Intervention de François Trucy

Réunion du 1er décembre 2008 à 15h15
Loi de finances pour 2009 — Défense

Photo de François TrucyFrançois Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2007, j’avais qualifié le projet de budget de la mission « Défense » pour 2008 de « budget de transition », de « budget d’attente ».

En effet, nous attendions les conclusions de la révision des programmes et du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Aujourd'hui, nous attendons la restructuration des armées et la prochaine loi de programmation militaire, qui amèneront forcément des changements considérables dans l’organisation générale de nos forces.

En 2007, je saluais, et je salue toujours, une professionnalisation réussie. À mes yeux, c’est un très bon travail. C’est surtout le témoignage renouvelé de la qualité de nos militaires et de la persévérance dont ils savent faire preuve pour accomplir les tâches les plus difficiles. Nous nous réjouissions alors tous de voir enfin une loi de programmation militaire « respectée de bout en bout ».

Mais répéter que la loi du 27 janvier 2003 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 était « respectée » revenait à évacuer deux preuves pourtant manifestes du contraire.

Je pense au non-respect de la programmation à la fois des effectifs – l’exécution de tous les budgets a systématiquement conduit à des sous-effectifs constants et importants – et des engagements en termes de matériel militaire, ce qui est encore plus grave.

Chaque année, le financement des opérations extérieures, les OPEX, opérait des prélèvements massifs sur les crédits du titre 5, qui n’étaient, dès lors, pas exécutés. En outre, des crédits ont fait l’objet de reports, voire d’annulations pures et simples. Aussi, au terme de deux lois de programmation successives, est apparue une « bosse » programmatique de matériel correspondant à un besoin de financement massif, mais impossible à atteindre, de 21 milliards d’euros.

Le montant des sous-exécutions s’est élevé à 13 milliards d’euros pour la loi de programmation militaire 1997-2002 et à 8 milliards d’euros pour la loi de programmation militaire 2003-2008.

Monsieur le ministre, une telle bosse programmatique, ingérable, des investissements militaires de matériel constituait à elle seule une raison majeure d’une révision drastique de la programmation.

Par conséquent, je souhaite poser les questions suivantes. Comment avez-vous pu, dans de telles conditions, aboutir à reprogrammer une bosse de 1, 7 milliard, pour la seule période 2009-2010 ? Cette mesure résoudra-t-elle définitivement le problème ?

Ce regard difficile, pénible et préoccupant dans le rétroviseur est indispensable si nous voulons comprendre les raisons qui ont conduit le Gouvernement à nous proposer une révision draconienne du format de nos armées et de son organisation.

Pour nous – je parle en l’occurrence de ceux d’entre nous qui soutiennent la politique du Gouvernement –, approuver les crédits de la mission « Défense » pour 2009 revient à comprendre, par anticipation, les orientations du projet de loi de programmation militaire qui nous sera bientôt présenté.

La révision des programmes est aujourd’hui achevée. Le Livre blanc a repris l’essentiel des conclusions qui s’imposaient : nous devons réviser notre stratégie, pour en adopter une plus moderne, en admettant que le « modèle d’armée 2015 » n’est pas à notre portée compte tenu des moyens prévus pour l’atteindre.

Monsieur le ministre, la restructuration des armées que vous conduisez avec une détermination indispensable et digne d’éloges est la traduction des contraintes issues de ces textes et des réalités.

Je ne dis pas que la France n’est plus en mesure de financer les actions prévues, ni même que ses moyens ont diminué. Simplement, voilà quelques années, en visant un modèle pour 2015 et en affichant de grandes ambitions en termes d’effectifs, d’achats de matériels et de capacités de projection, les gouvernements n’ont pas été réalistes. Leurs programmes dépassaient, et de très loin, les capacités financières du pays. Aujourd'hui, c’est à nous qu’il appartient de rectifier le tir.

Pouvait-on maintenir les effectifs de la programmation militaire au niveau où ils étaient auparavant ? Pouvait-on atteindre un taux du maintien en condition opérationnelle des matériels supérieur à 50 %, sachant que, pour l’instant, seuls les matériels destinés aux OPEX bénéficient d’un taux suffisant ? Pouvait-on conserver tous les programmes majeurs de matériel, alors même que leurs coûts de fabrication et de possession croissent d’une manière incoercible, car ils sont entraînés par la sophistication elle aussi croissante de ces équipements ? Pouvait-on s’obstiner à vouloir détenir dans tous les domaines la meilleure qualité, et en abondance ? La réponse est non !

Un tel chemin n’était plus praticable. Monsieur le ministre, vous avez le mérite de vous être engagé sur la voie difficile d’une révision majeure.

Pour autant, comme vous le soulignez, et comme le Président de la République l’a garanti, la masse des crédits mis à la disposition de votre ministère est considérable et ne diminue pas cette année.

Avec 30, 4 milliards d’euros de ressources budgétaires, auxquels s’ajoutent – je vais y revenir – 1, 6 milliard d’euros de ressources exceptionnelles, votre budget atteint 32 milliards d’euros, soit une augmentation de 5, 3 % par rapport à l’année dernière.

Ces crédits considérables font du budget de la défense le troisième en importance du présent projet de loi de finances et absorbent 1, 6 % du produit intérieur brut.

Vous comptez donc sur 1, 6 milliard d’euros de ressources exceptionnelles sans lesquelles – il faut bien le dire – votre budget boiterait bas.

Ces ressources proviennent, pour 1 milliard d’euros, des cessions immobilières de sites dont le ministère de la défense n’a plus besoin. À titre dérogatoire, le produit de ces cessions est laissé à la disposition du budget propre de la défense, ce qui est rare et précieux.

Toutefois, comme les programmes de cessions de cette nature ne peuvent pas avoir d’effet immédiat sur le plan financier, le financement est également assuré par un montage mettant en jeu plusieurs intervenants, dont la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, la Caisse des dépôts et consignations et une autre structure de portage restant à créer. C’est elle qui empruntera et qui assurera le financement relais vous permettant de disposer des valeurs de cession dans le courant de l’année 2009.

Monsieur le ministre, ce système est ingénieux, mais n’est-il pas fragile ? Êtes-vous assuré de son bon fonctionnement ?

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