L’objet de l’article 1er, c’est de faciliter l’octroi d’aides publiques pour les baux emphytéotiques administratifs par un système dérogatoire portant sur des BEA qui constituent eux-mêmes, par nature, une dérogation au principe d’inaliénabilité du domaine public.
Vous voulez déroger à une dérogation par un arrangement juridique qui place en position de force les acteurs privés, le BEA étant pourtant censé respecter une règle stricte d’équilibre financier entre les partenaires.
Nous sommes dans la logique du toujours plus d’argent dans le sport, dans la logique du football marchandise et de la spirale de l’argent.
En la matière, nous devons être prudents compte tenu du contexte dans lequel évolue actuellement le football. S’agissant de l’exploitation future de ces stades, attention à ce que certains annoncent déjà comme un « krach du foot-business ».
Malgré le rôle bienfaiteur, pour les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, de la DNCG, la direction nationale du contrôle de gestion, la situation des clubs demeure fragile. Certains d’entre eux sont déficitaires pour la saison 2009-2010.
Dans son ouvrage publié ce mois-ci et intitulé « Économie du football professionnel », l’universitaire Bastien Drut n’écrit-il pas : « Il faut s’attendre à ce que plusieurs clubs, parmi les plus endettés, fassent faillite et disparaissent de l’élite du football professionnel » ?
Son diagnostic est sans appel. Il rejoint la préconisation récente de la Cour des comptes incitant les collectivités à la prudence face aux dérives du sport business et à l’endettement des clubs professionnels.
Je ne suis pas opposé, par principe, aux financements mixtes, aux partenariats public-privé, aux BEA, qui concernent trois enceintes : Lens, Nancy et le Parc des Princes. Je ne suis pas naïf au point de penser que, dans une économie de marché, le sport peut se développer sans moyens sonnants et trébuchants. Je suis seulement pour la réduction, autant que faire se peut, des risques encourus dès lors qu’il s’agit d’argent public.
Sans vouloir faire offense au club de Nancy, cher au président de l’UEFA, je m’interroge aussi sur la pertinence de faire profiter le stade de cette ville d’un tel système. La moyenne de spectateurs se rendant aux matchs de l’AS Nancy-Lorraine est actuellement d’un peu plus de 15 000 pour une capacité de 20 000 places environ. Le projet de stade pour l’Euro 2016 fait passer à 30 000 spectateurs la capacité d’accueil. On peut douter du taux de remplissage une fois la compétition passée ! C’est, me semble-t-il, l’avis majoritairement exprimé par la région Lorraine et par le conseil général de Meurthe-et-Moselle.
Nancy n’est qu’un exemple. Je pourrais également évoquer les positions exprimées par plusieurs villes au cours de ces derniers mois, notamment Strasbourg, Nantes ou Rennes. J’essaie simplement de montrer ici à quel point ce texte est circonstanciel. Comme la démonstration en a été faite voilà quelques instants, les circonstances étaient bien choisies.
Je pense qu’une étude d’impact aurait su prouver mieux que je ne l’ai fait les incohérences de ce texte. Malheureusement, comme vous le savez, nous nous sommes épargné ce désagrément puisqu’il s’agit en l’occurrence d’une proposition de loi et non d’un projet de loi. L’avis du Conseil d’État n’est, lui non plus, pas exigé. Croyez bien que nous le regrettons.