Les agriculteurs ne représentent qu'un des maillons de la chaîne : lorsque nous, consommateurs, demandons à avoir des légumes d'une certaine qualité, d'une certaine couleur, sans taches, sans nématodes, sans ceci ou sans cela, nous contraignons les producteurs à utiliser des produits phytosanitaires, et nous les accusons ensuite de contrarier l'environnement...
Co-responsabiliser l'ensemble de la chaîne alimentaire serait beaucoup plus intelligent. D'où, monsieur le ministre, le souhait du groupe de l'UMP, qui sera partagé par tous ceux qui ont du bon sens, d'encourager plutôt la vertu que de pénaliser le vice, d'encourager plutôt les bonnes pratiques agricoles que de fustiger ceux qui ne respecteraient pas les normes de production.
Bref, préférons les actions positives à la dénonciation : nous gagnerons bien plus ainsi qu'au travers quelques taxations abusives.
Mme Bricq vient d'ailleurs de rappeler avec raison les causes fondamentales de l'échec de l'écotaxe : à se donner deux objectifs contradictoires, on court le risque de n'en atteindre aucun, d'où la nécessité - et c'est peut-être sur ce point, madame Bricq, qu'apparaît une différence entre nous - de mener une action positive de proposition et d'encouragement à aller vers de meilleures pratiques plutôt que d'appliquer une taxe « bête et méchante » pénalisant ceux qui n'en peuvent mais.
Dernière observation sur la protection de la ressource, la maîtrise de la qualité des eaux de baignade doit être prise en compte, et différents amendements me donneront, monsieur le ministre, l'occasion de revenir sur ce sujet.
Les rivières vont à la mer et, si nous ne profitions pas de l'examen du présent texte pour introduire dès maintenant dans notre législation les dispositions d'une directive en cours de gestation sur les eaux de baignade, nous manquerions peut-être en partie notre cible. Il y a tout de même en France environ un millier de communes littorales qui toutes sont concernées par la qualité des eaux de baignade. Là encore, nous ne pourrons nous contenter d'une incantation : l'eau de baignade doit certes être de qualité, mais encore faudra-t-il déterminer les critères de cette qualité.
Troisième principe général : il importe de promouvoir une bonne gouvernance de l'eau.
Cela implique de redéfinir les fonctions régaliennes de l'Etat et de préciser les financements, sujet sur lequel nombre d'entre nous se sont déjà arrêtés ou s'arrêteront encore ; de réaffirmer le rôle fondamental des agences de l'eau ; de renforcer le rôle des élus au sein des comités de bassin ; d'inviter les collectivités locales à mieux connaître leur patrimoine.
J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur l'importance de ce dernier point, sachant qu'à peu près un tiers de l'eau traitée destinée à la distribution disparaît du fait du mauvais état des canalisations ou de fuites dans le réseau. L'expertise de l'état patrimonial des réseaux de distribution de l'eau permettra donc à elle seule de réaliser de substantielles économies, mais il faudra aider les départements à la réaliser. Je suis président d'un conseil général qui a déjà mis en oeuvre une telle expertise et je puis vous assurer que cela nous coûte extrêmement cher, même si, in fine, sur le moyen et le long terme, nous serons gagnants par rapport à l'investissement de prospective que nous aurons consenti.
La promotion d'une bonne gouvernance de l'eau passe enfin par la fiabilisation de l'épandage agricole des boues, et je parle là sous le contrôle de nos collègues qui sont directement concernés par les activités agricoles.
Comment continuer d'accepter que les agriculteurs soient sollicités pour épandre des boues quand, dans le même temps, cette pratique est interdite pour obtenir le label bio ? Du point de vue du bon sens et de la logique, il y a là quelque chose qui m'échappe ! La création d'un fonds de garantie est donc une nécessité et, surtout, il faut faire savoir que la bonne qualité écologique des boues n'est pas un inconvénient pour les agriculteurs, mais au contraire un amendement dont ils peuvent bénéficier à moindre frais.
Il faudrait également réaffirmer le droit à la diversité des usages et trouver un compromis entre l'énergie hydraulique et les activités de préservation des milieux naturels ou de pêche. C'est là que se situe le vrai conflit d'usage, et résoudre ce dernier constitue une part essentielle de notre travail de législateur.
Il ne s'agit ni d'opposer un camp à l'autre ni d'en privilégier un, mais, dans chaque cas, de chercher au moins le compromis ou, mieux encore, le consensus. Le compromis signifie en effet l'abandon par chacune des parties d'un peu de sa vérité alors que le consensus permet une sortie par le haut grâce à une solution acceptable et acceptée par tous.
Il n'est pas impossible de parvenir au consensus : il faudra le rechercher en dehors de la passion, en dehors de la pression, avec beaucoup de bon sens et, surtout, avec un regard de citoyen tendu en permanence vers l'intérêt général dans le domaine de l'eau.
L'eau est par ailleurs un véritable facteur de croissance et, monsieur le ministre, nous déposerons des amendements ou, du moins, nous ferons des observations afin que la question de l'eau soit abordée aussi dans cet esprit et que des capacités de croissance soient offertes à tous.
On touche là à la différenciation des enjeux territoriaux. Des péréquations devront être mises en place et, à cet égard, il a été fait allusion ce matin aux fonds départementaux par Mme Keller, par vous-même, monsieur le ministre, et par d'autres orateurs.
De grâce, mes chers collègues, n'entrons pas dans des débats surannés et obsolètes ! Il ne s'agit pas de privilégier telle ou telle collectivité : le bon niveau de compétence est celui qui est le plus efficace. Dès lors que l'efficacité d'un niveau de compétence est avérée, retenons donc ce niveau !
Je fais ici appel à tous ceux qui sont ou qui ont été présidents de conseils généraux sur ces travées : la meilleure péréquation en proximité départementale est bel et bien celle qui nous permet de disposer d'une ligne financière pour aider un peu plus ceux qui sont dans le besoin et un peu moins ceux qui ont peut-être davantage d'atouts. Il ne s'agit même pas d'une opposition entre l'urbain et le rural, mais simplement d'un problème de péréquation et d'égalité des chances, abordé au travers du prisme de ce facteur de croissance.
Enfin, il faudra répondre au besoin d'information du public. Privilégier l'information du public est un devoir maintenant incontournable en même temps qu'une absolue nécessité : une politique n'est partagée que si elle est comprise et, pour qu'elle soit comprise, il faut qu'elle soit expliquée.
L'eau est l'affaire de tous et elle est au coeur du développement durable ; l'enjeu de l'eau est celui des générations futures. Nous avons donc l'obligation de dialoguer, de nous concerter, de rechercher toujours le consensus, et il revient à la loi d'organiser le dialogue et la recherche de consensus.
Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les observations que je voulais présenter au nom du Cercle français de l'eau, observations sur lesquelles la discussion des amendements nous permettra de revenir de manière un peu plus précise.
Je terminerai en félicitant le rapporteur, Bruno Sido, et les rapporteurs pour avis, Fabienne Keller et Pierre Jarlier, pour la qualité du travail qu'ils ont accompli. Ils ont anticipé, monsieur le ministre, l'examen du projet de loi qui nous est présenté, ce qui nous a permis, comme Bruno Sido l'a rappelé, d'être associés à bon nombre des auditions qu'au titre de président du groupe d'études sur l'eau ce dernier anime au sein de notre assemblée. J'ai ainsi le sentiment d'être depuis longtemps déjà familiarisé à ce texte, et c'est un vrai bonheur de pouvoir en discuter aujourd'hui en séance publique !