Intervention de Bernard Saugey

Réunion du 29 juin 2006 à 21h30
Cour des comptes — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Bernard SaugeyBernard Saugey, rapporteur :

Aux côtés des magistrats de la Cour des comptes, des fonctionnaires peuvent également exercer, à titre temporaire, certaines fonctions au sein de cette institution. Actuellement, leur nombre s'élève à 72, répartis inégalement sous deux statuts différents : 10 sont des conseillers maîtres en service extraordinaire, ou CMSE, et 62 des rapporteurs extérieurs.

Créé en 1976, l'accès aux fonctions de CMSE est soumis à une unique condition d'activité : soit être fonctionnaire issu d'un corps de contrôle d'un ministère exerçant la tutelle des entreprises publiques ; soit exercer ou avoir exercé des responsabilités dans les fonctions de tutelle ou de gestion des entreprises publiques. Il s'agit donc de professionnels de haut niveau, en pratique toujours issus de la fonction publique. Les CMSE sont nommés par décret pris en conseil des ministres, après avis officieux du Premier président, pour une durée de quatre ans non renouvelable. La Cour des comptes en compte donc actuellement dix, conformément au plafond fixé par le législateur.

La Cour des comptes assume une double mission juridictionnelle, en tant que juridiction du premier degré à l'égard des comptables publics et en tant qu'instance d'appel des jugements des chambres régionales des comptes depuis 1982.

D'une part, elle juge les comptes des comptables publics. Cette compétence d'ordre public est aussi applicable à toute personne intervenue irrégulièrement dans le maniement des fonds publics : c'est la situation de comptable de fait. Toutefois, la Cour ne vérifie pas tous les comptes.

D'autre part, elle est l'instance d'appel des jugements définitifs des chambres régionales des comptes. En effet, depuis la loi du 2 mars 1982 et la création des chambres régionales des comptes, qui sont aujourd'hui au nombre de 26, ces dernières sont compétentes en premier ressort pour le jugement des comptes des collectivités territoriales et ceux de leurs établissements publics.

La Cour a été également amenée à développer son activité de contrôle de la gestion des deniers publics, au service de la transparence démocratique.

Le champ de contrôle de l'institution n'a cessé de croître. Elle a désormais compétence pour contrôler obligatoirement l'État, les établissements publics nationaux, les organismes de sécurité sociale, depuis cinquante-six ans maintenant, et les entreprises publiques, depuis 1976.

Elle peut en outre contrôler deux types d'organismes de droit privé : d'une part, ceux dont la majorité des voix, du capital ou des deux est détenue par des structures soumises obligatoirement au contrôle de la Cour ou dans lesquels ces mêmes structures ont un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ; d'autre part, les bénéficiaires de fonds publics tels que les associations.

La Cour des comptes a connu récemment un autre changement important : l'acquisition de son autonomie budgétaire. Dans le cadre de la réflexion sur l'adaptation de la nomenclature budgétaire aux exigences de la LOLF, le Premier président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin, a exprimé son souhait de mettre fin à la dépendance étroite de la Cour à l'égard du ministère chargé des finances.

En effet, appelée à certifier les comptes et à évaluer les performances de l'État, la Cour des comptes ne pouvait plus rester dépendante du ministère responsable de la tenue des comptes publics, car le certificateur ne doit pas voir ses moyens dépendre du certifié.

Forte de son autonomie de gestion, la Cour des comptes doit maintenant, comme me l'a indiqué son secrétaire général, faire vivre le principe d'autonomie dans son organisation et son fonctionnement. Cet objectif doit se traduire, d'abord, par la mise en place d'un contrôle de gestion en son sein. Il implique, ensuite, l'adaptation de certaines procédures pour mettre fin aux interventions du ministre des finances dans les choix de la Cour, mais il suppose surtout l'actualisation du régime de responsabilité des magistrats de la Cour. En effet, la responsabilisation accrue de ces derniers est la contrepartie légitime de l'autonomie.

Par ailleurs, le projet de loi tend à accentuer le mouvement d'ouverture du recrutement des magistrats, amorcé depuis plusieurs décennies.

Tout d'abord, l'article 5 élargit le vivier des personnes extérieures à la Cour des comptes éligibles pour l'accès au grade de conseiller maître.

L'accès à la maîtrise par la voie du tour extérieur est étendu à de nouveaux candidats. D'une part, la condition actuelle d'activité, soit quinze ans de services publics effectifs, est supprimée, seule une condition d'âge, fixée à quarante ans, subsistant. D'autre part, sur l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé le quota de postes réservés à l'administration supérieure des finances à l'intérieur du plafond de postes offerts au tour extérieur, quota qui était maintenu dans le projet de loi initial.

La condition d'activité prévue pour l'intégration à la Cour des comptes des présidents de section des chambres régionales des comptes est désormais moins rigoureuse. Il était initialement proposé de faire référence aux « années de services accomplis dans les juridictions financières ». Les députés, sur la proposition de leur commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, ont préféré faire plus largement référence aux « années de services publics effectifs ».

Ensuite, l'article 8 crée une voie d'accès privilégiée au « référendariat », au bénéfice des rapporteurs extérieurs en fonction à la Cour des comptes à temps plein depuis au moins trois ans. L'Assemblée nationale, toujours sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, estimant le nombre de candidats éligibles trop faible, a étendu ce dispositif aux magistrats ayant exercé les fonctions de rapporteur extérieur à temps plein pendant au moins trois ans.

