Séance en hémicycle du 29 juin 2006 à 21h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes (nos 398, 410).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord féliciter chaleureusement M. Bernard Saugey, rapporteur de ce projet de loi, pour le travail précieux qu'il a accompli afin d'enrichir et de faire aboutir ce texte attendu depuis longtemps. Je suis particulièrement heureux de pouvoir en discuter avec lui.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez également de saluer M. le président de la commission des lois.

Comme vous le savez, ce projet de loi tend à reconnaître la place de plus en plus essentielle qu'occupe la Cour des comptes dans notre paysage institutionnel, eu égard à l'importance des enjeux liés à la maîtrise technique de nos finances publiques.

Cette place a été largement confortée par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Celle-ci dispose que la juridiction financière se trouve désormais chargée d'apprécier la performance des acteurs publics et qu'à partir de l'an prochain il lui appartiendra de certifier les comptes de l'État.

La Cour des comptes doit donc bénéficier d'une organisation et d'un fonctionnement toujours plus adaptés à ses missions. Tel est l'objet de ce projet de loi.

Avant d'en venir à une rapide description du dispositif, je souhaiterais insister sur quelques éléments.

Tout d'abord, ce texte répond à un engagement pris par le Gouvernement devant les parlementaires en 2001. Au moment de l'examen du projet de loi portant réforme du statut des magistrats des chambres régionales des comptes, le Gouvernement avait promis de préparer un projet de texte instituant un régime disciplinaire pour les magistrats de la Cour des comptes.

Par la suite, il est apparu nécessaire de mettre en chantier un projet de loi qui dépasse la seule question disciplinaire.

D'emblée, il fut entendu que tous les droits et les garanties s'appliquant aux magistrats de la Cour devaient leur être propres et s'ajouter aux principes de gestion internes à la juridiction ainsi qu'aux dispositions du statut général de la fonction publique.

Sur ce dernier point, un article du projet de loi pose le principe selon lequel le statut des membres de la Cour des comptes est régi par le code des juridictions financières ainsi que, pour autant qu'elles ne sont pas contraires à ce dernier, par les dispositions statutaires de la fonction publique de l'État.

Ensuite, ce projet de loi, et surtout les dispositions réglementaires qui le compléteront, devrait conforter la place des juridictions financières au sein des institutions, c'est-à-dire réaffirmer leur indépendance. Cette dernière est indissociable de l'autonomie qui leur a été conférée en matière budgétaire à l'égard du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie par la création de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Celle-ci regroupe, notamment, le programme Cour des comptes et autres juridictions financières, qui est rattaché au Premier ministre.

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne suis pas sans savoir que certains d'entre vous se sont interrogés sur l'absence dans ce projet de loi de dispositions relatives aux incompatibilités touchant les magistrats de la Cour des comptes, alors même que des règles précises et rigoureuses sont prévues dans le code des juridictions financières pour les magistrats des chambres régionales des comptes.

À cela, je souhaiterais d'abord répondre que l'analogie entre la situation des magistrats de la Cour et celle des conseillers des chambres régionales paraît excessive. En effet, l'application des incompatibilités touchant ces derniers se limite au ressort de leur juridiction d'affectation, et non à l'ensemble du territoire national, contrairement à ce qui se passerait si de telles règles se trouvaient appliquées aux magistrats de la Cour des comptes.

Debut de section - Permalien
Henri Cuq, ministre délégué

Surtout, la juridiction financière veille scrupuleusement au respect des règles déontologiques par les magistrats de la Cour des comptes, pour éviter toute situation préjudiciable à l'image de l'institution.

En effet, la juridiction financière est tellement attachée à ces règles qu'une réflexion est actuellement en cours, qui vise à préciser les comportements que l'on est en droit d'attendre d'un magistrat, afin qu'en aucun cas celui-ci ne puisse être suspecté de manquer à son serment.

Par ailleurs - j'y reviendrai ultérieurement - le Gouvernement a accueilli très favorablement un amendement de l'Assemblée nationale qui tendait à étendre aux magistrats de la Cour des comptes les règles relatives au devoir de réserve prévues pour les membres du Conseil d'État.

Mesdames, messieurs les sénateurs, venons-en à présent à l'économie générale du projet de loi. Un régime disciplinaire est institué. Outre des règles précises en matière de procédure et de suspension de fonctions en cas de faute grave, le dispositif qui vous est proposé prévoit que les sanctions seront prononcées par l'autorité de nomination, c'est-à-dire par le Président de la République, conformément aux propositions du conseil supérieur de la Cour des comptes.

En effet, l'instance représentative des membres de la Cour des comptes devient un conseil supérieur présidé par le Premier président de cette institution et qui comprend, à l'instar des autres conseils supérieurs, des personnalités qualifiées nommées par le Président de la République, le président du Sénat et le président de l'Assemblée nationale, en sus des membres de droit et des représentants élus des magistrats.

Cette nouvelle instance se substitue à l'actuelle commission consultative et reprend l'ensemble des attributions de cette dernière.

Le projet de loi vise également à modifier un certain nombre de dispositions statutaires, afin de préciser les règles de nomination et d'avancement de grade des magistrats de la Cour des comptes et d'améliorer leur carrière indiciaire.

S'agissant des nominations des conseillers maîtres recrutés par la voie du tour extérieur, le texte prévoit d'aligner les règles qui régissent la Cour des comptes sur celles qui sont en vigueur au Conseil d'État, en supprimant la condition de durée de services publics, tout en conservant l'âge de nomination à quarante ans.

Par ailleurs, les conditions de recrutement des conseillers maîtres en service extraordinaire sont modifiées : la durée de leurs fonctions passe de quatre à cinq ans et leur nombre est porté de dix à douze, afin de maintenir le rythme de leur renouvellement. La définition de leur fonction est modifiée, pour élargir le vivier des personnes susceptibles d'être nommées.

Enfin, un débouché spécifique est prévu dans le corps des magistrats de la Cour des comptes, au profit des rapporteurs extérieurs à temps plein ayant exercé leurs fonctions au sein de l'institution pendant au moins trois années.

S'agissant de l'avancement de grade, le projet de loi officialise la règle selon laquelle le Premier président propose les promotions internes et présente une liste de trois conseillers maîtres en vue de la nomination d'un président de chambre.

Par ailleurs, l'avancement au grade de conseiller maître est subordonné à l'accomplissement d'une durée de service qui doit être de douze ans en qualité de conseiller référendaire ou de dix-sept ans en tant que magistrat de la Cour des comptes.

S'agissant de l'amélioration de la carrière indiciaire, le projet de loi prévoit de fusionner les deux classes existantes en un seul grade de conseiller référendaire, afin d'assurer, notamment, une carrière indiciaire plus linéaire aux magistrats. L'essentiel des dispositions relatives à cette fusion seront édictées par voie réglementaire.

Au cours de sa séance du 13 juin dernier, l'Assemblée nationale a apporté des modifications et des précisions importantes à ce projet de loi. Le Gouvernement les a approuvées ou s'en est remis à la sagesse des députés.

Je souhaiterais citer deux de ces modifications qui me paraissent de nature à faire évoluer notablement ce texte.

Tout d'abord, le tour extérieur réservé aux hauts fonctionnaires des finances pour l'accès au grade de conseiller maître est supprimé.

Un amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale tendait à banaliser ce tour extérieur, afin de tirer toutes les conséquences de l'autonomie de la Cour des comptes à l'égard du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le Gouvernement a fait observer qu'il semblait prématuré d'isoler cette question alors même que s'engage, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, une vaste réflexion sur l'accès aux grands corps de l'État et que, partant, la réforme de cette disposition risquait de modifier l'équilibre actuel.

Néanmoins, le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée, qui a voté cet important amendement.

Une seconde évolution notable a été introduite par un amendement visant à étendre aux magistrats de la Cour des comptes les règles relatives au devoir de réserve prévues pour les membres du Conseil d'État. Celles-ci disposent qu'un magistrat ne peut se prévaloir, à l'appui d'une activité politique, de son appartenance à une juridiction et qu'il doit s'abstenir de toute manifestation de nature politique incompatible avec la réserve que lui imposent ses fonctions.

Cet amendement, auquel le Gouvernement était tout à fait favorable, en particulier pour les raisons d'ordre déontologique que j'évoquais tout à l'heure, a également été adopté.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont, rapidement présentés, les enjeux, les objectifs et les dispositions du projet de loi qui vous est proposé aujourd'hui.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

nous examinons vise à moderniser le statut des membres de la Cour des comptes, afin de conforter les principes qui en découlent.

Il poursuit principalement trois objectifs : améliorer le déroulement de la carrière des magistrats de la Cour, ouvrir leur recrutement vers l'extérieur, enfin instituer pour eux un régime disciplinaire efficace.

Je dois dire d'ailleurs que nous avons très efficacement travaillé en amont avec M. Etienne Blanc, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale.

Cette réforme, technique et absolument pas politique, concrétise un engagement ancien, pris devant le Parlement par Mme Florence Parly, alors secrétaire d'État au budget. En 2001, celle-ci avait promis de rénover le régime disciplinaire des magistrats de la Cour des comptes. Cette réforme était donc très attendue.

Le présent projet de loi tend à réduire les disparités entre le régime des magistrats de la Cour des comptes, d'une part, et celui des magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif, d'autre part.

En outre, dans le contexte actuel de la mise en oeuvre de la LOLF, ce projet de loi semble particulièrement nécessaire.

D'une part, il apportera sans doute à la Cour des comptes la souplesse nécessaire. En effet, la gestion des ressources humaines de cette institution doit désormais s'adapter à l'objectif de recherche de la performance prévue par la LOLF.

D'autre part, il permettra à la Cour de diversifier encore plus les personnels sur lesquels elle s'appuie, afin d'assumer au mieux les missions nouvelles qui lui ont été confiées par la loi organique du 1er août 2001.

Après avoir présenté les principales caractéristiques du statut des membres de la Cour des comptes et exposé les raisons qui justifient une nécessaire modernisation des règles qui leur sont applicables, je présenterai les grandes lignes du projet de loi, puis la position de la commission.

Actuellement, les effectifs en poste à la Cour des comptes s'élèvent à environ 600 personnes, dont près de 250 assurent des tâches de gestion et près de 350 participent aux activités de contrôle.

Les magistrats de la Cour des comptes, au nombre de 211 au 1er juin 2006, représentent un peu plus de la moitié des personnels en activité dans cette institution. Répartis dans les sept chambres de la Cour par le Premier président, ils constituent un corps ancien et hiérarchisé, doté d'un statut original empruntant ses caractéristiques à la fois à l'ordre administratif et à l'ordre judiciaire.

La loi du 16 septembre 1807 relative à l'organisation de la Cour des comptes, complétée par le décret impérial d'application du 28 septembre de la même année, consacre l'existence des membres de la Cour et leur reconnaît les attributs qui s'attachent à leurs fonctions, à savoir la qualité de magistrat et son corollaire, l'inamovibilité, ainsi que l'obligation de prêter serment avant d'entrer en fonctions.

Les magistrats de la Cour des comptes, comme les autres magistrats de l'ordre administratif, mais à la différence des magistrats judiciaires, sont soumis au statut de la fonction publique d'État.

À l'instar du système en vigueur au Conseil d'État, chaque grade de la Cour des comptes est accessible non seulement à des membres recrutés à la Cour des comptes au début de leur carrière par le « tour intérieur », c'est-à-dire en tant que jeunes auditeurs à la sortie de l'ENA, mais aussi à de hauts fonctionnaires extérieurs à la Cour, justifiant de plusieurs années d'ancienneté de services publics.

Ce principe vaut donc pour tous les grades, à trois exceptions près : la nomination du Premier président, laissée à la discrétion du gouvernement, n'est subordonnée à aucune règle ; les présidents de chambre, également nommés à la discrétion du gouvernement, doivent être exclusivement désignés parmi des magistrats issus de la Cour des comptes, conseillers maîtres depuis au moins trois ans ; enfin, les cinq ou six postes d'auditeur de deuxième classe ouverts chaque année sont exclusivement pourvus par les anciens élèves de l'ENA.

L'avancement des magistrats anciens auditeurs de deuxième classe recrutés au tour intérieur, donc à la sortie de l'ENA, est décidé par le Premier président de la Cour des comptes, chargé de proposer les nominations. Celui-ci se fonde sur l'ancienneté pour l'accès aux grades d'auditeur de première classe et de conseiller référendaire de deuxième et de première classes, le critère du choix entrant parfois en ligne de compte, notamment pour retarder certaines promotions. En revanche, le mérite constitue le critère essentiel pour le passage au grade de conseiller maître. L'accès au grade supérieur suppose toutefois d'être inscrit au tableau d'avancement, ce qui implique d'avoir une certaine ancienneté dans chaque grade. Toutes ces règles coutumières ne sont pas codifiées.

Plusieurs autres voies parallèles d'accès à la Cour des comptes existent et offrent une véritable « respiration » au corps des magistrats, en permettant un recrutement de profils variés.

Ainsi, les nominations au tour extérieur, qui interviennent à la discrétion du gouvernement, dans la limite du quota prévu par le législateur et dans le respect des conditions légales d'âge et d'activité, constituent un premier moyen de diversifier les compétences au service de la Cour.

L'appartenance au corps des magistrats de la Cour des comptes n'implique pas forcément de consacrer toute sa carrière au sein de cette institution. En effet, une proportion élevée de magistrats, près de 40%, surtout des conseillers référendaires et, à un degré moindre, des conseillers maîtres, exercent des fonctions dans d'autres organes ou administrations grâce aux multiples positions statutaires qui leur sont offertes.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Cette situation n'est pas sans perturber la perception des citoyens sur le rôle de la Cour des comptes et sur ses liens avec le pouvoir exécutif.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Aux côtés des magistrats de la Cour des comptes, des fonctionnaires peuvent également exercer, à titre temporaire, certaines fonctions au sein de cette institution. Actuellement, leur nombre s'élève à 72, répartis inégalement sous deux statuts différents : 10 sont des conseillers maîtres en service extraordinaire, ou CMSE, et 62 des rapporteurs extérieurs.

Créé en 1976, l'accès aux fonctions de CMSE est soumis à une unique condition d'activité : soit être fonctionnaire issu d'un corps de contrôle d'un ministère exerçant la tutelle des entreprises publiques ; soit exercer ou avoir exercé des responsabilités dans les fonctions de tutelle ou de gestion des entreprises publiques. Il s'agit donc de professionnels de haut niveau, en pratique toujours issus de la fonction publique. Les CMSE sont nommés par décret pris en conseil des ministres, après avis officieux du Premier président, pour une durée de quatre ans non renouvelable. La Cour des comptes en compte donc actuellement dix, conformément au plafond fixé par le législateur.

La Cour des comptes assume une double mission juridictionnelle, en tant que juridiction du premier degré à l'égard des comptables publics et en tant qu'instance d'appel des jugements des chambres régionales des comptes depuis 1982.

D'une part, elle juge les comptes des comptables publics. Cette compétence d'ordre public est aussi applicable à toute personne intervenue irrégulièrement dans le maniement des fonds publics : c'est la situation de comptable de fait. Toutefois, la Cour ne vérifie pas tous les comptes.

D'autre part, elle est l'instance d'appel des jugements définitifs des chambres régionales des comptes. En effet, depuis la loi du 2 mars 1982 et la création des chambres régionales des comptes, qui sont aujourd'hui au nombre de 26, ces dernières sont compétentes en premier ressort pour le jugement des comptes des collectivités territoriales et ceux de leurs établissements publics.

La Cour a été également amenée à développer son activité de contrôle de la gestion des deniers publics, au service de la transparence démocratique.

Le champ de contrôle de l'institution n'a cessé de croître. Elle a désormais compétence pour contrôler obligatoirement l'État, les établissements publics nationaux, les organismes de sécurité sociale, depuis cinquante-six ans maintenant, et les entreprises publiques, depuis 1976.

Elle peut en outre contrôler deux types d'organismes de droit privé : d'une part, ceux dont la majorité des voix, du capital ou des deux est détenue par des structures soumises obligatoirement au contrôle de la Cour ou dans lesquels ces mêmes structures ont un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ; d'autre part, les bénéficiaires de fonds publics tels que les associations.

La Cour des comptes a connu récemment un autre changement important : l'acquisition de son autonomie budgétaire. Dans le cadre de la réflexion sur l'adaptation de la nomenclature budgétaire aux exigences de la LOLF, le Premier président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin, a exprimé son souhait de mettre fin à la dépendance étroite de la Cour à l'égard du ministère chargé des finances.

En effet, appelée à certifier les comptes et à évaluer les performances de l'État, la Cour des comptes ne pouvait plus rester dépendante du ministère responsable de la tenue des comptes publics, car le certificateur ne doit pas voir ses moyens dépendre du certifié.

Forte de son autonomie de gestion, la Cour des comptes doit maintenant, comme me l'a indiqué son secrétaire général, faire vivre le principe d'autonomie dans son organisation et son fonctionnement. Cet objectif doit se traduire, d'abord, par la mise en place d'un contrôle de gestion en son sein. Il implique, ensuite, l'adaptation de certaines procédures pour mettre fin aux interventions du ministre des finances dans les choix de la Cour, mais il suppose surtout l'actualisation du régime de responsabilité des magistrats de la Cour. En effet, la responsabilisation accrue de ces derniers est la contrepartie légitime de l'autonomie.

Par ailleurs, le projet de loi tend à accentuer le mouvement d'ouverture du recrutement des magistrats, amorcé depuis plusieurs décennies.

Tout d'abord, l'article 5 élargit le vivier des personnes extérieures à la Cour des comptes éligibles pour l'accès au grade de conseiller maître.

L'accès à la maîtrise par la voie du tour extérieur est étendu à de nouveaux candidats. D'une part, la condition actuelle d'activité, soit quinze ans de services publics effectifs, est supprimée, seule une condition d'âge, fixée à quarante ans, subsistant. D'autre part, sur l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé le quota de postes réservés à l'administration supérieure des finances à l'intérieur du plafond de postes offerts au tour extérieur, quota qui était maintenu dans le projet de loi initial.

La condition d'activité prévue pour l'intégration à la Cour des comptes des présidents de section des chambres régionales des comptes est désormais moins rigoureuse. Il était initialement proposé de faire référence aux « années de services accomplis dans les juridictions financières ». Les députés, sur la proposition de leur commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, ont préféré faire plus largement référence aux « années de services publics effectifs ».

Ensuite, l'article 8 crée une voie d'accès privilégiée au « référendariat », au bénéfice des rapporteurs extérieurs en fonction à la Cour des comptes à temps plein depuis au moins trois ans. L'Assemblée nationale, toujours sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, estimant le nombre de candidats éligibles trop faible, a étendu ce dispositif aux magistrats ayant exercé les fonctions de rapporteur extérieur à temps plein pendant au moins trois ans.

En outre, l'article 9 clarifie la procédure applicable aux candidats qui accèdent à la maîtrise ou au référendariat par la voie du tour extérieur. Il est mentionné expressément que ces nominations ne peuvent être prononcées qu'après un avis préalable du Premier président, dont le contenu est également bien précisé. Une telle disposition, déjà en vigueur dans la pratique, tend à garantir la qualité des recrutements au tour extérieur et l'adhésion de la Cour des comptes aux profils des candidats proposés par le gouvernement.

L'article 1er assouplit le statut des conseillers maîtres en service extraordinaire, en élargissant les critères de sélection pour l'accès à cette fonction. Le projet de loi initial prévoyait d'ouvrir le recrutement aux candidats non fonctionnaires exerçant des fonctions d'encadrement supérieur au sein de l'État ou d'organismes publics soumis au contrôle des juridictions financières. L'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a adopté une rédaction plus ambitieuse, en visant les responsables de tous les organismes soumis au contrôle des juridictions financières, publics ou privés. Dans la même logique, elle a supprimé l'obligation en vigueur pour les fonctionnaires issus des corps de contrôle des ministères d'exercer ou d'avoir exercé la tutelle d'une entreprise publique.

De plus, l'article 19 allonge d'un an la durée d'exercice des fonctions, qui reste non renouvelable mais est désormais portée à cinq ans ; cette mesure sera applicable à tous les CMSE, y compris ceux qui auront été nommés avant l'entrée en vigueur du présent texte.

