Intervention de Alain Anziani

Réunion du 1er décembre 2008 à 10h00
Loi de finances pour 2009 — Justice

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani :

Madame le garde des sceaux, votre obsession répressive vous conduit à remplir des prisons sans prévoir la création des places supplémentaires nécessaires, avec comme conséquences mécaniques une dégradation des conditions de vie des détenus, voire, pour les plus fragiles d’entre eux, des suicides. Les chances de réinsertion des autres sont compromises, et le risque de récidive augmente.

Le projet de budget de la mission « Justice » ainsi que le futur projet de loi pénitentiaire n’apportent pas les réponses que nous attendrions.

Une réforme pénitentiaire d’ampleur est indispensable – le groupe socialiste à l’Assemblée nationale a d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens –, et elle doit se fonder sur le sens de la peine, sur son contenu et sur sa mise en œuvre. Mais quel peut être le sens de la peine lorsque la prison devient un lieu d’injustice, voire l’école du crime ? Quelle est l’efficacité de la politique pénale lorsque l’homme qui retrouve sa liberté est détruit ou parfois rempli de haine par ses conditions de détention et, finalement, encouragé à la récidive ?

Le projet de loi pénitentiaire que vous nous présenterez prochainement ne va ni dans le sens de la réhabilitation ni dans celui de la réinsertion. Vous vous limitez à une gestion du flux par le jeu des peines alternatives ou des aménagements de peine.

Certes, vous améliorerez les statistiques, évitant peut-être ainsi une nouvelle condamnation de notre pays. Mais notre société ne disposera pas encore d’une politique pénitentiaire ambitieuse et humaine.

D’autres voies, notamment en faveur des plus fragiles, peuvent être explorées. C’est notamment le cas du suivi psychiatrique des détenus.

Là encore, comment ne pas noter que 30 % des détenus souffrent de troubles mentaux, et 15 % de pathologies lourdes ?

L’un des responsables de la section française de l’Observatoire international des prisons affirmait récemment ceci : « Les suicides au mitard de détenus ayant des troubles psychiatriques sont fréquents. » D’ailleurs, la France a récemment été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme sur ce sujet, dans un arrêt « Renolde contre France » du 16 octobre 2008, avec des considérations très sévères pour notre pays.

Madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il s’agit là d’avertissements importants qui doivent nous inciter à envisager des créations de places d’internement psychiatrique adaptées. Nous devons faire en sorte que notre politique pénitentiaire à l’égard des plus fragiles, notamment les psychotiques, ne mette pas en place des « mouroirs psychiatriques ».

Voilà quelques années, Michel Foucault avait dénoncé la confusion qui était déjà entretenue entre folie et criminalité. Il est temps aujourd'hui de trouver des solutions.

Je terminerai en saluant le courage de notre collègue Jean-René Lecerf, qui avait déposé devant la commission des lois un amendement tendant à instituer un revenu minimum carcéral. Il s’agit là d’un projet d’autant plus courageux qu’il est peu susceptible d’apporter à ses promoteurs des gains de popularité ou des suffrages. Malheureusement, cet amendement a été retiré en commission.

Le Gouvernement nous a apporté des assurances à cet égard. J’espère qu’il tiendra ses engagements et qu’il n’invoquera pas l’irrecevabilité financière prévue par l’article 40 de la Constitution lorsque le Parlement sera de nouveau saisi d’une telle proposition. Encore une fois, cette idée ne procurera aucun bénéfice électoral à ses auteurs, mais elle traduit la vision que nous avons de notre pays et de notre mandat.

En tout état de cause, madame le garde des sceaux, pour les raisons que j’ai indiquées, le groupe socialiste votera contre le projet de budget de la mission « Justice ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion