

En faisant de la grève non plus un préalable à la négociation, mais l'ultime recours à son échec, la première partie du projet de loi pourrait être porteuse de progrès social, dans la mesure où elle inscrit les relations au sein de l'entreprise dans un cadre pacifié, propice au dialogue et à la médiation.

S'inspirant pour une large part des dispositifs de prévention des conflits mis en place à la RATP en 1996, puis à la SNCF en octobre 2004, ce texte entend renforcer et étendre à toutes les entreprises de transport les procédures dites « d'alarme sociale » et de « demande de concertation immédiate » expérimentées avec succès dans ces deux entreprises. Parce qu'ils imposent une négociation préalable avant tout dépôt de préavis de grève, ces dispositifs ont largement fait leurs preuves, cette dernière décennie, en matière de diminution du nombre de conflits sociaux. Il semble donc intéressant de les approfondir et d'essayer de les généraliser.

Cependant, si la solution semble adaptée, la méthode l'est moins, et ce au moins sur trois points cruciaux.

Le projet de loi pose le principe d'une négociation obligatoire dans les entreprises de transport public, négociation qui doit aboutir à la signature avant le 1er janvier 2008 d'un accord-cadre de prévention des conflits. Un décret en Conseil d'État interviendra après le 1er janvier 2008 pour traiter le cas des entreprises où les négociations collectives auront échoué.

Ma première remarque concerne le champ d'application de cette disposition, qui ne tient pas compte des spécificités propres à certains services de transport placés, par exemple, sous la responsabilité des départements.

Il s'agit là pour l'essentiel de transports scolaires et, dans une proportion bien moindre, de transports interurbains, lesquels, en milieu rural, relèvent essentiellement d'entreprises à taille réduite - au sein desquelles les conflits sont d'ailleurs extrêmement rares.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Nous verrons lorsqu'il faudra arbitrer, en cas de grève, entre les circuits spéciaux de transport que la réponse relève de la quadrature du cercle.

La gestion et l'organisation des services de transport départementaux s'effectuent essentiellement par le biais de conventions de délégation de service public, et il n'appartient pas aux élus locaux de s'immiscer dans les conditions d'organisation du dialogue social au sein de l'entreprise.

À titre d'exemple, mon département, la Haute-Saône, a signé plus de 80 contrats de transport avec 35 entreprises différentes : permettez-moi d'afficher un certain scepticisme quant à la possibilité de conclure un accord d'entreprise dans chacune d'elles, et ce d'autant plus que le délai proposé est impossible à respecter !

Seule la conclusion d'accords de branche majoritaires permettra l'éventuelle application du projet de loi aux petites entreprises. Il serait en effet regrettable, et probablement préjudiciable, d'instaurer dans l'exercice du dialogue social une inégalité de fait selon que les salariés habitent telle région ou tel département et travaillent au sein de telle ou telle entreprise.

Pour ces motifs, monsieur le ministre, nous réclamons une modification de l'article 2 du projet de loi, de façon que des accords de branche soient négociés préalablement aux accords d'entreprise et que ceux-ci ne puissent prendre le pas sur ceux-là que dans la mesure où ils seraient plus favorables aux salariés.

Quant à l'échéance prévue par le projet de loi pour la signature des accords-cadres, la date initiale, fixée au 1er janvier 2008, est déraisonnablement proche compte tenu de la complexité de la procédure et de l'importance qui devra être accordée à la consultation des différentes parties prenantes dans l'élaboration de l'accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de perturbation du trafic. Une prorogation d'un an du délai fixé dans cet article offrirait une sérénité plus grande à toutes les parties chargées de négocier.

Soyons réalistes ! Comment imaginer que la totalité de la procédure soit accomplie sérieusement dans toutes les entreprises et dans toutes les agglomérations, tous les départements et toutes les régions, en quatre mois, de septembre à décembre ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Nous disposons de cinq mois !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

En ce bref laps de temps, les autorités organisatrices de transport, les AOT, devraient ainsi définir les dessertes prioritaires, après consultation des représentants des usagers, et approuver un plan de transport adapté préparé par les entreprises ainsi qu'un plan d'information des usagers. J'ajoute que l'intermodalité et la complexité des montages entre collectivités rendront les choses encore plus difficiles à mettre en oeuvre.