Enfin, le nombre de postes offerts aux CMSE est augmenté, passant de dix à douze.

Les articles 3 et 17 regroupent sous un chapitre distinct, au sein des dispositions statutaires, les règles en vigueur relatives à l'inamovibilité des magistrats et au serment. Le droit actuel régissant la procédure applicable en matière de serment est ainsi simplifié, l'obligation de prêter serment étant limitée à une seule fois, avant l'entrée en fonctions.

En outre, l'article 3 inscrit dans ce même chapitre le principe, déjà consacré par la pratique, de la soumission des magistrats au statut de la fonction publique d'État.

L'article 2 prévoit de moderniser le statut de la commission consultative de la Cour des comptes, qui serait renommée « conseil supérieur de la Cour des comptes ».

Sans modifier ses attributions, qui demeurent strictement consultatives, sauf en matière disciplinaire, il est proposé, d'une part, d'ouvrir sa composition à trois personnalités extérieures à la Cour des comptes, nommées par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, et, d'autre part, de supprimer le principe de supériorité hiérarchique lorsque la commission rend un avis sur les mesures individuelles concernant la situation ou l'avancement d'un magistrat. Cette disposition permettra une gestion plus concertée du corps des magistrats.

Les articles 5, 6 et 7 harmonisent les conditions d'avancement des conseillers référendaires au grade de conseiller maître sur celles qui sont en vigueur pour les maîtres des requêtes au Conseil d'État.

L'accès à la maîtrise des conseillers référendaires est ainsi subordonné, non plus à la détention du grade de conseiller référendaire de première classe, mais à une condition plus simple d'ancienneté : douze ans au moins de services comme magistrat de la Cour des comptes dans le grade de conseiller référendaire ou dix-sept ans comme magistrat de la Cour des comptes.

En parallèle, dans les articles 5, 6, 7 et 8, les deux classes au sein du référendariat sont supprimées. Un grade unique de conseiller référendaire est institué, nécessitant de nombreuses coordinations dans le code des juridictions financières.

Afin d'ouvrir la possibilité de sanctionner les magistrats fautifs, tout en garantissant les droits des magistrats mis en cause, l'article 10 instaure une procédure disciplinaire moderne et adaptée aux besoins du corps. La nouvelle procédure présente trois caractéristiques principales.

Premièrement, tout magistrat qui commet une faute dans l'exercice de ses fonctions ou qui manque aux devoirs exprimés dans son serment pourra subir une sanction disciplinaire.

Deuxièmement, la décision de sanction relèvera, en principe, de l'autorité investie du pouvoir de nomination, sur proposition du conseil supérieur de la Cour des comptes, les sanctions les plus faibles pouvant être prononcées par le Premier président de la Cour, après avis du conseil supérieur.

Troisièmement, l'échelle des sanctions prévues sera actualisée et la suspension immédiate d'un magistrat ayant commis une faute grave pourra être décidée en urgence.

Je tiens à souligner que le présent projet de loi ne constitue qu'une première étape pour la Cour des comptes, compte tenu des nouveaux chantiers de réflexion qui s'ouvrent actuellement.

On peut, à cet égard, souligner les conséquences pour l'organisation et le fonctionnement de la Cour de l'arrêt Martinié du 12 avril 2006 de la Cour européenne des droits de l'homme. Un groupe de travail, au sein de la Cour des comptes, réfléchit actuellement à une réforme législative et réglementaire permettant de répondre aux critiques de la Cour européenne.

Mes chers collègues, la commission des lois, ayant le souci de permettre à la Cour des comptes de moderniser sa politique de gestion des ressources humaines dans les plus brefs délais, vous propose d'adopter conforme le présent projet de loi.

Monsieur le ministre, j'appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité de publier rapidement le décret d'application de la présente réforme. Je me réjouis d'ailleurs que l'avant-projet m'ait été transmis, ce qui démontre la volonté du Gouvernement de mettre en oeuvre cette réforme rapidement.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes, qui nous est soumis, ne présente pas de bouleversement spectaculaire et revêt un caractère avant tout technique.

Il s'inspire pour une grande part, et sans grande surprise, du statut des magistrats du Conseil d'État concernant les dispositions relatives au recrutement et au déroulement de la carrière de ses membres. Il dote la Cour des comptes d'un conseil supérieur, véritable instance consultative compétente pour toutes les questions relatives à l'organisation de la juridiction et à la situation individuelle des magistrats. Cette dernière mesure est nécessaire dans un État de droit. Elle était attendue depuis 2001, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur.

Depuis 1834, sous la Monarchie de Juillet, les travaux de la Cour des comptes ne sont plus réservés au secret des rois ou des empereurs. Ils sont publics car, comme le disait Montesquieu, « il n'est pas indifférent que le peuple soit éclairé ».

Aujourd'hui, il nous est proposé d'examiner le projet de loi portant dispositions statutaires des magistrats, qui se devrait, à l'image de ses travaux, de favoriser cette transparence. Permettez-moi, mes chers collègues, d'exprimer quelques doutes à ce sujet.

Ce texte est prématuré selon certains, au nombre desquels je figure, et constitue une occasion manquée d'unifier les juridictions financières, alors que d'aucuns, malicieux, le qualifieront d'« opportun », pointant l'année 2007 !

Ce projet de loi est donc prématuré dans la mesure où il aurait été souhaitable de l'intégrer dans la réforme prévue par le Président de la République tendant à refondre les grands corps. Au nom de quelle opportunité est-il préférable de légiférer maintenant, alors que le sujet sera remis à l'ordre du jour du Parlement d'ici - soyons optimistes ! - à quelques mois ?

Les dispositions contenues dans la plupart des articles de ce projet de loi s'alignent sur celles qui régissent les membres du Conseil d'État ou bien tirent les conséquences de l'autonomie de la Cour par rapport au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais de telles questions doivent-elles être débattues aujourd'hui ? Une réflexion d'ensemble sur la politique à mener dans ce domaine et sur l'accès aux grands corps de l'État est engagée, à la demande du Président de la République, je le répète, et du Premier ministre. Il paraît donc délicat de réformer le dispositif existant sur ces points, en privilégiant telle ou telle spécificité de l'un des trois grands corps, au risque de modifier les équilibres actuels.

Ce texte est également une occasion manquée. La possibilité de proposer un rapprochement du corps des magistrats de la Cour avec celui des chambres régionales des comptes n'est à aucun moment énoncée. Seules des dispositions marginales sont proposées au fil du texte. Elles consistent, principalement, aux termes de l'article 15, au doublement de la part des emplois de conseiller de chambre régionale des comptes pourvus au tour extérieur. Dont acte !

