La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que me l'a demandé le président Christian Poncelet, qui participe en ce moment même aux assises des conseils généraux à Nantes, je voudrais, au nom du Sénat, rendre un hommage solennel à la mémoire du pape Jean-Paul II, dont la disparition empreinte de courage et de sérénité a profondément ému le monde entier.
Chacun, croyant ou non croyant, le sait : Karol Wojtyla s'est révélé être le pape de la concorde, de la communion des esprits, du dialogue des religions et de la fraternité universelle entre les hommes.
Tout au long de ses vingt-six années de pontificat, il n'a jamais ménagé ses forces au service de l'humanité, de la paix et de la liberté.
Au cours de ses multiples voyages, il a beaucoup oeuvré pour le rapprochement et la réconciliation entre les peuples, au-delà même des différences de cultures et de religions.
Sa grande autorité morale, sa pensée universelle, son rayonnement, son charisme sans pareil ont rassemblé des milliers de personnes dans le monde entier, tout particulièrement les jeunes, avec lesquels il entretenait un contact si chaleureux.
Partout et toujours, ce pèlerin missionnaire, cet inlassable « évêque du monde », ce pasteur des hommes a délivré un message de confiance et d'espérance oecuménique, exprimant avec conviction sa foi pour défendre la dignité de la personne humaine et la suprématie des valeurs éthiques, par-delà les systèmes et les idéologies.
Au nom du Sénat tout entier, je présente mes condoléances attristées à la communauté catholique de France. Le monde vient de perdre un homme exceptionnel, dont l'influence universellement acceptée aura durablement marqué les esprits et pesé sur l'évolution d'un monde confronté à de profondes mutations. Son message de paix, d'espérance et de fraternité demeurera toujours présent, toujours vivant.
En signe de deuil, comme l'avait fait jadis le président Gaston Monnerville à l'occasion du décès du pape Jean XXIII, je vous propose maintenant de suspendre la séance pendant quelques minutes afin de permettre à tous ceux qui le souhaitent de se recueillir.
La séance, suspendue à neuf heures trente-cinq, est reprise à neuf heures quarante.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation devant le Sénat du projet de loi sur l'eau est pour moi un moment très important, à double titre.
D'une part, c'est le premier projet de loi entièrement porté par le ministère de l'écologie et du développement durable que je présente. II porte sur une politique fondamentale du ministère, celle de l'eau et des milieux aquatiques.
D'autre part, c'est une sorte de privilège pour moi de commencer la lecture de ce texte avec vous au Sénat, où je siégeais encore il y a à peine plus d'un an.
Vous êtes les représentants des collectivités locales, et ce projet de loi répond avant tout aux attentes des élus et des collectivités qui ne peuvent pas faire face à leurs responsabilités et aux lourds engagements qu'ils ont à prendre dans le domaine de l'eau potable et de l'assainissement.
L'eau est un enjeu majeur pour la vie, pour la planète, mais aussi pour les collectivités territoriales que vous représentez. En effet, les élus locaux, à travers les services publics d'eau potable et d'assainissement ou l'aménagement et l'entretien des rivières, sont les acteurs de premier ordre de la politique de l'eau. II me paraissait donc tout à fait naturel de commencer la lecture de ce texte au Sénat.
En ce début de printemps, ce projet de loi sur l'eau est d'autant plus d'actualité qu'il y a quelques semaines on évoquait déjà une sécheresse précoce. Toute la presse en parlait. Nous nous sommes alors rappelé que, même en France, l'eau est un bien vital et limité.
Les pluies de ces derniers jours ont redonné de l'eau aux rivières. On a clairement observé une remontée des débits des cours d'eau. Toute la question est de savoir si cette pluviométrie de début de printemps sera suffisante pour recharger un peu les nappes avant d'aborder la période estivale.
C'est au début de mai, période durant laquelle la végétation en pleine croissance capte presque intégralement l'eau de pluie et qu'il n'y a donc plus de recharge de nappe, que nous pourrons faire un bilan complet.
Cet épisode de sécheresse de fin d'hiver nous a montré, après deux années sèches - 2003 et 2004 -, que la France n'était pas à l'abri de problèmes de ressource en eau. C'est un sujet majeur que nous aborderons dans le projet de loi sur l'eau.
Avant de vous présenter les enjeux de la politique de l'eau et ce projet de loi lui-même, permettez-moi de remercier très chaleureusement Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, qui ont examiné avec une très grande attention ce projet de loi.
Je veux également remercier le rapporteur au fond, Bruno Sido, et les deux rapporteurs pour avis, Fabienne Keller et Pierre Jarlier, de l'importance et la très grande qualité du travail qu'ils ont mené.
Bruno Sido a associé, dès la phase préparatoire des travaux du groupe d'étude sur l'eau, l'ensemble des groupes, afin de communiquer à chacun de ceux-ci toute l'information nécessaire. Je tiens à l'en remercier très sincèrement.
C'est également dans cet état d'esprit très constructif que je me présente devant vous. L'eau nous concerne tous. Il faut que nous donnions ensemble à la politique de l'eau une vision pour demain, afin que nous puissions, ensemble, reconquérir sa qualité.
Nous avons un objectif ambitieux pour la politique de l'eau : atteindre en 2015 un bon état écologique des eaux dans nos cours d'eau, nos lacs, nos nappes souterraines et nos eaux littorales.
Cet objectif ambitieux est national, mais aussi européen. C'est l'Europe qui permet enfin que celui-ci s'impose à tous, que l'on soit en amont ou en aval de la rivière. En effet, on le sait bien, quand on se situe en amont d'une rivière, on a du mal à intégrer les conséquences de ses rejets ou de ses prélèvements plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres en aval.
Et que dire des fleuves internationaux ?
Sur le Rhin, sans l'Europe, aucune politique de l'eau n'aurait pu se mettre en place.
Et que dire alors des mers ?
Encore plus qu'ailleurs, une politique européenne était indispensable, car la mer du Nord et la Manche, par exemple, subissent les conséquences des rejets de tous les pays environnants.
Individuellement, chaque pays n'a pas toujours un intérêt à agir. Seule une action collective menée au niveau de l'Europe permet de définir une politique commune qui sera efficace.
Si chacun on apprend à l'école élémentaire que tous les fleuves se jettent dans une mer ou dans un océan, et cela paraît une banalité de le dire, on est en revanche surpris de constater que la mer du Nord est eutrophisée, c'est-à-dire qu'elle présente des excès d'algues ou de mousses parfois observés sur le littoral. En effet, l'assainissement de grandes villes comme Paris ou Bruxelles, ou de villes allemandes, est encore insuffisant.
Eh oui, la Seine se jette bien dans la mer !
C'est donc bien grâce à l'Europe, à travers la directive du 20 octobre 2000 fixant un cadre pour une politique communautaire de l'eau, que tous les pays européens sont désormais solidaires en ce qui concerne la politique de l'eau. Cette solidarité est indispensable, car la pollution ne s'arrête pas aux frontières.
Nous avons donc désormais un objectif clair et précis à atteindre : le bon état écologique des eaux, des cours d'eau, des lacs, des nappes souterraines et des eaux littorales en 2015.
Reconquérir la qualité des eaux dans le milieu naturel, c'est s'assurer que, demain, l'ensemble des usages de l'eau pourront être satisfaits.
C'est permettre, d'une part, la production d'eau potable en quantité suffisante, en qualité irréprochable et à moindre coût et, d'autre part, le développement durable d'activités économiques, ainsi que de loisirs, comme la pêche ou la baignade.
C'est en ce sens que la loi sur l'eau de 1992 avait érigé l'eau en « patrimoine commun de la nation ». Car c'est un bien précieux et limité, qu'il faut protéger, mais c'est aussi un bien vital, car sans eau de qualité et en quantité il n'y a pas de développement durable possible.
Cette loi de 1992 a fixé des principes essentiels. Elle a donné ce statut de patrimoine commun de la nation à l'eau et en a fait un bien unique dont la préservation est d'intérêt général.
Toutefois, malgré le dispositif mis en place par les lois successives sur l'eau - loi sur l'eau de 1964, qui avait créé les agences de l'eau, loi pêche de 1984 ou loi sur l'eau de 1992 -, je constate que la situation en France n'est pas encore satisfaisante.
Certes, des progrès ont été réalisés. D'énormes investissements ont été consacrés à l'assainissement des communes depuis la fin des années quatre-vingt. Les pollutions industrielles les plus importantes ont été supprimées.
Mais de nouvelles formes de pollution se développent, comme les pollutions diffuses par les pesticides ou les nitrates : quasiment 80 % des cours d'eau contiennent des résidus de pesticide et 57 % des eaux souterraines.
Il reste encore de nombreux assainissements à mettre aux normes. La France a été condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes le 23 septembre 2004. En effet, 120 agglomérations de plus de 10 000 habitants, en zones sensibles, n'étaient pas aux normes en 1998, alors qu'elles auraient dû l'être : 60 d'entre elles le sont désormais.
Il faut impérativement rattraper le retard sur les 60 dernières agglomérations. J'ai personnellement écrit à chacun des maires et présidents d'établissement public de coopération intercommunale concernés.
Par ailleurs, les unités d'assainissement non collectif sont malheureusement souvent défectueuses. Plus de 5 millions de logements, ce qui représente plus de 11 millions de Français, sont concernés par ce mode d'assainissement.
Vous connaissez mieux que moi les difficultés auxquelles sont confrontés les maires pour mettre en place les services publics de l'assainissement non collectif.
L'objectif de bon état écologique des eaux fixé pour 2015 n'est atteint actuellement que sur la moitié environ des points de suivi de la qualité des eaux superficielles et des eaux côtières. En ce qui concerne ces dernières, leur qualité de réceptacle des pollutions de l'ensemble des bassins versants les expose trop souvent aux pollutions de l'amont.
Par ailleurs, certaines régions du territoire connaissent des déséquilibres entre les besoins et les ressources en eau, préjudiciables aux activités économiques et à l'équilibre écologique des milieux aquatiques. En 2003, dans trois départements sur quatre, des mesures de restriction de l'usage de l'eau ont été prises par les préfets.
En matière d'assainissement, la mise en conformité des installations nécessitera 4 milliards à 5 milliards d'euros d'investissement par an jusqu'en 2015, ce qui est tout à fait considérable.
Voilà donc, à travers quelques exemples et données chiffrées, les principaux défis que nous devrons relever.
Cela ne doit pas nous effrayer mais, au contraire, nous montrer que nous avons su, par le passé, surmonter certains enjeux de pollution. Il faudra persévérer et affronter d'autres formes de pollution.
Pour atteindre cet objectif, permettez-moi de souligner la chance que nous avons, en France, de disposer d'une politique de l'eau déjà très décentralisée à l'échelle du bassin hydrographique, comprenant des démarches participatives qui associent l'ensemble des usagers de l'eau. La France a su dès 1964, avec la création des agences de l'eau, organiser sa politique de l'eau au bon périmètre géographique : celui du bassin hydrographique.
Cette expérience a été enrichie dans les années quatre-vingt par le lancement des contrats de rivière, puis, en 1992, par la création des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE, et des schémas d'aménagement et de gestion des eaux, les SAGE.
Je suis intimement persuadé qu'une politique de l'eau ne peut réussir qu'au niveau du bassin, et surtout à condition de convier l'ensemble des acteurs autour d'une même table.
Seuls les usagers locaux de l'eau, et en première ligne les élus, peuvent définir les objectifs les plus pertinents. Cette façon de travailler est la seule qui permette aux usagers de se comprendre et de s'approprier les enjeux.
Par exemple, le plan Loire grandeur nature, qui me concerne au premier chef en tant qu'élu local, est une réussite. Des travaux importants de réparation des digues et de prévention des inondations ont été réalisés. Alors que seules quelques dizaines de saumons remontaient jusqu'à Vichy au début des années quatre-vingt-dix, plus de 1 200 ont été recensés en 2003.
Ces démarches participatives de bassin, que j'entends encore renforcer dans le projet de loi sur l'eau, nous permettront d'aborder avec force et efficacité les futurs enjeux de la politique de l'eau.
Le projet de loi que je vais maintenant vous présenter correspond à deux orientations essentielles : tout d'abord, nous donner les outils juridiques qui permettront d'atteindre le bon état écologique des eaux en 2015 ; ensuite, donner les moyens aux collectivités de faire face aux investissements importants qu'elles doivent consacrer aux services d'eau potable et d'assainissement.
Le présent projet de loi vient parachever le travail entrepris en matière de réforme de la politique de l'eau.
Ainsi, de nombreuses lois récentes ont contribué à moderniser la politique de l'eau. En dernier lieu, la loi sur le développement des territoires ruraux a permis de réformer la politique de gestion des zones humides.
Des réformes importantes sont également en cours au niveau de la police de l'eau. Avec quatre autres collègues ministres, j'ai donné instruction en novembre dernier aux préfets de ne plus retenir qu'un seul service de police de l'eau par département. Quand on sait que certains en comptaient jusqu'à sept, c'est une véritable révolution !
Ce projet de loi sur l'eau a véritablement vocation à constituer le texte central de la politique française de l'eau et à en conforter les grands principes, au moins pour les quinze années à venir.
Les grands axes de cette politique sont les suivants : rénover l'organisation institutionnelle, notamment les agences de l'eau, lutter contre les pollutions diffuses, reconquérir la qualité écologique des cours d'eau, renforcer la gestion locale et concertée de la ressource en eau, donner les outils aux maires pour pouvoir mieux gérer les services publics de l'eau potable et de l'assainissement et, enfin, réformer l'organisation de la pêche.
Le premier grand axe est la rénovation de l'organisation institutionnelle.
Le projet de loi a pour ambition de réformer dans le sens d'une meilleure efficacité l'ensemble du système, qui s'est bâti par couches successives depuis l'après-guerre, avec la création du Conseil supérieur de la pêche, en 1941, et celle des agences de l'eau, en 1964.
Les agences de l'eau ont montré qu'elles étaient indispensables. Elles ont permis de faire des progrès considérables depuis quarante ans. Mais, aujourd'hui, il est nécessaire de les réformer, à la fois pour répondre à un enjeu constitutionnel et pour les adapter aux nouveaux enjeux de la politique de l'eau.
Le projet de loi traite donc la question des moyens financiers. Il réforme les redevances des agences de l'eau en les rendant constitutionnelles dans le sens d'une déconcentration encadrée par le Parlement et d'une simplification des assiettes des redevances. Celles-ci étaient devenues en effet très complexes et peu lisibles. Des écarts de niveau de redevance d'une commune à l'autre étaient même quasiment inexplicables.
Ce texte renforce également les compétences des comités de bassin en soumettant à leur avis conforme non seulement les taux des redevances, mais aussi les programmes d'intervention des agences de l'eau.
Il est proposé de créer sept types de redevances, qui sont à la fois du type « pollueur-payeur » et du type « bénéficiaire ».
Ces sept types de redevance portent sur la pollution ponctuelle par les rejets domestiques et non domestiques, les réseaux de collecte, la pollution diffuse par les produits phytosanitaires, les prélèvements d'eau, les stockages d'eau en période d'étiage, les obstacles sur les cours d'eau et la protection des milieux aquatiques.
On retrouve naturellement sous une forme modifiée certaines redevances déjà existantes. Ainsi, la redevance pour pollution diffuse par les pesticides se substitue à la taxe générale sur les activités polluantes portant sur ces produits. La redevance pour protection du milieu aquatique remplace la taxe piscicole.
Le Gouvernement n'a pas retenu le principe d'une redevance sur les engrais, dont l'efficacité économique et surtout écologique est loin d'être démontrée.
La conditionnalité des aides de la politique agricole commune constitue selon moi un meilleur outil. Elle permettra sans nul doute une meilleure application des directives européennes, notamment de celle sur les nitrates.
En effet, les agriculteurs doivent, à travers la conditionnalité sur la directive nitrates, respecter sept critères très précis qui prévoient, notamment, les périodes interdites de fertilisation, la couverture des sols durant l'hiver par des cultures « pièges à nitrates », ou la fixation d'une dose maximale de 170 kg d'azote organique par hectare et par an.
Par ailleurs, tous les bords agricoles de cours d'eau devront être plantés de bandes d'herbe de 5 mètres de large. De telles pratiques entraînent une diminution considérable des charges des cours d'eau en nitrates, mais aussi en pesticides.
