Intervention de Claude Bérit-Débat

Réunion du 27 avril 2011 à 14h30
Organisation du championnat d'europe de football de l'uefa en 2016 — Discussion d'une proposition de loi en procédure accélérée

Photo de Claude Bérit-DébatClaude Bérit-Débat :

Il faut donc prendre le temps de mesurer les conséquences de ces montages financiers et vérifier leur soutenabilité à long terme. Les risques pour les collectivités sont en effet nombreux. Ces dernières supporteront au final plus de 30 % du coût des stades, soit près de 540 millions d’euros, alors que l’État ne débloquera que 158 millions d’euros, dont 38 millions d’euros seront directement prélevés sur le budget du CNDS.

Je regrette, d’ailleurs, comme le président du CNOSF, le Comité national olympique et sportif français, que le sport amateur soit sollicité de nouveau pour financer le sport professionnel le plus riche. L’article 1er de la proposition de loi est, de ce point de vue, caricatural du désengagement de l’État. Il dispose que les stades construits sous le régime du bail emphytéotique administratif pourront bénéficier des mêmes subventions, redevances et participations financières que les ouvrages construits en maîtrise d’ouvrage publique. Cela va à l’encontre même du principe du bail emphytéotique administratif. Si cet article est adopté, les investisseurs privés auront accès à l’argent public pour financer les projets dont ils ont normalement la charge. Si les coûts sont partagés, les bénéfices le seront-ils également ? D’ailleurs, des bénéfices seront-ils dégagés ?

Pour assurer la rentabilité des investissements, le texte insiste sur l’idée de multifonctionnalité des sites. En clair, pour rentabiliser les stades de football, il faudra organiser des concerts. Il aurait peut-être fallu penser à cela au préalable, comme l’a fait remarquer mon collègue Jean-Jacques Lozach.

En tout état de cause, c’est bien la taille des enceintes qui seront construites et l’attractivité sportive du club résident qui font courir un risque aux collectivités. On le constate au Portugal où des stades construits pour l’Euro sont des gouffres financiers et sont désespérément vides. Cela devrait faire réfléchir, d’autant que la taille minimale des stades concernés par l’Euro 2016 est de 30 000 places, contenance très élevée pour certaines villes de France. Le jeu en vaut-il la chandelle ?

D’une manière générale, nous nous interrogeons sur la politique sportive du Gouvernement et sur son ambition pour promouvoir le sport en général. A-t-on besoin de stades de football trop grands quand la France, championne d’Europe, championne du monde et championne olympique de handball, est incapable d’organiser un tournoi majeur dans cette discipline, faute de salles ? L’Euro est, certes, un événement sportif international, d’ampleur mondiale. Au-delà des retombées pour les villes hôtes, il constituera surtout une vitrine médiatique pour l’ensemble du pays. Si l’Euro est bon pour la France, l’État doit donc prendre toute sa part, comme il le faisait jusque-là, dans l’organisation de cette manifestation sportive.

Dans un contexte économique difficile, alors que les dépenses des collectivités sont de plus en plus contraintes, c’est à l’État d’assumer ses responsabilités. Le présent texte, voté dans la précipitation – nos collègues du groupe CRC-SPG l’ont excellemment indiqué –, vise pourtant à organiser le désengagement de l’État. C’est un choix discutable tant sur le fond que sur la forme.

En réalité, l’attrait de l’Euro sert à occulter les grands enjeux en termes d’aménagement du territoire et de financement des infrastructures publiques. C’est pour cette raison que, comme mes collègues socialistes, sans état d’âme, je ne voterai pas le texte qui nous est soumis.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion