Intervention de Bernard Dussaut

Réunion du 14 juin 2005 à 21h45
Petites et moyennes entreprises — Article 28

Photo de Bernard DussautBernard Dussaut :

Monsieur le ministre, nous avons appris par la presse que, dimanche soir, c'est-à-dire la veille du débat sur la réforme de la loi Galland, vous dîniez avec certains représentants des industriels et des grands distributeurs.

Il ne s'agissait pas d'une table ronde avec tous les partenaires concernés puisque, d'après la presse, seuls les plus gros se sont retrouvés autour de vous : Auchan, Leclerc, System U, Intermarché, Procter & Gamble, Nestlé, Danone, l'Oréal.

Le sujet alors abordé était-il le pouvoir d'achat des consommateurs ? Selon l'exposé des motifs de ce projet de loi, la réforme de la loi Galland permettrait, en effet, de baisser les prix, ce qui devrait, nous dit-on, relancer la consommation. Toutefois, loin de nous satisfaire d'un tel argument, nous sommes convaincus, au contraire, que l'effort doit être mené au niveau de la politique globale des revenus.

Selon une étude récente de l'INSEE, après une faible progression de 0, 2 % en 2002, le pouvoir d'achat du salaire moyen a diminué de 0, 3 % en 2003, alors qu'entre 1998 et 2001 il avait augmenté de 1, 2 % en moyenne par an. Ce sont là les raisons essentielles du plafonnement de la consommation et de la stagnation du marché. Les consommateurs rationnels se tournent vers les hard discounters et il n'est donc pas très surprenant d'apprendre qu'une grande enseigne s'apprête à ouvrir 1 000 magasins de ce type.

Quelles sont les contraintes des hard discounters ? Aucune demande d'autorisation d'implantation n'est nécessaire pour ce type de magasin, dont les surfaces sont très souvent en deçà du seuil requis ; aucune coopération commerciale n'est prévue, et l'on y vend des produits à bas prix, souvent importés ; enfin, peu d'emplois sont créés, et les conditions de gestion de la main-d'oeuvre sont très souples pour l'employeur.

La grande distribution pourrait être tentée d'ouvrir de nouveaux magasins de hard discount, mais elle souhaite avant tout avoir suffisamment de latitude pour réagir à la concurrence, car elle craint une diminution de ses marges. La préoccupation de la satisfaction des consommateurs vient après celle des actionnaires !

Dix ans après l'élaboration de l'ordonnance de décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, la loi du 1er juillet 1996 sur l'équilibre et la loyauté des relations commerciales, dite loi Galland, visait à instaurer une réglementation spécifique au secteur de la grande distribution dans ses relations avec les fournisseurs et la définition du seuil de revente à perte a permis d'interdire effectivement la revente à perte.

Vous n'abordez pas, à notre sens, la question des relations entre distributeurs et fournisseurs dans toute sa complexité, parce que vous avez refusé de vous confronter réellement à l'opacité du système avec la création d'une commission d'enquête qui, seule, aurait eu les moyens de faire témoigner sans retenue tous les acteurs des pratiques commerciales.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas vous laisser affirmer, comme vous l'avez fait lors de la discussion générale, que ceux qui réclament le statu quo veulent le maintien de versements considérables, hors de toute logique commerciale, des producteurs aux distributeurs.

Notre position est claire : il est urgent d'attendre pour ne pas faire le jeu de tel ou tel groupe de pression ou enclencher un mécanisme dont on ne pourrait mesurer les effets.

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