À l'inverse, monsieur le ministre, croyez-vous sérieusement que des sanctions pourraient être prises si l'ensemble du personnel se mettait en grève sans respecter le préavis de quarante-huit heures ? Permettez-moi, en cet instant, de rappeler que l'ordre de réquisition généralisé adressé aux mineurs en 1963 fut sans effet.
Il faut garder à l'esprit que, dans le cas où le salarié ferait grève sans avoir prévenu sa direction, il serait passible d'une sanction disciplinaire. Cela s'apparenterait à une faute lourde, laquelle, potentiellement, peut justifier un licenciement. Cette contrainte est telle qu'elle s'assimile à une remise en cause de ce droit constitutionnel. Elle créerait une nouvelle faute au sein du code du travail et instaurerait un climat d'appréhension et de dissuasion difficilement compatible avec la valeur essentielle de notre République : la liberté.
Oui, la négociation doit avoir été menée jusqu'à son terme avant que soit déposé un préavis de grève. Non, madame Procaccia, la grève n'est pas aujourd'hui un préalable à la négociation. Elle découle toujours d'un dialogue social qui a avorté. Il faut donc une plus grande qualité de dialogue, clairement encadré et contrôlé.
Comment considérer l'article 3, qui prévoit qu'un nouveau préavis de grève ne pourra pas être déposé avant l'échéance de celui qui est en cours et avant que la procédure de négociation préalable n'ait été mise en oeuvre ? N'est-ce pas une restriction au droit de grève, dès lors qu'une catégorie de salariés ne pourra plus déposer un préavis de grève quand un autre préavis aura été déposé pour l'ensemble du personnel, et vice-versa ?
L'article 6 est, quant à lui, tout aussi attentatoire et choquant. Il y est prévu que, au-delà de huit jours de grève, l'employeur peut, de sa propre initiative ou à la demande d'une organisation syndicale représentative, organiser une consultation à bulletin secret pour la poursuite de la grève. Cette disposition contrevient aux avis du Conseil Constitutionnel et du Conseil d'État, qui réaffirment constamment que la loi ne saurait déléguer aux partenaires sociaux ou à l'employeur « le soin de réglementer le droit de grève ».
C'est effectivement le dialogue social permanent que nous devons privilégier au sein des entreprises, notamment des entreprises de service public.
Moteur de réforme, le dialogue doit donner confiance à chacun des partenaires sur son rôle, sa place, et lui permettre de dépasser ses contraintes internes pour aller vers l'autre. Dans ce sens, il est un puissant instrument de prévention des conflits, comme en attestent les réussites nées de l'application des dispositifs d'alarme sociale à la RATP ou de « demande de concertation immédiate » à la SNCF.
À ce titre, Mme Idrac, présidente de la SNCF, disait, le 17 mars 2004 : « La voie législative directe est périlleuse, le chemin contractuel, sans doute plus long, paraît plus fructueux ». Elle ajoutait récemment : « Pour l'heure, je constate que cela s'améliore et je privilégie le dialogue social et la négociation. D'ailleurs, plus la part du dialogue social est importante, mieux ça marchera, quelle que soit la formule législative éventuelle ».