Je fais confiance au monde agricole pour s'engager dans ces pratiques. Il a su montrer par le passé qu'il savait relever les défis.
Revenons aux redevances. Le projet de loi vise à avoir des assiettes de redevance les plus simples possible. Il maintient le principe que le taux peut être modulé selon l'usage, l'état des masses d'eau, les préconisations des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux et des schémas d'aménagement et de gestion des eaux et la capacité financière des acteurs, conformément à la directive cadre et à la Charte de l'environnement désormais intégrée à la Constitution.
A l'échelon national, le Conseil supérieur de la pêche est transformé en un véritable office de l'eau et des milieux aquatiques chargé de la connaissance et des études. Cet office apportera un appui technique aux services centraux et déconcentrés de l'Etat, ainsi qu'aux agences de l'eau. Il pourra, en outre, assurer des solidarités interbassins.
Cette réforme est un acte fort de réforme de l'Etat, qui permet de faire évoluer un établissement public vers de nouvelles missions.
En effet, il y a un véritable besoin de compétence forte en matière de système d'information sur l'eau, de surveillance des milieux aquatiques, d'évaluation et d'étude ou de recherche dans le domaine de l'eau. L'expertise apportée par l'ONEMA, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, épaulera les personnels du ministère et des agences de l'eau.
L'ONEMA, qui devra être un véritable centre de ressource, appuiera également la présence française de mon ministère dans les travaux d'experts à l'échelon européen. Nous manquons, en effet, de présence dans tous les groupes de travail européens, là où se préparent les directives de demain.
De nombreux ministères, comme ceux de l'équipement ou de l'agriculture, disposent d'établissements publics techniques pour les appuyer. Il est légitime que celui de l'écologie puisse disposer d'un tel établissement pour l'eau.
L'ONEMA renforcera donc la capacité de l'Etat à définir la politique de l'eau, à la mettre en oeuvre et à la suivre.
L'ONEMA, je le dis clairement, n'enlèvera aucune compétence régalienne à la direction de l'eau du ministère de l'écologie, laquelle restera toujours la direction responsable de la police de l'eau, de la préparation des textes législatifs et réglementaires et, enfin, de la politique de prévention des inondations.
Le deuxième grand axe du projet de loi est la lutte contre les pollutions diffuses. C'est un enjeu majeur pour les années futures.
Le projet de loi prévoit la mise en place de plans d'actions sous forme de mesures contre les pollutions diffuses, bénéficiant d'aides des agences de l'eau et pouvant devenir obligatoires et généralisables dans les secteurs sensibles. Ces plans d'action seront mis en place localement en associant les acteurs concernés, en premier lieu, les agriculteurs et les élus.
Le texte qui vous est soumis vise à organiser la traçabilité des ventes des pesticides et à instaurer un contrôle périodique des pulvérisateurs utilisés pour l'application de ces produits. II permet, en outre, à certains agents de la police de l'eau d'effectuer des contrôles sur les conditions d'utilisation.
Enfin, la taxe globale d'activité polluante sur les pesticides est transformée en une redevance au profit des agences de l'eau, comme je vous l'ai déjà indiqué.
Le troisième grand axe du projet de loi est la reconquête de la qualité écologique des cours d'eau.
Le respect du bon état écologique suppose que les milieux aquatiques soient entretenus en utilisant des techniques douces. II faut qu'au niveau des barrages les continuités écologiques soient assurées tant pour les migrations des espèces amphihalines - c'est-à-dire vivant alternativement en eau douce et en eau salée - que pour le transit sédimentaire. Ainsi, certaines pratiques anciennes, comme l'ouverture hebdomadaire des barrages, pourront être localement rétablies.
Le projet de loi prévoit également que le débit minimum imposé au droit des ouvrages hydrauliques soit adapté aux besoins écologiques et énergétiques et que leur mode de gestion permette d'atténuer les effets des éclusées. Il fixe donc la fin de 2013 comme échéance pour que ce débit minimum soit au niveau du dixième du module - le module étant le débit moyen interannuel - tout en permettant quelques adaptations.
En effet, l'ambition du projet de loi est de concilier les objectifs de la lutte contre l'effet de serre par le développement des énergies renouvelables avec l'atteinte du bon état écologique exigé par la directive cadre.
Le quatrième grand axe du projet de loi est le renforcement de la gestion locale et concertée des ressources en eau.
Le projet de loi assouplit les règles de composition et de fonctionnement des commissions locales de l'eau chargées d'élaborer les schémas d'aménagement et de gestion des eaux et de suivre leur mise en oeuvre. Il renforce également la portée juridique de ces schémas, les rendant ainsi plus opérationnels. Certaines de leurs mesures seront ainsi directement opposables aux tiers.
Le projet de loi tend à améliorer la gestion quantitative des ressources en eau pour limiter les effets des étiages sur la vie des cours d'eau. Afin de simplifier et rationaliser la gestion de l'eau par bassin versant, des organisations de gestion collective des prélèvements pourront être créées.
L'organisme de gestion collective, qui sera alors l'unique titulaire de l'autorisation, répartira, en interne, les volumes entre les différents adhérents.
Le cinquième grand axe du projet de loi est de donner des outils nouveaux aux maires pour gérer les services publics de l'eau et de l'assainissement.
Le projet de loi donne des compétences accrues aux communes en matière de contrôle et de réhabilitation des dispositifs d'assainissement non collectif ou des raccordements aux réseaux, ainsi que de contrôle des déversements dans les réseaux.
En matière d'assainissement non collectif, il permet aux maires, s'ils le souhaitent, de mettre en place un service public complet allant jusqu'à l'entretien et la réhabilitation. Les agences de l'eau pourront apporter des aides pour les travaux bien plus facilement qu'aujourd'hui.
Le projet de loi tend à améliorer la transparence de la gestion des services d'eau et d'assainissement et à faciliter l'accès à l'eau et à l'assainissement de tous les usagers, y compris les plus démunis. Ainsi, les cautions ou garanties à payer lors de l'ouverture d'un compteur seront supprimées.
En ce qui concerne le prix de l'eau, le projet de loi reconnaît pleinement l'organisation décentralisée des services publics d'eau et, donc, la responsabilité des maires ou des présidents d'établissement public de coopération intercommunale pour fixer le prix de l'eau. Ceux-ci pourront définir, s'ils le souhaitent, un prix progressif avec les premiers mètres cubes à un coût très faible correspondant à la politique sociale qu'ils auront choisie.
En matière de financement, et afin de mieux planifier les travaux lourds, les collectivités pourront faire des provisions pour renouvellement.
S'agissant des délégations de service public, les sommes perçues et qui n'auraient pas donné lieu aux travaux prévus dans le contrat donneront lieu à un remboursement de la part du délégataire.
Le projet de loi reconnaît le rôle des conseils généraux vis-à-vis des communes rurales, en particulier dans le domaine de l'assistance technique de l'eau potable et de l'assainissement. Je sais que la création d'un fonds départemental pour accroître la capacité d'aide des conseils généraux aux communes rurales fait débat.
Vous savez, par ailleurs, que l'ancien Fonds national pour le développement de l'adduction en eau, FNDAE, a été transféré aux agences de l'eau à compter du 1er janvier 2005.
Il est, en effet, légitime que la solidarité vis-à-vis des communes rurales soit poursuivie et, parfois, renforcée. Entre un éventuel fonds départemental et la montée en puissance des nouvelles missions des agences de l'eau envers les communes rurales, nous devons trouver un équilibre. Notre objectif doit être de ne pas provoquer une hausse importante du prix de l'eau sans rapport avec l'objectif recherché et les besoins réels.
Enfin, il est proposé de créer un fonds de garantie pour les boues de stations d'épuration, alimenté par une surtaxe sur les primes d'assurance des collectivités. Il servira à financer les éventuels risques de développement, c'est-à-dire un risque non connu à ce jour, donc, non prévu par la réglementation, qui se révélerait dans le futur.
Un tel fonds existe en Allemagne. Il a vocation à rendre confiance à la filière de l'épandage, qui est écologiquement et économiquement souvent la plus avantageuse.
Le sixième grand axe du projet de loi est de réformer l'organisation de la pêche.
La gestion durable du patrimoine piscicole et des habitats est d'intérêt général et participe à la gestion équilibrée de la ressource en eau. La pêche, activité à caractère environnemental, touristique, social et économique, en constitue le principal élément. Le projet de loi modernise l'organisation de cette activité et responsabilise ses acteurs.
Une fédération nationale de la pêche de loisir est créée, ainsi qu'un comité national de la pêche professionnelle. La nouvelle organisation préservera les intérêts des diverses composantes du monde de la pêche.
Voilà donc en substance les principales orientations et mesures de ce projet de loi.
Issu des concertations approfondies menées depuis plus de deux années, ce texte doit nous mettre en ordre de marche pour atteindre le bon état écologique des eaux d'ici à 2015.
Je suis convaincu que les débats du Sénat que nous abordons maintenant l'enrichiront. J'apporterai, naturellement, une très grande attention aux amendements que vous proposerez.
C'est dans cet état d'esprit très ouvert que je souhaite que l'examen du texte soit mené.
L'eau, c'est la vie. Nos responsabilités dans ce domaine sont immenses. Réussir cette loi doit être pour nous l'objet d'une volonté sans faille.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule je me réjouis que le Sénat soit la première assemblée saisie pour l'examen de ce projet de loi, qui réforme en profondeur la politique de l'eau.
La question de l'eau constitue désormais un enjeu majeur pour nos concitoyens, très sensibilisés à l'évolution du prix de l'eau, mais aussi pour l'ensemble des activités économiques, y compris la production d'énergie, qui utilisent cette ressource, et pour les collectivités territoriales, responsables de la fourniture d'une eau de qualité et en quantité suffisante.
A ces titres divers, la gestion de l'eau constitue désormais un élément déterminant de la politique d'aménagement du territoire, à la définition de laquelle les collectivités territoriales doivent être étroitement associées.
Avec ce projet de loi, nous voulons adapter et moderniser le dispositif juridique de la gestion de l'eau en France, qui repose sur les lois sur l'eau du 16 décembre 1964 et du 3 janvier 1992.
Nous entendons l'adapter sans le bouleverser, car l'organisation décentralisée autour du concept de bassin hydrographique et de gestion équilibrée par bassin versant a fait ses preuves, au point que la directive cadre sur l'eau adoptée en octobre 2000 et transposée par la loi du 21 avril 2004 reprend ce concept.
Néanmoins, le constat de la situation française n'est pas entièrement satisfaisant. Nous sommes tous conscients de la dégradation de la qualité de l'eau, pour les eaux tant superficielles que souterraines, des déséquilibres aggravés dans certains bassins entre la ressource et les besoins des activités, ou encore des effets amplifiés des phénomènes de crues et d'inondations dus aux activités humaines, et qui illustrent une insuffisance des politiques de prévention.
En clair, l'objectif de bon état écologique des eaux n'est atteint actuellement que pour environ la moitié des points de suivi de la qualité des eaux superficielles.
Sur le plan communautaire, la situation de la France n'est pas non plus satisfaisante en matière de contentieux dans le domaine de l'eau, ce qui apparaît paradoxal puisque notre modèle de gestion est pris en exemple.
Le projet de loi doit nous permettre de résoudre cette contradiction en réorientant les instruments dont nous disposons pour répondre aux objectifs ambitieux de résultats fixés par la directive à l'horizon 2015, s'agissant du « bon état » écologique des milieux aquatiques.
Pour examiner ce texte, j'ai voulu, malgré des délais très brefs, associer nos collègues du groupe d'étude sur l'eau à la tenue de quarante-cinq auditions, qui ont permis, je le crois, à chacun de ceux qui le souhaitaient de prendre la mesure des enjeux et de la complexité du dispositif présenté.
Ce travail d'audition nous a permis de vérifier, comme nous avons aussi pu le faire au travers de la concertation que vous avez conduite, monsieur le ministre, pour la préparation de ce projet de loi, qu'il existe un véritable consensus sur l'affirmation de la pertinence générale du dispositif des structures de bassin, qui autorise une forme décentralisée et concertée de la prise de décision. A cela s'ajoute la volonté de sauvegarder l'espace de démocratie participative que constitue le mode de fonctionnement et de régulation des instances de bassin.
Le consensus est également largement acquis, pour l'essentiel des acteurs concernés, s'agissant de l'acceptation du mécanisme des redevances des agences de l'eau comme illustration du principe du « paiement du coût de l'eau par l'eau » et de la volonté toujours réaffirmée de s'opposer à toute forme de « détournement » des financements issus des usages de l'eau.
A ce principe est cependant attaché un souci, bien légitime, de transparence des procédures, auquel on peut associer une très grande sensibilité quant aux évolutions du prix de l'eau.
Je crois donc pouvoir affirmer qu'il convient de rester fidèles au principe posé par la loi du 16 décembre 1964, selon lequel les agences de l'eau doivent favoriser la réalisation d'actions d'intérêt commun pour le bassin, alors même que ceux qui rendent nécessaires ou utiles ces actions n'ont pas intérêt à les accomplir seuls. Les redevances instaurées par les agences de l'eau permettent de faire contribuer au financement l'ensemble des « usagers de la ressource » du bassin.
Je ne reviendrai pas dans le détail après vous, monsieur le ministre, sur le contenu de ce projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, qui comprend cinquante articles répartis en quatre titres. Nous reverrons toutes ses dispositions à l'occasion de l'examen des quelque 660 amendements qui ont été déposés par la commission des affaires économiques, par les deux commissions saisies pour avis, celle des lois et celle des finances, dont je salue l'excellent travail, et par l'ensemble de nos collègues. S'il en était besoin, le nombre de ces amendements témoigne de l'intérêt suscité par votre projet de loi.
Cependant, avant de présenter l'économie générale des amendements adoptés par la commission des affaires économiques, je souhaite faire état de quelques réflexions sur les enjeux de ce texte que je juge majeurs.
La commission des affaires économiques du Sénat est ainsi convaincue de la nécessité de renforcer le poids des représentants des collectivités territoriales au sein des comités de bassin, afin de contrebalancer, autant que faire se peut, la relative « reprise en main » des agences de l'eau par l'Etat. C'est là le premier enjeu majeur.
Il est certain que les agences constituent, parallèlement à la réglementation, dont le respect est assuré par la police de l'eau, un outil essentiel pour atteindre les objectifs principaux fixés par la directive-cadre sur l'eau, et que l'Etat est responsable de la bonne application de celle-ci devant les instances communautaires concernées.
Toutefois, un équilibre doit être trouvé entre les prérogatives de l'Etat et les compétences décentralisées des comités de bassin.
En outre, s'agissant du mécanisme des redevances, je suis persuadé qu'il est nécessaire de poursuivre, au cours de l'examen de ce projet de loi par le Parlement, une réflexion sur la nature juridique de ces dernières.
Certes, le Conseil constitutionnel a tranché, en 1982, en retenant le caractère d'impôts de toutes natures, et le Conseil d'Etat récuse, pour la plupart de ces redevances, le caractère de redevances pour service rendu. Le projet de loi entérine ce choix, mais on peut le regretter.
Les conséquences sont en effet importantes en ce qui concerne non seulement les ressources des agences de l'eau considérées pour le moment comme des impôts affectés, mais aussi la garantie de leur pérennité. La qualification juridique proposée pour les redevances n'expose-t-elle pas les ressources des agences au risque d'une soumission ultérieure aux règles de la fongibilité budgétaire, c'est-à-dire, plus prosaïquement, aux appétits financiers de l'Etat ?
En outre, que dire des aides des agences désormais considérées comme des aides d'Etat et soumises à l'encadrement communautaire, notamment en matière de protection de l'environnement ? Comment concilier, à l'avenir, des restrictions de plus en plus fortes et le maintien de la participation des industriels au sein des comités de bassin si toute forme d'aide leur est interdite ?
Il faut explorer les voies nouvelles ouvertes par l'intégration de la Charte de l'environnement de 2004 dans la Constitution au travers de l'adoption de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005. En particulier, l'article 4 de la Charte fait obligation à « toute personne de contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement dans les conditions définies par la loi ».
N'y aurait-il pas là matière à reconnaissance d'une nouvelle catégorie de redevances, identifiées comme des contributions destinées à réparer les dommages causés à l'eau ? Rien n'interdirait de définir dans la loi le cadre général de ces redevances, mais avec le souci de laisser suffisamment d'autonomie aux autorités de bassin, responsables de la gestion de l'eau à une échelle pertinente, pour atteindre les objectifs fixés pour 2015 par la directive-cadre sur l'eau. Le lien pourrait alors être maintenu entre ces redevances et l'octroi d'aides aux personnes, tant publiques que privées, pour appuyer des politiques volontaristes et coordonnées de reconquête de la qualité de l'eau à l'échelle des bassins hydrographiques.
Le deuxième enjeu majeur identifié est de satisfaire à nos obligations communautaires, en conciliant les différents usages de l'eau.
D'une part, la France doit, en vertu des dispositions de la directive-cadre sur l'eau, atteindre d'ici à 2015 un objectif de bon état ou, à défaut, de bon potentiel écologique des eaux. Pour qualifier ces états, la directive-cadre fait référence à deux notions : l'état écologique et l'état chimique, appréciés au regard de la présence et du développement des milieux aquatiques, ce qui nécessite une bonne qualité chimique de l'eau, qui doit être disponible en quantité suffisante, et une morphologie diversifiée, garante de la présence d'habitats colonisables par la faune et la flore.
A ce titre, il est indéniable que la présence d'ouvrages hydrauliques sur les cours d'eau a une incidence non négligeable sur les milieux aquatiques, en particulier quand ils réduisent les débits.
D'autre part, notre pays est également soumis à un engagement en matière de développement des énergies renouvelables, puisque, selon la directive 2001/77, la France doit parvenir à produire, d'ici à 2010, 21 % de sa consommation intérieure à partir de sources d'énergie renouvelables.
L'énergie hydraulique représente 92 % de cette production. Elle offre deux atouts majeurs.
En premier lieu, elle permet de résoudre le problème principal lié au caractère non stockable de l'électricité. En effet, l'eau peut précisément se stocker dans des retenues artificielles et être utilisée quand le besoin s'en fait sentir. Cette faculté de modulation de la puissance envoyée sur le réseau électrique fait de l'hydroélectricité une source d'énergie d'une importance décisive pour répondre aux besoins des Français dans les périodes de pointes de consommation.
En second lieu, elle est l'une des sources d'énergie les moins polluantes, puisqu'elle ne produit pas de déchets, contrairement à l'énergie nucléaire, et n'est pas émettrice de gaz à effet de serre. Or, sur les 70 TWh précédemment évoqués, on estime à 25 TWh la part de l'électricité hydraulique dite modulable, c'est-à-dire qui est utilisée de manière intermittente pour « passer » les pointes de consommation. Cette capacité modulable ne peut être remplacée que par des moyens de production thermiques, à savoir des centrales fonctionnant avec des énergies fossiles telles que le gaz, le fioul ou le charbon, qui émettent beaucoup de CO2.
Or, de par sa signature du protocole de Kyoto, notre pays est tenu de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, au titre de la lutte contre le réchauffement climatique. La France est aujourd'hui bien placée à cet égard, puisque, en raison de la structure de son appareil de production énergétique, qui laisse une place prédominante au nucléaire, puis à l'hydraulique, le volume des émissions de CO2 par habitant dues à la production électrique y est largement inférieur à ce qu'il est dans les autres pays de l'Union européenne : il représente en effet 0, 44 tonne pour la France, contre 3, 67 tonnes pour l'Allemagne ou 2, 79 tonnes pour le Royaume-Uni.
Il convient donc, dans la mesure du possible, de préserver le parc hydraulique, pour que la France puisse respecter l'objectif de 21 % de sa consommation intérieure d'énergie produite à partir de sources renouvelables inscrit dans la directive « ENR », ainsi que ses engagements en matière de lutte contre l'effet de serre.
Enfin, le troisième enjeu majeur réside dans la lutte contre les pollutions diffuses en milieu rural.
Cette bataille ne pourra être gagnée qu'en accompagnant les agriculteurs et avec leur aide, ainsi qu'en encourageant et en soutenant les communes rurales confrontées aux obligations de mise en oeuvre de l'assainissement, particulièrement de l'assainissement non collectif.
Il est tout à fait exact que les pollutions diffuses par les nitrates et les pesticides sont en grande partie à l'origine de la pollution globale des eaux en France et que les activités agricoles contribuent pour une part non négligeable à celle-ci. Si la part de responsabilité du monde agricole est indéniable, ce dernier ne doit pas pour autant être accablé de critiques, comme c'est très - trop ! - souvent le cas. En effet, une réelle prise de conscience a eu lieu chez les professionnels du secteur, tout particulièrement chez les plus jeunes d'entre eux, qui s'investissent de plus en plus dans des actions, souvent volontaires, de préservation des ressources en eau et de l'environnement.
Par ailleurs, la contribution financière du monde agricole à la mise en oeuvre de la politique de l'eau existe aujourd'hui, à travers une déclinaison de la redevance « pollution » pesant sur les élevages et dont le produit est versé aux agences de l'eau, pour un montant total de 6 millions d'euros par an.
En outre, s'agissant des pesticides, a été mise en place en 2000 une taxe générale sur les activités polluantes, la fameuse TGAP, affectant spécifiquement les produits phytosanitaires et dont le taux croît avec la toxicité des substances actives.
Le projet de loi tend à renforcer cette contribution du secteur agricole à la mise en oeuvre de la politique de l'eau.
Sur le plan financier, est maintenue la redevance « nitrates » applicable aux élevages. Par ailleurs, si la TGAP sur les produits phytosanitaires est formellement supprimée, elle est en réalité reconduite sous la forme d'une redevance pour pollutions diffuses au profit des agences de l'eau, assise sur les quantités de substances actives contenues dans les produits antiparasitaires ou biocides, dont la liste est fixée par décret. Cette redevance acquittée par les distributeurs sera intégralement répercutée sur les agriculteurs, et nous aurons à examiner des amendements visant à la rendre plus incitative.
Sur un plan plus technique, le projet de loi comporte diverses dispositions ayant pour objet d'inciter les agriculteurs à préserver la qualité des ressources en eau.
Ainsi, est prévue la possibilité, pour le pouvoir réglementaire, de définir, dans les zones où il est nécessaire d'assurer la protection des aires d'alimentation des captages d'eau potable, un programme d'action contenant de bonnes pratiques agricoles à promouvoir, qui pourront être rendues obligatoires pour l'ensemble des agriculteurs.
Par ailleurs, il est prévu d'instaurer un système de contrôle périodique obligatoire des pulvérisateurs en service et un contrôle préalable des nouveaux matériels avant leur mise sur le marché.
En revanche, je suis convaincu que l'instauration d'une redevance « nitrates » pesant sur les cultures ne constitue pas la bonne réponse. Pour être opérationnelle, une telle mesure devrait être simple et la redevance devrait être assise sur la quantité d'engrais achetée, alors même que c'est l'excédent d'azote qu'il faut taxer. Il faut donc privilégier les bonnes pratiques agricoles pour parvenir à un résultat vraiment écologique.
Au-delà du dispositif législatif et réglementaire en vigueur, ainsi que des dispositions financières et techniques du projet de loi, l'évolution du monde agricole vers une plus grande prise en considération de l'environnement et, entre autres exigences, de la qualité des eaux résultera de façon inéluctable des nouvelles contraintes européennes issues de la réforme de la politique agricole commune arrêtée au mois de juin 2003. Aboutissement d'une tendance déjà amorcée à l'échelon communautaire depuis plusieurs années, cette réforme se traduit par l'introduction, sur le plan interne, de deux principes, l'écoconditionnalité et le découplage des aides, qui vont modifier radicalement les pratiques agricoles dans le domaine environnemental.
Le principe de conditionnalité, partiellement applicable depuis le 1er janvier 2005, consiste à établir un lien entre le versement intégral des aides directes et le respect d'exigences relatives à la préservation de l'environnement, à l'identification des animaux et à de bonnes conditions agricoles et environnementales, dont le maintien des pâturages permanents. La conditionnalité introduit une réduction des paiements directs en cas de non-respect de ces exigences. Relèvent de l'écoconditionnalité les exigences ayant un caractère ou une finalité plus particulièrement écologique, dont certaines concernent directement l'utilisation de l'eau et la pollution des sols par les agriculteurs.
Le principe de découplage des aides - il sera applicable à compter de 2006 à travers le versement d'une prime unique, calculée par exploitation et versée qu'il y ait ou non production - devrait favoriser des modes de production extensifs et non plus intensifs, voire la mise en jachère de parcelles entières, ce qui participera à l'amélioration de la qualité des eaux et des milieux aquatiques.
En conclusion, j'évoquerai brièvement l'économie générale des 124 amendements déposés par la commission des affaires économiques.
S'agissant des dispositions relatives à la préservation des ressources en eau et des milieux aquatiques figurant au titre Ier, la commission a souhaité mieux concilier la protection de la qualité des eaux et des milieux aquatiques et le développement nécessaire des énergies renouvelables.
En l'état actuel du texte, les dispositions ayant trait à la régulation des éclusées et au débit réservé pourraient conduire à diminuer les capacités de la production française d'environ 3 milliards de kilowatts-heure. Ces pertes, qui concernent principalement l'électricité produite en période de pointe de consommation, devraient être compensées par la création de moyens thermiques supplémentaires, fortement émetteurs de gaz à effet de serre. Il est donc impératif de trouver un équilibre entre la nécessité d'atteindre le bon état écologique des eaux en 2015 et la promotion des énergies renouvelables à hauteur de 21 % d'ici à 2010.
La commission des affaires économiques a également précisé les dispositions relatives à l'entretien des cours d'eau afin, notamment, de définir les obligations des propriétaires riverains et les modalités des opérations groupées d'entretien conduites par les collectivités locales. Elle souhaite voir renforcer la lutte contre les pollutions diffuses en permettant aux SAGE, les schémas d'aménagement et de gestion des eaux, de définir des zones où l'érosion des sols agricoles peut nuire au bon état écologique des eaux et dans lesquelles pourront être mises en place, voire rendues obligatoires, les bonnes pratiques agricoles.
En ce qui concerne les articles relatifs à l'alimentation en eau et à l'assainissement figurant au titre II, la commission des affaires économiques a souhaité rendre obligatoire, pour toute vente d'immeuble à usage d'habitation, la production par le vendeur d'un diagnostic certifiant l'existence et le bon état des installations d'assainissement autonome.
Elle entend également, tout d'abord, préciser les éléments techniques au respect desquels le délégataire d'un service de distribution d'eau et d'assainissement est tenu, ensuite, renforcer les conditions d'opposabilité du règlement de service aux abonnés des services de l'eau et, enfin, assouplir les conditions dans lesquelles les pratiques de tarification dégressive de la distribution d'eau sont rendues possibles afin de respecter les prérogatives des collectivités locales.
A propos des dispositifs relatifs à la planification et à la gouvernance prévus par le titre III, la commission a adopté des amendements visant au renforcement, de manière facultative, des compétences du département dans le domaine de l'eau en autorisant ce dernier à percevoir des ressources supplémentaires, ainsi qu'au rééquilibrage du poids des collectivités territoriales et des usagers dans la composition des comités de bassin et pour la désignation du président de ce comité.
Elle s'est également clairement prononcée en faveur de la contractualisation entre les agences de l'eau et les départements, s'agissant de la répartition des fonds affectés par celles-ci au mécanisme de solidarité envers les communes rurales depuis que ces agences gèrent l'ex-FNDAE.
La commission des affaires économiques a par ailleurs souhaité, à travers plusieurs amendements techniques, maintenir la spécificité des compétences des agences de l'eau dans des actions ayant un intérêt pour le bassin ainsi que le lien entre redevances et interventions des agences s'agissant de la définition des redevances.
En ce qui concerne la partie consacrée à l'organisation de la pêche en eau douce proposée par le chapitre V du titre III, la commission a adopté des amendements visant à mieux représenter les intérêts des pêcheurs amateurs aux engins et aux filets et à reconnaître un pouvoir d'avis à l'instance nationale représentant les pêcheurs professionnels en eau douce sur les textes réglementaires la concernant.
Enfin, la commission des affaires économiques, au vu des nombreux amendements déposés au sujet de la définition des eaux libres et des eaux closes, vous proposera un dispositif explicitant de façon aussi claire et simple que possible le champ d'application de la législation sur la pêche. Je n'en ferai pas ici la présentation, car la commission doit encore débattre de cette question complexe qui a donné lieu à des débats passionnés depuis l'adoption de la loi au 29 juin 1984 relative à la pêche en eau douce et à la gestion des ressources piscicoles. Je souhaite que le débat soit conduit de façon sereine afin que nous parvenions à une définition raisonnable.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenant après mon collègue de la commission des affaires économiques et avant celui de la commission des lois, dont je salue le travail approfondi, je me concentrerai sur les thèmes ayant particulièrement retenu l'attention de la commission des finances. Celle-ci a souhaité se saisir pour avis de dix articles du présent projet de loi, que l'on peut répartir en trois catégories : un article relatif au fonds de garantie des risques liés à l'épandage agricole des boues urbaines et industrielles, deux articles concernant les collectivités locales et sept articles ayant trait à la réforme de l'architecture du financement de la politique de l'eau, en particulier au dispositif des redevances perçues par les agences de l'eau.
S'agissant du fonds de garantie des risques liés à l'épandage agricole des boues urbaines et industrielles, la commission des finances a estimé que certains points méritaient d'être précisés.
Tout d'abord, est-il opportun de créer ce fonds ? L'étude d'impact du présent projet de loi indique expressément que « la création d'un tel fonds n'est pas indispensable sur un strict plan rationnel ». Il semble toutefois, suivant la logique développée par le ministère de l'écologie, que ce fonds permettrait de créer un climat plus serein autour de la démarche de l'épandage que vous considérez, monsieur le ministre, comme la moins coûteuse et la plus écologique.
Ensuite, est-il techniquement nécessaire de prévoir un dispositif complémentaire aux assurances existantes, et quelle est l'articulation avec celles-ci ? Ce point ne nous semble pas très clair pour le moment, et une clarification de ce dernier permettrait peut-être une meilleure efficacité du dispositif.
Enfin, ce fonds présente-il un risque de dérive budgétaire ? Il est prévu qu'il n'interviendra que dans la limite de ses ressources, mais il est également envisagé qu'il puisse recevoir des avances de l'Etat. Or, d'après les informations qui nous ont été communiquées, cela reviendrait à prévoir une garantie ultime de l'Etat.
S'agissant des articles relatifs aux collectivités territoriales, je m'en tiendrai à l'article 23, qui a suscité de nombreux débats en commission.
Je le rappelle, cet article vise à permettre aux communes et à leurs groupements d'instaurer une taxe sur les volumes d'eaux pluviales et de ruissellement entrant dans les systèmes de collecte afin de financer les ouvrages relatifs aux eaux pluviales et de ruissellement. Le redevable serait le propriétaire du branchement. La taxe serait assise sur le volume maximal des eaux susceptibles de pénétrer dans les ouvrages concernés - mais qui peuvent provenir d'ailleurs -, et son taux, institué par délibération de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement, serait compris dans la limite de 30 centimes d'euro par mètre cube.
La commission des finances a considéré que les règles de détermination de la taxe seraient difficilement applicables en pratique, voire qu'elles pourraient soulever un problème d'équité.
C'est la raison pour laquelle elle a souhaité déposer un amendement de suppression de cet article afin que le Gouvernement puisse apporter les éclaircissements nécessaires.
Je voudrais maintenant aborder l'aspect le plus lourd de la réforme qui nous est proposée, à savoir celui de la refonte de la gouvernance et du mode de financement de la politique de l'eau.
Trois axes principaux peuvent être dégagés : la réforme des comités de bassin et des agences de l'eau, la réforme des redevances et la création d'un office de l'eau et des milieux aquatiques.
Globalement, il me paraît important d'insister sur le renforcement du rôle du Parlement, qui sera notamment conduit à approuver les orientations prioritaires du programme pluriannuel d'intervention des agences de l'eau.
S'agissant des comités de bassin, dont le rôle est conforté par le présent projet de loi, la principale nouveauté réside dans la modification des règles de composition et, surtout, de désignation du président.
L'article 35 renforce en effet le poids de l'Etat : d'une part, en prévoyant que les trois collèges qui composent le comité de bassin - élus, usagers et Etat - bénéficient d'un nombre égal de sièges ; d'autre part, en permettant que les représentants de l'Etat prennent part à l'élection du président du comité de bassin. Or retenir le vote des représentants de l'Etat pour l'élection du président du comité reviendrait à confier à l'Etat un pouvoir d'arbitrage, ce qui n'est pas souhaitable. La commission des finances, comme la commission des affaires économiques et la commission des lois, a donc décidé de supprimer cette possibilité et de réviser le poids relatif des différents collèges.
Je voudrais insister sur la suppression de la possibilité, actuellement ouverte aux agences de l'eau, de contribuer par voie de fonds de concours au budget de l'Etat. Rappelons que cette disposition avait servi à justifier, d'un point de vue juridique, le « prélèvement » de 210 millions d'euros opéré l'an dernier sur leur trésorerie.
La suppression de ces dispositions est présentée comme une forme de protection des ressources des agences de l'eau, qu'il serait à l'avenir plus difficile de « reprendre » au profit du budget de l'Etat. Une telle initiative nécessiterait en effet une nouvelle disposition législative.
On soulignera que les dépenses des agences de l'eau seront plafonnées à 12 milliards d'euros, hors primes, au cours de la période 2007-2012. Si toutes les agences retenaient les taux plafond pour chaque redevance, elles disposeraient d'une capacité financière de 24 milliards d'euros, soit le double de leur possibilité de dépense.
Cela me conduit à aborder la réforme des redevances perçues par les agences de l'eau. Je m'en tiendrai aux éléments principaux dans la mesure où ce sujet est très complexe.
L'objet premier de la réforme est d'assurer la stabilité juridique du dispositif des redevances, qui sont fragiles depuis que le Conseil constitutionnel les a qualifiées d'impositions de toute nature. En effet, les assiettes et les taux des redevances étaient peu, voire pas, encadrés par la loi.
L'article 37 procède à une réforme nécessaire, qui conduit à des simplifications dans la mesure où les assiettes seront communes quelle que soit l'agence prise en considération. Toutefois, le dispositif reste très complexe, puisque les agences percevront à l'avenir sept catégories de redevances différentes.
De manière schématique, la réforme proposée ne paraît pas de nature à modifier réellement les grands équilibres actuels entre les différents contributeurs ni à rendre le système des redevances très incitatif.
Au demeurant, l'étude d'impact du présent projet de loi est assez claire de ce point de vue, puisqu'elle précise qu'« une différence importante par rapport au texte de 2002 est le choix de solutions pragmatiques et concertées, en abandonnant l'illusion de bâtir, avec une fiscalité compliquée et punitive, un système d'incitation forte pour changer les comportements individuels des redevables ».
L'élément le plus net de cette conception est l'absence de taxation spécifique des engrais en vue d'inciter à une réduction des excédents d'azote.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que le Gouvernement n'avait pas retenu le principe d'une redevance sur les engrais, considérant que son efficacité économique et écologique était loin d'être démontrée. Vous avez également estimé que la conditionnalité des aides de la politique agricole commune constituait le meilleur outil environnemental afin de favoriser le respect des règles communautaires sur les nitrates. La commission des finances, qui a longuement débattu de la « taxation azote », portera une attention particulière à cette réforme et à ses effets.
Par ailleurs, la commission des finances présentera deux amendements tendant à rendre plus incitatif le dispositif de la redevance pour pollutions diffuses afin de permettre une taxation plus importante des substances toxiques ou écotoxiques les plus dangereuses.
Elle vous proposera aussi de modifier les équilibres retenus entre les usages, s'agissant de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau, l'objectif étant notamment une moindre pénalisation de l'alimentation en eau potable par rapport aux autres usages.
En outre, la commission des finances a souhaité prévoir un dispositif de taxation pour les personnes disposant d'un forage pour leur alimentation en eau.
Si, dans la réforme proposée, est maintenue la conception selon laquelle les redevances sont avant tout des moyens de financement des agences de l'eau, et pas tant des moyens d'incitation, des transferts de charges entre telle ou telle catégorie d'acteurs seront toutefois observés.
L'étude d'impact montre d'ailleurs que certaines entreprises pourraient connaître des variations extrêmement importantes de leurs redevances. Les industries chimiques les plus touchées pourraient, par exemple, voir leurs redevances multipliées par trois, certaines industries métallurgiques, par six.
Il a semblé essentiel à la commission des finances que les effets de la réforme soient précisément étudiés et que, le cas échéant, des mesures sectorielles d'accompagnement, qui relèvent plutôt de la politique industrielle, soient mises en place afin de ne pas fragiliser des entreprises déjà soumises à la mondialisation.
On notera à cet égard qu'un dispositif de lissage des effets de la réforme est prévu de 2007 à 2010.
Le dernier axe important de la réforme réside dans la création de l'office national de l'eau et des milieux aquatiques, l'ONEMA. Ses ressources seraient de deux types : d'une part, les contributions des agences de l'eau, dont le montant global annuel serait plafonné à 108 millions d'euros sur la période allant de 2007 à 2012, et, d'autre part, des subventions versées par des personnes publiques. A cet égard, il n'est pas certain que les 108 millions d'euros versés par les agences de l'eau permettent à l'office de garantir une solidarité financière entre bassins.
Je m'en tiendrais à quelques remarques.
Tout d'abord, la création de cet office requiert une certaine vigilance dans la mesure où elle pourrait entraîner des doublons avec le ministère de l'écologie, tout particulièrement avec sa direction de l'eau, même si des redéploiements de personnels sont prévus. A ce titre, l'examen du présent projet de loi devra permettre de clarifier les relations entre l'Etat, l'ONEMA et les agences de l'eau.
On peut également s'interroger sur les conséquences de la création d'un tel office sur la structure interne du ministère de l'écologie et du développement durable, à la lumière de l'architecture budgétaire retenue pour la mise en oeuvre de la LOLF, qui ne prévoit pas la création d'un programme dédié à la politique de l'eau.
Enfin, dans une optique budgétaire, en mettant en avant le principe selon lequel « l'eau doit payer pour l'eau », la création de cet office s'apparente à une opération de débudgétisation et à un moyen de sanctuariser les crédits dévolus à la politique de l'eau. Il était important de clarifier ce point.
Je souhaiterais également préciser l'impact global de la réforme sur les finances de l'Etat.
Si l'on compare la situation de 2007 à celle de 2005, il ressort de l'étude d'impact que cette réforme entraînerait globalement un gain pour l'Etat, avec un solde positif de 26 millions d'euros, tandis que les agences de l'eau devraient supporter plus de charges qu'elles ne gagneraient de recettes, le solde étant négatif pour elles à hauteur de 46 millions d'euros.
Cette vision semble toutefois partielle dans la mesure où elle fait l'impasse sur la perte de recettes que constitue pour l'Etat la suppression du prélèvement de solidarité pour l'eau. D'après les calculs de la direction du budget, le solde serait au contraire négatif pour l'Etat à hauteur de 49 millions d'euros. Si l'on retient les données de l'étude d'impact, on aboutit même à un solde négatif de 57 millions d'euros.
Enfin, on peut remarquer que l'avant-projet de loi transmis au Conseil d'Etat offrait aux départements la possibilité de mettre en place un fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement. Cette possibilité ne figure plus dans le projet de loi déposé au Sénat ; toutefois, monsieur le ministre, la commission des finances a jugé nécessaire de vous proposer de la réintroduire.
Elle a de même souhaité prévoir un dispositif de contractualisation entre les agences de l'eau et les départements - je touche ici au sujet de l'ex-FNDAE -, les départements participant au financement des travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement dans les communes rurales.
Sous réserve de ces remarques et des amendements qu'elle vous proposera, la commission des finances a émis un avis favorable sur le projet de loi.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques dont nous sommes saisis était très attendu.
La dernière réforme substantielle de la politique de l'eau, depuis la loi fondatrice du 16 décembre 1964, remonte à la loi du 3 janvier 1992. Quant au projet de loi adopté par l'Assemblée nationale au mois de janvier 2002, il n'a pas été inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée car le Gouvernement a souhaité organiser une large concertation avant de déposer ce nouveau texte sur notre bureau.
La commission des lois s'est saisie pour avis des dispositions intéressant les collectivités territoriales et relevant de son champ de compétence : il s'agit des articles 22 à 27, qui réforment les services de distribution d'eau et d'assainissement, mais aussi de l'article 28, qui étend les missions des services départementaux d'assistance technique aux exploitants de stations d'épuration, les SATESE, et, enfin, des articles 35 et 36, qui modifient la composition des comités de bassin, renforcent leur rôle et étendent les missions des agences de l'eau.
Je ne reviendrai pas sur ces dispositions puisqu'elles ont déjà été présentées. La commission des lois y a souscrit sous réserve de plusieurs modifications qui contribuent à répondre aux importants enjeux de la réforme qui nous est proposée.
Trois enjeux majeurs peuvent être identifiés pour la réforme des services publics de l'eau et de l'assainissement : l'amélioration de la qualité de l'eau, la poursuite de l'effort d'assainissement et le renouvellement des installations.
S'agissant tout d'abord de la qualité de l'eau distribuée, eu égard aux normes strictes fixées par la directive du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine et transposée en droit interne par un décret du 20 décembre 2001, la qualité de l'eau distribuée suppose des travaux de mise en conformité des réseaux d'un montant estimés à 11, 3 milliards d'euros d'ici à 2013.
Ensuite, la mise aux normes européennes des réseaux d'assainissement des agglomérations de plus de 2 000 équivalent-habitants doit être achevée. L'effort restant à accomplir a été estimé à 9, 15 milliards d'euros à partir de 2000, après une dépense d'environ 7 milliards d'euros depuis 1992.
Enfin, le renouvellement des équipements et des réseaux déjà créés, notamment ceux de production et de distribution d'eau, constitue également un enjeu majeur. Le patrimoine des services d'eau et d'assainissement est estimé à environ 200 milliards d'euros, et les ouvrages les plus anciens doivent maintenant être remplacés. Le besoin en matière de renouvellement des équipements et des réseaux d'assainissement est évalué entre 0, 8 et 1, 5 milliard d'euros par an.
L'effort financier que devront consentir les communes et les groupements de collectivités territoriales compétents dans la distribution d'eau et l'assainissement est donc considérable. J'ajoute qu'il sera particulièrement difficile à fournir pour les communes rurales.
L'inquiétude des élus locaux est d'autant plus grande que le maintien des aides autrefois versées par le fonds national pour le développement des adductions d'eaux est incertain.
Destiné à subventionner les travaux d'alimentation en eau et d'assainissement dans les communes rurales, ce fonds était alimenté pour moitié par une taxe assise sur les consommations d'eau et pour moitié par un prélèvement sur les ressources du pari mutuel urbain, pour un montant total d'environ 150 millions d'euros par an. Il a été amputé de la moitié de ses ressources - celles qui provenaient du PMU - par la loi de finances pour 2003 avant d'être transféré par la loi de finances rectificative pour 2004.
Certes, les missions du FNDAE ont été reprises, à compter du 1er janvier 2005, par les agences de l'eau, lesquelles ont été autorisées, en contrepartie, à relever les taux des redevances qu'elles perçoivent. Une péréquation au niveau des bassins hydrographiques a ainsi été substituée à une péréquation nationale.
Toutefois, les agences ne disposent pas toutes des mêmes moyens financiers. De surcroît, rien ne garantit qu'elles ne réduiront pas les aides versées aux communes rurales pour faire face à l'élargissement de leurs missions prévu par le présent projet de loi.
Les vingt-neuf amendements adoptés par la commission des lois répondent à un triple objectif.
Premièrement, il convient de renforcer la transparence des services publics de distribution d'eau et d'assainissement, en améliorant l'information des usagers et des élus locaux.
Deuxièmement, il faut faciliter les interventions des collectivités territoriales et donner plus de liberté aux communes, en incitant les communautés de communes à exercer les compétences de leurs communes membres en matière d'assainissement, en permettant aux départements de disposer d'une nouvelle source de financement, et, enfin, en renforçant le rôle des élus au sein des comités de bassin.
Troisièmement, il importe de garantir une solidarité envers les communes rurales, en sécurisant les interventions des SATESE et en garantissant le maintien des aides autrefois versées par le fonds national pour le développement des adductions d'eau.
Ces amendements ont été rédigés en étroite concertation avec nos collègues Bruno Sido et Fabienne Keller, que je tiens à remercier pour leur écoute et leur compréhension.
Le premier objectif tend donc à renforcer la transparence des services publics de distribution d'eau et d'assainissement.
Pour améliorer l'information des usagers, la commission des lois vous proposera, mes chers collègues, d'une part, de prévoir que toute promesse de vente, tout acte authentique de vente de tout ou partie d'un immeuble à usage d'habitation à un acquéreur non professionnel comprend un diagnostic du respect par cet immeuble ou cette partie d'immeuble des prescriptions techniques applicables aux installations d'assainissement non collectif ; elle vous invitera, d'autre part, à préciser les conditions d'opposabilité du règlement de service de distribution d'eau ou d'assainissement, afin de renforcer sa sécurité juridique.
Pour améliorer l'information des élus, la commission des lois juge nécessaire d'exiger du délégataire d'un service de distribution d'eau ou d'assainissement ayant accepté de prendre en charge des travaux dans le cadre d'un programme pluriannuel, tout d'abord, de fournir une estimation des dépenses, ensuite, de rendre compte de l'exécution du programme dans le rapport qu'il remet chaque année au délégant, et, enfin, de dresser à la fin du contrat un inventaire du patrimoine de ce dernier.
Le deuxième objectif vise à faciliter les interventions des collectivités territoriales et à donner plus de liberté aux communes. S'agissant de ce dernier point, la commission des lois souhaite interdire la modulation des aides publiques versées aux communes et groupements de collectivités territoriales compétents en matière de distribution d'eau ou d'assainissement en fonction du mode de gestion de ce service. En effet, une telle modulation institue une forme de tutelle sur les communes et les groupements de collectivités territoriales, prohibée par l'article 72 de la Constitution, et affecte le prix de l'eau payée par les usagers.
S'agissant de la fixation du prix de l'eau, la commission des lois proposera de n'interdire la pratique des tarifs dégressifs que dans les zones de répartition des eaux, où la ressource est rare.
Afin d'inciter les communautés de communes à exercer les compétences de leurs communes membres en matière d'assainissement, la commission des lois suggère, tout d'abord, de leur permettre d'exercer à titre optionnel tout ou partie de cette compétence, et en particulier de ne prendre en charge que l'assainissement autonome. En outre, la commission propose de faire figurer l'intégralité de la compétence relative à l'assainissement dans la liste des compétences optionnelles ouvrant droit à la dotation globale de fonctionnement bonifiée.
A l'instar de la commission des affaires économiques et de la commission des finances, la commission des lois défendra un amendement permettant aux conseils généraux le souhaitant de créer un fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement afin de financer leurs interventions en faveur des communes. Ce fond serait alimenté par une contribution assise sur la consommation d'eau.
Pour renforcer le rôle des élus locaux au sein des comités de bassin, la commission propose que les représentants des élus locaux et ceux des usagers et des associations détiennent respectivement 40 % du nombre total des sièges. Il conviendrait également que les représentants de l'Etat ne participent pas à l'élection du président et que ce dernier soit élu parmi les représentants des élus locaux.
Le troisième et dernier objectif consiste à assurer la solidarité envers les communes rurales.
Pour ce faire, la commission préconise, en premier lieu, de permettre aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale qui ne disposent pas, du fait de leur taille et de leurs ressources, des moyens humains et financiers nécessaires à l'exercice de leurs compétences de bénéficier, sans devoir appliquer les dispositions du code des marchés publics, d'une assistance technique des services du département dans les domaines de l'eau et de l'assainissement.
La commission suggère, en deuxième lieu, que la solidarité envers les communes rurales fasse partie des orientations prioritaires des programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau pour les années 2007 à 2012, ces dernières devant y consacrer au moins 150 millions d'euros chaque année, au cours de cette période, c'est-à-dire le niveau maximum des crédits dont a disposé le FNDAE avant sa suppression.