L'occasion de procéder au rapprochement des statuts des membres des juridictions financières a été manquée. Pourtant, des propositions ont été faites en ce sens par le syndicat des magistrats des juridictions financières. M. Dufaut, membre du groupe socialiste et rapporteur de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, en a d'ailleurs fait part au cours des débats.

Il convient aussi de noter que cette rénovation du statut des membres de la Cour des comptes était attendue, notamment pour ce qui concerne l'amélioration du déroulement des carrières et la partie disciplinaire. Une réforme avait été désirée, sur ces points, par la gauche, notamment par l'ancien Premier président de la Cour, Pierre Joxe. Mais toute initiative en ce sens avait alors été bloquée.

Maintenant, la nécessité de moderniser le statut des membres de la Cour apparaît comme une priorité.

Le contexte a changé très récemment. L'indépendance qui a été conférée en matière budgétaire aux juridictions financières par rapport au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est réelle. Il faut d'ailleurs s'en féliciter. En raison de la création de la mission « Conseil et contrôle de l'État », constituée notamment du programme Cour des comptes et autres juridictions financières, la Cour est désormais rattachée au Premier ministre.

Cette indépendance nouvelle devrait lui permettre de recruter avec une plus grande latitude d'action ses experts.

Comme vous l'avez indiqué dans votre excellent rapport, monsieur Saugey, près de 40 % du corps des magistrats de la Cour travaillent à l'extérieur de l'institution, où ils acquièrent des compétences nouvelles. Il s'agit principalement des forces vives de la Cour, à savoir les conseillers référendaires. Il existe donc un large vivier de matière grise. Voilà cinq ans, 30 % d'entre eux seulement - allais-je dire - étaient en position de détachement ou mis en disponibilité.

Le domaine de compétence de la Haute Juridiction s'est accru régulièrement depuis quelques années. Une solution simple et de bon sens pour faire face à un déficit d'expertise affiché pour les contrôles de la Cour, ne serait-elle pas de prévoir, au regard de chacune de ses missions, le nombre de magistrats nécessaire à leur accomplissement et de limiter, à la marge, une trop grande volatilité des effectifs, au nom de la permanence du service public ?

Je souhaite encore dire quelques mots sur les effectifs réels de la Cour. Les magistrats en poste n'exercent pas toujours leur activité à temps plein et font ce que l'on appelle communément des « ménages », comme les autres membres des grands corps de l'État. On peut considérer qu'effectivement le recrutement de deux conseillers maîtres en service extraordinaire supplémentaires est nécessaire à la bonne marche des enquêtes. On peut surtout convenir qu'un effectif de travail à temps « moins partiel » permettrait à la Cour de faire l'économie des deux emplois de conseillers maîtres demandés à l'article 1er. J'ai d'ailleurs déposé un amendement sur ce sujet.

De plus, les règles de la mobilité externe ont déjà été adaptées au fonctionnement des juridictions. Les départs peuvent être temporairement compensés, depuis un décret de 1993, par l'emploi de fonctionnaires en détachement, comme des ingénieurs d'État ou des universitaires. La Cour peut, en outre, recruter par contrat des personnes venant du secteur privé. Si cette faculté était, de fait, limitée par le faible attrait que présentaient pour ces dernières les rémunérations offertes, la situation est un peu différente depuis que la Cour dispose d'un budget propre.

Par ailleurs, l'exigence de compétences acquises dans les services publics disparaît purement et simplement dans le recrutement au tour extérieur de conseiller maître.

Le présent projet de loi vise à rénover la carrière des membres de la Cour des comptes et, dans le même temps, à renforcer la présence, à côté de magistrats recrutés à la sortie de l'ENA, de magistrats intégrés après une première carrière passée à l'extérieur de la Cour. Le recrutement de personnes issues du secteur public ou du secteur privé ayant dirigé des organismes soumis au contrôle de la Cour devrait en être facilité.

L'ambition est louable mais, pour ce faire, les modalités de nomination des magistrats de la Cour au tour extérieur sont modifiées ; ainsi, la condition relative à la durée minimale de quinze ans passée dans le service public, jusque-là requise pour accéder à la maîtrise au tour extérieur, est supprimée.

Sous le prétexte d'aligner les règles applicables à la Cour sur celles qui sont en vigueur au Conseil d'État, alors que les conditions d'âge de recrutement sont différentes - 40 ans révolus pour la Cour des comptes, 45 ans pour le Conseil d'État -, on ouvre la porte à des nominations contestables. Aucune condition d'activité dans le service public, au sens large, ne serait plus requise pour en assurer les différents contrôles.

Le Gouvernement semble proposer une « micro loi » pour faciliter l'adaptation des textes à des situations qui permettent de répondre à des cas individuels tant elle entre dans le détail, laissant une impression de rédaction pro domo sua. Tel n'est pas l'esprit d'une loi. Comme le rappelait utilement le président du Conseil constitutionnel, M. Mazeaud, en début d'année, lors de la cérémonie des voeux au Président de la République, « le principe majoritaire ne garantit pas toujours la prise en compte, dans la conduite des politiques publiques, des intérêts supérieurs de la collectivité. Les mécanismes démocratiques de prise de décision font parfois plus grand cas d'un intérêt catégoriel actuel, organisé et bruyant...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

...que d'un intérêt plus ample et plus éminent, mais aussi plus diffus. Ces mécanismes arbitrent avec difficulté lorsque la problématique devient complexe. » Il est regrettable que le projet de loi qui nous est proposé semble être une parfaite illustration de ce propos ! Veillons à ne pas multiplier ce type d'écarts !

La Cour des comptes dispose déjà d'un éventail important de différentes modalités pour s'adjoindre des expertises de contrôles externes, auxquelles il serait judicieux de donner la priorité : experts à temps plein, à temps partiel, rapporteurs extérieurs à temps plein et à temps partiel, recours à des missions d'audit, assistants, etc.

Comme je l'ai dit, le texte qui nous est présenté est donc prématuré ; il manque d'ampleur et plusieurs mesures en réduisent la portée. C'est pourquoi, les membres du groupe socialiste s'abstiendront au moment du vote. Ils ont toutefois déposé quelques amendements revenant à la rédaction antérieure du code des juridictions financières.

Pour conclure sur un clin d'oeil, indispensable lors de l'examen d'un texte aussi austère, je ferai remarquer qu'apparemment la Cour ne manque pas d'experts. J'en veux pour preuve la nomination, en ce mois de juin, au cours duquel se déroule la Coupe du monde de football, d'un nouveau consultant du journal Le Monde en la personne de son Premier président, grand amateur du ballon rond.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Mon cher collègue, peut-être ne comprenez-vous pas l'humour, mais je vous saurais gré d'en créditer ma remarque !

Ainsi donc, le 13 juin, alors que l'Assemblée nationale examinait le présent texte, on pouvait lire dans la rubrique « Le Mondial » un article titré « Les supporters sont de braves gens » prouvant que la diversité d'expertise ne manque vraiment pas à la tête de la Cour des comptes !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de septembre 2007, nous fêterons le bicentenaire d'une institution créée par Napoléon Ier, mais dont les origines remontent au XlVe siècle, puisqu'il existait alors déjà un corps de contrôle des finances royales.

À mi-chemin entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif, la Cour des comptes est une juridiction de première importance exerçant des missions de contrôle de l'action publique et de l'utilisation des deniers publics, mais aussi d'assistance au Gouvernement et surtout au Parlement.

La collaboration est essentielle, notamment avec la commission des finances et les commissions d'enquête, surtout depuis la création en 1999 de la mission d'évaluation et de contrôle et, désormais, depuis la mise en oeuvre de la LOLF.

Je rappelle en outre que, depuis 1832, le rapport annuel de la Cour est communiqué aux deux assemblées.

La Cour établit également pour le Parlement un rapport annuel sur l'exécution des lois de finances de l'année précédente.

Enfin, depuis 1995, elle établit et transmet chaque année au Parlement un rapport sur l'ensemble des organismes de sécurité sociale soumis à son contrôle.

À quelques mois, donc, de la célébration des deux cents ans de la Cour des comptes, dans un contexte tendant à la revalorisation du statut des magistrats en général, et en application de la LOLF, qui a conféré à la Cour une nouvelle autonomie, ce projet de loi tend à reconnaître la place de plus en plus essentielle qu'occupe cette juridiction dans notre paysage institutionnel, en rénovant en profondeur le statut de ses membres.

Cette rénovation est apparue non seulement nécessaire depuis le vote de la LOLF, en 2001, mais même urgente, puisque, dès l'an prochain, il appartiendra à la Cour de certifier les comptes de l'État.

Je n'entrerai pas dans le détail des dispositions, décrit par M. le ministre et notre excellent rapporteur, M. Bernard Saugey, et me bornerai à rappeler que ce texte comporte plusieurs grands volets.

Il a, tout d'abord, un volet disciplinaire. Un certain nombre de clarifications sont apportées, ce qui est indispensable, le texte régissant cette matière datant de 1852, alors que, depuis 1967, le statut des membres de la Cour des comptes a profondément évolué, puisqu'ils sont devenus des magistrats.

En conséquence, les règles disciplinaires, qui étaient finalement très proches de celles qui sont relatives à la fonction publique, étaient très difficiles, voire impossibles à leur appliquer.

Le projet de loi comporte également un volet relatif au recrutement, qui a pour objet d'élargir le recrutement extérieur. Ainsi, le texte tend à modifier, d'une part, les modalités de nomination des magistrats de la Cour au tour extérieur et, d'autre part, le choix et la durée de fonction des conseillers maîtres en service extraordinaire. Il élargit le tour extérieur pour accéder aux chambres régionales des comptes.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a très justement étendu le recrutement des conseillers maîtres en service extraordinaire à l'ensemble des corps de contrôle ministériels, ainsi qu'aux responsables des organismes privés soumis au contrôle de la Cour des comptes.

Les députés ont également souhaité faire bénéficier les présidents de section des chambres régionales des comptes, pour leur intégration à la Cour des comptes, du mode de calcul de la durée de services publics requise pour l'intégration des premiers conseillers de ces mêmes chambres, qui tient compte du temps passé dans un service public autre qu'une juridiction financière.

Il n'y a en effet aucune raison pour que les présidents de section soient soumis à des conditions de services publics plus restrictives que celles qui s'appliquent aux premiers conseillers.

L'Assemblée nationale a, par ailleurs, élargi l'accès aux postes réservés aux rapporteurs extérieurs aux fonctionnaires qui ont exercé ces fonctions, pendant trois ans au moins, et pas seulement à ceux qui les exercent au moment de l'intégration.

Cet élargissement a pour objet d'augmenter le nombre de candidats et, donc, les possibilités de choix. Lors du prochain recrutement de conseillers référendaires, seuls cinq rapporteurs extérieurs auraient rempli les conditions requises, alors que plusieurs dizaines de candidats pourront postuler pour le tour extérieur classique.

Pour ce qui concerne l'avancement de carrière, le présent projet de loi améliore nettement la situation actuelle, notamment en étendant aux conseillers référendaires les règles de promotion dont bénéficient les maîtres des requêtes du Conseil d'État.

Le dernier volet a trait à l'autonomie. Ce projet de loi tend à concrétiser l'indépendance conférée à la Cour des comptes par la LOLF, qui a créé la mission budgétaire intitulée « Conseil et contrôle de l'État », constituée notamment du programme Cour des comptes et autres juridictions financières, désormais rattachée au Premier ministre, en prévoyant, dans deux de ses articles, la suppression de la référence au ministre des finances dans l'exercice de certaines compétences concernant le fonctionnement interne de la Cour.

Afin de consacrer cette nouvelle autonomie de la Cour par rapport au ministère des finances, les députés ont, avec raison, supprimé la disposition qui réserve un sixième des emplois de conseillers maîtres aux fonctionnaires du ministère des finances. Il apparaît en effet anormal de réserver un quota de places au sein d'une juridiction qui doit certifier les comptes de la nation à des fonctionnaires issus du ministère qui établit ces mêmes comptes.

Le rôle de la Cour des comptes, ainsi conforté par un statut rénové, la place encore plus qu'auparavant au centre du débat politique, conformément à la volonté affichée de son Premier président, M. Philippe Seguin, à qui je tiens à rendre hommage pour le travail remarquable qu'il accomplit à la tête de cette juridiction.

Le groupe UMP votera bien évidemment en faveur de ce projet de loi, qui, comme vient de le souligner M. le rapporteur, peut être aujourd'hui adopté sans modifications.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif au statut des membres de la Cour des comptes présentant à première vue un caractère technique, il ne mérite pas de discours définitif, ni sur la Cour des comptes, ni sur les grands corps de l'État.

Estimant, pour ma part, qu'il conviendra d'engager une vaste réflexion sur la démocratisation nécessaire de ces grands corps, je me contenterai pour l'instant, puisque ce texte ne porte pas sur ce sujet, à formuler quelques remarques ponctuelles.

Ce projet de loi a pour principal objet d'étendre le recrutement de magistrats qui ont effectué une carrière professionnelle avant d'intégrer la Cour des comptes.

L'article 1er vise à modifier les règles applicables aux conseillers maîtres en service extraordinaire : il s'agit d'augmenter les nominations au tour extérieur en supprimant la condition de durée d'activité dans les services publics et en élargissant le recrutement. Le nombre de conseillers ainsi recrutés est porté de dix à douze, et la durée de leurs fonctions est allongée d'un an, pour passer de quatre ans à cinq ans.

Actuellement, peuvent être candidats les fonctionnaires appartenant au corps de contrôle des ministères exerçant la tutelle des entreprises publiques et les personnes ayant assumé des responsabilités dans les fonctions de tutelle ou de gestion des entreprises publiques.

