Intervention de Jean-Jacques Lozach

Réunion du 27 avril 2011 à 14h30
Organisation du championnat d'europe de football de l'uefa en 2016 — Article 3

Photo de Jean-Jacques LozachJean-Jacques Lozach :

L’article 3 introduit de nouvelles dérogations, cette fois-ci à l’égard du code de justice administrative. Il s’agit en effet d’ouvrir le recours à l’arbitrage aux personnes publiques en cas de litige portant sur des contrats conclus pour l’organisation du championnat d’Europe des nations 2016.

On dépossède ainsi les tribunaux administratifs et judiciaires du règlement des conflits : voilà une curieuse vision de la justice et plus largement de l’État de droit.

La disposition que nous examinons emprunte donc une mauvaise direction : on simplifie à l’extrême, au risque de ne plus tenir compte des principes de base de notre système judiciaire et par conséquent de notre système démocratique.

La justice privée devient la référence. C’est inacceptable de notre point de vue, notamment dans la mesure où de l’argent public est en jeu.

À cet égard, je rappelle que le recours à l’arbitrage a été employé dans l’affaire Tapie, qui oppose le groupe Bernard Tapie au consortium de réalisation rattaché au Crédit lyonnais. À propos de ce dossier, Thomas Clay, doyen de la faculté de droit de Versailles et spécialiste de la question, a déclaré devant la commission des finances de l’Assemblée nationale : « Le dossier concerne de l’argent public ; or l’arbitrage est par nature confidentiel et il m’apparaît que confidentialité et argent public ne font pas bon ménage. […] Le dossier a une forte résonance politique, ce qui ne fait pas meilleur ménage avec l’obligation de confidentialité qui caractérise la pratique arbitrale. »

Tout laisse à penser que l’arbitrage n’est pas, tant s’en faut, la solution optimale pour résoudre les conflits – il en surviendra probablement – qui accompagneront les chantiers de l’Euro 2016, lesquels constituent des opérations à très fort impact environnemental.

À l’envi, l’arbitrage est une procédure rapide, qui épargnera peut-être quelques pertes de temps, et donc d’argent, nul ne l’ignore, et permettra sans doute aux travaux d’avancer plus rapidement.

Toutefois, selon nous, ce n’est une bonne façon de procéder. Les grands dossiers d’intérêt général ne sont certes pas toujours aisés à instruire ni à mettre en œuvre ; pour autant, on ne saurait modifier les règles de droit à sa convenance ! Si la justice administrative est lente, donnez-lui davantage de moyens, mais ne la contournez pas avec une telle légèreté pour vous réfugier dans une vulgaire procédure d’affaires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion