Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en matière de finances publiques et de finances sociales, notre pays est confronté à deux paradoxes.
Le premier concerne la dette. Les Français sont individuellement peu endettés, mais collectivement surendettés.
Le 16 mars dernier, en tant que président de la Délégation du Sénat pour la planification, j'ai eu l'honneur de présenter un rapport sur l'accès des Français au crédit. Ce rapport souligne que l'endettement des ménages a beaucoup augmenté depuis vingt ans et représente aujourd'hui plus de 60 % de leur revenu annuel.
Pourtant, les Français ne sont pas confrontés à une dérive du crédit. Si leur endettement a progressé, le poids des remboursements du capital et des intérêts est resté stable grâce à la baisse des taux et à l'allongement de la durée des prêts. De plus, l'augmentation de la dette brute des ménages ne les a pas empêchés d'améliorer significativement leur situation patrimoniale nette.
Enfin, la France est l'un des pays du monde développé où l'endettement des ménages est le plus faible : la dette par habitant est près de trois fois moins élevée qu'au Danemark, et encore deux fois moindre environ que la moyenne des pays européens.
Dans l'encours des crédits à long terme en Europe, la France occupe une place très modeste, avec 8, 1 %, soit nettement moins que son poids dans le PIB des douze pays concernés, qui est de 17, 6 %. L'OCDE estime même que, parmi les réformes structurelles nécessaires pour que l'Europe surmonte la langueur de son économie, figure un élargissement de l'accès des ménages au crédit.
Le Gouvernement a lui-même soumis au Parlement, qui l'a adopté, un projet de loi l'autorisant à introduire par ordonnances des mécanismes d'hypothèque rechargeable et de viager hypothécaire qui visent à doper la distribution de liquidités aux ménages.
Le paradoxe, c'est que si la France peut encourager un certain endettement individuel pour soutenir la croissance économique, elle doit en même temps tout faire pour stopper la croissance inquiétante de la dette publique. En effet, la dette publique a triplé en proportion de la richesse nationale depuis 25 ans. Elle a atteint un niveau tel qu'elle handicape aujourd'hui notre pays dans la compétition internationale, elle compromet ses chances de redresser les finances publiques et elle met ainsi en cause l'avenir des générations futures.
De ce point de vue, le rapport publié par Michel Pébereau en décembre dernier a été l'occasion d'une véritable prise de conscience nationale.
Il faut également féliciter le Gouvernement pour l'effort de pédagogie qu'il a su réaliser sur un sujet trop longtemps ignoré ou négligé dans notre pays.
Dans son rapport d'information sur le débat d'orientation sur les finances publiques, notre rapporteur général, Philippe Marini, évoque trois bonnes raisons pour réduire le déficit public : tout d'abord, sur 100 euros versés par le contribuable, 15 euros servent à payer la charge de l'État ; ensuite, les générations futures devront déjà payer les retraites ; enfin, il faut restaurer, dès à présent, les marges de manoeuvre de l'État.
Toutefois, nous nous heurtons ici à un second paradoxe, qui est cette fois politique. Alors que presque tout le monde s'accorde aujourd'hui sur la nécessité de réduire l'endettement, certains, à gauche, continuent à prôner des mesures qui auraient exactement l'effet inverse.
Comme l'ont très bien montré MM. les ministres Thierry Breton et Jean-François Copé, la stratégie du parti socialiste renoue avec la facilité financière, à travers toujours plus de dépenses publiques, donc toujours plus de déficit et de dette.
Le projet du parti socialiste est une réédition de son programme de 1981, avec la même philosophie, les mêmes principes doctrinaux, et le refus de prendre en compte les problèmes du jour, les enjeux de demain et le nouveau système monétaire auquel nous avons, ensemble, adhéré.
La renationalisation d'EDF, la généralisation des 35 heures, le recours massif à l'emploi public, à travers la réactivation des emplois-jeunes, et l'embauche massive de fonctionnaires sont autant de mesures inadaptées et de contresens économiques ; nous ne trouvons d'ailleurs aucun équivalent dans les autres pays de l'OCDE.
L'abrogation de la réforme des retraites constituerait un grand bond en arrière. Dans ce domaine, la gauche a oublié d'agir, et c'est un gouvernement de droite qui a eu le courage de mettre en oeuvre une réforme historique et indispensable, pour tenir compte de l'évolution démographique.