Sans être impertinent, monsieur le ministre, et au risque de répéter ce qu’a dit notre collègue Jean-Pierre Chevènement, je pense que, en nous proposant de nous prononcer sur les crédits de la mission « Défense », vous nous conviez à un exercice un peu paradoxal. Voilà en effet le Sénat invité à voter la première année de mise en œuvre d’une loi de programmation militaire qui n’a pas encore été soumise à son approbation !
Considérant que ce projet de loi s’inspirera du Livre blanc de la défense et de nos débats du 26 juin dernier, il reste possible d’examiner le projet de budget que vous nous soumettez. Toutefois, nous vous saurons gré de bien vouloir déposer rapidement le projet de loi de programmation afin de nous sortir de cet embarras.
En attendant, je limiterai mon propos à quelques observations générales concernant les grandes lignes du projet de budget.
Il y a tout juste cinquante ans, en décidant d’instaurer une force nucléaire qui n’est plus vraiment contestée, le général de Gaulle a donné à notre pays une garantie ultime contre l’agression majeure d’un État étranger, sans doute, pense-t-on, peu imaginable de nos jours, mais toujours possible.
Aujourd’hui, la France demeure une puissance nucléaire. Il ne faut pas renoncer à ce choix. Quelles qu’en soient les modalités, c’est encore une priorité. Les crédits de la mission ne remettent pas en cause cette option, et c’est un élément tout à fait positif.
Pour ce qui concerne nos forces aériennes, le Gouvernement n’a pas perdu de vue leur indispensable modernisation. Nous maintenons en vol 300 avions de combat permettant la mise en ligne de 270 appareils, sans parler des systèmes de détection et de contrôle de type Awacs ou de notre flotte de ravitaillement et de transport.
Cependant, pour 2009, nous ne passerons commande que de 286 Rafale alors que le programme en prévoyait 294. C’est sans doute regrettable, car nous devons demeurer attentifs à l’évolution de notre armée de l’air. Elle reste une arme majeure des guerres modernes.
Permettez à l’élu breton que je suis d’en venir à notre marine. Ces jours derniers m’a été rappelée fort à propos cette phrase du cardinal de Richelieu : « Les larmes des souverains sont remplies des souvenirs de la marine oubliée. » À mon tour, je forme le vœu que la nôtre ne le soit pas.
Pourtant, avec quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et six sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire, nous avons atteint une limite en deçà de laquelle nous ne pouvons pas descendre, sauf à mettre en jeu notre crédibilité. Il est donc souhaitable de revenir à un schéma de six sous-marins lanceurs d’engins, conformément au triptyque missions, réserves et réparation.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons nous contenter d’un seul groupement aéronaval. Un Charles-de-Gaulle, si illustre soit-il, ne peut à lui seul remplacer un Foch et un Clemenceau.