Avec un délai aussi court, la procédure de consultation a toutes les chances d'être réduite au plus strict minimum. C'est pourquoi nous demandons le report de cette date butoir au 1er janvier 2009.

Permettez-nous d'ailleurs, monsieur le ministre, de vous interroger sur les motivations d'une telle précipitation.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vingt ans, c'est ce que vous appelez de la précipitation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Doit-on observer une corrélation entre la date butoir, fixée au 1er janvier prochain, et certaines échéances politiques ou sociales de l'année 2008 ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Pourquoi ? Seriez-vous inquiets ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

M. Yves Krattinger. Nous y décelons, pour notre part, le risque que le pouvoir réglementaire n'ait finalement la mainmise sur un dispositif qui se veut officiellement contractuel et, ainsi, ne lui enlève toute signification, voire toute crédibilité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

M. Yves Krattinger. Dans l'hypothèse où les amendements que nous avons déposés aux articles 2 et 3 du projet de loi seraient pris en compte, le premier volet de ce texte pourrait recueillir notre approbation.

Exclamations sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

J'en viens maintenant aux défauts majeurs du titre III du projet de loi qui nous est soumis.

Il est permis, monsieur le ministre, de s'interroger sur les méthodes que vous préconisez. Que penser en effet d'un texte qui, dans sa première partie, prône une démarche contractuelle - je viens de la saluer -, mais qui, dans un second temps, brandit avec obstination, pour ne pas parler de provocation, un éventail de restrictions et de sanctions disciplinaires à l'encontre des salariés grévistes et de leurs organisations représentatives ? À quoi bon faire l'éloge du dialogue social pour ensuite, au mépris des règles nationales et internationales, brider les droits des salariés ? Pourquoi ne pas conforter les progrès accomplis par les organisations syndicales représentatives en matière de dialogue, lesquels méritent d'être salués et, surtout, encouragés ?

Aussi, nous ne pouvons en aucun cas souscrire aux dispositions que renferme le titre III, dont la recevabilité et l'applicabilité paraissent inenvisageables au regard de l'atteinte portée aux droits fondamentaux des salariés ainsi qu'au principe constitutionnel de libre administration des collectivités.

Certes, il apparaît important de garantir un service public de transport réduit en cas de grève ou de perturbation prévisible du trafic, de manière à répondre aux besoins prioritaires de la population.

Permettez-moi toutefois, monsieur le ministre, de souligner la difficulté de la tâche et l'étendue des responsabilités que ce projet de loi impose aux autorités organisatrices de transport.

L'article 4 prévoit dans son premier paragraphe la définition par les AOT de dessertes prioritaires pour permettre les déplacements quotidiens de la population. Il leur appartiendrait donc d'estimer ce que sont localement les besoins essentiels de la population et les dessertes qui doivent y être associées, ainsi que de définir les conditions dans lesquelles celles-ci seront assurées, en particulier à quelle fréquence et selon quelles plages horaires. Ces dispositions obligeraient les AOT à prendre des décisions lourdes de conséquences, et ce dans un délai irréaliste.

J'ajoute que la définition par ces collectivités locales des besoins essentiels de la population menace l'égalité des salariés devant le droit de grève et l'égal accès des citoyens aux transports.

Monsieur le ministre, permettez-moi encore de m'interroger sur les motivations du paragraphe IV de l'article 4, qui place ces collectivités sous la menace d'une « mise en demeure » et d'une intervention de la part du préfet « en cas de carence de l'autorité organisatrice de transport », sans que le projet de loi, hélas ! nous apporte une quelconque précision sur ce qu'il faut entendre par là. Il s'agit d'une mesure attentatoire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités, qui ne sauraient connaître dans les tâches qui leur incombent une quelconque tutelle d'un représentant de l'État.

Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Monsieur le ministre, le titre III du projet de loi que vous venez de présenter fait peser une grave menace sur l'exercice du droit de grève, pourtant érigé au rang de principe constitutionnel depuis 1946.

Sous prétexte d'un « plan de prévisibilité » interne à l'entreprise, l'article 5 oblige les salariés à informer leur employeur de leur intention de participer à la grève quarante-huit heures à l'avance, sous peine de sanctions disciplinaires.

D'un point de vue juridique, ces dispositions sont irrecevables. Elles sont, en effet, contraires aux règles de droit, en l'occurrence aux articles L. 521-1 et L. 122-45 du code du travail, et à la jurisprudence de la Cour de cassation depuis l'arrêt Air France du 20 novembre 2003.

Faut-il le rappeler dans cette assemblée, l'exercice du droit de grève revêt un caractère individuel et, dans le cadre d'un préavis régulièrement déposé par une organisation syndicale, le salarié peut se déclarer gréviste à tout moment. Il peut se déterminer la veille de la journée de mobilisation, le jour même ou à tout moment du conflit, et ce dans un sens ou dans l'autre. Car, mes chers collègues, le salarié peut décider aussi bien de participer au mouvement que de mettre un terme à sa participation.

L'article 5 nous semble, pour tout dire, dangereux, car nous craignons que le dispositif proposé ne se traduise par l'exercice de pressions à l'encontre des salariés, en particulier dans les petites entreprises.

Nous voulons souligner aussi, monsieur le ministre, le manque de cohérence d'un texte dont les dispositions majeures, qui font l'objet de la communication gouvernementale, se trouvent en totale contradiction avec l'objectif affiché, puisqu'il s'agit, nous dit-on, de mettre en place un dispositif de « négociation collective et de dialogue social » !

De même, en imposant une consultation des salariés sur la poursuite de la grève au-delà de huit jours de mobilisation - une telle durée n'est tout de même pas courante -, l'article 6 vise à soumettre l'exercice individuel du droit de grève à une décision collective. Cette disposition va opposer les salariés entre eux, grévistes contre non grévistes. Elle va instaurer un climat de tension délétère entre les salariés d'une même entreprise, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

climat contraire au développement du dialogue social que nous appelons tous de nos voeux. Elle aurait pu, sous cette forme, être évitée, j'y insiste.

Ce projet de loi revêt donc un défaut majeur : le contenu de son titre III, qui balaie à lui seul les efforts consentis par l'ensemble des parties à la négociation prévue dans le titre II.

Nous déplorons la volonté affichée dans une partie de ce texte de briser toute forme de mobilisation sociale, alors même que les organisations représentatives ont rompu, et vous le savez, monsieur le ministre, avec la « culture du conflit » et qu'elles optent de plus en plus - sinon presque toujours - pour la voie de la négociation collective.

L'article 9 de ce projet de loi témoigne lui aussi de la volonté du Gouvernement de diffuser un message politique aux syndicats, aux salariés et à l'opinion publique. En réaffirmant le non-paiement des jours de grève, déjà prévu par le code du travail, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

...le Gouvernement veut accréditer dans l'opinion publique l'idée que certains salariés grévistes sont rémunérés pour faire grève, ce qui est faux, vous le savez !

Monsieur le ministre, ce projet de loi aurait pu être un texte de rassemblement.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Cela ne tient qu'à vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Malheureusement, il est beaucoup trop porteur de divisions : divisions entre les salariés au sein d'une entreprise, divisions entre les collectivités, divisions entre les Français, que vous opposez les uns aux autres.

Ce texte se montre beaucoup trop « briseur de grèves ». Il dénature l'objectif officiel d'un renforcement du dialogue social au sein des entreprises. Les grèves ne représentent aujourd'hui qu'une part de plus en plus marginale des désagréments subis par les usagers des transports, de l'ordre de 3 %.

De surcroît, parmi les grèves, le projet de loi ne traite ni des mots d'ordre confédéraux non liés aux conditions de travail ou de rémunération dans l'entreprise, ni des grèves dites « émotionnelles », qui sont aujourd'hui de loin, de très loin les plus nombreuses et que personne aujourd'hui ne sait arrêter.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Que proposez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Ce projet de loi n'aborde pas le problème fondamental de la dégradation du service public offert aux usagers des transports due, par exemple, au vieillissement du réseau ferré, à la mauvaise qualité de certains matériels, aux multiples incidents qui perturbent le trafic.

L'accent est mis sur la communication politique plus que sur le traitement des problèmes de fond. La deuxième partie de ce texte est en pratique difficilement exploitable et socialement dangereuse.

Monsieur le ministre, vous savez très bien que les salariés ne font jamais grève par caprice ou par plaisir

Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Ne craignez-vous pas qu'en cherchant à limiter un droit dont les salariés se servent finalement assez peu, et même de moins en moins, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

... vous ne leur donniez envie de s'en servir davantage ?