En outre, l'article 9 clarifie la procédure applicable aux candidats qui accèdent à la maîtrise ou au référendariat par la voie du tour extérieur. Il est mentionné expressément que ces nominations ne peuvent être prononcées qu'après un avis préalable du Premier président, dont le contenu est également bien précisé. Une telle disposition, déjà en vigueur dans la pratique, tend à garantir la qualité des recrutements au tour extérieur et l'adhésion de la Cour des comptes aux profils des candidats proposés par le gouvernement.

L'article 1er assouplit le statut des conseillers maîtres en service extraordinaire, en élargissant les critères de sélection pour l'accès à cette fonction. Le projet de loi initial prévoyait d'ouvrir le recrutement aux candidats non fonctionnaires exerçant des fonctions d'encadrement supérieur au sein de l'État ou d'organismes publics soumis au contrôle des juridictions financières. L'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a adopté une rédaction plus ambitieuse, en visant les responsables de tous les organismes soumis au contrôle des juridictions financières, publics ou privés. Dans la même logique, elle a supprimé l'obligation en vigueur pour les fonctionnaires issus des corps de contrôle des ministères d'exercer ou d'avoir exercé la tutelle d'une entreprise publique.

De plus, l'article 19 allonge d'un an la durée d'exercice des fonctions, qui reste non renouvelable mais est désormais portée à cinq ans ; cette mesure sera applicable à tous les CMSE, y compris ceux qui auront été nommés avant l'entrée en vigueur du présent texte.

Enfin, le nombre de postes offerts aux CMSE est augmenté, passant de dix à douze.

Les articles 3 et 17 regroupent sous un chapitre distinct, au sein des dispositions statutaires, les règles en vigueur relatives à l'inamovibilité des magistrats et au serment. Le droit actuel régissant la procédure applicable en matière de serment est ainsi simplifié, l'obligation de prêter serment étant limitée à une seule fois, avant l'entrée en fonctions.

En outre, l'article 3 inscrit dans ce même chapitre le principe, déjà consacré par la pratique, de la soumission des magistrats au statut de la fonction publique d'État.

L'article 2 prévoit de moderniser le statut de la commission consultative de la Cour des comptes, qui serait renommée « conseil supérieur de la Cour des comptes ».

Sans modifier ses attributions, qui demeurent strictement consultatives, sauf en matière disciplinaire, il est proposé, d'une part, d'ouvrir sa composition à trois personnalités extérieures à la Cour des comptes, nommées par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, et, d'autre part, de supprimer le principe de supériorité hiérarchique lorsque la commission rend un avis sur les mesures individuelles concernant la situation ou l'avancement d'un magistrat. Cette disposition permettra une gestion plus concertée du corps des magistrats.

Les articles 5, 6 et 7 harmonisent les conditions d'avancement des conseillers référendaires au grade de conseiller maître sur celles qui sont en vigueur pour les maîtres des requêtes au Conseil d'État.

L'accès à la maîtrise des conseillers référendaires est ainsi subordonné, non plus à la détention du grade de conseiller référendaire de première classe, mais à une condition plus simple d'ancienneté : douze ans au moins de services comme magistrat de la Cour des comptes dans le grade de conseiller référendaire ou dix-sept ans comme magistrat de la Cour des comptes.

En parallèle, dans les articles 5, 6, 7 et 8, les deux classes au sein du référendariat sont supprimées. Un grade unique de conseiller référendaire est institué, nécessitant de nombreuses coordinations dans le code des juridictions financières.

Afin d'ouvrir la possibilité de sanctionner les magistrats fautifs, tout en garantissant les droits des magistrats mis en cause, l'article 10 instaure une procédure disciplinaire moderne et adaptée aux besoins du corps. La nouvelle procédure présente trois caractéristiques principales.

Premièrement, tout magistrat qui commet une faute dans l'exercice de ses fonctions ou qui manque aux devoirs exprimés dans son serment pourra subir une sanction disciplinaire.

Deuxièmement, la décision de sanction relèvera, en principe, de l'autorité investie du pouvoir de nomination, sur proposition du conseil supérieur de la Cour des comptes, les sanctions les plus faibles pouvant être prononcées par le Premier président de la Cour, après avis du conseil supérieur.

Troisièmement, l'échelle des sanctions prévues sera actualisée et la suspension immédiate d'un magistrat ayant commis une faute grave pourra être décidée en urgence.

Je tiens à souligner que le présent projet de loi ne constitue qu'une première étape pour la Cour des comptes, compte tenu des nouveaux chantiers de réflexion qui s'ouvrent actuellement.

On peut, à cet égard, souligner les conséquences pour l'organisation et le fonctionnement de la Cour de l'arrêt Martinié du 12 avril 2006 de la Cour européenne des droits de l'homme. Un groupe de travail, au sein de la Cour des comptes, réfléchit actuellement à une réforme législative et réglementaire permettant de répondre aux critiques de la Cour européenne.

Mes chers collègues, la commission des lois, ayant le souci de permettre à la Cour des comptes de moderniser sa politique de gestion des ressources humaines dans les plus brefs délais, vous propose d'adopter conforme le présent projet de loi.

Monsieur le ministre, j'appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité de publier rapidement le décret d'application de la présente réforme. Je me réjouis d'ailleurs que l'avant-projet m'ait été transmis, ce qui démontre la volonté du Gouvernement de mettre en oeuvre cette réforme rapidement.

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