Intervention de Nicolas About

Réunion du 19 octobre 2004 à 16h10
Droits des personnes handicapées — Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Nicolas AboutNicolas About, président de la commission des affaires sociales :

Je vous remercie aussi de votre présence.

Alors que nous abordons la deuxième lecture du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, j'aimerais rappeler devant vous les deux grands principes qui ont animé depuis plusieurs mois l'action et les travaux de la commission des affaires sociales que je préside, ainsi que mon engagement personnel sur ce texte ; je veux parler de l'égalité et de la participation.

Son intitulé porte tout d'abord sur « l'égalité des droits et des chances » des personnes handicapées. Que peut donc signifier l'égalité au regard des injustices de la nature ou des aléas de la vie dans la répartition souvent révoltante des maladies, des handicaps ou des déficiences ?

Impuissants devant l'irréparable ou l'inéluctable, nous n'avons qu'une seule force, nous n'avons qu'une seule arme, nous n'avons qu'un seul devoir : la solidarité nationale.

Le premier principe, c'est donc l'égalité.

L'égalité, c'est le droit pour chacun d'entre nous - que nous soyons handicapés ou pas, valides en sursis ou malades qui s'ignorent - de voir un jour nos déficiences compensées, quel que soit leur degré de gravité.

L'égalité, c'est de pouvoir conserver la plénitude de nos droits de citoyen quoi qu'il nous arrive : le droit de circuler, le droit de travailler, le droit d'étudier, le droit d'aller à l'école de son quartier, le droit de choisir librement son mode de vie, le droit de vivre auprès ou à proximité de sa famille et de maintenir des liens avec elle, le droit d'être soigné, de communiquer, d'avoir des loisirs, mais aussi, et surtout, le droit d'être consulté et le droit de voter.

La compensation des déficiences par la solidarité nationale, c'est le droit pour chacun d'entre nous de ne pas être contraint d'aller un jour devant un tribunal en vue d'obtenir de la justice une réparation symbolique ou matérielle pour le préjudice d'être né handicapé ou d'avoir eu un enfant handicapé.

La compensation par la solidarité nationale, c'est la prise en charge intégrale des surcoûts générés par la déficience, tant il est vrai que, en définitive, ce sont ces surcoûts qui créent l'inégalité.

Les personnes handicapées ne souhaitent pas qu'on les assiste pour tout et partout. C'est une question de dignité. Ce qu'elles souhaitent, c'est une égalité de traitement. Ainsi, si un transporteur n'est pas en mesure de rendre immédiatement accessibles un bus, une rame ou un wagon, il faut l'obliger à mettre en place un transport de substitution adapté et dont le tarif sera équivalent à celui qui est pratiqué pour tous les autres usagers.

Selon ce même principe d'équité, je défendrai tout à l'heure un amendement visant à prévoir des baisses de tarif significatives pour les accompagnateurs des personnes à mobilité réduite lorsque leur déficience ne leur permet pas de voyager seules. Là encore, elles n'ont pas à supporter ces surcoûts : soit on baisse les tarifs pour les accompagnateurs, soit on prévoit la compensation de ces surcoûts.

Il en va de même pour le transport scolaire. Lorsqu'un établissement scolaire ne sera pas suffisamment aménagé pour accueillir un enfant handicapé, la collectivité territoriale compétente devra assumer la charge intégrale des transports vers l'établissement plus éloigné où l'enfant doit se rendre, l'objectif étant, bien entendu, de contraindre ladite collectivité à effectuer les aménagements nécessaires qui, croyez-le, finiront avec le temps par être moins coûteux que les transports mis en place.

Au-delà des surcoûts matériels générés par la déficience, il y a aussi le surcoût affectif. Je défendrai un amendement visant à doubler le congé maternité, le congé parental d'éducation et la période d'activité à temps partiel pour permettre aux parents d'assumer la naissance de leur enfant handicapé.

C'est aussi une obligation de lutter contre toute forme de discrimination, contre la maltraitance au quotidien, en établissement ou non, dans le monde du travail, que ce soit en milieu protégé ou ordinaire.

Tout cela exige, madame la secrétaire d'Etat, de mettre en place, auprès du Premier ministre, un véritable défenseur des personnes handicapées. Cette création, pour l'instant différée en raison des oppositions qu'elle suscite, me paraît nécessaire. En effet, le but est non d'essayer de faire face à des difficultés administratives - qui relèvent du médiateur - mais d'apporter un soutien politique à ces êtres les plus fragiles trop souvent abusés.

Le deuxième principe, c'est celui de la participation.

On ne peut examiner un projet de loi traitant dans son intitulé et ses développements de « citoyenneté » des personnes handicapées sans aborder la question de leur participation aux décisions les concernant et de la représentativité des associations chargées de les défendre.

Pendant tout le parcours de cette loi depuis un an, je me suis efforcé de suivre comme ligne directrice l'idée que rien ne devait se faire désormais pour les personnes handicapées sans les personnes handicapées. A quoi servirait-il, en effet, d'écrire le texte d'une pièce de théâtre dont les acteurs principaux seraient priés de rester au fond de la salle comme de simples spectateurs de leur propre destin ?

C'est l'action qui m'a guidé lorsque, en première lecture au Sénat, j'ai fait adopter deux amendements fixant à un quart minimum des membres les représentants des personnes handicapées et de leurs familles au sein des commissions des droits et de l'autonomie, celles-là même qui décideront de l'orientation des enfants, des adolescents et des adultes handicapés, ainsi que du financement de leur projet de vie.

C'est l'action qui m'a guidé lorsque j'ai défendu l'idée de rétablir le droit de vote pour 600 000 de nos concitoyens majeurs placés sous tutelle.

C'est toujours cette volonté qui m'habite lorsque je réaffirme la priorité donnée à la personne handicapée pour définir elle-même son projet de vie. C'est à elle, ou éventuellement à son représentant, et à personne d'autre, d'établir son projet de vie.

C'est aussi dans cette lignée que je défendrai dans les prochains jours trois principaux amendements.

D'abord, il me paraît fondamental d'inclure au sein des équipes pluridisciplinaires qui évalueront les besoins de la personne handicapée à son domicile une personne handicapée, si possible confrontée à un handicap similaire à celui de la personne évaluée, et, surtout, qui dispose d'une expérience personnelle de la vie autonome à domicile.

Pourquoi cette proposition ? Parce que j'ai l'intime conviction qu'il n'y a pas de plus grand expert du handicap que celui qui le vit au quotidien.

Les pays pionniers en matière de vie autonome - comme la Suède - l'ont bien compris puisque, là-bas, les centres ressources qui informent, conseillent, organisent la vie indépendante sur tout le territoire sont composés en majorité de personnes handicapées qui sont d'ailleurs salariées et qui transmettent leur expérience de la vie autonome. On parle dans ces pays de « pair-émulation ».

Le deuxième amendement que je défendrai porte sur l'amélioration des conditions du droit de vote J'emprunterai mes exemples au rapport Fardeau. Vous le savez, notre pays détient sans doute le record, en termes de pourcentage par rapport à la population totale en âge de voter, du nombre d'adultes privés de leurs droits civiques du fait de leur situation de majeurs protégés sous tutelle ou : 2 % de la population sont écartés des différents votes.

Je pense qu'à l'instar de la Grande-Bretagne, de l'Irlande et de l'Italie, nous devons faire avancer considérablement la possibilité, pour les personnes handicapées sous tutelle ou sous curatelle, de voter.

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