Intervention de Jean-François Le Grand

Réunion du 5 avril 2005 à 16h00
Eau et milieux aquatiques — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-François Le GrandJean-François Le Grand :

Mais c'est bien l'esprit de la loi, madame ! Je ne reniais pas, disant cela, l'action de Benjamin Franklin, bien au contraire, et vous devriez vous-même vous en inspirer dans certaines de vos réflexions...

Le troisième principe, c'est la mutualisation des moyens financiers afin d'optimiser les taxes et les redevances, mais aussi - j'insiste sur ce point, parce que l'on y reviendra dans le débat - afin de garantir la péréquation et la solidarité. Même si la politique de l'eau ne peut être conduite sans recettes, la finalité n'est pas d'amasser un trésor mais de faire en sorte que péréquation et solidarité puissent s'exprimer dans les meilleures conditions.

Gardons à l'esprit ces trois principes, qui ont prévalu il y a maintenant près de cinquante ans, afin qu'ils continuent de prévaloir dans la réflexion qui est la nôtre.

Intervenant en cet instant en tant que président du Cercle français de l'eau, je rappellerai la finalité de ce dernier.

Le Cercle français de l'eau, le CFE, a été créé sur l'initiative du sénateur Jacques Oudin, voilà près de quatorze ans. C'est une structure de réflexion, d'échanges et de concertation ; c'est aussi une force de proposition ; c'est enfin la voix commune des acteurs de l'eau, et ce d'autant plus que le Cercle français de l'eau regroupe les représentants de l'ensemble des institutionnels, des professionnels ainsi que des collectivités locales et territoriales, sous la coprésidence de deux parlementaires : j'ai l'honneur de partager cette présidence avec notre collègue député Pierre Ducout.

C'est donc au titre de ce Cercle français de l'eau que je vais maintenant vous livrer quelques réflexions et vous rappeler quelques-uns des principes généraux qui nous ont guidés dans la rédaction des amendements que nous avons déposés.

Monsieur le ministre, l'objet de ce projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques est triple.

Il s'agit tout d'abord de se doter des outils nécessaires pour atteindre l'objectif d'un bon état écologique des eaux, comme vous l'avez rappelé ce matin ; il s'agit ensuite de rénover les différentes organisations institutionnelles, notamment les agences de l'eau et le Conseil supérieur de la pêche, avec la création de l'ONEMA, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques ; il s'agit enfin d'améliorer les services publics de l'eau et de l'assainissement.

Je ferai à cet égard un certain nombre de propositions, que je diviserai en trois groupes et que je déclinerai en cinq principes généraux.

Pour répondre au premier objectif, le CFE propose d'adapter notre organisation nationale à une politique européenne axée sur la qualité du milieu, parce qu'il en va du respect des engagements auxquels la France a souscrit mais aussi du respect d'un certain nombre d'autres buts, qui n'ont pas été rappelés ici mais qui sont néanmoins présents à l'esprit, qu'il s'agisse de la biodiversité, de la qualité de l'environnement et, plus généralement, d'un certain nombre de préoccupations qui sont pour l'essentiel inscrites dans al Constitution.

En ce qui concerne la rénovation de l'organisation institutionnelle, le CFE propose de mettre en oeuvre la véritable « démocratie de l'eau » à laquelle nous aspirons tous, Français, élus, parce qu'il en va de la transparence et de la bonne gouvernance.

Enfin, le CFE estime qu'il faut faire comprendre à chacun que la responsabilité de la protection de la ressource est l'affaire de tous. Peut-être pourrons-nous ainsi échapper à ce mal français que les Anglais évoquent avec l'expression « not in my backyard », qui signifie que tout le monde est prêt à l'effort... du moment que c'est l'autre qui le supporte !

Notre société est de plus en plus marquée par un égoïsme dont il faut sortir, car c'est par le comportement individuel de chacune et de chacun d'entre nous que l'on atteindra un bon état écologique des eaux et, plus généralement, les objectifs contenus dans ce projet de loi.

Je déclinerai maintenant, monsieur le ministre, nos propositions en cinq principes généraux.

Le premier consiste à mettre l'accent sur une conviction commune qui est présente à notre esprit, même si elle a été un peu absente lors de nos discussions : l'eau est l'affaire de tous ! C'est pourquoi une politique de l'eau et de l'environnement ne deviendra pleinement légitime que si elle est partagée par tous, que si l'on élargit le champ de son action à la planète toute entière.

Je participais, voilà quelques jours, aux échanges Europe-Afrique organisés sur l'initiative de M. Gentilini, président de l'Académie de l'eau. La mise en commun de nos connaissances, la préservation en commun d'un patrimoine vital pour l'humanité, le refus de fermer les yeux sur des situations intolérables de non-accès à l'eau potable doivent imprégner les « nantis » - au sens large du terme - que nous sommes. J'ai d'ailleurs entendu notre collègue Philippe Richert utiliser ce mot ce matin.

Un bon état écologique des eaux ne peut pas concerner seulement une sorte de sous-ensemble géographique : il doit être une ardente obligation mondiale, sous-tendue par une volonté de solidarité de tous les instants. A cet égard, je rappelle et je me réjouis du vote intervenu au Parlement, sur l'initiative de notre collègue Jacques Oudin, concernant le 1 % destiné à la coopération décentralisée.

Le deuxième principe général concerne la recherche d'une protection efficace des ressources. Nous en reparlerons lors de la définition des critères d'appréciation du bon état écologique des eaux car, si tout le monde fait référence à ce concept, nous n'avons pas encore pris le temps de définir ce qu'était ce « bon état écologique de l'eau ».

Nous aurons l'occasion d'y revenir et, toute publicité gratuite mise à part, je vous invite à nous retrouver le 17 octobre prochain, à l'occasion d'un colloque organisé sur l'initiative du Cercle français de l'eau, pour élaborer une définition européenne de ce bon état écologique des eaux. Nous devons en effet nous garder d'avoir une définition franco-française en la matière, qui vienne introduire une sorte de « dumping environnemental » alors même que, par ailleurs, la création de l'Europe supporte déjà tant de difficultés.

Toujours concernant la protection des ressources, il faudra clarifier les responsabilités de la police de l'eau et définir ses moyens.

Il faudra avoir une approche globale des pollutions dans les territoires ruraux et, à cet égard, il faudra arrêter de montrer du doigt les agriculteurs, qui seraient seuls coupables de toutes les pollutions et de toutes les difficultés.

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