Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce rappel au règlement porte sur l’article IX de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, fondement de la Constitution et, par conséquent, du règlement du Sénat.
M. Vittorio de Filippis, journaliste et ancien directeur de la publication du journal Libération, a été interpellé le vendredi 28 novembre 2008 à son domicile, à six heures quarante du matin, à la suite d’un mandat d’amener délivré par un juge. Il a été interpellé devant ses enfants, menotté, conduit au commissariat de police du Raincy.
Le journal Libération du 29 novembre a publié le témoignage de M. de Filippis. M. Laurent Joffrin, directeur de Libération, écrit que cette interpellation était « volontairement humiliante ». À lire les récits qui ont paru dans la presse, madame la ministre, j’ajouterai que c’est le moins que l’on puisse dire !
M. Vittorio de Filippis a relaté dans le journal Libération, dans un témoignage repris par le journal Le Monde, que lors de l’interpellation un fonctionnaire aurait déclaré devant son fils : « Vous êtes pire que la racaille ! »
Je rappelle que l’affaire qui a donné lieu aux faits précités est une plainte en diffamation au sujet d’un commentaire hébergé par le site de Libération et publié le 27 octobre 2006. L’avocat du journal Libération, Me Jean-Paul Lévy, déclare : « C’est la première fois que je vois un juge délivrer un mandat d’amener dans une affaire de diffamation. En matière de presse, la détention n’existe pas. Le traitement qui a été réservé à Vittorio de Filippis est invraisemblable. »
Me Baudelot, avocat du journal Le Monde, a déclaré : « C’est invraisemblable et inacceptable, si on permet des […] interpellations de cette nature, on contourne la loi. »
La Société civile des personnels de Libération a dénoncé « des méthodes judiciaires intolérables » et a demandé, à l’instar de nombreuses personnalités politiques qu’une enquête soit ouverte.
Le Syndicat national des journalistes a dénoncé « la démesure avec laquelle sont désormais instruits certains délits de presse ».
Reporters sans frontières a jugé ces faits « intolérables ».
Madame la ministre, devant l’intense et justifiée émotion suscitée par les faits que je viens de rappeler, j’ai l’honneur de vous poser trois questions.
Premièrement, une plainte relative à la présence sur un site d’un commentaire considéré comme diffamatoire vous paraît-elle justifier le traitement qui a été infligé à M. Vittorio de Filippis ?
Deuxièmement, considérez-vous que ces méthodes sont compatibles avec le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes que vous avez défendu ici même ?