Demain comme hier - nous le savons tous ici - si les salariés des transports ou d'autres services publics ou de toute entreprise veulent faire grève, ils le feront !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'instauration d'un service minimum dans les transports publics constitue une revendication déjà très ancienne des clients des entreprises concernées qui furent souvent, au cours des vingt dernières années, victimes de grèves à répétition désorganisant totalement le service public des transports, notamment en Île-de-France, mais aussi très souvent dans les autres régions.

Les doléances répétées de nos concitoyens ne laissèrent pas indifférents députés et sénateurs, puisque de nombreuses propositions de loi furent déposées sur les bureaux des deux assemblées visant à instaurer un service minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics, notamment dans les transports.

L'une d'entre elles, déposée en juin 1998 sur l'initiative du groupe de l'Union centriste du Sénat, donna lieu à un rapport particulièrement circonstancié de notre ancien collègue Claude Huriet. Ce rapport fut adopté en séance publique mais, comme malheureusement trop souvent, la proposition de loi ne fut jamais inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, ce qui nous fit perdre près de dix précieuses années !

La lecture de la première phrase de l'exposé des motifs de cette proposition de loi est très révélatrice : « La succession de grèves dans les services publics, notamment de transports, pose une fois encore le problème de l'aménagement des conditions d'exercice du droit de grève et induit l'impérieuse nécessité d'instaurer un service minimum, afin d'éviter que les usagers » - pour ma part, je préfère moi aussi parler de « clients » -...

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

... « ne soient constamment pris en otage ». Pour prendre le train de temps à autre, je sais ce qu'une grève veut dire pour les voyageurs.

Tout est dit dans cette citation et rien n'a véritablement changé depuis cette époque.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Cette situation est, selon tous les analystes, très spécifique à notre pays : le nombre de conflits sociaux en France est l'un des plus élevés d'Europe ; le nombre de journées de travail perdues liées à des actions syndicales est également l'un des plus élevés d'Europe ; le nombre de conflits sociaux est presque deux fois plus élevé dans le secteur public que dans le secteur privé, c'est-à-dire là où la continuité du service devrait, en principe, constituer une exigence prioritaire.

Autre spécificité typiquement française : le caractère paralysant des grèves dans les transports publics, notamment à la SNCF.

Cette situation est très préjudiciable aux clients de cette entreprise, ce qui explique au demeurant que 80 % des Français soient favorables à l'instauration d'un service minimum dans les services publics, quelles que soient leurs opinions politiques par ailleurs.

Comment pourrait-il en être autrement quand on sait le lourd préjudice qu'ils subissent lorsque leur moyen de transport n'est pas au rendez-vous pour se rendre à leur travail ou pour s'en retourner chez eux, lorsque des retards répétés mettent en péril la pérennité de leur emploi dans leur entreprise, pénalisent les jeunes dans leurs études mais aussi et surtout les salariés les plus modestes ou les plus démunis, dont les moyens ne leur permettent pas de trouver de solutions de transport alternatives, à supposer d'ailleurs qu'elles existent ?

Mais cette situation est également préjudiciable aux entreprises, qui sont directement victimes de ces conflits sociaux à répétition, notamment la SNCF, dont les comptes n'ont jamais été florissants, mais aussi, même si l'on y fait plus rarement référence, aux entreprises dont l'activité est ralentie, interrompue, voire totalement paralysée par ces grèves, alors qu'elles sont totalement étrangères à ces conflits sociaux.

L'État est lui aussi perdant, car il n'est plus en mesure d'assurer la continuité du service public lorsque les grèves paralysent l'activité du pays.

Que dire enfin de l'image de désordre que nous donnons de notre pays à l'étranger §ce genre de conflit étant souvent totalement inconnu chez nos voisins européens. J'insiste sur cet aspect du problème car, pour vivre près d'une frontière, je sais ce que cela veut dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Il est vrai que la plupart de nos voisins soit disposent d'un droit de grève strictement encadré, soit ont instauré un service minimum avec, en règle générale, un bilan très satisfaisant.

Ainsi, en Allemagne, pays où le droit de grève n'est pas reconnu aux fonctionnaires, et ce en contrepartie de la garantie de l'emploi, le système en vigueur rend très difficile le déclenchement de conflits collectifs du travail.

Le droit de grève est réduit dans le secteur public en Autriche et au Danemark.

