Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, était très attendu. En effet, depuis Corinne Lepage, qui avait engagé la discussion, jusqu'à Roselyne Bachelot-Narquin, qui avait eu la volonté d'organiser un vaste débat national, cinq ministres se seront succédé, plusieurs avant-projets de loi sur l'eau et les milieux aquatiques auront été élaborés avant que nous ne puissions aborder aujourd'hui l'examen de votre texte.
De la grosse production d'énergie hydraulique, avec les barrages alpins, à une bonne et saine gestion de la ressource en eau potable liée à une politique rigoureuse d'assainissement, en passant par la préservation des milieux piscicoles, le tourisme de l'eau, l'entretien des cours d'eau, l'irrigation, les retenues collinaires avec le recours à la neige de culture, la tâche est énorme, les enjeux sont nombreux : certains d'entre eux, si contradictoires soient-ils parfois, doivent être conciliés, ce qui impose de trouver un équilibre.
Il s'agit, en premier lieu, de trouver un équilibre entre le développement des sources d'énergie renouvelables et la préservation de la ressource et des milieux piscicoles.
Je ne reviendrai pas ici sur les propos qu'a tenus M. Revol, ni n'évoquerai plusieurs sujets que nous aurons l'occasion d'aborder lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, qui devra nous permettre de relever le défi de produire, à terme, 21 % de notre électricité à partir de sources d'énergie renouvelables, en diversifiant le « bouquet énergétique » français.
Toutefois, l'on ne peut faire silence sur la place de l'hydroélectricité, quand on sait que celle-ci représente aujourd'hui plus de 90 % de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables. La nécessaire protection des rivières, cours d'eau et torrents, notamment celle des têtes de bassin, ne saurait exclure la micro-hydroélectricité ni la marginaliser, comme j'ai malheureusement pu l'entendre affirmer, monsieur le ministre, au cours des travaux préparatoires. C'est dire l'importance que revêtiront la mise en place de la nouvelle politique de classement des cours d'eau et la prise en compte des équilibres, qui pourraient relever de plans départementaux de gestion ou de bassin. Les précisions que vous pourrez nous apporter sur ce point seront bienvenues, monsieur le ministre.
Il s'agit, en deuxième lieu, de trouver un équilibre entre la nécessaire préservation de l'environnement et l'entretien des cours d'eau.
Là aussi, le projet de loi vient prolonger un certain nombre de mesures qui imposent de mettre à la disposition des collectivités territoriales de véritables outils de gestion et d'entretien.
A cet égard, les différents plans de protection, en particulier les PPRI, les plans de protection contre les risques d'inondation, et les plans de gestion de bassin, mis plus récemment en place sur l'initiative de Roselyne Bachelot-Narquin, ainsi que les SDAGE et les SAGE, impliquent la mise en oeuvre d'outils puissants de gestion et d'entretien, obligeant les propriétaires riverains et, surtout, les collectivités territoriales concernées à se regrouper au sein de syndicats de bassin versant, qui deviennent des interlocuteurs privilégiés disposant des moyens nécessaires.
Permettez-moi donc d'insister tout particulièrement, monsieur le ministre, sur la nécessité d'améliorer l'indispensable procédure d'entretien des cours d'eau pour permettre aux élus et aux collectivités territoriales de disposer d'outils réglementaires adaptés à une gestion moderne, souple et efficace, dès lors que les procédures ont permis d'établir les conditions de gestion et d'entretien des cours d'eau. Cela permettrait d'éviter que l'on ne se perde dans des dédales et des délais administratifs qui rendent insupportable la politique d'entretien des cours d'eau.
Il s'agit, en troisième lieu, de trouver un équilibre entre une politique volontariste de l'eau et de l'assainissement, les moyens budgétaires et les institutions mises en place.
A ce titre, convient-il de rappeler qu'une politique volontariste mais « vertueuse » en matière d'eau et d'assainissement suppose d'abord la reconnaissance de la mutualisation et de la solidarité entre les territoires urbains et les zones rurales, de plaine ou de montagne ?
Au travers de votre projet de loi, monsieur le ministre, vous nous proposez une remise à plat de l'architecture actuelle. Cette refondation, qui peut se justifier par bien des raisons, nécessite malgré tout qu'un certain nombre de garanties soient apportées aux collectivités territoriales qui ont à supporter la lourde charge des investissements en matière d'eau et d'assainissement.
Sur ce plan, je voudrais tout d'abord évoquer les interventions du FNDAE, dont les crédits, transférés aux agences de l'eau depuis la suppression de ce fonds, s'élevaient à quelque 122 millions d'euros ces dernières années, avant d'être ramenés à environ 77 millions d'euros en 2003.
Il est nécessaire, monsieur le ministre, que des garanties soient données aux communes quant au maintien, dans le cadre des conventions qui seront signées entre les départements et les agences de l'eau, des montants précédemment attribués par le FNDAE.
Puis-je prolonger cette question, monsieur le ministre, en évoquant maintenant ce décret tant attendu concernant le classement des communes éligibles au FNDAE ? La réforme en cours intervenant dans le prolongement de l'Acte II de la décentralisation, ne serait-il pas judicieux de prévoir que ce classement puisse relever dorénavant des départements, qui, cela apparaît très clairement, auront la responsabilité de mobiliser l'ensemble des ressources financières nécessaires aux côtés des communes, et donc de veiller à la solidarité et à la péréquation entre les collectivités ? Quoi qu'il en soit, dans l'optique de cette réorganisation, les agences de l'eau sont confirmées et confortées dans leur primauté.
Par ailleurs, au-delà du débat sur l'organisation de la représentativité au sein des agences de l'eau qui ne manquera pas de s'élever, ne serait-il pas souhaitable que, en matière d'eau et d'assainissement, les agences de l'eau soient placées dans l'obligation de mobiliser, au profit des collectivités locales, les montants de financements ayant été apportés en moyenne ces dix dernières années, de façon à donner à la mise en oeuvre des politiques la continuité nécessaire et à éviter ainsi de remettre en cause les politiques locales au gré des orientations arrêtées ou remises en question par les agences de l'eau ? Combien de programmes, monsieur le ministre, ont été interrompus ou remis en cause parce que les agences de l'eau avaient modifié leur politique !
La contractualisation entre les départements et les agences de l'eau est un signe fort, mais elle ne constituera le socle d'une politique nouvelle que si les financements des conventions reposent sur des engagements importants et pérennes. La loi peut et doit donner ce cadre et cette garantie.
Il s'agit, enfin, de trouver un équilibre entre la préservation de l'environnement et des milieux piscicoles et les activités de loisir.
La préservation des milieux et des ressources piscicoles constitue, dans une importante mesure, le point d'équilibre d'une authentique politique durable de l'eau qui doit intégrer de façon croissante les activités touristiques et de loisir.
A ce sujet, permettez-moi, monsieur le ministre, bien qu'il s'agisse là du domaine réglementaire, d'insister sur la nécessité d'adapter les cartes de pêche « loisir » à une pratique à l'année, afin de prendre en compte l'évolution du temps de loisir, qui n'est plus limité à la période estivale. De même, il conviendrait d'offrir aux titulaires de cartes à la journée la possibilité d'accéder à tous les plans d'eau ou cours d'eau, sans aucune limitation.
Ces quelques observations, qui portent sur des domaines très différents, témoignent de la richesse du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques que vous nous soumettez et que nous aurons plaisir à soutenir, monsieur le ministre.