Intervention de Marc Massion

Réunion du 29 juin 2006 à 9h30
Finances publiques et finances sociales — Débat d'orientation sur une déclaration du gouvernement

Photo de Marc MassionMarc Massion :

L'investissement est atone, en dépit des profits record réalisés par les grands groupes industriels en 2005. Ceux-ci ont préféré distribuer des dividendes pléthoriques ou racheter leurs propres actions, plutôt que d'investir.

La faiblesse du commerce extérieur est aujourd'hui particulièrement inquiétante. Une mauvaise spécialisation des productions, l'insuffisance de la recherche, tant publique que privée, et, par conséquent, l'insuffisance de l'innovation contribuent à expliquer le déficit historique de l'année 2005.

Nos exportations pâtissent du manque de dynamisme et de la mauvaise adéquation aux besoins du marché international de notre appareil productif. Pourtant, nulle esquisse de l'épure d'une politique industrielle à l'horizon !

La consommation s'est, certes, améliorée, mais cela est dû au fait que les ménages ont commencé à puiser dans leur épargne. La faiblesse de l'augmentation du pouvoir d'achat moyen des ménages, ainsi que la dégradation du pouvoir d'achat des ménages les plus modestes constituent une lourde menace pour l'avenir.

Pour ce qui est des finances publiques, la croissance de l'économie française continuant à être faible, il n'est pas étonnant que le poids de la dette se fasse de plus en plus sentir. En effet, le poids croissant de la dette est tout à la fois le symptôme de la faiblesse de la croissance et la conséquence de cette faiblesse.

Pourtant, le Gouvernement s'apprête à aggraver cette situation en sous-estimant pour 2007 aussi bien le déficit, hélas ! prévisible, que les conséquences probables des facteurs perturbants que peuvent constituer la hausse du prix de l'énergie ou celle des taux d'intérêt.

Rappelons qu'une erreur d'un demi-point dans l'estimation du taux de croissance engendre un manque à gagner pour l'État d'environ 5 milliards d'euros, dont 3, 5 milliards d'euros de recettes fiscales.

En faisant adopter quatre ans de suite des budgets qui ont surestimé, en cumulé, la croissance de 3, 4 points, le Gouvernement a provoqué une situation budgétaire dangereuse, les recettes attendues ayant été surestimées de plus de 20 milliards d'euros.

Ainsi, alors qu'en 2005 le Gouvernement annonçait une croissance comprise entre 1, 5 % et 2 %, cette dernière a été corrigée à la baisse, soit 1, 2 %, diminution qui est imputable à la décélération nette de la dépense publique.

Pour 2007, à nouveau, le Gouvernement veut croire, et faire croire, en une croissance comprise entre 2 % et 2, 5 %, alors qu'aucun institut ne prévoit une croissance supérieure à 2 %. Quant aux données initiales relatives au premier trimestre 2006, elles indiquent que la croissance de 0, 5 % est plus faible qu'on ne l'attendait, notamment en raison de la décroissance des investissements des entreprises.

Symptôme et conséquence de cette faible croissance, la charge de la dette publique représente plus de 40 milliards d'euros, soit 17 % du budget ; c'est le deuxième poste budgétaire après celui de l'Éducation nationale.

Par ailleurs, depuis six mois, la Banque centrale européenne, la BCE, a relevé son taux de base de 0, 75 %, ce qui renchérit le coût du crédit de près d'un tiers.

En quatre ans, le poids de la dette s'est ainsi alourdi de 8 points. Dès lors, l'objectif consistant à diminuer cette dette de 2 points d'ici à la fin de 2007 est peu crédible, sauf à mettre le pays en panne.

Quant à la dette publique financière - État, collectivités locales et sécurité sociale -, que le gouvernement de gauche avait réussi à réduire sensiblement de 1998 à 2001, de 1, 4 %, elle a littéralement explosé - plus de 10 points - depuis l'arrivée de la droite au pouvoir en 2002, pour atteindre les deux tiers du PIB aujourd'hui, soit près de 67 %. Depuis 2003, la France se situe donc hors critères européens en la matière.

Cette dette n'est pas, hélas ! le résultat d'un effort structuré pour accroître notre potentiel de croissance, d'un effort particulier en faveur de l'investissement public, de la recherche ou de l'enseignement supérieur, bref, d'un effort pour préparer l'avenir. En réalité, cette dette est le fruit d'une gestion insuffisamment rigoureuse des dépenses publiques.

Dans ce contexte, la promesse inconsidérée du candidat Chirac en 2002 de « baisser les impôts » a aggravé la situation, car tous les impôts n'ont pas diminué en France depuis quatre ans. Seuls ont baissé l'impôt sur le revenu, l'impôt de solidarité sur la fortune et les impôts relatifs aux donations ou successions, c'est-à-dire uniquement les impôts frappant les ménages dont les revenus et les patrimoines sont les plus élevés.

En revanche, les prélèvements obligatoires, c'est-à-dire les impôts, taxes et cotisations sociales qu'acquittent l'ensemble des Français, et notamment les plus modestes d'entre eux, ont augmenté, aggravant de ce fait les inégalités. Ils ont pesé de façon négative sur la croissance et, partant, sur les précieuses recettes fiscales qui auraient permis de conserver la maîtrise des comptes publics.

Le manque à gagner pour les finances publiques est lourd : environ 25 milliards d'euros pour l'impôt sur le revenu et l'ISF, sur l'ensemble de la législature en cours. Or la réforme de l'impôt sur le revenu votée en 2005 n'est pas financée et elle pèsera sur la législature suivante. Il en résulte que le fameux « engagement national de désendettement » n'est qu'un leurre publicitaire, tout comme la notion de « déficit stabilisant » !

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