Intervention de Jean Boyer

Réunion du 5 avril 2005 à 9h30
Eau et milieux aquatiques — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Jean BoyerJean Boyer :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m'est difficile de succéder à la tribune à un intervenant aussi brillant que Philippe Richert, qui a su appréhender, avec sa détermination coutumière, toute l'importance de ce sujet.

Monsieur le ministre, je tiens à saluer l'initiative gouvernementale ainsi que votre investissement personnel. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui était attendu depuis de nombreuses années. Notre réflexion ne doit pas être alimentée par un débat de société mais, bien au contraire, constituer une source d'initiatives afin que puisse être conservée, au profit des générations futures, cette exceptionnelle richesse qu'est l'eau.

L'eau n'est pas un élément comme les autres ; il s'agit d'un patrimoine de vie inscrit au coeur du patrimoine mondial de l'humanité et sans lequel la vie serait inexistante.

S'il est un sujet qui nous concerne tous, c'est bien celui-là. Bien que notre citoyenneté soit encore insuffisante en la matière, il serait très certainement possible d'éviter des gaspillages trop faciles. Que l'on soit jeune ou plus âgé, homme des champs ou femme des villes, ce don de la nature s'inscrit- peut-être insuffisamment - dans le développement et la conscience de chaque être, mais aussi dans la vie de toutes nos collectivités locales, petites ou grandes, rurales ou urbaines.

Ce sujet est bel et bien fondamental, et il nous impose des débats purs et transparents, si je puis dire.

Je tiens à saluer le travail remarquable réalisé par M. Bruno Sido, Mme Fabienne Keller et M. Pierre Jarlier. Ce texte, de nature consensuelle, se situe à la confluence de nombreux équilibres, où se mêlent les utilisateurs, les protecteurs, les gestionnaires, dont les intérêts sont parfois contradictoires.

Il est intéressant de constater que, sur un tel sujet concernant l'ensemble de nos collectivités locales, la Haute Assemblée soit la première saisie ; ce texte s'imposera en effet à tous nos élus, en particulier à nos maires.

Un texte, aussi complet soit-il, ne peut avoir la prétention de tout résoudre. L'eau et les milieux aquatiques, conformément à l'esprit de la nature, échappent à la totale maîtrise de l'homme. L'eau, c'est la vie de l'homme et de la nature ; son déficit peut engendrer des crises humanitaires ou économiques ; elle peut aussi être, par son abondance, source de sinistres imprévisibles et non maîtrisables. §Monsieur le ministre, je suis élu d'un département, la Haute-Loire, où neuf personnes sont mortes à la suite d'une crue centennale de la Loire, en septembre 1980.

Cependant, nous pouvons assurer la protection de ce patrimoine aquatique en améliorant à la fois son utilisation, sa distribution et sa revalorisation.

L'eau est non seulement une richesse qu'il nous faut préserver, mais aussi un élément naturel qu'il convient de protéger de tout chantage, notamment financier.

Je crois utile de rappeler que cette richesse est loin d'être inépuisable et que les secousses successives liées aux événements climatiques de ces dernières années, principalement la sécheresse que nous avons connue en 2003, mais aussi en 2004, méritent que nous nous y arrêtions quelques instants.

Au cours de l'été dernier, j'ai lancé une consultation auprès de tous les maires et conseillers municipaux de mon département sur la place de l'eau dans nos communes, afin de savoir plus précisément comment ce dossier est géré au niveau communal, voire intercommunal ; peut-être une démarche similaire a-t-elle été entreprise dans d'autres départements. Mon propos d'aujourd'hui se fera donc l'écho des interrogations et préoccupations que j'ai recueillies à cette occasion.

Les normes de qualité sont, me semble-t-il, suffisamment bien définies et leur appréciation fait l'objet d'un éventail de dispositions légales suffisamment précises pour engager l'usager à les respecter et le convaincre de la sécurité de son usage de l'eau, de quelque nature qu'il soit.

Il est important de rappeler que ce patrimoine vivant qu'est l'eau concerne l'ensemble des usagers. C'est donc pour tous un devoir de le préserver. Une politique plus stricte de surveillance des utilisations, notamment, s'avère indispensable. Les questions relatives à l'eau doivent être abordées avec bon sens et pragmatisme ; c'est un état d'esprit !