Dans le projet de loi initial étaient élargis les critères de sélection applicables aux non-fonctionnaires : étaient ainsi visées les personnes exerçant des fonctions d'encadrement supérieur au sein de l'État ou d'organismes publics soumis au contrôle des juridictions financières.

L'Assemblée nationale a encore élargi ce dispositif, afin de viser les responsables de l'ensemble des organismes soumis au contrôle des juridictions financières, sans considération de leur caractère public ou privé.

En outre, l'Assemblée nationale a ouvert à l'ensemble des fonctionnaires issus des corps de contrôle des ministères l'accès aux fonctions de conseiller maître en service extraordinaire.

Compte tenu de ces diverses adaptations apportées au statut des conseillers maîtres en service extraordinaire, compte tenu également que sont généralement nommés à ce poste d'anciens collaborateurs de ministres, comme cela a d'ailleurs été le cas au début du mois de juin, je m'interroge sur l'opportunité de tels assouplissements et donc sur l'opportunité de l'examen de ce texte aujourd'hui.

Mes remarques suivantes ne porteront pas sur les autres dispositions du texte, qui n'appellent pas de commentaires particuliers, mais essentiellement sur des dispositions relatives aux chambres régionales des comptes qui auraient eu toute leur place dans ce texte.

Ainsi, la formation du conseil supérieur de la Cour des comptes est paritaire, même si sa composition est quelque peu modifiée aux termes de ce projet de loi : il y aura toujours neuf membres élus représentant les magistrats et les rapporteurs, et neuf membres non élus, dont, désormais, trois personnalités qualifiées nommées respectivement par le Président de la République, le président du Sénat et le président de l'Assemblée nationale.

Or la formation actuelle du conseil supérieur des chambres régionales des comptes ne présente pas ce caractère paritaire. En effet, il est composé, d'un côté, de sept membres non élus, dont trois personnalités qualifiées, et de deux représentants élus des présidents des chambres régionales et, de l'autre côté, de seulement six élus du corps des magistrats des chambres régionales.

Nous ne comprenons pas que soit maintenue une telle différence entre ces deux instances ; c'est pourquoi nous contestons les propos de M. le rapporteur, qui, dans son rapport, avance que la composition du conseil supérieur de la Cour des comptes « serait harmonisée avec les règles applicables aux chambres régionales des comptes ».

La seule harmonisation concerne la nomination de trois personnalités qualifiées, mais elle s'arrête là. Il y aura toujours neuf magistrats élus qui représenteront leurs collègues de la Cour des comptes, alors que six seulement représenteront leurs collègues des chambres régionales.

Ma deuxième remarque portera sur les sanctions disciplinaires applicables aux membres de la Cour des comptes et à ceux des chambres régionales des comptes.

Contrairement à ce qui existe pour le conseil supérieur des chambres régionales des comptes, l'intervention du Président de la République comme autorité prononçant la sanction a été le principe retenu pour la Cour des comptes, le Premier président ayant seulement le pouvoir de prononcer les deux sanctions les plus faibles, l'avertissement et le blâme.

En ce qui concerne les magistrats des chambres régionales, le pouvoir de sanction appartient au conseil supérieur. Là encore, une harmonisation des procédures disciplinaires entre les magistrats de la Cour et ceux des chambres régionales apparaît souhaitable.

Enfin, ma dernière remarque est l'occasion pour moi de soulever le problème de l'incompatibilité des magistrats des chambres régionales.

Alors que l'article 257-2 du code de procédure pénale dispose que les fonctions de juré sont incompatibles avec la fonction de magistrat, une telle incompatibilité n'existe pas pour les magistrats des chambres régionales.

Or le cas de figure se présente suffisamment souvent pour que le problème mérite d'être réglé. Pourquoi l'ensemble des magistrats financiers ne pourraient-ils être soumis à ce régime d'incompatibilité ?

Finalement, sur ce projet de loi, qui semble recevoir un accueil consensuel, compte tenu des diverses remarques que je viens d'exposer, concernant notamment l'opportunité de son examen, mon groupe s'abstiendra.

M. Jacques Mahéas applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, envisagé depuis plusieurs années, le toilettage du statut des membres de la Cour des Comptes était quelque chose d'attendu qui n'appelle pas beaucoup d'observations.

La modernisation du régime disciplinaire, qui, aujourd'hui, est encore largement fondé sur un texte plus que centenaire, la création d'un véritable conseil supérieur de la Cour des Comptes, à l'image de ce qui existe pour les chambres régionales des comptes - même s'il y a quelques nuances entre les deux, comme Mme Borvo Cohen-Seat vient de le rappeler - l'élargissement du recrutement des conseillers maîtres en service extraordinaire et de la durée de leurs fonctions, l'élargissement de l'accès au grade de conseillers maîtres par le tour extérieur et la possibilité pour les rapporteurs exerçant leur fonction à la Cour des Comptes d'avoir un débouché dans le corps des magistrats sont autant de mesures qui vont dans le bon sens.

Elles permettent un rapprochement du statut des magistrats de la Cour des Comptes avec celui des membres du Conseil d'État par certaines de leurs dispositions et reprennent pour la Cour des Comptes les innovations apparues avec les chambres régionales des comptes.

Avec l'élargissement de la liste des personnes susceptibles de rejoindre la Cour, ces dispositions tendent à donner une image plus ouverte de ce monde un peu clos et mystérieux qu'est la Cour des comptes aux yeux de beaucoup d'observateurs extérieurs... ou de victimes de ses observations.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je ne reviendrai pas sur le contenu même des dispositions du projet de loi, qui ont été largement présentées et expliquées par M. le ministre et par M. le rapporteur, et qui font apparemment l'unanimité. Je dirai plutôt quelques mots sur les conséquences que l'on peut attendre de la mise en oeuvre de ce texte et sur la réflexion qu'il faudra entreprendre à l'issue de son adoption.

Il me semble en effet que ce texte en apparence purement technique, qui tire les conséquences de la diversification des missions de la Cour des comptes, notamment avec la mise en application de la LOLF, va aussi, en élargissant sa base de recrutement, permettre à la Cour d'être innovante dans ses contrôles et obliger les gestionnaires à être plus rigoureux dans la gestion des fonds publics, ce dont, dans le contexte actuel, on ne peut que se féliciter.

Je ne doute pas non plus qu'au travers de ces modifications la Cour des comptes pourra poursuivre et amplifier l'évolution qu'elle a entreprise en développant depuis quelques années la publication de rapports publics thématiques - comme celui qu'elle a publié en novembre dernier sur l'intercommunalité - dont, me semble-t-il, on tire plus d'enseignements que du traditionnel rapport public dont, hélas, on ne parle plus guère une fois que l'intérêt médiatique est retombé.

