Monsieur le ministre, chacun s’accorde à dire que ce projet de budget pour 2009 signe un retour à la réalité, qui vous a conduit à prendre des décisions. Certains programmes ont ainsi été étalés ou supprimés. Par exemple, pour la marine nationale, cela se traduit par l’abandon, pour l’instant, du second porte-avions et par la réduction et l’étalement du programme FREMM. Le maintien des six sous-marins Barracuda comme priorité constitue cependant un bon point, notre collègue Beaumont venant d’en parler. Je rappelle d’ailleurs que ces sous-marins sont construits à Cherbourg.
Ces décisions ne sont pas sans conséquences sur les entreprises industrielles qui fournissent ces équipements, parmi lesquelles DCNS.
Cela m’inquiète d’autant plus que l’on ne comprend pas quel avenir vous réservez à cette entreprise. En 2004, le Gouvernement avait choisi de concentrer l’industrie navale militaire française de défense, par le rapprochement entre DCN et Thalès. Cette opération, baptisée « Convergence », a été réalisée en 2006, non sans mal d’ailleurs, surtout sur le plan financier. Aussi, monsieur le ministre, quelle ne fut pas notre surprise – mais peut-être avez-vous été vous-même surpris… – lorsque nous avons entendu le Président de la République dire récemment qu’il était favorable à un rapprochement entre les Chantiers de l’Atlantique et DCNS, c’est-à-dire à un rapprochement entre construction navale civile et militaire ? Il faut bien l’avouer : personne, je suppose, n’a vraiment compris sur quelle synergie industrielle reposerait un tel rapprochement. En effet, le chiffre d’affaires de DCNS repose à 40 % sur les services, les équipements et la propulsion nucléaire ; le reste, c’est-à-dire la conception de navires armés, se décompose entre les sous-marins – 35 % – et les bâtiments de surface – 25%. Seul ce dernier segment pourrait profiter des moyens d’un chantier civil, et encore de manière incomplète puisque l’électronique y tient une part importante. À moins que l’objectif ne soit en réalité de sécuriser les activités cycliques – donc risquées – des chantiers de Saint-Nazaire en les rapprochant de celles, beaucoup plus stables, de DCNS…
Dès lors, quel est le lien entre cette annonce et la décision de remettre en cause l’unicité de DCNS en favorisant, via l’article 10 de la future loi de programmation militaire, la filialisation et la privatisation de l’entreprise ? Lors du changement de statut de DCN – que je n’ai pas voté –, l’État s’était engagé à préserver le statut de société de plein exercice de l’entreprise. Vous décidez aujourd’hui de rompre cet engagement en organisant « la vente à la découpe » de DCNS. Selon moi, vous ouvrez une véritable boite de Pandore, qui, en favorisant les transferts d’activités et de personnels, pourrait conduire à l’éclatement du groupe.
Ma question est donc à la fois simple et compliquée, monsieur le ministre : quels sont votre stratégie et votre projet industriel concernant DCNS ? Car toutes ces annonces, vous le comprenez bien, ont jeté le trouble parmi les personnels, qui souhaitent une réponse la plus précise possible.