Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici parvenus à la deuxième lecture du projet de loi « pour l'égalité des droits et l'égalité des chances des personnes en situation de handicap » ; telle est en effet pour moi la bonne formulation, madame la secrétaire d'Etat.
Ce texte a suscité un immense espoir au sein de cette partie de la population à laquelle nous devons apporter compréhension, attention et soutien. Hélas ! il n'est ni à la hauteur des ambitions affichées par le Président de la République en la matière ni tout à fait conforme à l'exposé des motifs du projet de loi .
Nous avons eu au Sénat, en première lecture, un débat sérieux, approfondi et de qualité. Le projet de loi qui nous revient de l'Assemblée nationale ne comporte aucune avancée majeure ; il a, de surcroît, perdu de sa lisibilité, de sa cohérence à la suite de travaux sans doute inspirés par de bonnes intentions mais confus et mal arbitrés.
C'est donc au Sénat, mes chers collègues, qu'il appartient, selon une tradition ancienne, de répondre aux attentes que ce sujet a suscitées bien au-delà de la population directement concernée.
Améliorer le texte : tel est notre objectif. Toutefois, cela ne serait pas suffisant si, simultanément, madame la secrétaire d'Etat, un nouvel effort financier n'était pas décidé.
En effet, la situation actuelle des établissements du secteur médico-social est critique. Dans l'Hérault, la très grande majorité des associations gestionnaires ont dû recourir au contentieux devant les tribunaux. « En vain », répond votre administration, madame la secrétaire d'Etat, puisque la DDASS se targue de ne pas déférer aux décisions du juge et multiplie les procédures de retardement. Comment avoir confiance dans la parole du Gouvernement, alors que les représentants de l'Etat sur place n'ont pas les moyens - je ne les soupçonne évidemment pas de faire preuve de mauvaise volonté - de répondre aux besoins des personnes en situation de handicap accueillies dans ces établissements ?
La crise de confiance des acteurs de terrain, et pas seulement dans le Languedoc, porte atteinte à la crédibilité même du débat au Parlement.
Il n'empêche, je veux revenir au texte de loi et tenter de l'améliorer avec vous, mes chers collègues, de façon substantielle, car le sujet en vaut la peine.
Lors de mon intervention en première lecture, j'avais attiré l'attention du Gouvernement sur les nombreuses difficultés que rencontrent dans leur vie quotidienne les personnes en situation de handicap et auxquelles ce texte apporte des réponses insuffisantes. J'en énumèrerai quelques- unes.
L'accès aux bâtiments publics est presque toujours déficient, tout comme celui aux transports. Les collectivités territoriales, comme l'ensemble des acteurs économiques, ont leur part d'effort à accomplir.
Sur ce point, la position de l'Assemblée nationale s'est voulue ambitieuse, mais, ai-je envie d'ajouter, selon quel calendrier et avec quels financements ?
Il faut se méfier des positions de principe qui demeurent inappliquées dans l'indifférence générale. Nous avons sur ce point à préciser ce qui est possible et ce qui doit d'urgence être fait.
Par ailleurs, l'insertion professionnelle doit être facilitée par une véritable révolution des mentalités dans les secteurs privés et surtout publics.
Or le chemin sera long et je m'interroge : quelle sera l'évolution de l'AGEFIPH, association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, évolution qui, dit-on de source autorisée, est d'ailleurs déjà engagée ? Cette association doit sortir de son isolement, impliquer les élus locaux, informer l'opinion publique. Nous attendons de sa part une mutation et je sais que sa direction et ses personnels partagent ce sentiment.
De même, l'impression d'improvisation qui a prévalu à la naissance des maisons départementales des personnes en situation de handicap demeure. S'agit-il d'un simple habillage des structures existantes, notamment des COTOREP, les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel ? Comment se fera la jonction des différents acteurs, Etat et départements, tout particulièrement ?
Vous venez de reprendre, madame la secrétaire d'Etat, et nous en sommes heureux, la proposition initiale du Sénat : donner à ces maisons départementales un statut de groupement d'intérêt public. Mais un GIP, c'est une structure complexe qu'il faudra à chaque fois inventer et nous ne sommes pas, de ce point de vue, au bout du compte.
Enfin, les conditions de la décentralisation dans le domaine médico-social restent floues et, sur le plan du financement, elles inquiètent, à juste titre, le Sénat. Qui paiera et jusqu'où, de l'Etat ou du département ?
Mesurons les conséquences d'un financement local, s'il n'est pas régulièrement soumis à une forme de péréquation nationale. L'inégalité de ressources entre les territoires et la plus ou moins forte sensibilisation des élus pourraient aboutir à des situations d'injustice que nous ne saurions supporter. Or, je ne vois pas les garde-fous nécessaires dans le texte qui nous est proposé.
Sur tous ces points, je ne suis pas satisfait des dispositions prévues dans le projet tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale.
Je ne suis pas rassuré par vos déclarations à cette tribune, madame la secrétaire d'Etat, même si je salue comme une avancée très positive la suppression de la barrière d'âge pour prestation de compensation.
Mais le décalage est encore grand. C'est pourquoi, au cours du débat, je m'efforcerai avec vous d'améliorer ce texte sur trois points essentiels.
D'abord, s'agissant de l'évaluation individuelle du handicap, beaucoup reste à faire.
Ensuite, il faut réfléchir à la mise en place d'un revenu minimum d'existence, cumulable et indépendant des ressources des conjoints, concubins ou pacsés. Je déposerai une série d'amendements sur ce thème, car il faut distinguer le revenu minimum d'existence ou le revenu spécifique pour handicap d'une prestation sociale. Telle est du moins ma philosophie et sur ce point, je le dis tout net, je ne transigerai pas.
Enfin, le maintien de la prestation de compensation individualisée semble acquis, et c'est une bonne chose. Pourquoi ne pas asseoir cette prestation sur un fonds de compensation, qui reste à créer ?
En conclusion, mon vote sera déterminé essentiellement par la réponse que fera le Gouvernement concernant le montant et les modalités des ressources financières qui seront allouées aux personnes en situation de handicap grave, j'insiste sur ces deux derniers termes.
L'objectif d'atteindre par étapes le niveau du SMIC pour celles qui ne peuvent travailler n'est pas seulement d'ordre symbolique. Ce revenu est le seuil en deçà duquel un citoyen ou une citoyenne ne peut vivre dignement de façon autonome. Refuser ce geste serait lourd de conséquences pour un gouvernement qui, à la demande du Président de la République, affirme vouloir faire franchir une étape décisive au statut des personnes en situation de handicap.
Il est des sujets sur lesquels aucun dirigeant politique, aucun parlementaire, ne peut se payer de mots. Le sujet que nous traitons est de ceux-là !