Aux Pays-Bas, les conventions collectives contiennent souvent une clause selon laquelle les syndicats s'engagent à renoncer à organiser des actions collectives pendant la durée d'application desdites conventions.

Des conditions de grève strictes et un important pouvoir de réquisition sont en vigueur en Grande-Bretagne. Un « service maximum » existe aux États-Unis ainsi qu'au Japon, où les fonctionnaires n'ont pas le droit de grève et où les agents du secteur privé assumant une mission de service public jouissent d'un droit de grève dans des conditions très limitées.

En Suisse, les grèves dans le secteur public sont quasiment inexistantes.

Au Canada, le service minimum s'applique aux services publics considérés comme essentiels et, dans l'État du Québec, un dispositif d'indemnisation des usagers a également été prévu en cas de grève considérée comme illégale.

En Italie, le service minimum connaît un champ d'application très large, puisqu'il s'applique à tous les « services publics essentiels » et est garanti par une autorité indépendante.

L'Espagne a, de son côté, adopté un système de service minimum à la fois très souple et malgré tout efficace.

Le Portugal a mis en vigueur un régime évitant le blocage des services publics, mais dont l'efficacité est perfectible.

En Grèce, le droit de grève est reconnu sous réserve de l'application d'un service minimum élargi.

En Suède et en Finlande, le service minimum est déterminé par les conventions collectives.

En Belgique - je parle en voisin -, si le service minimum est limité au secteur privé, le déclenchement de grèves dans le secteur public est peu fréquent et, lorsqu'il se produit, donne lieu à la mise en oeuvre, par les commissions paritaires de ces entreprises, de prestations minimales suffisantes à la fois pour les usagers, pour les entreprises et pour l'administration.

S'agissant enfin du Grand-Duché de Luxembourg, pays de « la grève minimum », ...

Debut de section - Permalien
Un sénateur socialiste

Paradis fiscal !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

... le phénomène de la grève y est pratiquement inconnu de telle sorte que la problématique d'un service minimum ne s'est jusqu'ici jamais posée.

Pour ce qui concerne notre pays, quelle solution convient-il de mettre en oeuvre afin de pouvoir assurer un service minimum - enfin ! - ou un service garanti aux clients des entreprises publiques de transport ?

On peut s'en remettre entièrement aux partenaires sociaux pour déterminer les conditions permettant d'assurer le service garanti, mais, en cas de désaccord, les clients de ces entreprises continueraient, comme auparavant, à être les victimes des mouvements sociaux.

Il convient donc de définir un cadre législatif instaurant de manière explicite un service garanti.

C'est précisément l'objet du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, et je remercie M. le Président de la République et le Gouvernement de nous en donner la primeur et, surtout, de tenir parole.

Tout le monde parle du service minimum depuis vingt ans ou trente ans. Ce gouvernement va effectivement le mettre en oeuvre...

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

... et je le félicite pour son courage. Toutefois, j'aurais personnellement aimé que ce projet de loi aille au-delà du service des transports.

Il s'agit là d'une loi-cadre qui semble privilégier la concertation entre les partenaires sociaux, afin de parvenir, d'ici au 1er janvier 2008, à la mise en place d'un service garanti dans les transports, en cas de grève.

Je soutiens la démarche du Gouvernement, car j'estime que le dialogue social est plus que nécessaire dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Toutefois, ce texte semble, a priori, en retrait par rapport aux engagements qu'avait pris le Président de la République au cours de la campagne électorale, puisqu'il était question alors de « permettre aux Français qui souhaitent se rendre à leur travail de pouvoir le faire puis de rentrer chez eux en faisant en sorte qu'un service minimum soit mis en place dans les transports d'une durée de trois heures le matin et autant le soir ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

En effet, si les entreprises concernées sont tenues d'organiser un service garanti, elles ne pourront compter que sur les salariés non grévistes dans la mesure où la réquisition de personnels grévistes n'est pas autorisée. Si le mouvement de grève est particulièrement bien suivi, le service garanti ne sera donc que théorique, voire inopérant, et les clients de ces entreprises pourraient se retrouver dans une situation aussi dramatique que par le passé.

Je souhaite donc que les débats qui s'ouvrent aujourd'hui au sein de la Haute Assemblée, et qui se poursuivront à l'Assemblée nationale, permettent de corriger le texte qui nous est présenté afin de mieux répondre aux engagements qui avaient été pris et aux aspirations des clients des entreprises de transport. Ces derniers en ont assez d'être régulièrement pris en otages à l'occasion de grèves dont le seul but est, en règle générale, de défendre les intérêts de telle ou telle catégorie de personnel au détriment de l'intérêt général et au mépris du service public.

