Intervention de Marc Massion

Réunion du 29 juin 2006 à 9h30
Finances publiques et finances sociales — Débat d'orientation sur une déclaration du gouvernement

Photo de Marc MassionMarc Massion :

S'agissant de la détérioration des comptes publics, elle n'est pas due à une dérive de la dépense publique, d'autant que les dépenses de l'État, qui, certes, doivent être maîtrisées, peuvent devenir, par le biais de la consommation induite, le moteur d'un cercle vertueux qui résorbe les déficits.

Il n'y a aucune raison de faire des fonctionnaires des boucs émissaires. La détérioration présente des comptes publics est due, tout simplement, à une accumulation de déficits liés à des erreurs de prévision et de gestion. Le gouvernement qui sortira des urnes en 2007 trouvera un lourd « cadeau » de mesures votées et non financées : 12, 5 milliards d'euros en moyenne par an, soit quelque 62 milliards d'euros sur l'ensemble d'une législature !

Tous les budgets que les gouvernements ont fait voter depuis 2002 ont reposé sur des prévisions de croissance dites « volontaristes », ainsi que sur des baisses d'impôt censées « encourager la croissance et créer de l'emploi ». Ce volontarisme a sa propre logique : il s'agit de définir un taux de croissance, lequel doit justifier les prévisions de recettes, lesquelles doivent couvrir les dépenses dans une proportion suffisante pour ne pas accroître le déficit dans des proportions trop importantes, lequel, enfin, en termes d'affichage, ne doit pas trop aggraver la dette.

Toutefois, jusqu'à présent - et cela n'est guère étonnant -, cette méthode consistant en des baisses d'impôts financées à crédit n'a pas suffi à insuffler à notre économie la vigueur nécessaire. Au contraire, malgré une croissance mondiale très forte, la croissance française reste faible, victime de l'insincérité répétée des prévisions de croissance avancées depuis 2002.

J'en viens aux dépenses, telles qu'elles sont envisagées par le Gouvernement pour 2007.

En ce qui concerne le plan de cohésion sociale, il n'est pas financé. Le coût de ce plan commencera à peser particulièrement à partir de 2007, les crédits qui lui sont destinés devant atteindre 3, 9 milliards d'euros, contre 1, 1 milliard d'euros en 2005.

Pour ce qui est du coût annuel du plan « Solidarité grand âge », lequel est une bonne chose en soi, il va tripler au cours de la prochaine législature. Il coûtera ainsi 3 milliards d'euros supplémentaires par an à l'horizon de 2012. Selon le ministère aux personnes âgées, il sera financé, notamment, par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui perçoit les 2 milliards d'euros provenant de la journée de solidarité. Mais cette Caisse n'ayant pas de réserves, le financement des mesures prévues reposera sur l'assurance maladie, dont le déficit est déjà considérable.

Ce plan, utilisé comme un effet d'annonce, et qui tente de tirer les leçons de la faillite de la suppression du statut de jour férié du lundi de Pentecôte, reporte donc à plus tard les mesures nécessaires à son financement.

Le programme « Accès des jeunes à la vie active en entreprise », qui remplace le CPE, élargit aux titulaires d'un contrat d'insertion dans la vie sociale, ou Civis, la possibilité d'accéder au bilan de compétences avec, en cas d'embauche, la faculté d'être suivis pendant un an par un « tuteur ». Ce programme prévoit d'inciter les employeurs à embaucher des jeunes en contrat jeune en entreprise, l'État leur versant une aide mensuelle de 400 euros la première année, et de 200 euros la seconde année.

Le contrat de professionnalisation sera, lui aussi, subventionné par l'État au moyen d'une prime de 200 euros par mois la première année, et de 100 euros la seconde, dès lors que le contrat débouchera sur un contrat à durée indéterminée.

Ce programme devrait coûter 150 millions d'euros en 2006, et 300 millions d'euros en 2007. Or le Gouvernement n'ayant pas prévu son financement, des députés UMP ont dû voter un amendement tendant à préciser que le coût de ce programme devrait être pris en charge par des redéploiements budgétaires et des crédits mis en réserve.

Quant au « contrat de modernisation », qui a été signé avec le secteur des cafés, hôtels et restaurants, nous constatons que, pour des raisons clientélistes - et afin de compenser le fait que les « clients » visés ne cessent de se faire abuser par le président de la République -, le Gouvernement vient d'accorder de nombreuses aides aux professionnels de l'hôtellerie et de la restauration, aux termes du contrat de croissance du 17 mai 2006 passé avec la profession : hausse de l'aide forfaitaire à l'emploi dans le secteur ; aide à la mise aux normes des entreprises du secteur accordée par l'État, qui s'engage à améliorer le système de dotation pour investissement, et qui autorisera la déduction pour les entreprises individuelles de 15 000 euros du revenu au titre d'investissements futurs ; abaissement des charges sociales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de moins de vingt salariés ; enfin, un « grand plan tourisme » consistant, notamment, en des actions de promotion de la France à l'étranger.

Nous pouvons légitimement nous interroger sur l'efficacité d'un tel plan. En effet, ces aides ne sont aucunement conditionnées par des engagements des professionnels en termes de créations d'emplois ou de revalorisations salariales, alors que la profession a déjà bénéficié de 1, 5 milliards d'euros de baisses de charges depuis juillet 2004, sans que les salariés en aient profité, puisqu'il n'y a eu de négociations ni sur l'emploi, ni sur la grille des salaires, ni sur les conditions de travail. En outre, ce plan d'aide n'a fait l'objet d'aucun chiffrage.

Le « plan Gazelle » n'est pas davantage chiffré. Il est destiné à accompagner deux mille PME à forte croissance, qui devraient bénéficier plus facilement de financements, d'un accès à des spécialistes et de soutiens d'investisseurs de proximité.

Pour neutraliser les surcoûts liés à cette croissance, la loi de finances pour 2007 devrait prévoir un « nouveau mécanisme de gel de l'impôt sur les sociétés », qui s'appliquerait dès le 1er janvier 2007, afin de « neutraliser toute augmentation de cet impôt durant la période de croissance ».

De plus, les PME en croissance devraient bénéficier d'un décalage de six mois pour payer les cotisations sociales des salariés embauchés.

Le plan de renforcement du capital-risque annoncé par le Président de la République devrait coûter 2 milliards d'euros et se trouver opérationnel dès l'été 2006. Les PME sélectionnées pourraient ainsi accéder plus facilement à des financements et à des conseils de juristes, d'experts comptables et de notaires. Bien sûr, pas plus que les autres, ce dispositif n'a pas fait l'objet d'une évaluation, du moins publique.

En revanche, les dépenses relatives à la fonction publique ont subi une attaque en règle, à travers deux mesures : d'une part, la limitation de la dépense publique, dont le rythme de croissance devra être inférieur d'un point à l'inflation ; d'autre part, la baisse massive du nombre des fonctionnaires.

Le budget pour 2007 prévoit de supprimer 15 000 emplois de fonctionnaires, dont la moitié dans les écoles, les collèges et les lycées.

Pendant ce temps, l'éducation nationale recrutera des assistants d'éducation grâce à des contrats d'une durée de dix mois, qui se termineront donc - c'est certainement un hasard ! - juste après la présidentielle et les législatives. Ces assistants ne semblent pas aujourd'hui faire l'unanimité parmi les enseignants.

Monsieur le ministre, je crois que vous avez fait tout à l'heure une erreur de vocabulaire lorsque vous avez affirmé qu'il n'y aurait pas de suppression de classes d'enfants handicapés. Les enfants dont il s'agit ici ne sont pas handicapés, mais ils ont des problèmes de comportement et ils sont placés dans des classes d'intégration scolaire, les CLIS. (M le ministre délégué, acquiesce.) Je puis vous affirmer que des CLIS ont fermé et le mouvement se poursuit, tout au moins dans mon département ; notre collègue Thierry Foucaud pourra en témoigner également.

En tout cas, je tiens à préciser que ces enfants ne sont pas des handicapés.

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