En troisième lieu, pour garantir la cohérence des aides et permettre aux communes d'adresser leurs demandes à un guichet unique, la commission souhaite que l'agence de l'eau signe avec chaque département participant au financement de travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement dans les communes rurales une convention par laquelle elle lui confie la répartition et le versement des aides en fonction de critères déterminés dans cette même convention.
En dernier lieu, la commission des lois préconise d'instituer une péréquation entre les agences de l'eau en prévoyant que leurs contributions respectives à l'office national de l'eau et des milieux aquatiques soient calculées en fonction du potentiel économique du bassin hydrographique et de l'importance relative de sa population rurale.
Ainsi la solidarité financière envers les communes rurales sera assurée à un triple échelon : à l'échelon départemental, par les départements ; à l'échelon des bassins versants, par les agences de l'eau ; et à l'échelon national, par une modulation du prélèvement opéré sur les recettes des agences au bénéfice de l'ONEMA.
Sous le bénéfice de ces observations et de ces amendements, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. le président. Mes chers collègues, j'ai le grand plaisir de saluer la présence dans les tribunes d'une délégation du Sénat de Mauritanie.
M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.
Nous reprenons la discussion du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 104 minutes ;
Groupe socialiste, 67 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 26 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 9 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Georges Mouly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'exposé de M. le ministre et les rapports denses, circonstanciés, substantiels de nos rapporteurs, je me contenterai d'une brève intervention.
Le présent projet de loi a souvent été évoqué, impatiemment attendu, suscitant les espoirs - pas toujours en harmonie, d'ailleurs - des uns et des autres. En tout cas, la France doit changer d'attitude. « Nous ne pouvons continuer à être les derniers de la classe », avez-vous dit, monsieur le ministre. C'est bien vrai !
Le temps qui m'est imparti ne me permet pas de développer les réalisations des départements à l'adresse des communes en la matière, mais ces réalisations ne sont pas sans importance. Dans cette intervention, loin d'appréhender l'ensemble du projet de loi, je me ferai simplement l'écho de trois problèmes de terrain.
Tout d'abord, j'évoquerai les notions d'eaux libres et d'eaux closes. Avant la loi de 1984, si un enclos pouvait être établi sur une partie d'un cours d'eau avec une autorisation administrative, cela ne concernait pas les étangs créés sur source, dont le poisson appartenait au propriétaire qui l'avait introduit. Depuis 1984, à l'exception des étangs sans communication avec un cours d'eau, les étangs sur source sont considérés comme « eaux libres », dépossédant de ce fait leur propriétaire, désormais soumis aux règles communes de la pêche.
En 1991, la notion d'eaux closes a été légèrement modifiée, et celle de pisciculture a été créée à des fins touristiques. Il n'en reste pas moins que les étangs de source ne sont toujours pas légalisés en tant qu'étangs privés, et que les notions d'eaux closes et d'eaux libres conservent, de ce fait, une certaine ambiguïté.
C'est la raison pour laquelle il serait souhaitable, me semble-t-il, de clarifier, de simplifier, d'assouplir les règles de manière à les adapter, dans le respect de l'intérêt général, aux diverses situations existantes, afin que les propriétaires puissent - enfin ! - entrer dans le cadre de la légalité.
Ne serait-il pas opportun de préciser que les étangs privés, ne constituant pas des exploitations piscicoles, ne relèvent pas de la réglementation commune de la pêche, et de mieux définir, par là même, leur nature réglementaire ? Cela pourrait être l'occasion d'offrir aux propriétaires d'étangs un cadre législatif clarifié, simplifié. Cette possibilité serait à mes yeux bénéfique.
Ensuite, je voudrais évoquer les moulins et les microcentrales, forts nombreux sur certains cours d'eau, qui assurent une production énergétique propre et sans incidence sur l'effet de serre et qui constituent un patrimoine économique parfois ancestral dans nos régions. Je note au passage que, représentant 14 % de la production électrique nationale, cette énergie n'est peut-être pas assez exploitée ; en tout cas, nous sommes loin des 21 % imposés par le protocole de Kyoto pour 2010.
Or, si aucune disposition législative en cours ne prévoit de remettre en cause les procédures d'autorisation dès le premier kilowatt exploité, la récente loi relative au développement des territoires ruraux votée en 2005, elle-même consécutive à la loi d'orientation sur l'énergie de 2004, a fait évoluer la situation. J'ajoute que le projet de loi prévoit certaines mesures complémentaires parmi lesquelles figurent la déconcentration des procédures, la révision des rivières, le passage de la notion de débit réservé à celle de régime réservé, etc. A cet égard, monsieur le ministre, les décrets d'application assureront-ils aux exploitants de moulins et de microcentrales la liberté d'entreprendre, voire d'augmenter leur production ?
Enfin, j'aborderai la question des compétences dévolues aux maires dans ce texte. Comment ne pas mentionner les doléances des maires des petites communes concernant le coût et la fréquence des analyses de l'eau ? Une augmentation de 400 %, certes exceptionnelle, a même pu être relevée sur le terrain. Or aucun financement spécifique n'est prévu pour cette recherche de sécurité, et c'est regrettable. Je note, certes, la modification des fréquences d'échantillonnage pour les petites unités de distribution, la diminution possible du nombre de prélèvements en fonction des conditions de protection du captage, l'exclusion de certains éléments des analyses, l'incitation à l'intercommunalité...
Il n'en demeure pas moins que des élus, qui doivent faire face à l'augmentation du coût des analyses - même si elle n'atteint pas toujours, heureusement, le pourcentage que je viens de citer -, ne sauraient se satisfaire de la réponse suivante à une question orale : « Cette augmentation doit cependant être relativisée, car dans nombre de ces communes, malgré l'augmentation du coût du contrôle, le prix de l'eau reste inférieur ou égal au prix moyen de l'eau potable en France. »
En attendant, certains maires refusent de payer, comme j'ai pu le constater la semaine dernière encore. Cette attitude est, certes, vouée à l'échec, mais elle témoigne de l'exaspération et du désespoir de ces élus de petites communes. Nous pourrions également évoquer les problèmes d'assainissement.
Qu'en est-il à ce jour du dispositif de solidarité urbain-rural et du sort réservé, en l'occurrence, aux territoires ruraux ? La question est importante, vous en conviendrez.
Monsieur le ministre, j'ai cru pouvoir appeler votre attention sur quelques problèmes de terrain, qui sont, je le répète, sans commune mesure avec l'ampleur du projet de loi.
M. Georges Mouly. Contrairement à ce que j'ai pu lire, je veux croire que ce texte ne se borne pas à réformer les structures sans prévoir la moindre obligation de résultat, monsieur le ministre. Je veux en effet croire que, avec le Gouvernement, vous avez pour ambition une obligation de résultat. Sur cette voie, je vous accompagne !
Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici enfin réunis pour la discussion en première lecture du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques. Après d'interminables discussions depuis plus de sept ans, une trentaine de versions différentes, moult consultations, reculs, avancées, hésitations, un texte est enfin soumis à notre approbation.
Il est vrai que l'eau, dans notre pays, est devenue un sujet sensible qui nous concerne tous à divers titres, tant l'eau touche à la vie, au sacré, au symbole, à la culture, à tous les aspects de la vie économique - industrie, agriculture, loisirs et tourisme.
L'eau est un besoin vital permanent dans toutes les civilisations. Les installations humaines sont liées prioritairement à la présence de l'eau : villages et villes sont situés près des sources, des rivières et des fleuves, le long des littoraux ; pensons au pont du Gard, à l'aménagement de la Durance et du Bas-Languedoc ou, dans des lieux plus lointains, aux terrasses irriguées de la riziculture dans le sud-est asiatique. De l'eau du baptême, du bain dans le Gange aux piscines dites « tropicales » de certains villages de vacances, l'eau fascine, attire et est même l'objet d'un véritable culte.
Cependant, dans un pays d'économie avancée comme le nôtre, nous découvrons, depuis seulement quelques années, que l'eau est un bien précieux qu'il ne faut pas gaspiller, dégrader, et qui se raréfie. En effet, nous constatons, un peu tardivement, que, dans l'ensemble, la qualité de notre eau diminue parfois très fortement, au point de mettre en péril notre santé. Partout, on commence à s'alarmer : 59 % des eaux superficielles et 55 % des eaux souterraines utilisées pour l'alimentation en eau potable contiennent des pesticides ; 39 % des premières et 21 % des secondes exigent un traitement spécifique.
Or il faut savoir que chaque être humain a besoin de quarante à cinquante litres d'eau par jour. Pour assurer ce ravitaillement, il faut donc un environnement sain ; mais il faut aussi assurer ce ravitaillement vingt-quatre heures sur vingt-quatre, 365 jours par an, ce qui exige un effort collectif pour donner de l'eau à tous, à un prix accessible pour tous.
L'eau n'est donc pas une marchandise comme les autres. Un contrôle social, politique, est absolument nécessaire. L'Etat, les pouvoirs publics ne peuvent s'en désintéresser, et le droit à l'eau est un droit absolu que toute société a le devoir de mettre en oeuvre.
Pourtant, l'eau est aussi une marchandise pour la vie économique, le transport fluvial, la production hydro-électrique, la fabrication de produits alimentaires, les loisirs et la pêche, l'irrigation, qui requièrent des volumes très importants. La société se doit de fournir des volumes d'eau maîtrisés à des prix raisonnables et responsables pour notre économie. Rappelons qu'il faut, paraît-il, vingt-cinq litres d'eau pour fabriquer un litre de bière et 10 000 litres d'eau pour fabriquer une voiture !
Face à des besoins croissants et à des conflits d'usage de plus en plus forts, face à la nécessité de préserver notre biodiversité pour assurer la continuité de la chaîne alimentaire, la gestion de l'eau a besoin d'un contrôle social permanent. C'est le rôle d'une loi sur l'eau de faire en sorte que ce contrôle social soit bien assuré. S'il ne l'est pas, ce sont des investissements de plus en plus lourds qui devront être réalisés, insupportables pour le prix de l'eau : usine de dénitrification, traitement des métaux lourds, aménagement pour lutter contre l'érosion des sols et éviter les crues et les inondations.
Face à cette situation, dramatique par certains côtés, une reconquête énergique de l'eau est indispensable. C'est un enjeu majeur. Bruxelles a d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme puisque la France a été plusieurs fois condamnée pour non-respect des directives européennes. Je rappellerai que la dernière directive européenne transposée en droit français en avril 2004 nous demande d'atteindre un bon état écologique en 2015, avec cette fois-ci une obligation de résultat. Nous sommes par conséquent « condamnés » à faire un immense effort dans les dix années qui viennent. Le projet de loi est donc tout à fait bienvenu.
Au terme d'un rapide tour d'horizon, on peut dire que ce texte présente certaines avancées significatives, par ailleurs attendues depuis longtemps, sur le débit réservé, plus favorable au maintien de la continuité écologique. Qu'il s'agisse du SAGE, dorénavant opposable au tiers, du fonds de garantie chargé d'indemniser les dommages causés par l'épandage des boues d'épuration, qui rassurera les agriculteurs et les amènera à accepter cet épandage sur les terres agricoles, d'une certaine simplification et clarification des redevances, d'une organisation plus rationnelle de la pêche en eau douce, de la possibilité d'instaurer une taxe pour la gestion des eaux pluviales et de divers autres aspects, certes plus mineurs mais intéressants, ce projet de loi peut paraître satisfaisant.
Cependant, si ce texte n'était pas modifié, il présenterait de graves insuffisances et ne répondrait pas à quelques questions fondamentales.
En premier lieu, le projet de loi ne prévoit pas de dispositif pour le traitement des pollutions diffuses, qui sont le point noir et le principal échec des décennies précédentes.
Les excédents d'azote, sous des formes variées en culture ou en élevage, restent excessifs et aboutissent à des taux de nitrates très largement supérieurs à ce qui est tolérable.
Cela nous conduit à fermer des captages ou à faire ce que l'on appelle des coupages d'eau, de provenances géographiques différentes.
Cependant, la recherche de nouveaux captages et l'exploitation de nouveaux champs captants ont leurs limites, lesquelles ne sont pas loin d'être atteintes !
Les taux de nitrates excessifs aboutissent à une eutrophisation accélérée des rivières, très préjudiciable à la richesse de la biodiversité, en particulier à la vie des poissons.
Face à cette situation parfois dramatique, il est nécessaire de créer des conditions de pression sur les agriculteurs pour limiter les épandages d'engrais. Une taxe sur les produits azotés serait à mon avis utile. L'exonération d'une redevance sur ces produits me paraît inacceptable. Il faut en effet créer chez les agriculteurs un électrochoc, qui sera salutaire pour tous, et, ce faisant, les amener à entrer dans le jeu d'une gestion collective de la ressource en eau.
L'argent collecté nous permettrait, en concertation avec les représentants du monde agricole et avec leur soutien, d'aider beaucoup plus fortement qu'aujourd'hui les agriculteurs à généraliser des pratiques agronomiques raisonnées.
Nous pourrions ainsi apporter une aide beaucoup plus forte à une agriculture biologique ou orientée vers une production biologique.
La généralisation des comités d'aide au développement, les CAD, bio ou orientés bio sur le territoire des champs captants serait à mon avis une excellente mesure allant dans le sens souhaité, à savoir la sanctuarisation de ces zones primordiales pour l'alimentation en eau.
Je rappellerai, à titre d'anecdote, que, en Autriche, on peut lire sur des panneaux : « ici, vous entrez sur le territoire d'un champ captant ».
La même problématique vaut pour l'usage des pesticides. On peut d'ailleurs se réjouir que le produit de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, devienne une redevance pour les agences de l'eau.
Il est vrai, aussi, que les primes de la politique agricole commune, la PAC, liées à l'écoconditionnalité amélioreront les choses. Pour autant, la politique « franco-française » doit accentuer ces choix de la PAC.
De plus, je veux souligner que tous les produits agricoles, et donc tous les territoires, ne sont pas forcément touchés par les primes, et donc par l'écoconditionnalité.
L'autre enjeu majeur est, à mon sens, le maintien de la solidarité entre le monde rural et le monde urbain dans le domaine de l'eau.
Je ne comprends pas pourquoi l'on a supprimé, presque à la sauvette, le FNDAE, dans l'article 121 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004.
De vagues prétextes d'amélioration de la gestion financière ont été évoqués, avant même le vote de cette loi.
Je rappelle que ce fonds permettait de prélever une taxe sur toutes les consommations, urbaines comme rurales, au seul bénéfice des communes rurales.
De nombreux conseillers généraux de départements à dominante rurale comptaient énormément sur ce fonds spécifique et très utile, ...
... tant il est vrai que le coût de la distribution de l'eau et du traitement des eaux usées en milieu rural est beaucoup plus élevé. C'est la raison pour laquelle nous proposerons le rétablissement de ce fonds.
C'est à l'échelon national que la péréquation peut s'organiser de la manière la plus juste. Il nous faut être très attentifs à la gestion de l'eau et à l'assainissement en zones rurales, ne serait-ce que parce que les champs captants ne se trouvent pas place de la Concorde, à Paris, ou place de la Déesse, à Lille, mais en zone rurale !
Je le sais, monsieur le ministre, vous avez fait en sorte que cette solidarité entre le monde rural et le monde urbain soit assurée par les agences de l'eau, ce qui est un moindre mal. Mais encore faut-il garantir de manière forte, dans le budget des agences, que cette solidarité s'exprimera de manière claire.
En effet, un budget d'agence est une masse énorme, et il est parfois difficile de s'y retrouver. En outre, la pression des grands élus urbains au sein des comités ou des conseils d'administration d'agences sera si forte, au fil des années, que cette gestion se fera, une fois de plus, au détriment des zones rurales.
En tout état de cause, il me paraîtrait pour le moins important de mettre en oeuvre des conventions avec les départements sur le problème de la solidarité entre le monde rural et le monde urbain, afin de nous assurer de l'existence de sérieux garde-fous.
Enfin, je veux évoquer ma crainte d'assister, au travers de ce texte, à une recentralisation de la politique de l'eau dans notre pays.
Certes, je comprends bien que M. le ministre de l'écologie et du développement durable ainsi que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie aient la volonté de maîtriser la politique de l'eau sur le plan national, d'autant que la France doit rendre compte à Bruxelles des résultats de sa politique.
