Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à ce moment du débat, il est intéressant de souligner que, à l'échelon européen, toute politique en direction des personnes en situation de handicap est dominée par la notion de l'égalité des chances, s'appuyant sur la Déclaration des droits des personnes handicapées de 1975 et sur la résolution des Nations unies de 1993.
A l'occasion de l'année européenne du handicap en 2003, la Commission européenne a rappelé que « la valeur fondamentale de l'égalité constitue l'essence du mouvement fondé sur les droits des personnes handicapées ».
La déclaration de Madrid, en mars 2002, a proposé une approche fondée sur la lutte contre la discrimination. Il s'agit de reconnaître explicitement leurs droits aux personnes handicapées, d'assurer leur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle ainsi que leur participation à la vie sociale, culturelle et économique.
En toute logique, de telles orientations internationales auraient dû aboutir à la proposition de grandes mesures dans ce projet de loi. Or, les associations regroupant les personnes handicapées et leurs familles nous ont fait part de leur déception devant le manque d'ambition de ce texte.
Un tel projet aurait dû relever tout autant d'un principe fondamental de notre République, à savoir l'égalité des droits, que d'un devoir moral absolu de solidarité.
Tout d'abord, permettez-moi de rendre hommage à toutes ces associations qui se battent pour faire reconnaître les droits légitimes de ces personnes.
Malgré leurs divergences, toutes s'accordent pour reconnaître le manque d'audace de ce projet et dénoncer l'absence de véritables moyens financiers.
Les six millions de personnes en situation de handicap ont pourtant largement dépassé le stade de la compassion ou de la complaisance !
Arrêtons-nous un instant sur les trois points essentiels.
L'éducation et la scolarité nous semblent être la priorité des priorités.
Les personnes en situation de handicap ne seront intégrées que si elles ont accès à tout, en premier lieu à l'école. En effet, la scolarisation des enfants en situation de handicap doit être au coeur des conditions d'accueil et d'accessibilité.
Afin que l'obligation de l'éducation nationale d'accueillir tous les enfants, de préférence en milieu scolaire ordinaire, devienne une réalité, il est nécessaire de disposer d'un nombre suffisant d'auxiliaires de vie scolaire et d'enseignants formés à l'accueil de ces enfants dans leur classe.
La formation des maîtres, de même que des mesures d'accompagnement, sont aussi le corollaire nécessaire de cette scolarisation.
Pour que l'intégration en milieu scolaire ordinaire ait un sens, elle doit s'effectuer dans l'établissement le plus proche du domicile, faute de quoi nos beaux principes resteront lettre morte.
Il faudrait également mettre davantage de passerelles entre le milieu scolaire ordinaire et les institutions éducatives à caractère médico-social. D'ailleurs, une telle démarche favorise l'épanouissement de l'enfant handicapé et profite aussi à l'ensemble de la classe.
Ne pensez-vous pas, à ce sujet, qu'il serait urgent de revoir le système des contrats d'intégration dont on connaît aujourd'hui les limites ?
Le deuxième point est l'insertion socio-économique, avec la question indissociable de l'accessibilité.
Toutes les personnes en situation de handicap le disent : la revalorisation des allocations est une nécessité si l'on veut avoir les moyens de mener une vie décente.
Nous prenons acte, madame la secrétaire d'Etat, de votre engagement en faveur de la suppression des conditions d'âge pour réaffirmer la compensation des dépenses liées au handicap. En effet, ce principe du droit à la compensation est une priorité. Non conditionnée, elle lui confère un caractère universel.
Néanmoins, ce projet ne permet pas de restaurer la dignité ni d'assurer la participation à la vie sociale des personnes en situation de handicap vivant dans la pauvreté ou la dépendance. D'ailleurs, comment cela serait-il possible avec des revenus inférieurs au SMIC ?
Le respect de la dignité a pour corollaire le libre choix dans un projet individuel de vie. Or l'absence d'autonomie financière ne permettra jamais de réaliser un tel choix, notamment pour les plus pauvres, qui resteront les plus marginalisés.
C'est la raison pour laquelle nos amendements visent à accroître les accompagnements financiers complémentaires. Nous devons exiger un minimum de revenus d'existence universels permettant un plein accès à l'autonomie et un recul de l'exclusion.
Une volonté politique doit aussi s'exprimer dans l'engagement financier.
Si le projet impose une obligation d'accessibilité plus stricte pour les constructions neuves et les bâtiments recevant du public, les possibilités de dérogations pour motifs techniques ou économiques laissent à penser que l'accessibilité finira par devenir facultative.
Or ce principe d'accessibilité relève du principe de l'égalité des droits et des chances, qui est au coeur de notre République.
Certes, le texte renforce la responsabilité de l'Etat et des collectivités territoriales en matière d'insertion. Néanmoins, il n'est pas conforme à la directive européenne relative à l'emploi et il demeure insuffisamment coercitif.
Pourquoi le fait de ne pas prévoir d'aménagements raisonnables du poste de travail en fonction des besoins concrets de la personne n'est-il pas considéré comme une discrimination indirecte ?
La mise en place d'un guichet unique constitue une avancée dont nous prenons acte, car il est vrai que la multiplicité des interlocuteurs représente un véritable parcours du combattant. Cependant, il est à craindre qu'une seule équipe pluridisciplinaire par département ne soit insuffisante pour évaluer l'ensemble des besoins.
A l'heure de la justice de proximité, pourquoi ne pas prévoir un « guichet unique » de proximité dans chaque grande ville du département ?
J'en viens maintenant à la citoyenneté et à la participation à la vie sociale.
Garantir l'autonomie des personnes en situation de handicap, c'est leur donner toutes les chances de participer à notre société et d'y exercer pleinement leur citoyenneté.
C'est aussi leur reconnaître le droit d'être, comme nous, les acteurs de leur propre destin.
Notre conception de la citoyenneté nous engage à donner aux personnes en situation de handicap toute leur place au coeur de la cité, afin qu'elles jouissent des droits fondamentaux, se soumettent aux devoirs qui s'imposent à tous et participent à l'élaboration des choix publics. Trop souvent, cette participation civique se borne aux conditions d'accès à la médiation et à l'information.
Cette exigence suppose des bureaux de vote accessibles et des documents électoraux en braille.
Cependant, tout cela a évidemment un coût !
Pouvez-vous nous expliquer avec quels moyens s'appliquera cette loi puisque nous n'avons aucune précision sur les financements ?
Pouvez-vous nous dire quand elle sera effective puisque nous n'en connaissons ni le calendrier ni l'échéance ?
Comment entendez-vous la faire respecter puisque non seulement aucune sanction n'est prévue mais, pis encore, des dérogations sont déjà envisagées pour la mise en oeuvre des conditions d'accessibilité ?
Quoique ce projet de loi ait suscité de nombreux espoirs, il ressemble aujourd'hui davantage à une série de dispositions relevant du bricolage.
Toutes les associations s'entendent pour dire que ce texte manque d'ambition, qu'il n'est pas à la hauteur de l'enjeu. En tout cas, il n'est pas la réforme radicale que tout le monde espérait pour traiter cette question des handicaps.