Le livret A a une double nature.
Il est présenté le plus souvent, et à juste titre, comme un produit d'épargne populaire. Mais, par ailleurs, comme l'attestent les chiffres, il profite aux ménages les plus aisés, qui y voient un moyen de placer des liquidités sans prélèvement au profit de l'État et de la sécurité sociale.
Cela dit, il est évident que c'est un produit d'épargne populaire : 67, 8 % des livrets ont en dépôt moins de 750 euros, soit 2, 4 % du total des liquidités déposées ; 56, 3 % des livrets, soit plus de 24 millions, ont un encours inférieur à 150 euros et ne représentent que 0, 6 % des dépôts. Ces livrets font office de comptes courants pour les populations les plus pauvres, ce qui illustre le rôle social joué par les Caisses d'épargne et plus particulièrement par La Banque Postale sur l'ensemble du territoire.
Pour la plupart d'entre eux, ces détenteurs ne payent pas l'impôt sur le revenu. Tout naturellement, ils bénéficient de la simplicité du livret A et de la facilité d'accès au réseau de distribution de La Banque Postale et des Caisses d'épargne sans pouvoir tirer profit de l'exonération fiscale des intérêts.
À l'inverse, le niveau du plafond, comme la possibilité de disposer au sein d'un ménage d'autant de livrets que celui-ci compte de membres, profite aux ménages les plus aisés. Comme il est naturel, ces derniers « saturent » les placements défiscalisés avant de placer leur épargne sur d'autres véhicules fiscalisés. Cette pratique n'est pas conforme à l'image que l'on se fait habituellement du livret A comme produit d'épargne sociale.
Il faut ajouter que, d'un point de vue économique et au regard des intérêts des épargnants, l'argument lié à la fiscalité, qui prend pour cette population toute son importance, peut empêcher que soient opérés des choix conformes à l'optimum financier.
Le biais fiscal du livret A explique que 2, 7 millions de livrets, soit 6, 3 % du nombre de comptes, dépassent le plafond d'encours autorisé, représentant 44, 5 % du total de l'encours.
Dans le cadre d'un réexamen des mesures dérogatoires en matière d'épargne, cet amendement vise à faire cesser l'effet d'aubaine qui consiste à défiscaliser les intérêts des livrets A capitalisés au-delà du plafond.
Il n'apparaît pas souhaitable que le livret A soit détourné de son objet initial pour devenir une base de trésorerie et d'optimisation fiscale.
L'amendement ne porte en rien préjudice, cela va de soi, aux ménages non imposables. Il permet de faire un choix entre le prélèvement libératoire de 18 % ou l'intégration au barème de l'impôt sur le revenu.
En outre, puisque le plafond du livret A n'a pas été modifié depuis 1991, il nous semblerait conforme à l'équité, dans le cadre de la mesure que nous préconisons tous les quatre, de le porter de 15 300 euros à 16 000 euros. Cette mesure serait de nature, en tant que de besoin, à rassurer celles et ceux qui craindraient une diminution trop importante des fonds centralisés par la Caisse des dépôts et consignations pour le financement du logement social.
La proposition que nous formulons dans cet amendement d'appel s'inscrit dans la perspective de banalisation de la distribution du livret A.
Si tous les réseaux sont en mesure de distribuer ce produit, il est très vraisemblable, compte tenu de son excellente image, de sa simplicité, de sa rusticité et de son régime fiscal, qu'ils parviendront tous à récolter, grâce à leur efficacité commerciale, des sommes globalement plus importantes que celles qui sont aujourd'hui drainées par le livret A. Il me semble que ce point de vue est défendu par un nombre croissant d'observateurs.
Il est donc raisonnable de réfléchir à la dépense fiscale, qui est loin d'être négligeable, de telle sorte que celle-ci soit davantage ciblée sur celles et ceux qui ont besoin d'être incités à épargner et afin que la banalisation du livret A ne coûte pas au budget de l'État des sommes qui deviendraient rapidement insupportables.