Intervention de Nicolas Alfonsi

Réunion du 1er décembre 2008 à 10h00
Loi de finances pour 2009 — Justice

Photo de Nicolas AlfonsiNicolas Alfonsi, rapporteur pour avis :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2009 et le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 marquent un coup d’arrêt à la progression des crédits alloués à la protection judiciaire de la jeunesse depuis quelques années.

Après avoir augmenté de 8, 6 % en 2007, puis de 1, 6 % en 2008, les crédits de paiement diminueront de 2, 2 % en 2009, pour s’établir à un peu plus de 787 millions d’euros en 2009, représentant ainsi 11, 8 % de l’ensemble des crédits de la mission « Justice ». Ils diminueront ensuite de 1 % en 2010 et de 1, 4 % en 2011.

Au-delà de cette diminution globale, le projet de loi de finances pour 2009 opère, comme M. le rapporteur spécial l’a souligné, un important redéploiement des moyens, afin de recentrer l’action de la protection judiciaire de la jeunesse sur les mineurs délinquants. Ainsi, les crédits de paiement alloués à la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs diminueront de 40 %, tandis que ceux qui sont consacrés à la prise en charge des mineurs délinquants augmenteront de 18 %.

Pour ce qui concerne les effectifs, ce redéploiement concernera 805 équivalents temps plein travaillé, le plafond d’autorisation d’emplois étant fixé à 8 951 équivalents temps plein travaillé, contre 9 027 en 2008. D’ici à un an ou deux ans, seules les mesures judiciaires d’investigation concernant les mineurs en danger et les jeunes majeurs seront encore prises en charge par l’État. Cette évolution prolonge la réduction significative des crédits destinés à la prise en charge des jeunes majeurs qui a été engagée depuis quelques années. Elle est présentée comme la conséquence de la réaffirmation, par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, de la compétence des conseils généraux en matière de protection des mineurs en danger et des jeunes majeurs.

Enfin, elle devrait s’accompagner, sur le plan juridique, d’une réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, que vous aviez annoncée, madame le garde des sceaux, et qui a été confirmée par la récente conférence de presse donnée par le recteur Varinard, et de l’abrogation du décret du 18 février 1975 relatif à la prise en charge des jeunes majeurs que vous avez laissé entendre.

Sans doute cette évolution va-t-elle dans le sens des recommandations de la commission d’enquête sur la délinquance des mineurs mise en place en 2002, en vertu desquelles le secteur public devait se consacrer exclusivement à la prise en charge des mineurs délinquants et le secteur associatif devait être habilité à s’investir davantage au pénal. Mais elle n’en suscite pas moins, par son ampleur, des interrogations et des inquiétudes exprimées notamment par l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, par l’Assemblée des départements de France et par l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, l’UNIOPSS, quant à la continuité et à l’homogénéité du suivi des mineurs en danger et des jeunes majeurs.

La commission des lois souhaite souligner la nécessité de veiller à ce que les jeunes en danger, comme les jeunes majeurs, puissent bénéficier d’un même niveau de protection sur l’ensemble du territoire national. Parallèlement, il convient de noter que la modernisation de la protection judiciaire de la jeunesse se poursuit suivant trois axes : la diversification des modes de prise en charge, la rationalisation des moyens et le développement de l’évaluation.

À cet égard, je ne ferai que quelques brèves remarques, inspirées par les déplacements que j’ai effectués cette année.

Si les structures de prise en charge des mineurs ont été diversifiées afin de permettre l’élaboration d’un véritable « parcours éducatif », il importe aujourd’hui de veiller à leur bonne articulation sur le plan tant géographique que fonctionnel.

À titre d’exemple – et je vous ai d’ailleurs posé cette question en commission –, on peut déplorer qu’aucun centre éducatif fermé n’ait été créé dans les Bouches-du-Rhône et que la région d’Île-de-France n’en compte qu’un, à Savigny-sur-Orge.

Ce centre, que j’ai visité avec M. Lecerf, est l’un des cinq centres éducatifs fermés ayant bénéficié en 2008, à titre expérimental pour améliorer la prise en charge des mineurs atteints de troubles mentaux, de moyens supplémentaires, qui devaient se traduire par le recrutement de deux infirmiers, d’un second psychologue et d’un psychiatre.

Dans le centre que nous avons visité, un second psychologue à temps plein avait bien été embauché, mais l’équipe ne bénéficiait du concours d’un psychiatre qu’à raison d’une vacation d’une demi-journée par semaine et n’avait pu recruter aucun infirmier, faute de candidatures valables. L’équipe du centre a salué l’intervention et l’implication des psychologues dans la prise en charge des mineurs. En revanche, elle a attiré notre attention sur la nécessité de ne pas considérer les cinq centres éducatifs fermés retenus pour l’expérimentation comme des centres spécialisés dans l’accueil de jeunes atteints de troubles psychiatriques graves en provenance de toute la France.

Il nous a été indiqué qu’un jeune, à peine placé dans le centre par un magistrat qui souhaitait mettre un terme à son séjour en hôpital psychiatrique, avait séquestré et menacé le personnel de direction. Cet exemple ainsi que la tentative de suicide d’un mineur placé dans le centre, la veille de notre venue, témoignent des efforts considérables qui restent à accomplir pour améliorer la prise en charge des jeunes atteints de troubles mentaux.

Le bilan d’ensemble des quelque 37 centres éducatifs fermés, les CEF, n’en est pas moins satisfaisant, puisque 66 % des mineurs qui y sont accueillis ne commettent pas de nouvelle infraction dans l’année de leur sortie.

L’un de ceux que j’ai rencontrés à Savigny-sur-Orge venait d’effectuer, avec succès, un stage dans une chocolaterie. Le CEF, nous a-t-il confié, constitue un point d’arrivée pour un nouveau départ. Pour ma part, j’y vois là un motif d’espoir.

En conclusion, je formulerai quelques observations personnelles.

Il faut considérer les crédits alloués à la mission « Justice » dans la durée et les mettre en perspective sur quelques années. En dehors de toute considération partisane dans un secteur aussi sensible que celui de la justice, notamment celui de la protection de la jeunesse, je tiens à rendre un hommage particulier aux éducateurs des centres éducatifs fermés, ces fonctionnaires un peu oubliés de la société civile, qui ne s’intéresse qu’à des questions médiatiques et ignore le travail permanent qu’ils accomplissent jour et nuit au contact de personnes extrêmement difficiles à gérer.

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