Pour autant, l'encadrement budgétaire prévu par le projet de loi, le rôle trop strict donné aux fonctionnaires de l'Etat, aussi bien à l'échelle du comité de bassin que du conseil d'administration, ne sont pas des choix normaux dans un pays où l'on s'évertue depuis vingt-cinq ans à fortifier l'esprit de la décentralisation.
Il faut, pour une politique de l'eau efficace, une gestion de proximité ; les élus doivent prioritairement en être les responsables.
Tels sont, monsieur le ministre, les quelques points critiques que je voulais développer. J'espère que nos débats pourront améliorer ce texte.
En terminant cette intervention, je tiens à remercier M. Emorine, président de la commission des affaires économiques, et M. Sido, rapporteur, pour l'excellent travail de préparation et de réflexion qu'ils ont engagé en vue du vote de cette loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis des années, tout le monde s'accorde à réclamer en urgence une loi sur l'eau, afin de moderniser la législation, de l'adapter aux nouveaux enjeux du développement durable, de tenir compte des dernières recherches et connaissances, et de transposer les directives-cadres européennes qui s'adossent aux dernières normes et valeurs limites édictées.
Cependant, si j'en juge par les délais, si je comptabilise le nombre de ministres qui se sont succédé, je constate que l'entreprise fut difficile. Je veux donc saluer la performance de M. Serge Lepeltier, qui a su gérer cet épineux et délicat dossier en évitant les écueils du maximalisme tout en s'engageant avec fermeté et pragmatisme, préférant le dialogue aux affirmations péremptoires.
Dialogue signifie non pas renoncement, mais volonté de réformer, en tenant compte des objectifs ambitieux à atteindre, sans pour autant négliger le point de départ et les graves manquements actuels. Comme l'a dit Joseph Joubert, « le but n'est pas toujours placé pour être atteint, mais pour servir de point de mire ».
Indiscutablement, monsieur le ministre, ce texte est un excellent support. Il contient de bonnes mesures allant dans la bonne direction.
Pour autant, je ne veux pas ici faire mystère d'un sentiment que nous sommes nombreux à partager : il sera nécessaire d'amender ce projet de loi. M. le rapporteur, Mme et MM. les rapporteurs pour avis ne se privent d'ailleurs pas de nous en proposer de nombreuses adaptations. Monsieur le ministre, vous avez rappelé à l'instant votre esprit d'ouverture à l'égard de ces amendements, et je vous remercie de cette attitude.
Qu'il me soit permis, dès ce moment, de féliciter et de remercier M. Bruno Sido, Mme Fabienne Keller et M. Pierre Jarlier de la pertinence de leurs analyses, de l'ampleur de leurs travaux, du nombre des auditions qu'ils ont menées, mais aussi des amendements qu'ils nous proposent et que le groupe UMP, dans une large majorité, soutiendra sans état d'âme.
L'analyse globale du texte ayant été excellemment faite et présentée par M. le ministre, puis par les rapporteurs, je ne plagierai pas leurs propos. Je formulerai simplement deux remarques et quatre propositions.
Ma première remarque a trait au comportement du consommateur d'eau. Ce comportement reste celui d'un nanti. Longtemps, nous avons consommé l'eau avec parcimonie, car les efforts à fournir pour disposer de ce bien incitaient naturellement à éviter les gaspillages.
Mais si, c'était dans les années soixante !
Il fallait aller chercher l'eau à une source distante de 400 mètres, dans des seaux de 10 litres : je vous garantis que nous faisions alors très attention à l'utilisation de l'eau !
Pour les bêtes, nous allions chercher l'eau à la rivière. Il n'était pas non plus question de gaspillage.
Sourires.
En quelques décennies, les comportements se sont inversés, le sentiment que l'eau constituait une ressource inépuisable, infinie, s'installant. L'eau a été consommée et salie sans vergogne, rivières et nappes étant polluées dans la foulée.
Aujourd'hui, nous en sommes au troisième stade de cette évolution comportementale : l'eau continue à être utilisée sans limite - disons-le -, polluée à souhait - disons-le -, mais dépolluée avant rejet.
Avouons tout de même l'ineptie d'un tel comportement, qui ne se rencontre, à cette échelle, dans aucun autre domaine ! Plutôt que de s'évertuer à polluer moins, nous prétextons de notre capacité à dépolluer pour continuer à entretenir ce cycle infernal. C'est un peu comme si un automobiliste choisissait de rentrer dans un mur sous prétexte qu'un garagiste pourra réparer son véhicule ! D'une certaine façon, cela reste un comportement de nantis.
Nous devons indiscutablement nous pencher non seulement sur les conséquences, mais aussi sur les causes. Comme Bossuet l'a dit, les hommes s'affligent des effets mais s'accommodent des causes.
Cette loi-cadre, monsieur le ministre, ne doit pas seulement être un inventaire de recettes, même s'il est bien organisé, complet, structuré. Elle doit aider à une prise de conscience des enjeux, à une modification des comportements.
La bataille de l'eau n'est pas simplement une gageure pour les villages reculés de Madagascar ou du Burkina Faso. C'est également une ardente obligation pour tous ceux qui considèrent le développement durable et la biodiversité comme autre chose que la répétition machinale de formules creuses ou populistes.
Je donnerai un exemple : est-il indispensable de continuer à laver nos voitures et à rincer nos toilettes avec de l'eau potable ? N'est-il pas temps de récupérer, pour ce faire, de l'eau de pluie ?
Ne pourrait-on pas commencer à mettre en place, comme en Allemagne, des doubles réseaux ?
Si la réponse vous paraît évidente, mes chers collègues, essayez donc, dans un établissement accueillant du public, d'alimenter les WC avec de l'eau de pluie. Vous constaterez rapidement l'impossibilité, à cause de notre administration, notamment sanitaire, de mettre sur pied un tel projet. C'est quand même un peu étonnant. En effet, pourquoi rincer les toilettes avec de l'eau potable ? Qui irait boire l'eau des chasses d'eau ?
S'il faut donc inciter nos concitoyens à faire évoluer leurs comportements, encore faut-il que nos administrations suivent !
Ma seconde remarque se rapporte à la nécessité de traiter l'eau en considérant l'ensemble du cycle : prélèvement, transport, consommation, épuration, rejet dans le milieu, rôle dans l'écosystème et gestion hydraulique du bassin.
La préservation des potentialités de notre territoire et l'application des principes du développement durable nécessitent une intervention qui, à chaque étape, fait les choix les plus favorables à la nature, les moins agressifs, les plus réversibles.
C'est bien le choix qui est le vôtre, monsieur le ministre, comme l'atteste l'intitulé de ce projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques. Le fait que vous préconisiez le développement prioritaire des SAGE, l'application non seulement du principe pollueur-payeur, mais aussi de celui de la solidarité, répond à cette attente, oriente structurellement le texte et les mesures qui en découlent. Je vous en félicite.
Certes, il sera facile aux uns ou aux autres de gloser sur le fait, par exemple, qu'on n'impose pas aux agriculteurs de financer aujourd'hui la réparation des pollutions passées. Soyons réalistes ! S'il est indispensable que tous les utilisateurs d'eau prennent à leur charge la pollution qui leur est attribuable, on ne peut imposer à une catégorie sociale une révolution dont elle ne pourrait se remettre, non plus que de son coût. Aussi est-il nécessaire d'associer le principe du pollueur-payeur à celui de la solidarité, ce dernier étant tout aussi fondamental dans notre société.
Sans entrer dans le détail du texte ni dans celui des amendements de la commission, je voudrais maintenant exprimer quatre souhaits.
Le premier de ces souhaits porte sur l'organisation institutionnelle de la gestion de l'eau en tant que ressource et sur le rôle des différents acteurs, sans oublier la place essentielle du consommateur citoyen, qu'il faut convaincre et accompagner dans son évolution.
Je me félicite de voir confirmés tant la place que le rôle des agences de l'eau. Bien sûr, pour être en parfaite phase avec les règles et les exigences de la démocratie, leurs redevances doivent être encadrées et être validées par le Parlement. Le modèle français, avec ses deux piliers que sont les agences et les collectivités locales, a fait ses preuves et devient une référence en Europe. Mais il apparaît de plus en plus pertinent, monsieur le ministre, de développer des cohérences « infrabassins » et des politiques de solidarité au niveau du département. Non seulement l'intervention des conseils généraux est ancienne, mais encore elle est importante si l'on considère les moyens engagés, les politiques de solidarité territoriale conduites et l'assistance technique apportée et - vous l'avez rappelé - développée.
Dans mon département, le conseil général finance l'assainissement dans des proportions aussi importantes que l'agence de l'eau. Nous avons signé une convention-cadre avec l'agence de l'eau Rhin-Meuse pour les quatre prochaines années. Durant cette période, nous cofinancerons avec elle des travaux d'assainissement pour un montant de 175 millions d'euros. Cela confirme tout simplement l'importance de l'engagement financier.
Le conseil général finance de 0 à 70 % du montant des travaux d'adduction d'eau. Pourquoi une si grande différence ? La raison en est tout simplement que nous tenons compte du prix du mètre cube : là où l'eau est chère, là où elle est précieuse, là où les secteurs sont les plus fragiles, nous finançons à hauteur de 70 % ; là où l'eau est présente en plus grande quantité, là où elle n'est pas chère, nous n'intervenons pas. Hormis la collectivité départementale, qui fait cette péréquation, qui assure cette solidarité ?
Aussi, je suis déçu que le conseil général ne trouve pas dans le présent texte la place qui doit lui revenir en tant que collectivité assumant un rôle de proximité, mais aussi de cohérence, de péréquation et de solidarité. Le Premier ministre nous avait pourtant dit qu'il pensait que le couple formé par le département et la commune était le couple de la cohérence et de la proximité dans le développement. Je regrette que ce texte ait été expurgé ; néanmoins, je félicite les commissions de leurs propositions, qui rectifient - du moins je l'espère - le tir.
Ma deuxième demande porte sur des aspects plus techniques et vise à prôner plus de souplesse dans les moyens mis en oeuvre.
Monsieur le ministre, vous proposez de promouvoir davantage l'assainissement individuel - vous avez récemment visité certaines installations -, avec des techniques adaptées et aujourd'hui éprouvées. Celles-ci continuent cependant de susciter un certain scepticisme, bien qu'elles aient fait leurs preuves entre-temps. Les difficultés à promouvoir l'assainissement individuel ou d'autres techniques telles que, notamment, les lagunages ou les rhizosphères, sont quelque peu comparables à celles que nous avons connues en matière de chauffage solaire. Développé au cours des années quatre-vingt, celui-ci n'a pas rencontré un franc succès, parce que les premières expériences n'ont pas été concluantes. Vingt ans après, il continue de traîner cette mauvaise réputation, bien qu'il ait fait ses preuves depuis lors. Dans les domaines de l'assainissement individuel et des techniques innovantes, évitons de retomber dans une telle logique, qui conduirait au seul développement des canalisations et des bassins en béton. Il faut que nous sachions innover. Dans ce domaine, beaucoup de choses sont possibles.
Il me paraît également nécessaire de lutter contre la prolifération des puits de captage sauvages. Souvent creusés pour court-circuiter le réseau communal, ces puits non seulement font courir de véritables risques de pollution, mais constituent aussi un détournement de redevances. En effet, les rejets sont effectués dans le réseau de collecte sans être taxés, puisque l'eau puisée ne passe pas par les compteurs.
Il faut absolument donner aux gestionnaires de réseaux et aux communes les moyens de se prémunir contre de tels agissements et de tels détournements ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, de l'UMP et du RDSE.)
M. Philippe Richert. Ma troisième demande porte plus directement sur le rôle des SATESE. L'expertise de ces services publics est avérée, et les SATESE disposent de moyens d'intervention qui, en période d'alerte, peuvent aider à surmonter les crises. Aujourd'hui, l'encadrement plus strict de leur activité et l'ouverture de celle-ci au secteur privé nous rappellent fortement ce que nous avons connu avec les laboratoires vétérinaires départementaux : à mesure que le secteur privé s'accapare tous les secteurs rentables, les laboratoires publics s'étiolent.
Exclamations approbatives sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je dis les choses telles qu'elles sont. Si vous partagez ce constat, je vous en remercie !
Ces laboratoires publics s'étiolent donc, perdent leur expertise et risquent demain de ne plus être en mesure de répondre aux crises. Si nous ne réservons aux départements que les questions accessoires ou celles qui ne se posent que tous les cinq ou dix ans, nous prenons le risque de ne plus être en mesure de faire face aux crises. Qu'il s'agisse de l'encéphalopathie spongiforme bovine, de la tremblante du mouton ou de la grippe aviaire, il faut conserver des moyens publics d'expertise et d'intervention.
De même, il ne faut pas que nous fragilisions les SATESE . Ces laboratoires sont de véritables pôles d'expertise publique mis à notre disposition, et il nous faut donc en préserver le champ d'intervention.
Ma dernière demande porte sur les opérateurs. Ces derniers ont acquis dans notre pays une expérience et une autorité qui font référence en Europe et dans le monde. Il faut se féliciter du développement de cette expertise et du niveau de qualité qu'ont atteint les entreprises privées.
Cependant, il est tout aussi indispensable que, dans toute la mesure possible, les syndicats publics puissent conserver leur place. Toute forme de monopole serait à mon avis néfaste à terme.
Murmures d'approbation sur les travées du groupe socialiste.
Il serait grave que les opérateurs publics organisés et compétitifs disparaissent. Il est donc indispensable que les agences ne handicapent pas, en termes de financement, les syndicats et structures publics. Nous avons déposé plusieurs amendements tendant à éviter une dérive dont certains aspects sont déjà perceptibles.
Ainsi, l'agence de bassin Rhin-Meuse rechigne déjà à financer certaines des prestations internes assurées par le syndicat départemental. Il faut remettre les pendules à l'heure.
Nos secteurs publics, pertinents et efficaces, doivent avoir toute leur place au côté des entreprises privées.
Je compte donc sur M. le rapporteur et M. le ministre pour permettre de consolider cette diversité.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est un texte de référence. Il est d'une importance capitale. Il concerne non seulement le citoyen, consommateur d'eau, mais aussi les collectivités territoriales ; il touche à l'économie, à la production énergétique, à l'agriculture et à l'environnement. Il concerne le court terme, mais définit aussi un cadre pour les vingt prochaines années. Ses objectifs sont ambitieux, mais il ne méconnaît pas les difficultés et contradictions à surmonter. Tout en étant amendable, il me paraît équilibré.
Monsieur le ministre, vous avez le mérite de nous présenter ce texte tout en restant ouvert aux propositions de la Haute Assemblée. L'eau est source de vie, disiez-vous. Il nous faut la protéger et la préserver. Elle est aussi un indicateur de l'état écologique du milieu. Sa dégradation doit nous alerter sur celle de l'environnement. Sommes-nous toujours capables de décrypter ces signaux de détresse que nous fournit l'eau, signaux qui doivent nous faire réfléchir à nos comportements ?
Un proverbe chinois dit : « Quand le sage montre la lune, l'idiot regarde le doigt. » Monsieur le ministre, vous nous proposez de consacrer durant ces quelques jours notre attention et notre énergie à fixer pour plusieurs décennies le cap de la politique française dans les domaines de l'eau et des milieux aquatiques. Soutenant les orientations de nos commissions, le groupe UMP n'aura aucun mal à vous suivre, au contraire. Il vous remercie de la qualité et du caractère équilibré du texte que vous nous proposez.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m'est difficile de succéder à la tribune à un intervenant aussi brillant que Philippe Richert, qui a su appréhender, avec sa détermination coutumière, toute l'importance de ce sujet.
Monsieur le ministre, je tiens à saluer l'initiative gouvernementale ainsi que votre investissement personnel. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui était attendu depuis de nombreuses années. Notre réflexion ne doit pas être alimentée par un débat de société mais, bien au contraire, constituer une source d'initiatives afin que puisse être conservée, au profit des générations futures, cette exceptionnelle richesse qu'est l'eau.
L'eau n'est pas un élément comme les autres ; il s'agit d'un patrimoine de vie inscrit au coeur du patrimoine mondial de l'humanité et sans lequel la vie serait inexistante.
