Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur, au nom du groupe socialiste et apparenté, de défendre la motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi qui nous est aujourd'hui présenté.
Cette motion de procédure me paraît justifiée, car le sujet traité est extrêmement grave et sensible compte tenu non seulement de ses portées immédiates, mais aussi de ses conséquences à venir.
Ce sujet délicat préoccupe depuis longtemps tous les gouvernements, de droite comme de gauche. Depuis quelques années, tous les ministres chargés des transports, de gauche comme de droite, se sont penchés sur le service minimum dans les transports. Ils ont tous renoncé, craignant que le remède ne soit pire que le mal.
L'exposé des motifs du projet de loi que nous examinons dispose que l'objectif visé est « de garantir aux usagers, en cas de grève, un service réduit mais prévisible ». Par ailleurs, il repose sur l'idée qu'en renforçant le dialogue social dans les entreprises de transport les grèves pourront être évitées pour une large part.
Si ce thème, inscrit dans le titre du projet de loi, ne nous choque pas, nous, socialistes, fervents défenseurs du service public, d'une part, et du dialogue social, d'autre part, nous constatons que ce texte dérive dangereusement sur la remise en cause du droit de grève.
Permettez-moi, mes chers collègues, de vous faire part de mes réserves quant à l'utilité d'un tel texte, rédigé à la hâte, sur ordre du Président de la République, sachant que, de fait, un service minimum existe déjà dans les transports ferroviaires et que, par ailleurs, il n'aura aucun effet sur les nombreuses grèves dites « émotionnelles ».
Permettez-moi également de souligner que, pour nous, l'objectif de garantir aux usagers un service réduit plus structuré répond aux besoins de la vie actuelle des travailleurs, des écoliers ou des étudiants qui doivent se déplacer, particulièrement dans les zones urbaines.
Ce projet de loi, en laissant croire qu'il résoudra un problème, tend, finalement, à rendre plus contraignant le droit de grève. Le Gouvernement compte peut-être même, par ce biais, faire « avaler » des mesures impopulaires. Allez donc savoir...
Mme le rapporteur estime que « nos concitoyens souhaitent l'instauration d'une forme de service minimum ». Certes, mais il faut pondérer ce jugement. Les perturbations qu'engendrent les mouvements sociaux - et je ne les minimise ni ne les occulte -, sont considérées comme des sujets moins prioritaires que la sécurité, le cadencement, l'absence de rupture de charge ou le confort.
C'est en dotant les services publics des moyens nécessaires à leurs missions que les conflits seront évités. Non, la gestion des conflits, donc la continuité du service public, ne sera pas assurée en dressant les usagers contre les salariés ou les salariés les uns contre les autres.
Qu'en est-il, en réalité, de ces grèves ? Depuis une trentaine d'années, nous enregistrons une baisse tendancielle de la conflictualité : le nombre de journées de grève a baissé de plus de 10 % par an. Ces dernières années, le taux de grève a connu un recul de l'ordre de 16 %. Les causes de ce changement sont multiples ; je pense en particulier au chômage de masse et à la précarité salariale généralisée.
Mais qu'est-ce que le droit de grève sinon la dernière possibilité offerte aux salariés, après de multiples tentatives de dialogue, de se faire entendre, de voir leurs préoccupations prises en compte ?
Enfin, ne perdons pas de vue que ce sont les grèves qui sont à l'origine de la plupart des progrès sociaux !
Ce texte est-il une atteinte au droit constitutionnel et individuel de faire grève ? On peut légitimement se poser la question. En effet, le paragraphe II de l'article 5 prévoit que les salariés concernés par le plan de prévisibilité doivent informer leur hiérarchie, au plus tard quarante-huit heures avant le début de la grève, de leur intention de participer à cette dernière. Or, si le droit de grève est un droit individuel, le préavis est, quant à lui, collectif et syndical.
À ce propos, notre collègue Gisèle Printz a bien fait de rappeler le jugement de la Cour de cassation de 2005 concernant la société Air France, selon lequel - il me plaît de le rappeler - « il ne peut être imposé à un salarié d'indiquer à son employeur, avant le déclenchement de la grève, qu'il participera au mouvement ».