Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne partage pas le scepticisme de l'orateur qui m'a précédé à cette tribune.
Mon intervention portera précisément sur la péréquation qui permet, me semble-t-il, de « positiver ».
La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 avait, en effet, consacré le principe de la péréquation. Je rappelle les termes de ce qui est devenu le dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution: « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».
La loi de finances pour 2004 avait d'ailleurs déjà posé les bases de cette nouvelle architecture en organisant, au sein de la DGF, et pour chaque niveau de collectivité, un mécanisme assurant une alimentation pérenne et renforcée de la péréquation. Mais c'est dans ce projet de loi de finances pour 2005 que sont définies les modalités pratiques de la mise en oeuvre de la solidarité nationale en faveur d'un juste équilibre entre les dotations de l'Etat aux collectivités et les charges auxquelles ces dernières ont à faire face.
Ces mesures étaient très attendues face, non seulement à une fracture sociale de plus en plus forte, il est vrai, dans certains quartiers des villes, mais aussi à la menace de fracture territoriale dans les zones rurales qui connaissent le plus de difficultés.
Durant l'année 2004, nous avons souvent évoqué à cette tribune le sujet de la péréquation, d'abord, lors des débats sur l'Acte Il de la décentralisation, ensuite, dans la discussion relative au projet de loi sur le développement des territoires ruraux.
De nombreux amendements avaient été déposés sur ce thème, mais la majorité sénatoriale avait accepté d'en retirer la plupart, faisant confiance au Gouvernement qui s'était engagé à répondre à nos attentes à l'occasion du projet de loi de finances pour 2005.
C'est une promesse sur laquelle nous sommes restés très vigilants, étant convaincus que le prix de la cohésion territoriale et sociale de notre pays ne peut être supporté par nos collectivités sans un accompagnement solidaire de l'Etat.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Le Gouvernement a tenu ses promesses, car, selon l'avis même du Comité des finances locales, le dispositif proposé répond dans ses grandes lignes à l'attente des élus, même si quelques ajustements techniques se révèlent encore nécessaires.
Je développerai rapidement cinq points essentiels qui ont trait particulièrement à la péréquation en zone rurale.
S'agissant de la DGF des communes, le principe du gel de la dotation forfaitaire pour 2005, abandonné au profit d'une évolution de 1 % votée par l'Assemblée nationale, laisse à la péréquation 300 millions d'euros, somme considérable jamais atteinte auparavant, mais que nous devrons veiller à ne pas diminuer dans les débats qui vont suivre.
La réforme proposée simplifie les modes de calcul de la dotation forfaitaire en prenant en compte deux critères essentiels, tout en maintenant un niveau garanti, égal à celui de 2004, pour toutes les communes.
Premièrement, elle prévoit une dotation de base directement proportionnelle au nombre d'habitants qui, à la suite des améliorations apportées par l'Assemblée nationale, a pour effet d'octroyer aux plus petites communes une dotation minimale de 60 euros par habitant, au lieu des 50 euros initialement prévus. Cet effort supplémentaire en faveur de ces petites communes s'élève à 11 millions d'euros. Ce premier effet concret d'une volonté de péréquation des moyens entre petites et grandes communes, limite également les écarts de 60 euros à 120 euros par habitant.
Deuxièmement, elle met en place en place une dotation superficiaire. Cette dernière mesure était réclamée de longue date par les communes qui doivent supporter des charges liées à la nature de leur territoire sans pour autant bénéficier de ressources suffisantes, par manque de population dans de nombreux cas.
Je voudrais également vous remercier, madame le ministre, monsieur le ministre, d'avoir répondu aux attentes des élus de la montagne, en acceptant de porter cette dotation de 3 euros à 5 euros en montagne, pour tenir compte des charges particulières liées au relief, au climat ou à l'isolement qui pèsent sur ces communes.
Néanmoins, il subsiste une imperfection dans le dispositif proposé, et elle concerne toutes les communes, aussi bien de plaine que de montagne. En effet, en raison du plafonnement de cette dotation superficiaire à hauteur de la dotation de base par habitant, une commune rurale très peu peuplée et dont la surface est importante serait fortement pénalisée.
Aussi, pour rétablir un équilibre entre cette dotation de base et la dotation superficiaire des communes très étendues, nous proposerons, avec de nombreux collègues, une adaptation mesurée du texte.
S'agissant des dotations spécifiquement affectées à la péréquation, je veux saluer l'effort du Gouvernement qui, tout en resserrant leurs critères d'attribution, a augmenté les crédits de la DSR et de la DSU de 20 %, pour les porter respectivement à 120 millions d'euros et à 80 millions d'euros. C'est le troisième effet péréquateur de ce projet de loi de finances, et non le moindre.
Pour renforcer la solidarité de l'Etat en faveur des zones de revitalisation rurale, le texte initial prévoyait même d'affecter un coefficient multiplicateur de 1, 5 pour les bourgs-centres situés en ZRR. Cette mesure répondait parfaitement à la proposition de loi pour la modernisation de la politique de la montagne et des zones de revitalisation rurale, cosignée par des élus de toutes sensibilités.
Malheureusement, à l'Assemblée nationale, cet acquis a été minoré, malgré l'avis défavorable du Gouvernement, ce qui est regrettable car, en ZRR, de nombreux bourgs-centres doivent faire face à des charges de centralité croissante, que la baisse démographique ne leur permet plus de supporter. Le Gouvernement l'avait bien compris. Aussi, nous proposerons, avec plusieurs de nos collègues, de revenir au texte initial, qui assure une vraie péréquation, dans le prolongement des débats parlementaires que nous avons eus ici en faveur des ZRR.
Vous me permettrez d'ajouter quelques mots sur le quatrième effet péréquateur de cette loi de finances : le rapprochement de la dotation d'intercommunalité des communautés de communes avec celle des communautés d'agglomération.
Avec un taux de croissance de la DGF par habitant des communautés de communes compris entre 130 % et 160 % du taux retenu pour les communautés d'agglomération, le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale permettra de diminuer les écarts entre les dotations de ces EPCI, aujourd'hui trop importants.
C'est un geste fort de soutien de l'Etat en faveur des intercommunalités rurales qui, bien souvent, comme cela a été souligné à plusieurs reprises aujourd'hui, assurent des compétences aussi importantes que celles des agglomérations.
J'en arrive enfin au cinquième effet péréquateur de ce texte ; il y en a d'autres, mais je m'en tiendrai là : la dotation de fonctionnement minimale des départements intégrera désormais l'actuelle dotation de péréquation.
Cette péréquation sera, certes, ouverte aux départements urbains dans le cadre d'une dotation spécifique, mais le risque de dilution de la DFM, initialement consacrée aux départements ruraux rencontrant les plus grandes difficultés, sera écarté, car l'effort de l'Etat consenti en leur faveur sera maintenu, voire accru.