Intervention de Marcel Vidal

Réunion du 19 octobre 2004 à 16h10
Droits des personnes handicapées — Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Marcel VidalMarcel Vidal :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi dont le Sénat est saisi en deuxième lecture est important à plus d'un titre pour les élus que nous sommes.

Tout d'abord, nous savons combien une amélioration législative en faveur des personnes handicapées de notre pays était nécessaire par rapport à la précédente législation de 1975.

En effet, chacun d'entre nous, par ses différentes implications locales au sein de sa commune et de son département, est tenu régulièrement informé par les associations de défense des handicapés des difficultés quotidiennes rencontrées par ces derniers.

Je tiens pour cette raison à saluer le travail d'accompagnement permanent des personnes handicapées qui est accompli par ces associations bénévoles et non bénévoles, travail nécessaire pour pallier le manque de solidarité, financière souvent et morale parfois, de l'Etat et des collectivités.

Dans nos départements, notamment dans celui de l'Hérault, nous avons particulièrement apprécié leur initiative visant à organiser des visites au domicile de personnes handicapées. Ces rencontres et ces échanges ont été non seulement instructifs mais aussi, bien souvent, émouvants. Cette expérience de terrain doit guider, me semble-t-il, les décisions politiques qu'il nous incombe de prendre aujourd'hui.

Si la volonté de réformer le système légal instauré il y a trente ans est louable, puisqu'elle entend corriger les imperfections de la loi actuellement en vigueur, les nombreuses dérogations au principe de non- discrimination posé dans le projet de loi et la réalité des moyens de financement de ces mesures nous font douter des avancées concrètes de ce texte.

Le principe général de non- discrimination sur lequel repose le projet de loi suppose par définition que la collectivité nationale remplisse ses obligations morales et matérielles afin de garantir une véritable égalité des chances et des droits aux personnes handicapées.

Or la situation de handicap, par la rupture d'égalité des chances qu'elle induit, par les surcoûts qu'elle génère et par les difficultés, voire l'impossibilité de travailler rencontrées par les personnes handicapées, nécessite la mise en place d'un dispositif permettant l'accès à l'autonomie et à une réelle participation sociale.

Cette rupture d'égalité inhérente aux conditions physiques doit être atténuée par la solidarité de l'Etat, par une politique de protection sociale capable de prendre en charge intégralement cette rupture selon les besoins individuels de chaque personne handicapée.

Or ce projet de loi a été vivement critiqué depuis son adoption en conseil des ministres, en janvier dernier, à cause de son manque d'ambition et du fait que, sur le fond, il ne s'avère pas susceptible de changer de manière fondamentale la vie des personnes en situation de handicap et, par là même, de leur conférer une véritable citoyenneté.

Pourtant, les circonstances politiques semblaient réunies, au niveau tant national - la lutte contre la discrimination liée au handicap est présentée comme l'un des trois chantiers du quinquennat du Président de la République - qu'européen, l'année 2003 ayant été décrétée Année européenne du handicap.

Certes, les amendements adoptés par le Parlement ont permis d'apporter un certain nombre d'améliorations au texte initial, mais les motifs d'insatisfaction des personnes concernées par rapport à leurs besoins et à leurs attentes, au premier rang desquels figurent les ressources financières, sont encore trop nombreux.

En ce qui concerne le droit à compensation, élément majeur du projet de loi, quelles garanties existent, dans le projet de loi ou dans les perspectives budgétaires du Gouvernement, qu'un financement suffisant sera affecté dans les prochaines années à la mise en oeuvre des propositions adoptées ?

De plus, l'organisation de ce nouveau dispositif, notamment la création de maisons départementales et d'équipes pluridisciplinaires d'évaluation, n'est pas définie dans le texte. Tout en constatant une évolution dans un sens favorable, à la suite des premières lectures effectuées respectivement par le Sénat et l'Assemblée nationale, il s'avère que les modalités de financement de ce droit à compensation demeurent incertaines.

Dans quelle mesure peut-on affirmer dès aujourd'hui que le financement, fondé sur la suppression d'un jour férié, suffira à couvrir l'ensemble des frais impliqués par l'application de ce nouveau droit à compensation ?

Le texte énumère également une série de mesures simplifiant les démarches administratives des personnes handicapées et de leurs familles par la création des futures maisons départementales des personnes handicapées, qui seraient gérées par les conseils généraux. Il prévoit en outre de faciliter l'intégration scolaire et professionnelle, ainsi que l'accessibilité aux bâtiments publics ou privés et aux transports.

Or le financement de ces maisons départementales reste suspendu à la future loi de décentralisation, caractérisée par des incertitudes de même nature puisqu'un transfert de charges est prévisible.

A propos de l'accessibilité aux bâtiments, immeubles et logements, quelle que soit leur nature juridique, les nombreuses dérogations prévues ne risquent-elles pas de réduire considérablement les conditions d'application pratique du texte ?

Quant à l'intégration scolaire, étant donné les coupes budgétaires répétées dans le budget de l'éducation nationale, ce droit effectif à la scolarisation pourra-t-il véritablement s'exercer sur le terrain ?

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