Intervention de Jean-Jacques Lozach

Réunion du 27 avril 2011 à 14h30
Organisation du championnat d'europe de football de l'uefa en 2016 — Article 2

Photo de Jean-Jacques LozachJean-Jacques Lozach :

Dans son rapport thématique de 2009 intitulé « Les collectivités territoriales et les clubs sportifs professionnels », la Cour des comptes interpellait les pouvoirs publics sur l’urgence de remettre en ordre les relations des collectivités territoriales avec les clubs professionnels. Or, aujourd’hui, nous sommes face à un texte législatif de circonstances, qui, en outre, va totalement à l’encontre des recommandations de la Cour des comptes.

Celle-ci appelait, en effet, à « plus de vigilance, dans un contexte de contraintes budgétaires » et à « dégager les voies d’un partenariat plus équilibré et plus respectueux de la réglementation » entre collectivités locales et clubs sportifs professionnels. Elle mettait particulièrement en garde contre les risques liés à la réalisation de travaux et de nouveaux équipements sportifs pour lesquels elle estimait que « les collectivités n’appréhendent pas toujours de manière satisfaisante les risques financiers encourus, qui peuvent tenir aux dérives constatées dans la réalisation des travaux, à la plus ou moins grande fiabilité des bilans d’exploitation prévisionnels portant sur de longues périodes, mais aussi, même en cas de financement privé de l’équipement, à la prise en charge des infrastructures nécessaires au fonctionnement de l’équipement ».

Mais au lieu de vous engager dans cette voie de la sécurité juridique et de l’efficacité du dispositif d’encadrement du soutien public local au sport professionnel, vous avez choisi à nouveau de déréglementer.

Hier, les footballeurs contrevenaient à la loi en ne rémunérant pas eux-mêmes leurs agents : vous avez choisi de légaliser le paiement par les clubs. Aujourd’hui, la réglementation des concours financiers est trop souvent contournée pour alléger les charges d’exploitation des clubs professionnels et aboutir à un concours financier indirect : qu’à cela ne tienne, vous ouvrez les vannes du subventionnement des projets d’équipements des sociétés sportives pour l’Euro 2016 par les collectivités locales, et ce alors même que la compétence partagée « sport » a été l’une des questions qui étaient au cœur de la réforme territoriale.

Lors de cette réforme, le Gouvernement a fait le procès des financements croisés, financements croisés que vous nous proposez pourtant aujourd’hui, madame la ministre. Non seulement vous nous suggérez ni plus ni moins, pardonnez-moi l’expression, de nous asseoir sur le rôle de « chef de file » de la région en matière d’aide aux activités économiques, mais vous nous proposez également d’ouvrir, par dérogation à l’article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales, les financements croisés des communes, des groupements de communes, des départements et des régions aux projets de construction ou de rénovation de l’Euro 2016.

Nous nous interrogeons par ailleurs sur la compatibilité de ce nouveau régime d’aide avec le droit communautaire. Madame la ministre, vous vous étiez engagée à notifier cette proposition de loi à la Commission européenne. Êtes-vous en mesure d’informer notre assemblée de l’appréciation de ce dispositif par la Commission avant son vote que, de toute évidence, vous souhaitez conforme ?

Enfin, nous ne pouvons déconnecter cette proposition de loi du contexte économique du football. Plus de la moitié des clubs européens sont endettés pour un montant total de 15 milliards d’euros. Et la pérennité d’un club européen sur huit est mise en doute par un commissaire aux comptes.

En France, les déficits cumulés pour la Ligue 1 et la Ligue 2 atteignaient 180 millions d’euros en 2009-20010. Dans son rapport d’activité pour cette même saison, la DNCG, pointe le fait que seuls cinq clubs de Ligue 1 ont présenté un résultat net positif. Si les grands clubs comptent en partie sur leur nouveau stade pour augmenter leurs recettes, les ressources supplémentaires escomptées sont loin d’être garanties, d’où l’insistance sur la multifonctionnalité des stades. Même le Stade de France doit la majorité de ses recettes à des événements sans caractère sportif.

N’oublions pas non plus que des résultats sportifs décevants peuvent servir à dégrader l’équilibre financier d’un club. D’ailleurs, c’est en partie la rétrogradation de Strasbourg en Nationale qui a contraint la ville, l’an passé, à retirer sa candidature à l’organisation de rencontres lors de l’Euro 2016, la mise aux normes du stade de la Meinau devenant dans ce contexte, et du fait du peu de soutien de l’État, beaucoup trop lourde financièrement.

Ainsi, ouvrir les vannes du financement public à un secteur où prime la spéculation sur les transferts, et qui aurait mérité d’être régulé au préalable, nous paraît dangereux. C’est pourquoi nous regrettons que ce texte législatif d’organisation de l’Euro 2016 ne soit pas l’occasion de réaffirmer à la fois le rôle régulateur des pouvoirs publics, les missions de service public du football issues de la délégation de service public octroyée par l’État à la fédération, missions dont ce sport s’éloigne de plus en plus.

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