Au coeur des territoires, particulièrement en montagne, il faut également tenir compte de la situation des très petites communes, qui n'ont pas les moyens d'assumer financièrement la mise en place des solutions techniques pourtant nécessaires. Ces communes représentent un faible pourcentage de la population, et donc de la consommation et des rejets. Elles pourraient bénéficier, j'en suis sûr, non pas de privilèges, mais de dérogations relevant du simple bon sens et d'aides spécifiques appropriées. Philippe Richert en a lui-même, voilà quelques instants, appelé au bon sens dans l'application de nos lois.

La gestion de l'eau doit permettre la mise en oeuvre d'une politique des responsabilités. Tous les niveaux de décision sont concernés. Les syndicats des eaux ou les sociétés d'affermage sont équipés - ceux qui ne le sont pas devront l'être - pour contrôler la gestion et le suivi non seulement de l'eau potable, mais aussi des eaux usées.

Je crois également nécessaire de faire en sorte que les projets des communes situées en tête de bassin puissent bénéficier d'une solidarité renforcée entre l'aval et l'amont, à travers le redéploiement des aides de l'agence de l'eau. En effet, le maintien d'une bonne qualité des eaux et des milieux aquatiques ainsi qu'une gestion quantitative efficace revêtent une importance particulière pour la partie aval du bassin.

De ce point de vue, le comité de bassin et l'agence de l'eau conservent une pertinence essentielle. C'est l'échelon d'orientation et de programmation générale qu'il faut garder.

Face à la complexité des financements croisés et à celle qui naît du nombre des intervenants en la matière, il est, à mon sens, une collectivité qui, de par son expérience et ses compétences, doit rester la collectivité de droit commun dans le domaine de l'eau : je veux, bien entendu, parler du département.

Le département doit assumer la fonction d'appui technique et de gestion globale des fonds, comme il entend déjà le faire en ce qui concerne la prévention du risque d'inondation, par exemple. L'institution départementale est tout à fait désignée pour jouer ce rôle parce qu'elle est depuis toujours l'interlocutrice naturelle des maires, qu'elle dispose déjà des compétences techniques et qu'elle a l'habitude de travailler en partenariat avec l'agence de l'eau.

Quant au comité de bassin, il est l'échelon le plus pertinent pour engager une véritable réflexion en vue d'une meilleure programmation.

Un fleuve doit être géré de façon globale et cohérente. En Haute-Loire, un département qui connaît trop souvent une alternance de sécheresse et d'inondations, c'est une préoccupation omniprésente, et l'expérience nous a enseigné que c'est bien par la proximité de la prise de décision et par l'appui aux maîtres d'ouvrage que passe la réussite des actions à mener pour la préservation de cet aspect essentiel de notre environnement.

Nous pouvons nous féliciter du souci de transparence que manifeste ce projet de loi, monsieur le ministre. Concernant les redevances irrigation, ce texte est bien adapté aux zones et aux usages, ainsi qu'à une gestion plus collective de la ressource en eau.

Les agriculteurs et les propriétaires agricoles apprécieront sans aucun doute la création d'un fonds de garantie concernant l'épandage des boues. Cette mesure est indispensable et devrait rassurer ceux qui acceptent ces épandages importants, qui représentent près des deux tiers des boues produites en France.

Cette loi sur l'eau doit principalement s'inspirer du bon sens, du réalisme, du civisme, mais aussi tirer des enseignements de tous les événements liés à l'histoire de l'eau.

Il doit y avoir aussi une politique européenne de l'eau, afin d'obtenir une cohérence des normes qui ne pénalise pas l'agriculture française dans ses capacités de production.

La qualité de l'eau destinée à la consommation humaine exige d'abord un fonctionnement efficace des équipements de traitement. Nous appelons également de nos voeux une mise en cohérence des prescriptions techniques, qu'elles soient collectives ou individuelles. L'eau potable n'est pas un produit évolutif ; elle doit être un produit offrant toutes les garanties de sécurité sans être pour autant un médicament ; il faut trouver le juste milieu !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'essentiel n'est-il pas de savoir que l'eau tombe gratuitement du ciel et se renouvelle gratuitement ? Nous connaissons parfois des périodes de sécheresse, mais l'équilibre se reconstitue naturellement. L'eau est un bien qu'il n'est nécessaire ni d'extraire, ni de fabriquer, ni de transformer. Prenons toute la mesure de cette chance exceptionnelle !

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