La conditionnalité des aides de la politique agricole commune constitue selon moi un meilleur outil. Elle permettra sans nul doute une meilleure application des directives européennes, notamment de celle sur les nitrates.
En effet, les agriculteurs doivent, à travers la conditionnalité sur la directive nitrates, respecter sept critères très précis qui prévoient, notamment, les périodes interdites de fertilisation, la couverture des sols durant l'hiver par des cultures « pièges à nitrates », ou la fixation d'une dose maximale de 170 kg d'azote organique par hectare et par an.
Par ailleurs, tous les bords agricoles de cours d'eau devront être plantés de bandes d'herbe de 5 mètres de large. De telles pratiques entraînent une diminution considérable des charges des cours d'eau en nitrates, mais aussi en pesticides.
Je fais confiance au monde agricole pour s'engager dans ces pratiques. Il a su montrer par le passé qu'il savait relever les défis.
Revenons aux redevances. Le projet de loi vise à avoir des assiettes de redevance les plus simples possible. Il maintient le principe que le taux peut être modulé selon l'usage, l'état des masses d'eau, les préconisations des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux et des schémas d'aménagement et de gestion des eaux et la capacité financière des acteurs, conformément à la directive cadre et à la Charte de l'environnement désormais intégrée à la Constitution.
A l'échelon national, le Conseil supérieur de la pêche est transformé en un véritable office de l'eau et des milieux aquatiques chargé de la connaissance et des études. Cet office apportera un appui technique aux services centraux et déconcentrés de l'Etat, ainsi qu'aux agences de l'eau. Il pourra, en outre, assurer des solidarités interbassins.
Cette réforme est un acte fort de réforme de l'Etat, qui permet de faire évoluer un établissement public vers de nouvelles missions.
En effet, il y a un véritable besoin de compétence forte en matière de système d'information sur l'eau, de surveillance des milieux aquatiques, d'évaluation et d'étude ou de recherche dans le domaine de l'eau. L'expertise apportée par l'ONEMA, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, épaulera les personnels du ministère et des agences de l'eau.
L'ONEMA, qui devra être un véritable centre de ressource, appuiera également la présence française de mon ministère dans les travaux d'experts à l'échelon européen. Nous manquons, en effet, de présence dans tous les groupes de travail européens, là où se préparent les directives de demain.
De nombreux ministères, comme ceux de l'équipement ou de l'agriculture, disposent d'établissements publics techniques pour les appuyer. Il est légitime que celui de l'écologie puisse disposer d'un tel établissement pour l'eau.
L'ONEMA renforcera donc la capacité de l'Etat à définir la politique de l'eau, à la mettre en oeuvre et à la suivre.
L'ONEMA, je le dis clairement, n'enlèvera aucune compétence régalienne à la direction de l'eau du ministère de l'écologie, laquelle restera toujours la direction responsable de la police de l'eau, de la préparation des textes législatifs et réglementaires et, enfin, de la politique de prévention des inondations.
Le deuxième grand axe du projet de loi est la lutte contre les pollutions diffuses. C'est un enjeu majeur pour les années futures.
Le projet de loi prévoit la mise en place de plans d'actions sous forme de mesures contre les pollutions diffuses, bénéficiant d'aides des agences de l'eau et pouvant devenir obligatoires et généralisables dans les secteurs sensibles. Ces plans d'action seront mis en place localement en associant les acteurs concernés, en premier lieu, les agriculteurs et les élus.
Le texte qui vous est soumis vise à organiser la traçabilité des ventes des pesticides et à instaurer un contrôle périodique des pulvérisateurs utilisés pour l'application de ces produits. II permet, en outre, à certains agents de la police de l'eau d'effectuer des contrôles sur les conditions d'utilisation.
Enfin, la taxe globale d'activité polluante sur les pesticides est transformée en une redevance au profit des agences de l'eau, comme je vous l'ai déjà indiqué.
Le troisième grand axe du projet de loi est la reconquête de la qualité écologique des cours d'eau.
Le respect du bon état écologique suppose que les milieux aquatiques soient entretenus en utilisant des techniques douces. II faut qu'au niveau des barrages les continuités écologiques soient assurées tant pour les migrations des espèces amphihalines - c'est-à-dire vivant alternativement en eau douce et en eau salée - que pour le transit sédimentaire. Ainsi, certaines pratiques anciennes, comme l'ouverture hebdomadaire des barrages, pourront être localement rétablies.
Le projet de loi prévoit également que le débit minimum imposé au droit des ouvrages hydrauliques soit adapté aux besoins écologiques et énergétiques et que leur mode de gestion permette d'atténuer les effets des éclusées. Il fixe donc la fin de 2013 comme échéance pour que ce débit minimum soit au niveau du dixième du module - le module étant le débit moyen interannuel - tout en permettant quelques adaptations.
En effet, l'ambition du projet de loi est de concilier les objectifs de la lutte contre l'effet de serre par le développement des énergies renouvelables avec l'atteinte du bon état écologique exigé par la directive cadre.
Le quatrième grand axe du projet de loi est le renforcement de la gestion locale et concertée des ressources en eau.