C'est avec cet espoir que nous soutenons, monsieur le ministre, votre projet de loi.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, madame le rapporteur, mes chers collègues, le service minimum dans les transports publics est l'un des serpents de mer de la vie politique française.

Il revient régulièrement dans le débat public à l'occasion de grandes grèves qui paralysent la vie du pays, d'une région ou d'une agglomération. Il fournit un thème de campagne et même de promesse pour les jours d'élections. Il hante le quotidien des innombrables habitants des grandes villes, ces travailleurs pendulaires qui passent des heures, chaque jour, dans les transports collectifs et qui doivent subir, outre les grèves officielles et les arrêts de travail spontanés et locaux, les pannes de matériels souvent obsolètes ou les incidents divers dus notamment aux agressions.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Car les transports collectifs sont porteurs de mythologies puissantes qui ont souvent servi à structurer les mouvements sociaux et syndicats - pensons à la place des chemins de fer, de leurs ateliers, dépôts et gares dans l'histoire du parti communiste - ; même les délinquants de banlieue font des autobus ou des rames de RER leur territoire ou leur lieu privilégié de prédation.

Seul l'usager, qui prend ces moyens de transport contraint et forcé, les considère tels qu'ils sont : des moyens de transport dans lesquels il passe une grande partie de sa vie - la moins intéressante, d'ailleurs -, soit des heures, des jours, des années retranchées de sa vie familiale ou professionnelle.

Le droit à des transports collectifs normaux, c'est-à-dire propres, non saturés, ponctuels et fonctionnant régulièrement, doit-il enfin être reconnu comme un droit fondamental, au même titre que le droit au travail ou le droit de grève ? C'est l'un des enjeux du débat qui nous réunit.

D'un point de vue pratique, le droit au fonctionnement régulier des transports collectifs ne concerne pas que le droit de grève. La limitation de celui-ci pour assurer un service continu, tel que cela existe dans tous les pays développés, à l'exception de la France, n'en est qu'un aspect. Car tout aussi importante est la nécessité d'avoir des transports de qualité, qui ne tombent pas en panne chaque jour comme les « petits gris », ces trains de banlieue vieux d'un demi-siècle qui sont toujours en service et que nous sommes encore nombreux à prendre chaque matin pour rejoindre la gare du Nord.

Encore plus vitale est la nécessité d'assurer la sécurité dans les transports, non seulement celle des conducteurs et des contrôleurs de transport public, mais aussi celle des usagers, qui, eux, ne peuvent pas se mettre en grève en cas d'agression.

Réglementer le service minimum n'est donc qu'un aspect - d'importance variable, d'ailleurs, selon les années et la courbe des mouvements sociaux, y compris ceux qui n'ont rien à voir avec les transports, tel le mouvement contre le CPE, par exemple -...

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

... ce n'est donc qu'un aspect du droit à des services publics de transport dignes de ce nom, mais c'est un aspect important, car il soulève des questions de principe.

Les principes posés par le service minimum sont tout simplement des principes de nature constitutionnelle.

La Constitution de 1946, puis celle de 1958, a reconnu le droit de grève, affirmant que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Ce droit est donc un droit relatif, et relatif deux fois.

D'abord, parce que la loi réglemente son exercice ; ensuite, parce que son usage doit se concilier avec le respect d'autres principes : celui du droit au travail, celui de la liberté d'aller et venir, celui de la continuité du service public et celui de la liberté d'accès aux services publics fondamentaux.

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Depuis 1979, le Conseil constitutionnel a constamment réaffirmé cet équilibre. Il est donc normal, et même nécessaire, que le législateur remplisse son office, en fixant les règles d'utilisation du droit de grève et en définissant, au cas par cas, le point d'équilibre entre ces différents principes fondamentaux.

Pour ce faire, il n'est pas nécessaire, monsieur le président de la commission spéciale, de modifier la Constitution. Le Conseil constitutionnel a clairement interprété ce principe, en affirmant à plusieurs reprises, et la première fois en 1979, que le législateur peut aller jusqu'à limiter, dans certaines circonstances, le droit de grève lorsque la continuité d'un service public essentiel à la population l'exige. Simplement, c'est au législateur de le déterminer ; et le législateur, c'est nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Dans tous les pays européens démocratiques, la loi ou les accords collectifs ont déterminé quels services publics étaient essentiels à la population et ont fixé, pour ces services publics, les limites au droit de grève, afin d'assurer la continuité du service.