S'il est un sujet qui nous concerne tous, c'est bien celui-là. Bien que notre citoyenneté soit encore insuffisante en la matière, il serait très certainement possible d'éviter des gaspillages trop faciles. Que l'on soit jeune ou plus âgé, homme des champs ou femme des villes, ce don de la nature s'inscrit- peut-être insuffisamment - dans le développement et la conscience de chaque être, mais aussi dans la vie de toutes nos collectivités locales, petites ou grandes, rurales ou urbaines.
Ce sujet est bel et bien fondamental, et il nous impose des débats purs et transparents, si je puis dire.
Je tiens à saluer le travail remarquable réalisé par M. Bruno Sido, Mme Fabienne Keller et M. Pierre Jarlier. Ce texte, de nature consensuelle, se situe à la confluence de nombreux équilibres, où se mêlent les utilisateurs, les protecteurs, les gestionnaires, dont les intérêts sont parfois contradictoires.
Il est intéressant de constater que, sur un tel sujet concernant l'ensemble de nos collectivités locales, la Haute Assemblée soit la première saisie ; ce texte s'imposera en effet à tous nos élus, en particulier à nos maires.
Un texte, aussi complet soit-il, ne peut avoir la prétention de tout résoudre. L'eau et les milieux aquatiques, conformément à l'esprit de la nature, échappent à la totale maîtrise de l'homme. L'eau, c'est la vie de l'homme et de la nature ; son déficit peut engendrer des crises humanitaires ou économiques ; elle peut aussi être, par son abondance, source de sinistres imprévisibles et non maîtrisables. §Monsieur le ministre, je suis élu d'un département, la Haute-Loire, où neuf personnes sont mortes à la suite d'une crue centennale de la Loire, en septembre 1980.
Cependant, nous pouvons assurer la protection de ce patrimoine aquatique en améliorant à la fois son utilisation, sa distribution et sa revalorisation.
L'eau est non seulement une richesse qu'il nous faut préserver, mais aussi un élément naturel qu'il convient de protéger de tout chantage, notamment financier.
Je crois utile de rappeler que cette richesse est loin d'être inépuisable et que les secousses successives liées aux événements climatiques de ces dernières années, principalement la sécheresse que nous avons connue en 2003, mais aussi en 2004, méritent que nous nous y arrêtions quelques instants.
Au cours de l'été dernier, j'ai lancé une consultation auprès de tous les maires et conseillers municipaux de mon département sur la place de l'eau dans nos communes, afin de savoir plus précisément comment ce dossier est géré au niveau communal, voire intercommunal ; peut-être une démarche similaire a-t-elle été entreprise dans d'autres départements. Mon propos d'aujourd'hui se fera donc l'écho des interrogations et préoccupations que j'ai recueillies à cette occasion.
Les normes de qualité sont, me semble-t-il, suffisamment bien définies et leur appréciation fait l'objet d'un éventail de dispositions légales suffisamment précises pour engager l'usager à les respecter et le convaincre de la sécurité de son usage de l'eau, de quelque nature qu'il soit.
Il est important de rappeler que ce patrimoine vivant qu'est l'eau concerne l'ensemble des usagers. C'est donc pour tous un devoir de le préserver. Une politique plus stricte de surveillance des utilisations, notamment, s'avère indispensable. Les questions relatives à l'eau doivent être abordées avec bon sens et pragmatisme ; c'est un état d'esprit !
Au coeur des territoires, particulièrement en montagne, il faut également tenir compte de la situation des très petites communes, qui n'ont pas les moyens d'assumer financièrement la mise en place des solutions techniques pourtant nécessaires. Ces communes représentent un faible pourcentage de la population, et donc de la consommation et des rejets. Elles pourraient bénéficier, j'en suis sûr, non pas de privilèges, mais de dérogations relevant du simple bon sens et d'aides spécifiques appropriées. Philippe Richert en a lui-même, voilà quelques instants, appelé au bon sens dans l'application de nos lois.
La gestion de l'eau doit permettre la mise en oeuvre d'une politique des responsabilités. Tous les niveaux de décision sont concernés. Les syndicats des eaux ou les sociétés d'affermage sont équipés - ceux qui ne le sont pas devront l'être - pour contrôler la gestion et le suivi non seulement de l'eau potable, mais aussi des eaux usées.
Je crois également nécessaire de faire en sorte que les projets des communes situées en tête de bassin puissent bénéficier d'une solidarité renforcée entre l'aval et l'amont, à travers le redéploiement des aides de l'agence de l'eau. En effet, le maintien d'une bonne qualité des eaux et des milieux aquatiques ainsi qu'une gestion quantitative efficace revêtent une importance particulière pour la partie aval du bassin.
De ce point de vue, le comité de bassin et l'agence de l'eau conservent une pertinence essentielle. C'est l'échelon d'orientation et de programmation générale qu'il faut garder.
Face à la complexité des financements croisés et à celle qui naît du nombre des intervenants en la matière, il est, à mon sens, une collectivité qui, de par son expérience et ses compétences, doit rester la collectivité de droit commun dans le domaine de l'eau : je veux, bien entendu, parler du département.
Le département doit assumer la fonction d'appui technique et de gestion globale des fonds, comme il entend déjà le faire en ce qui concerne la prévention du risque d'inondation, par exemple. L'institution départementale est tout à fait désignée pour jouer ce rôle parce qu'elle est depuis toujours l'interlocutrice naturelle des maires, qu'elle dispose déjà des compétences techniques et qu'elle a l'habitude de travailler en partenariat avec l'agence de l'eau.
Quant au comité de bassin, il est l'échelon le plus pertinent pour engager une véritable réflexion en vue d'une meilleure programmation.
Un fleuve doit être géré de façon globale et cohérente. En Haute-Loire, un département qui connaît trop souvent une alternance de sécheresse et d'inondations, c'est une préoccupation omniprésente, et l'expérience nous a enseigné que c'est bien par la proximité de la prise de décision et par l'appui aux maîtres d'ouvrage que passe la réussite des actions à mener pour la préservation de cet aspect essentiel de notre environnement.
Nous pouvons nous féliciter du souci de transparence que manifeste ce projet de loi, monsieur le ministre. Concernant les redevances irrigation, ce texte est bien adapté aux zones et aux usages, ainsi qu'à une gestion plus collective de la ressource en eau.
Les agriculteurs et les propriétaires agricoles apprécieront sans aucun doute la création d'un fonds de garantie concernant l'épandage des boues. Cette mesure est indispensable et devrait rassurer ceux qui acceptent ces épandages importants, qui représentent près des deux tiers des boues produites en France.
Cette loi sur l'eau doit principalement s'inspirer du bon sens, du réalisme, du civisme, mais aussi tirer des enseignements de tous les événements liés à l'histoire de l'eau.
Il doit y avoir aussi une politique européenne de l'eau, afin d'obtenir une cohérence des normes qui ne pénalise pas l'agriculture française dans ses capacités de production.
La qualité de l'eau destinée à la consommation humaine exige d'abord un fonctionnement efficace des équipements de traitement. Nous appelons également de nos voeux une mise en cohérence des prescriptions techniques, qu'elles soient collectives ou individuelles. L'eau potable n'est pas un produit évolutif ; elle doit être un produit offrant toutes les garanties de sécurité sans être pour autant un médicament ; il faut trouver le juste milieu !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'essentiel n'est-il pas de savoir que l'eau tombe gratuitement du ciel et se renouvelle gratuitement ? Nous connaissons parfois des périodes de sécheresse, mais l'équilibre se reconstitue naturellement. L'eau est un bien qu'il n'est nécessaire ni d'extraire, ni de fabriquer, ni de transformer. Prenons toute la mesure de cette chance exceptionnelle !
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après de nombreuses années d'attente, nous examinons enfin un nouveau projet de loi sur l'eau. Espérons que celui-ci ne subira pas le sort du précédent, qui n'a connu qu'une seule lecture, à l'Assemblée nationale. Souhaitons que les amendements des uns et des autres puissent enrichir un texte qui se veut consensuel, mais qui ne remet pas vraiment en cause, nous le verrons, l'équilibre actuel.
Voilà quelques jours, se déroulait la journée mondiale de l'eau ; celle-ci n'a pas suscité un grand engouement médiatique. Pourtant, ce sujet mérite beaucoup d'attention eu égard aux enjeux qu'il représente.
Rappelons tout d'abord que notre planète est recouverte à 70 % d'eau, mais que l'eau douce ne constitue que 2, 5 % de ce volume total, l'essentiel de l'eau douce étant stocké dans les glaces, 30 % correspondant aux ressources souterraines et 0, 3 % aux eaux superficielles.
Par ailleurs, ne perdons jamais de vue que des millions de personnes n'ont pas accès à l'eau et que de 2 à 8 millions de ceux qui y ont accès meurent chaque année en raison de sa mauvaise qualité.
Ajoutons que la fonte des glaciers, vraisemblablement due au réchauffement de la planète, la contamination de certaines nappes d'eau douce par de l'eau salée et l'augmentation des besoins liée à l'accroissement de la population mondiale font craindre que la ressource ne devienne un jour insuffisante, avec des inégalités de plus en plus marquées entre pays du Nord et pays du Sud : d'où l'obligation de replacer la question de l'eau au coeur de la réflexion sur le devenir de notre environnement à l'échelle de la planète.
Or, à ce propos, un rapport récent de l'UNESCO nous alerte, s'il en était besoin, sur la dégradation des écosystèmes. Les atteintes portées aux milieux naturels, sous l'effet du développement économique, menacent le développement lui-même. Il est donc indispensable de rechercher un développement durable, solidaire et humain qui soit à la hauteur des enjeux.
La politique de l'eau, tant en France et en Europe qu'à l'échelle mondiale, doit viser cet objectif, le seul à même de permettre que la ressource réponde aux besoins des populations et à l'impératif de sa préservation pour les générations futures. Elle doit reconnaître le droit à l'eau comme un droit humain, universel et imprescriptible.
Nous vous demandons, monsieur le ministre, de faire en sorte que notre pays soit porteur de ces valeurs à tous les niveaux, et de manière efficace. Dans ce domaine, les déclarations d'intention ne suffisent plus.
Mais je reviens plus spécifiquement au texte qui nous occupe aujourd'hui.
La directive-cadre dont nous avons récemment effectué la transposition nous enjoint d'atteindre un bon état écologique des masses d'eau d'ici à 2015. Nous regrettons que cette notion de bon état écologique ne soit pas encore définie à l'échelon européen, même si nous savons que Bruxelles y travaille.
Quoi qu'il en soit, la France ne pourra pas atteindre cet objectif si nous ne nous engageons pas résolument et plus rapidement dans une politique très volontariste.
Notre devoir de parlementaires est de montrer l'exemple en fournissant, à travers la loi, les outils d'une prise de conscience collective nécessaire à la préservation de la ressource et aux précautions à adopter. Or, à bien des égards, le texte qui nous est présenté paraît traduire plus une volonté de conserver le système existant qu'une ambition de le changer.
Faire plus de place à l'action préventive suppose le recours à l'expertise, la mise en place d'une politique de réduction et de maîtrise des risques et d'économie de la ressource.
La gestion de l'eau et des milieux aquatiques doit s'entendre sous tous ses aspects. Inondations et sécheresse ne constituent-elles pas les deux faces d'une même question, celle de la ressource ? Or les inondations font partie des problèmes qui ne sont pas abordés dans ce texte.
Aujourd'hui, quatre grands principes guideront mon propos : un juste équilibre entre les différents usages, la solidarité de tous et pour tous, le besoin de transparence et de démocratie, la recherche d'une véritable maîtrise publique de la ressource en eau.
Ces principes étant posés, et avant de revenir au projet de loi lui-même, monsieur le ministre, je tiens à saluer le travail effectué depuis de nombreux mois par vous-même et vos services, avec tous les acteurs de l'eau. Même si l'on peut regretter que certains groupes de pression soient manifestement très organisés, voire très puissants, vous avez fait preuve, avec tous vos collaborateurs, d'une véritable écoute.
J'ajoute, puisque c'est l'heure des compliments, que la possibilité offerte par le rapporteur, Bruno Sido, aux parlementaires du groupe de l'eau d'assister aux auditions qu'il a conduites mérite également d'être saluée ; je l'en remercie à titre personnel, en espérant que d'autres rapporteurs s'inspireront de cette attitude que je qualifierai de démocratique.
Il est possible de considérer le projet de loi proposé comme la résultante de la confrontation des forces en présence, c'est-à-dire l'équilibre trouvé par vous-même, monsieur le ministre, à un moment donné du débat.
Cependant, à y regarder de plus près, on s'aperçoit qu'il ne s'agit pas d'un juste équilibre entre les trois piliers du développement durable : le pilier environnemental, le pilier économique et le pilier le social.
De surcroît, il est possible de lire dans ce projet de loi les ravages du temps qui, au fil des nombreux avant-projets, tue les bonnes volontés, les jeux individuels prenant le pas sur l'intérêt collectif.
Si la force de conviction des acteurs peut être une bonne chose, elle a neutralisé toute véritable avancée, et cela de façon particulièrement flagrante ces derniers temps, à l'approche des échéances électorales et devant la montée du « non » à la Constitution européenne.
Cet équilibre instable sacrifie les usagers domestiques, qui continueront à payer un prix bien fort au regard des pollutions qu'ils engendrent et de la quantité d'eau qu'ils utilisent.
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que je défende un certain nombre de propositions allant dans le sens d'un véritable rééquilibrage dans le partage des responsabilités, notamment en ce qui concerne les pollutions.
Nous savons tous que ce qui coûte cher, en dehors des investissements liés à la distribution, c'est le traitement de l'eau polluée. Les craintes que j'exprimais l'an dernier, lors de la discussion sur la ratification de la directive-cadre, de voir le principe « utilisateur-payeur » se substituer au principe « pollueur-payeur » ou, devrais-je plutôt dire, « responsable-payeur », se voient confirmées par votre texte.
Quoi qu'il en soit, ce rééquilibrage doit se faire sur une base de solidarité, mais aussi de justice : agriculteurs, industriels, producteurs, collectivités territoriales, multinationales, sans oublier les concessionnaires d'exploitation des sources d'eau à des fins commerciales, qui ont l'autorisation d'utiliser les ressources naturelles sans réelle transparence des coûts - ce que j'appelle un « usage privé abusif » -, doivent participer à l'effort collectif
En effet, les taux des redevances dues par les uns et les autres restent bien trop inégaux. S'il faut en croire les chiffres avancés par l'UFC-Que choisir, la différence entre les redevances incombant respectivement aux consommateurs - 82% pour un usage de la ressource de 28 % -, aux agriculteurs - 4 % pour un usage de 68 % - et aux industriels - 11 % pour un usage de 5 % - n'est pas admissible !
Encore une fois, les Françaises et les Français ont le sentiment d'être les perdants dans cette affaire. C'est pourquoi une modulation est nécessaire.
Le système tel qu'il est conçu dans le projet de loi est un peu plus clair ; il supprime notamment les coefficients de collecte. Cependant, le projet fiscalise les redevances, qui deviennent en réalité des impôts modulés dans le cadre législatif Il faudrait d'ailleurs que nous opérions une clarification dans le vocabulaire : un impôt n'est pas une redevance et une redevance n'est pas une taxe ; nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir.
A ce stade de mon intervention, je souhaite évoquer le rôle de l'Etat et mettre en perspective plusieurs opérations effectuées successivement par le Gouvernement au cours des dernières années.
Tout d'abord, rappelons-nous la ponction scandaleuse effectuée par l'Etat dans les caisses des agences en 2003. Ce n'était pas la première fois qu'il agissait ainsi, j'en conviens, mais cela ne justifie pas un tel acte.
Ensuite, le FNDAE, qui était alimenté par le budget de l'Etat pour assurer la solidarité en direction des communes rurales, a été supprimé.
Ajoutons l'intégration du prélèvement du FNE, le Fonds national de l'eau, dans le budget de l'Etat, au nom de la bonne gestion.
Continuons en évoquant votre proposition, monsieur le ministre, de fiscaliser les redevances et de plafonner à 12 milliards d'euros, ce qui est insuffisant, le financement du 9ème programme, cette dernière mesure visant surtout à contenir l'augmentation visible du prix de l'eau.
Enfin, pensons à la création probable d'un fonds départemental, sur laquelle nous reviendrons.
