Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites, et je m’efforcerai donc de ne pas les répéter.
J’évoquerai les crédits de l’administration pénitentiaire avec la gravité qu’imposent les événements survenus ces derniers mois dans les prisons françaises.
Madame le garde des sceaux, une politique pénitentiaire est nécessairement une politique de sanction à l’égard des personnes qui n’ont pas respecté les règles sociales et qui ont causé un préjudice, parfois irréversible, à leurs victimes.
Une fois ce principe est posé, le débat est ouvert. Il s’agit de déterminer quel sort nous devons réserver aux détenus. Je répondrai par une formule : un juste sort.
Or, aujourd’hui, ce juste sort n’est pas acquis. Trop souvent, les détenus subissent une double peine. Une peine publique prononcée par le juge, conformément à la loi, à laquelle s’ajoute une peine secrète, peut-être plus difficile, qui est l’humiliation, l’abaissement de la personne, l’abandon à la violence et à la loi du plus fort, au fond, une peine de négation de l’homme dans le prisonnier.
Les suicides, notamment les suicides de mineurs, fournissent un exemple dramatique de cette réalité qui a valu à la France diverses condamnations de la part d’instances internationales, ce dont nous ne pouvons pas être fiers. Nous avons notamment été condamnés par le Comité européen de prévention de la torture en 2004 et en 2007, par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies cet été, ou encore dans le récent rapport du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
Dans ce dernier rapport, Thomas Hammarberg dénonce « les conditions de vie inacceptables de nombreux détenus, qui doivent faire face à une surpopulation, une absence de vie privée, des locaux vétustes, et une hygiène pauvre » ou encore « le haut niveau de suicides dans les prisons françaises [...] symptôme des défaillances structurelles du système pénitentiaire ».
Tout est dit ! Face à ce constat, que faire ?
Nous pourrions d’abord poser un principe simple, inspiré du même Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe : « Le plein respect des droits de l’homme ne doit pas souffrir des considérations sécuritaires ».
Malheureusement, les choix qui ont été faits dans ce projet de budget sont très éloignés de cette préoccupation.
Bien sûr, nous saluons la hausse des crédits de l’administration pénitentiaire, même si elle reste insuffisante. Nous savons combien elle est nécessaire pour les personnels comme pour les détenus, et, finalement, pour améliorer les conditions d’une réinsertion réussie à laquelle nous devons toujours penser.
Pour les personnels de l’administration pénitentiaire, il s’agit d’un budget en trompe-l’œil. Vous avez certes prévu des effectifs supplémentaires pour les prochaines années, mais, parallèlement, le parc pénitentiaire sera agrandi et de nouvelles missions seront confiées à cette administration. Nous pouvons donc craindre que les conditions de travail ne continuent à se dégrader.
Et surtout, madame le garde des sceaux, comment ne pas relever une incohérence qui prive votre effort budgétaire de son efficacité ? Vous refusez en effet de lier votre politique criminelle et ses conséquences pénitentiaires.
Votre politique répressive, notamment l’instauration des peines planchers, a provoqué une augmentation du nombre de détenus, comme l’ont rappelé plusieurs intervenants, notamment Mmes Escoffier et Borvo Cohen-Seat. Au 1er octobre 2008, cette augmentation était de 2 122 en un an, et même un peu plus à en croire certains propos. Au total, 63 185 personnes étaient emprisonnées en France au 1er octobre 2008, pour 51 000 places disponibles.
La misère pénitentiaire de notre pays trouve certainement là une de ces causes.
M. le rapporteur spécial a rappelé tout à l’heure que le taux d’occupation de nos prisons atteint en moyenne 126 % et que dans certains établissements, réputés pour leur vétusté, ce pourcentage, qui est déjà inadmissible, était dépassé.