Dans ces États, où les syndicats sont puissants, mais responsables, personne ne conteste que le droit de grève n'a pas pour objectif direct ou indirect de bloquer le fonctionnement d'un pays, d'une région ou d'une ville. Il constitue une arme ultime, et n'est pas un moyen habituel de traiter les conflits.

Il est donc souhaitable qu'une loi réglemente enfin le fonctionnement régulier des services publics. Comment en serait-il autrement alors que la balkanisation syndicale, notamment dans ce secteur où l'idéologie le dispute au corporatisme le plus étroit, rend impossible la négociation d'accords collectifs durables et respectés, faisant ainsi de l'intervention du législateur une nécessité ?

Qu'apporte de vraiment nouveau ce projet de loi en la matière ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Si je m'en remets à la lecture du texte et à celle de l'excellent rapport de notre collègue Catherine Procaccia, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

... ce texte est de portée limitée, car il ne concerne que les transports collectifs terrestres.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Il vise à instaurer une procédure de prévisibilité des conflits et de négociation de leur gestion, qui permet à l'entreprise d'organiser son fonctionnement en cas de grève.

Les dispositifs prévus permettent plusieurs avancées.

D'abord, le texte impose l'idée selon laquelle le service public des transports doit être organisé en permanence pour fonctionner régulièrement et que c'est la responsabilité de l'entreprise et de la collectivité publique - État, collectivité territoriale - d'y veiller en prévoyant les procédures nécessaires.

Ensuite, le texte met les syndicats face à leurs responsabilités dans les négociations et les procédures de conflit.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Enfin, il permet aux non-grévistes de participer activement au fonctionnement du service public.

Ces dispositions permettent d'encadrer les procédures de négociation collective et d'inciter les acteurs à prévenir sérieusement les conflits. Cependant, vous me permettrez de penser, monsieur le ministre, que la philosophie de ce texte repose sur un optimisme que l'état des relations sociales dans notre pays ne justifie pas toujours.

Que se passera-t-il si les accords collectifs prévus à l'article 2 du projet de loi ne répondent pas à toutes les conditions fixées ? Que se passera-t-il si le référendum prévu à l'article 6 n'est pas respecté par ceux qui refuseraient la reprise du travail ? Que se passera-t-il si l'entreprise ne réunit pas un nombre de travailleurs suffisant pour assurer un service minimum, notamment aux heures de pointe ?

À ces questions le projet de loi ne répond pas de façon claire et nette. Avec d'autres collègues, je souhaite donc l'enrichir pour ne pas le laisser au stade de « service minimum législatif ». Ainsi, il ne serait pas inutile d'écrire clairement qu'une astreinte de service public est de toute façon obligatoire aux heures de pointe, de prévoir que le représentant de l'État a les moyens de se substituer à l'autorité organisatrice de transport en cas de carence de celle-ci, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

... et de garantir que le vote majoritaire des travailleurs en cas de référendum sera intégralement respecté.

Le service minimum dans les transports collectifs devrait être en vigueur depuis longtemps. C'est la moindre des choses que nous devons aux travailleurs qui, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Les travailleurs, vous ne les connaissez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

... chaque jour, et notamment les plus humbles d'entre eux, n'ont pas d'autre choix que d'emprunter les moyens de transport collectifs. C'est la simple mise à niveau de la France par rapport à ses voisins. C'est le respect des engagements présidentiels de 2002, avant même de parler de ceux de 2007.

Monsieur le ministre, le Gouvernement n'a pas hésité à aller jusqu'au bout de ses engagements envers les contribuables. Il serait souhaitable que sa détermination soit égale envers les usagers du service public.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Il me semble que c'est exactement le sens de mon action !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

M. Hugues Portelli. Le Président de la République l'a promis. Aidons-le à aller jusqu'au bout de ses promesses !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le président de la commission spéciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Monsieur le président, avant que vous ne suspendiez la séance, je précise que la commission spéciale va maintenant se réunir pour procéder à l'examen de l'ensemble des amendements déposés sur le présent texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.