Ainsi, en mettant en perspective les différentes opérations que je viens de citer, il est plus facile de mesurer trois choses : non seulement le désengagement de l'Etat, qui est non pas de la décentralisation, mais plutôt du délestage, mais aussi sa volonté de s'immiscer encore davantage dans la gestion des agences, au risque de décourager certains acteurs du comité de bassin, ou encore le risque de voir l'Etat, à travers l'ONEMA, et grâce à la fiscalisation, se servir des fonds des agences pour financer les actions de votre ministère, en abandonnant son rôle de péréquateur garant de la solidarité.
Le coût des investissements va peser davantage sur les contribuables, particulièrement dans les secteurs ruraux, à travers les impôts locaux des collectivités de proximité, à savoir les communes, les EPCI et les départements.
Revenons maintenant de manière plus précise à la pollution.
La pollution des milieux aquatiques doit être combattue, nous sommes tous d'accord sur ce point. On ne saurait parler de pollution sans parler du sujet qui apparaît comme le plus sensible, à savoir la responsabilité des agriculteurs.
J'aimerais toutefois que ce débat n'en élude pas un autre, tout aussi important : celui de la responsabilité des industriels, producteurs de produits nocifs et polluants, car, si les consommateurs sont les plus pénalisés, les agriculteurs ne doivent pas pour autant être les boucs émissaires d'un système pris dans son intégralité. L'utilisation des produits phytosanitaires est actuellement nécessaire, mais il est absolument essentiel d'engager résolument la recherche scientifique, notamment privée, dans une perspective de développement durable : autrement dit, cherchons des molécules moins nocives plutôt que des produits plus concentrés !
En ce qui concerne les agriculteurs, je veux que les choses soient bien claires : les sénateurs communistes républicains et citoyens connaissent et comprennent les impératifs de la profession agricole et ne les sous-estiment pas, tout particulièrement ceux auxquels sont confrontés les petits exploitants, dont les difficultés sont grandes ; ils considèrent les agriculteurs comme des acteurs du système autant que des victimes. Les agriculteurs sont, en effet, de plus en plus fragilisés par un système de production dont ils ne sont plus les maîtres. En outre, ils sont parfois les premières victimes de ces pollutions.
Je salue ici la décision de la Mutualité sociale agricole de lancer une enquête sur la santé des agriculteurs et de leur famille. Elle nous sera d'une grande utilité.
Pour en revenir aux pratiques agricoles, prenons l'exemple du maïs. Cette céréale exotique se cultive avec des pratiques agressives pour notre environnement : elle est gourmande en eau dans les périodes où la ressource est faible et, l'hiver, les sols dédiés à cette culture restent nus, avec toutes les conséquences dues au lessivage des terres par les pluies d'hiver et la propagation des pollutions dans les nappes.
Dans ces conditions, je me dois de faire passer un double message.
D'une part, les agriculteurs ne doivent pas minimiser le problème de la pollution des eaux par les pratiques agricoles, et doivent continuer leur effort de responsabilisation dans ce domaine. Je connais la forte mobilisation dont ils sont capables pour défendre leurs droits. Il faut qu'ils consacrent également cette énergie à la défense de l'avenir de leur activité et à une meilleure mise en valeur de productions garantes de l'environnement plus en adéquation avec le climat de la France et en relation avec les saisons. Il en va de leur survie, il en va de leur honneur. Toutefois, ils ne pourront faire cela seuls.
D'autre part, mon message s'adresse à vous, monsieur le ministre, et au Gouvernement. Lorsque l'on veut intégrer la notion de développement durable dans le développement global d'un pays, il faut opérer des changements radicaux et donner des signes beaucoup plus forts. Il est temps de favoriser une agriculture raisonnée et raisonnable, une agriculture moins gourmande en eau et en produits phytosanitaires. C'est l'avenir de notre planète qui est en jeu.
Je rappelle au passage que nous importons des produits bio ; mieux vaudrait que nous en favorisions la production sur notre territoire.
Au vu de ces considérations, nous vous proposerons, sur l'ensemble des redevances, un rééquilibrage des participations des différents acteurs de l'eau.
Je souhaite aborder maintenant la question de la solidarité. Nous aurions aimé trouver dans ce texte des dispositions concernant l'interdiction des coupures d'eau, l'affirmation du principe du droit de l'eau pour tous, l'instauration d'une véritable péréquation nationale, la réduction a minima de la part fixe dans le prix de l'eau, et donc, au fond, l'affirmation de principes fondamentaux concernant les plus démunis d'entre nous.
Force est de constater que ce texte n'est pas porteur de ces préoccupations-là. Le soin de régler ces questions est renvoyé aux collectivités, si elles souhaitent l'assumer. Telle n'est pas notre conception de la solidarité.
La question de l'assainissement non collectif nous préoccupe également. Trop souvent réduite à des questions techniques ou juridiques, elle n'en pose pas moins un problème concernant l'égalité des citoyens.
Après avoir sollicité de nombreux avis dans mon département, notamment auprès d'un syndicat des eaux et du syndicat départemental mis en place par l'Assemblée des départements de France, il m'a semblé utile de faire des propositions sous forme d'amendements. Je sais que vous y travaillez également, monsieur le ministre.
Un dernier aspect que j'aimerais aborder concerne les grandes multinationales privées. A l'heure actuelle, la situation de monopole qu'elles occupent est préoccupante à plus d'un titre, comme l'a d'ailleurs souligné notre collègue Philippe Richert.
Lorsque l'on s'interroge pour savoir qui sont les grands gagnants de la gestion de l'eau et de l'assainissement, il suffit de se tourner vers ces grandes multinationales pour avoir la réponse. Grandes usines à engranger des bénéfices, elles sont de bien piètres participantes à l'effort de solidarité nationale. Dans le projet de loi, ce point est tout au plus abordé à l'article 26, à propos des contrats de délégation de service public, mais, même à cet égard, les dispositions concernant ces multinationales restent bien faibles.
C'est la raison pour laquelle je vous proposerai d'aller plus loin, en matière tant de délégation de service public, pour assouplir le système existant au profit des collectivités qui se trouvent enserrées dans des contrats contraignants, que de participation à l'effort national.
A ce titre, chers collègues de la majorité, monsieur le ministre, vous qui voulez toujours permettre la concurrence, vous devriez être réceptifs à nos amendements, qui s'inscrivent dans une logique plus concurrentielle du dispositif !
En effet, nous avons la possibilité d'aider nombre de communes bien décidées à reprendre le service de l'eau en main, malgré les attaques dont elles sont victimes devant les tribunaux de la part des grands groupes, qui veulent préserver les bénéfices au profit des actionnaires.
Ces considérations m'amènent à parler de la transparence et de la participation de tous les acteurs concernés par l'eau à tous les échelons du processus décisionnel.
A l'heure actuelle, la gestion de l'eau et de l'assainissement en France est trop opaque. Le projet de loi vise à y remédier, grâce à une plus large participation des différents acteurs, mais, à mon sens, cela ne va pas assez loin. La présence et la participation de tous doivent encore être renforcées pour éviter tout déficit démocratique. Je pense, en particulier, aux représentants des usagers, aux syndicats et aux fédérations de pêcheurs.
Il convient également d'oeuvrer dans le sens d'une meilleure information des usagers. En effet, chacun doit être en mesure de connaître les enjeux de l'eau, de comprendre le fonctionnement de la gestion de la ressource, et le calcul du prix facturé.
Sans mesures claires, nous courons le risque d'augmenter plus encore l'incompréhension des usagers domestiques devant un système qu'ils jugent déjà trop complexe.
Je terminerai mon propos par ces questions essentielles : quel rôle doit jouer l'Etat ? Quelle place accorder à la maîtrise publique du service de l'eau et de l'assainissement ? De moins en moins présent et actif, l'Etat n'a que trop rarement mis l'accent sur une politique de prévention de toutes les pollutions, même diffuses, et d'une préservation des écosystèmes. Il ne s'est que peu engagé en faveur de politiques d'information, de formations et d'expertises pour aider les collectivités. Si le privé peut assurer des missions de service public, il ne peut prétendre en aucun cas représenter l'intérêt public. Les collectivités ont été obligées de se lancer dans des investissements coûteux sans véritables aides techniques et financières à la hauteur des besoins. Le service public s'en est trouvé affaibli.
Nous ne pouvons plus continuer dans cette voie ! L'Etat doit retrouver un rôle de conseil auprès des communes, s'investir dans le sens d'une meilleure connaissance du milieu, aider les différents intervenants et, enfin, mener une vraie politique de contrôle et de sanction de tous les contrevenants, quels qu'ils soient.
Je dis cela avec d'autant plus de conviction que le groupe CRC se soucie depuis de nombreuses années de la qualité de l'eau et de sa gestion : j'en veux pour preuve la proposition de loi déposée par mon collègue M. Robert Bret en 1999. Nous jugeons en effet nécessaire et urgent d'engager une politique de reconquête de la maîtrise publique de l'eau. Nous devons nous assurer que l'eau soit considérée avant tout comme une ressource et un bien public vital, le tout au sein d'un grand service public national garant de la solidarité, de l'égalité, de l'équité, de la démocratie et de la transparence.
En l'état actuel du texte, rien ne vient garantir cette maîtrise publique, bien au contraire. Je ne vois que la mise en oeuvre d'une politique continue de désengagement au profit d'un processus de délestage à outrance de la part de l'Etat. Tout pèse sur les départements et les communes, qui se trouvent asphyxiés par les lourdes charges qui leur incombent.
Je reviendrai sur ce point dans la suite du débat, mais je tiens d'ores et déjà à dire que la méthode qui consiste à retirer du projet de loi un article concernant les départements en attendant que les parlementaires le réclament permet de dédouaner le Gouvernement des effets pervers d'une telle mesure. Nous ne pouvons pas être dupes de ce procédé !
Quant à l'ONEMA, ses missions restent floues et ne garantissent en rien la maîtrise publique de l'eau. Bien entendu, des décrets d'application viendront les définir, mais soyons lucides ! Une fois le texte adopté, tous types de mesures pourront être pris par décret sans qu'aucun contrôle parlementaire n'intervienne.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la création d'une organisation nationale bicéphale avec, d'une part, un Haut conseil du service public de l'eau et de l'assainissement, autorité administrative indépendante dont le rôle essentiel sera le contrôle, la veille et le conseil, et, d'autre part, un office national, sous autorité du ministère de l'écologie et du développement durable, chargé plus spécifiquement de la gestion.
Je ne saurais achever mon intervention sans une dernière considération : la police de l'eau, éclatée entre plusieurs directions, doit être d'urgence - je le reconnais - intégrée au sein d'une seule direction pour plus d'efficacité. Je m'interroge cependant sur les conséquences de cette décision quant aux effectifs des personnels et aux moyens mis en oeuvre. En effet, recentrage ne doit pas être synonyme de réductions drastiques.
En définitive, monsieur le ministre, vous n'avez pas su, dans ce projet de loi, passer des paroles aux actes. Si le texte n'évolue pas au fil des travaux parlementaires, nous devrons, en 2015, nous précipiter pour le revoir, parce que l'Europe nous rappellera à nouveau à l'ordre.
Plaçons-nous dans une vision à long terme, gardons à l'esprit, tout au long de ces débats, les grands principes que j'ai énoncés dans cette intervention, à savoir le juste équilibre, la solidarité, la transparence et le renforcement de la maîtrise publique, le tout dans une perspective de développement durable, solidaire et humain !
Nous n'avons pas la prétention de tout dire au cours de ce premier débat. Nous nous laissons la possibilité d'infléchir nos propositions à l'Assemblée nationale, puis, ici, en deuxième lecture, en fonction de vos réponses, monsieur le ministre, et du déroulement de nos échanges. Pour l'instant, en tout cas, le texte, en l'état, n'est pas acceptable. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi était attendu. Il est équilibré, important, très important.
Voilà un demi-siècle, notre administration répartissait les pouvoirs en matière de gestion de l'eau entre trois ministères : l'industrie, pour l'eau souterraine, l'équipement et l'agriculture. Je m'honore d'avoir, à cette époque, en tant que dirigeant d'un établissement public national, le Bureau de recherches géologiques, géophysiques et minières, mis en relation ces trois ministères de façon à permettre la création des agences de l'eau. Ce texte fondateur est aujourd'hui repris et amélioré. Il concerne un problème tout à fait capital.
Je ferai trois remarques sur des points particuliers du projet de loi et une remarque de fond.
Dans le droit-fil du rapport de M. Bruno Sido, dont l'excellence a d'ailleurs été soulignée sur l'ensemble des travées de cette assemblée, ma première remarque portera sur la nécessité de protéger l'énergie hydroélectrique. Celle-ci est tout de même la seule énergie renouvelable importante, en France et dans le monde, à part la biomasse. Compte tenu, notamment, du plan Climat, grâce auquel nous voulons dépasser les objectifs du protocole de Kyoto, il est important de protéger cette énergie au maximum, indépendamment des arguments d'ordre économique.
Ma deuxième remarque portera sur l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, l'ONEMA.
Je suis, en général, réservé sur la création de nouvelles structures. En la circonstance, il conviendra de veiller à ce que l'ONEMA aide et utilise les structures déjà existantes. Je pense, en particulier, à l'Office international de l'eau, qui réalise un travail remarquable en matière de formation, non seulement en France, mais également à l'étranger ; je pense aussi au Plan Bleu, qui fournit de nombreuses données, notamment hydrauliques, sur l'ensemble des pays circumméditerranéens, où le problème de l'eau est crucial ; je pense également au Bureau de recherches géologiques et minières, dont le département hydraulique est de très haut niveau, au CEMAGREF, le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts, et, enfin, aux grandes écoles et aux universités qui effectuent des recherches dans ce domaine, notamment à Montpellier.
Toutes ces compétences doivent absolument, me semble-t-il, être utilisées et, à cet égard, l'ONEMA devra probablement beaucoup plus faire faire que faire par lui-même, notamment en ce qui concerne les études et conseils.
Ma troisième remarque concerne le financement des syndicats d'études. Le schéma d'aménagement et de gestion des eaux de la basse vallée du Var, dont mon ami Marc Lafaurie est président, ne peut pas devenir un établissement public territorial de bassin, un EPTB, la basse vallée étant trop courte. Il lui faut néanmoins trouver des financements pluriannuels. Or, le présent projet de loi ne règle pas ce problème.
Je ferai maintenant une remarque de fond.
Les risques climatiques liés à l'effet de serre vont radicalement bouleverser, et ce bientôt, dans moins de quelques décennies, l'ensemble de la gestion de l'eau. C'est donc dès à présent qu'il faut commencer de prévoir des solutions.
Les différents intervenants dans la discussion générale n'ont pas évoqué ce sujet. Il n'en est pas non plus question dans le projet de loi.
Il est pourtant nécessaire, me semble-t-il, de préparer un plan visant à diminuer l'ampleur et les conséquences des sécheresses longues, des inondations dévastatrices et inéluctables, qui surviennent déjà. Nous savons que leur nombre augmentera à très court terme. Il faut donc d'urgence préparer des programmes d'action et de prévention.
Je n'ai pas souhaité déposer d'amendements à ce sujet, car la politique de très large concertation que M. le ministre a menée durant la préparation du projet de loi doit également permettre de préparer des colloques régionaux - tant dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, à Marseille, Sophia-Antipolis ou à Montpellier, qu'en Bretagne ou ailleurs - sur les problèmes qui se poseront et s'aggraveront à très court terme. C'est une nécessité absolue. Gouverner, c'est prévoir !
L'information scientifique, les données locales, les prévisions des meilleurs spécialistes en climatologie doivent permettre aux collectivités locales et à la population de prendre conscience des faits et des précautions à prendre, de l'importance accrue de l'économie de l'eau. Elles doivent également leur permettre de connaître les nouvelles méthodes utilisables en agriculture, ainsi qu'un certain nombre des modifications nécessaires des cultures, voire l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés, qui permettront à l'économie agricole de tenir compte des changements de climat inéluctables.
Commençons à examiner la situation ; nous serons cependant obligés, d'ici peu de temps, de prendre des décisions majeures, de prévoir à la fois de grands programmes de travaux pour permettre la constitution de réserves et de grands programmes scientifiques de modification des méthodes culturales.
Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.