Le projet de loi assouplit les règles de composition et de fonctionnement des commissions locales de l'eau chargées d'élaborer les schémas d'aménagement et de gestion des eaux et de suivre leur mise en oeuvre. Il renforce également la portée juridique de ces schémas, les rendant ainsi plus opérationnels. Certaines de leurs mesures seront ainsi directement opposables aux tiers.
Le projet de loi tend à améliorer la gestion quantitative des ressources en eau pour limiter les effets des étiages sur la vie des cours d'eau. Afin de simplifier et rationaliser la gestion de l'eau par bassin versant, des organisations de gestion collective des prélèvements pourront être créées.
L'organisme de gestion collective, qui sera alors l'unique titulaire de l'autorisation, répartira, en interne, les volumes entre les différents adhérents.
Le cinquième grand axe du projet de loi est de donner des outils nouveaux aux maires pour gérer les services publics de l'eau et de l'assainissement.
Le projet de loi donne des compétences accrues aux communes en matière de contrôle et de réhabilitation des dispositifs d'assainissement non collectif ou des raccordements aux réseaux, ainsi que de contrôle des déversements dans les réseaux.
En matière d'assainissement non collectif, il permet aux maires, s'ils le souhaitent, de mettre en place un service public complet allant jusqu'à l'entretien et la réhabilitation. Les agences de l'eau pourront apporter des aides pour les travaux bien plus facilement qu'aujourd'hui.
Le projet de loi tend à améliorer la transparence de la gestion des services d'eau et d'assainissement et à faciliter l'accès à l'eau et à l'assainissement de tous les usagers, y compris les plus démunis. Ainsi, les cautions ou garanties à payer lors de l'ouverture d'un compteur seront supprimées.
En ce qui concerne le prix de l'eau, le projet de loi reconnaît pleinement l'organisation décentralisée des services publics d'eau et, donc, la responsabilité des maires ou des présidents d'établissement public de coopération intercommunale pour fixer le prix de l'eau. Ceux-ci pourront définir, s'ils le souhaitent, un prix progressif avec les premiers mètres cubes à un coût très faible correspondant à la politique sociale qu'ils auront choisie.
En matière de financement, et afin de mieux planifier les travaux lourds, les collectivités pourront faire des provisions pour renouvellement.
S'agissant des délégations de service public, les sommes perçues et qui n'auraient pas donné lieu aux travaux prévus dans le contrat donneront lieu à un remboursement de la part du délégataire.
Le projet de loi reconnaît le rôle des conseils généraux vis-à-vis des communes rurales, en particulier dans le domaine de l'assistance technique de l'eau potable et de l'assainissement. Je sais que la création d'un fonds départemental pour accroître la capacité d'aide des conseils généraux aux communes rurales fait débat.
Vous savez, par ailleurs, que l'ancien Fonds national pour le développement de l'adduction en eau, FNDAE, a été transféré aux agences de l'eau à compter du 1er janvier 2005.
Il est, en effet, légitime que la solidarité vis-à-vis des communes rurales soit poursuivie et, parfois, renforcée. Entre un éventuel fonds départemental et la montée en puissance des nouvelles missions des agences de l'eau envers les communes rurales, nous devons trouver un équilibre. Notre objectif doit être de ne pas provoquer une hausse importante du prix de l'eau sans rapport avec l'objectif recherché et les besoins réels.
Enfin, il est proposé de créer un fonds de garantie pour les boues de stations d'épuration, alimenté par une surtaxe sur les primes d'assurance des collectivités. Il servira à financer les éventuels risques de développement, c'est-à-dire un risque non connu à ce jour, donc, non prévu par la réglementation, qui se révélerait dans le futur.
Un tel fonds existe en Allemagne. Il a vocation à rendre confiance à la filière de l'épandage, qui est écologiquement et économiquement souvent la plus avantageuse.
Le sixième grand axe du projet de loi est de réformer l'organisation de la pêche.
La gestion durable du patrimoine piscicole et des habitats est d'intérêt général et participe à la gestion équilibrée de la ressource en eau. La pêche, activité à caractère environnemental, touristique, social et économique, en constitue le principal élément. Le projet de loi modernise l'organisation de cette activité et responsabilise ses acteurs.
Une fédération nationale de la pêche de loisir est créée, ainsi qu'un comité national de la pêche professionnelle. La nouvelle organisation préservera les intérêts des diverses composantes du monde de la pêche.
Voilà donc en substance les principales orientations et mesures de ce projet de loi.
Issu des concertations approfondies menées depuis plus de deux années, ce texte doit nous mettre en ordre de marche pour atteindre le bon état écologique des eaux d'ici à 2015.
Je suis convaincu que les débats du Sénat que nous abordons maintenant l'enrichiront. J'apporterai, naturellement, une très grande attention aux amendements que vous proposerez.
C'est dans cet état d'esprit très ouvert que je souhaite que l'examen du texte soit mené.
L'eau, c'est la vie. Nos responsabilités dans ce domaine sont immenses. Réussir cette loi doit être pour nous l'objet d'une volonté sans faille.