Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat d'orientation sur les finances publiques et les finances sociales constitue l'occasion de s'interroger sur les effectifs au sein de la fonction publique et, plus largement, sur la gestion des ressources humaines de l'État.
Cet enjeu est d'autant plus lourd qu'il s'agit de prendre la mesure des évolutions qui travaillent en profondeur toutes les administrations publiques, en particulier les départs à la retraite massifs des générations issues du baby-boom. Nous connaissons également toutes les contraintes fortes qui pèsent sur les finances de l'État, ainsi que l'impératif d'assainir nos finances publiques.
Le détail de la ventilation des crédits du prochain budget, que vous avez rendu public voilà quelques jours, monsieur le ministre délégué au budget, témoigne d'ailleurs clairement de cette préoccupation.
Il ressort de cette répartition un certain nombre de priorités.
Ainsi, la mission « Justice » se détache, avec 6, 28 milliards d'euros de crédits, soit une augmentation de 5 % par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances pour 2006.
Cette hausse significative mérite d'être saluée, comme doit l'être également l'objectif plus général de baisser de 15 000 emplois les effectifs de la fonction publique d'État.
Dans ce panorama d'ensemble, il convient toutefois de ne pas perdre de vue certaines spécificités inhérentes à la mission « Justice ».
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, le ralentissement du rythme des créations d'emplois dans les juridictions judiciaires avait été souligné. Pour mémoire, 186 postes de magistrats et 14 postes de fonctionnaires étaient créés, soit, au final, et après prise en compte des délais d'affectation, 83 équivalents temps plein travaillés pour 86 postes créés.
Au regard des engagements pris dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation budgétaire pour la justice, le taux de réalisation des créations d'emplois dans les juridictions judiciaires, cumulées sur quatre exercices budgétaires, se révèle, ainsi, assez décevant. Il n'atteint, en effet, même pas 50 %.
Ce taux global masque, certes, d'importantes disparités. Des efforts tangibles ont notamment été consentis en faveur des postes de magistrats, avec un taux de création - satisfaisant - de 65 %.
En revanche, le renforcement des effectifs des personnels des greffes reste, à ce jour, trop modeste, le taux de création atteignant seulement 38, 5 %. Or un magistrat ne peut travailler utilement sans l'assistance d'un greffier ; malheureusement, dans de nombreuses juridictions, celui-ci fait défaut.
Cette évolution hypothèque la concrétisation de la programmation quinquennale fixée par la loi d'orientation et de programmation budgétaire pour la justice.
Cette situation est d'autant plus regrettable, monsieur le ministre délégué au budget, que les promesses de créations d'emplois faites en 2002 ont suscité de fortes attentes. En tant que rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de la mission « Justice », j'ai pu personnellement le constater sur le terrain. À la cour d'appel de Paris, où j'ai récemment effectué un stage d'immersion, lors de mes déplacements à l'École nationale de la magistrature et à l'École nationale des greffes, comme dans les juridictions de mon département, j'ai partout noté un sentiment de doute, teinté de craintes pour l'avenir.
Le découragement guette, en particulier dans les rangs des personnels de greffe, qui interprètent cette évolution comme le signe d'un désintérêt et d'une absence de reconnaissance de leur position, pourtant centrale, au sein de l'institution judiciaire.
Le risque est d'autant plus fort que de nombreuses réformes ont fait peser sur ces personnels des charges et des responsabilités supplémentaires : la création des juges de proximité, avec un greffe commun pour le tribunal d'instance et les juridictions de proximité, l'instauration d'une procédure de redressement personnel, qui a entraîné le transfert vers les tribunaux d'instance et de grande instance d'une masse considérable de dossiers de surendettement, ou encore les nouvelles conditions d'intervention du juge des libertés et de la détention, qui conduisent à tenir des audiences tardives dans le cadre des enquêtes de flagrance.
Depuis plusieurs exercices budgétaires, le déséquilibre entre les créations de postes de magistrats et de fonctionnaires tend à se pérenniser. Il se traduit, aujourd'hui, par un ratio entre fonctionnaires des greffes et magistrats de 2, 63.
Le rythme des départs à la retraite, qui s'accélérera à partir de 2008, ne peut que contribuer à aggraver cette situation, l'évolution de la pyramide des âges des personnels des juridictions judiciaires étant particulièrement défavorable. Ainsi, ce sont 230 greffiers qui partiront à la retraite en 2008, au moment où une promotion ne comptant que 200 élèves sortira de l'École nationale des greffes.
Ce déséquilibre entre les effectifs de magistrats, d'une part, pour lesquels un effort très significatif a été engagé depuis plusieurs années, et ceux des greffiers en chef et des greffiers, d'autre part, est particulièrement préoccupant et mérite une attention toute particulière, monsieur le ministre.
Alors que de nouvelles promotions, importantes en nombre, vont sortir de l'École nationale de la magistrature, la réforme de l'École nationale des greffes conduite en 2003 a eu pour conséquence un ralentissement du rythme des sorties des promotions de greffiers en chef et de greffiers. La durée de la scolarité à l'École nationale des greffes a en effet été portée de douze à dix-huit mois. La disparition à terme du goulet d'étranglement semble d'autant plus hors de portée que, entre l'ouverture d'un concours de recrutement de magistrats ou de greffiers et l'entrée en école, il peut s'écouler de six à neuf mois. Au total, le délai entre l'autorisation d'un concours de recrutement, accordée en loi de finances, et ses premiers effets sur le terrain s'élève donc à deux ans au moins.
Pourtant, des moyens humains supplémentaires doivent être alloués aux greffes pour permettre à ces services de fonctionner dans de bonnes conditions. Le rôle des greffiers en chef et des greffiers est essentiel aux côtés des magistrats, à l'audience ou encore dans les services administratifs régionaux. Dans mon intervention d'hier, j'ai soulevé le problème du transfert vers ces services de personnels des préfectures : vous vous souvenez, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, que la réponse du ministre délégué aux collectivités territoriales ne m'a pas tout à fait satisfait.
Quelles sont donc, monsieur le ministre, les dispositions prises, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2007, pour répondre aux attentes fortes de nos concitoyens à l'égard de l'institution judiciaire et lui permettre d'assurer efficacement sa mission ?