Je pense également que cette réforme permettra à la Cour de conforter son rôle d'alliée du Parlement dans sa mission de contrôle des comptes de l'État et des organismes sociaux qui, du fait de l'application de la LOLF, prend une importance tout aussi grande que le vote du budget lui-même, comme aime à le rappeler le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis.

À titre d'illustration, je citerai le rapport rendu récemment par la Cour sur l'évolution des frais de justice, rapport qui avait été commandé par le président de la commission des finances en application de la loi du 1er août 2001 et qui nous apporte un éclairage très intéressant et d'actualité - je le dis en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois du budget de la justice - sur cet aspect préoccupant de la gestion du budget de la justice.

Je souhaite cependant appeler l'attention de M. le ministre sur le fait que cet aménagement nécessaire des dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes ne saurait nous dispenser de mener une réflexion sur le fonctionnement et la modernisation des grands corps de l'État, notamment des juridictions financières.

Force est de constater que les juridictions financières ont encore aujourd'hui, pour l'exercice de leurs compétences traditionnelles, un mode de fonctionnement extrêmement lourd : les procédures sont anciennes, complexes et difficilement compréhensibles. Cela n'est pas pour rien dans le retard avec lequel sont publiées leurs observations, ce qui prive parfois celles-ci d'une bonne partie de l'impact qu'elles devraient avoir.

Quand les observations portent sur une gestion, une affaire ou un dossier clos depuis de nombreuses années, les remarques que les juridictions financières formulent sont souvent mal comprises et paraissent décalées par rapport à l'actualité et à la nécessaire modernisation de la gestion publique.

Et que dire du cérémonial d'une autre époque qui est encore de mise lors des séances solennelles ? Or ce sont souvent les seules occasions qu'a le public de voir, par le biais de la télévision, comment fonctionnent les juridictions financières ; cela leur donne, me semble-t-il, l'image d'un autre temps.

On peut également se demander - cette remarque dépasse largement la question des juridictions financières - si un jeune magistrat sorti de l'ENA, un jeune administrateur ou un jeune contrôleur, qui n'a encore aucune expérience professionnelle, si brillant soit-il, est vraiment en situation d'apprécier de manière objective et avec le recul nécessaire la gestion d'ordonnateurs qui, eux, ont une expérience autrement plus importante que la sienne.

Mes propos ne se veulent en rien une critique de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes dont je suis moi-même issu. Toutefois, nous devrons un jour nous pencher sur la question de l'adaptation du recrutement et du mode de fonctionnement d'un certain nombre de nos corps de contrôle.

Telles sont les quelques observations que je tenais à formuler, monsieur le ministre, avant de confirmer que je voterai ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

I. - Dans l'article L. 112-5 du code des juridictions financières, les mots : « exerçant la tutelle des entreprises publiques » sont supprimés, et les mots : « des responsabilités dans les fonctions de tutelle ou de gestion des entreprises publiques » sont remplacés par les mots : « des fonctions d'encadrement supérieur au sein de l'État ou d'organismes soumis au contrôle des juridictions financières ».

II. - L'article L. 112-6 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 112-6. - Les conseillers maîtres en service extraordinaire, dont le nombre ne peut être supérieur à douze, sont nommés par décret pris en conseil des ministres, après avis du premier président de la Cour des comptes, pour une période de cinq ans non renouvelable. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 1, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 112-6 du code des juridictions financières, remplacer le nombre :

douze

par le nombre

dix

et le nombre :

cinq

par le nombre :

quatre

La parole est à M. Jacques Mahéas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale de l'article L. 112-6 du code des juridictions financières, afin de ramener, d'une part, le nombre de postes ouverts de conseillers maîtres en service extraordinaire à dix et, d'autre part, la durée de leur fonction à quatre ans.

Pourquoi les conseillers maîtres en service extraordinaire seraient-ils douze ? Ils pourraient tout aussi bien être quatorze puisque la Cour des comptes est constituée de sept chambres : ils seraient deux par chambre.

Par ailleurs, pourquoi sont-ils nommés pour cinq ans ? S'agit-il d'un alignement sur d'autres mandats ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

M. Bernard Saugey, rapporteur. Sauf celui des sénateurs !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Pourquoi ces modifications ? La Cour des comptes a en effet la possibilité de recourir à de nombreuses dispositions légales pour s'adjoindre des experts. Bernard Saugey a souligné fort justement que le recours aux conseillers maîtres en service extraordinaire est apprécié dans les domaines techniques de la défense et des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Dans ces deux domaines techniques, le recours aux experts est largement ouvert. En effet, aux termes de la loi n° 70--2 qui facilite l'accès des officiers à des emplois civils, un poste par an à la Cour des comptes est réservé à un militaire de haut rang.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

S'il faut un expert militaire, monsieur le président de la commission, il est préférable qu'il soit pris parmi les militaires !

Ainsi, l'autorisation légale d'ouvrir deux postes supplémentaires, en portant à douze le nombre de conseillers maîtres en service extraordinaire, ne paraît pas répondre à une demande urgente et pressante d'expertise supplémentaire.

En revanche, en conformité avec l'économie générale du texte, je suis d'accord pour que l'avis du Premier président de la Cour des comptes soit requis pour ces nominations.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

La commission des lois émet un avis défavorable sur cet amendement.

Je rappelle que les experts exercent maintenant une mission de contrôle beaucoup plus importante qu'auparavant. Or attirer les experts n'est pas si facile ! Au reste, porter le nombre de dix à douze ne constitue qu'une faible augmentation, reconnaissez-le ! De la même manière, allonger la durée de fonction d'un an ne semble pas exagéré.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

En fait, vous n'avez pas d'arguments à m'opposer !

Debut de section - Permalien
Henri Cuq, ministre délégué

Le Gouvernement ne peut être favorable à votre amendement, monsieur Mahéas.

En effet, vous le savez bien, l'accroissement d'un an de la durée de fonction des conseillers maîtres en service extraordinaire, prévue par la nouvelle rédaction de l'article L. 112-6, est amplement justifié par l'investissement en temps et en acquisition de compétences des personnes nommées.

L'apport des conseillers maîtres en service extraordinaire est des plus précieux pour le bon fonctionnement de la juridiction, et leur rôle va bien au-delà de celui de simple expert, au sens donné par le code des juridictions financières.

En effet, ces experts participent à l'ensemble des délibérations non juridictionnelles de la chambre à laquelle ils sont affectés ainsi qu'aux séances de la chambre du conseil, notamment lorsque cette formation est saisie des projets de rapports publics.

Afin de maintenir le rythme de leur renouvellement, le nombre de conseillers maîtres en service extraordinaire doit tout simplement être porté de dix à douze. Le Gouvernement n'est animé d'aucune intention maligne : il s'agit d'un simple effet mécanique.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

I. - L'intitulé de la section 5 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du même code est ainsi rédigé : « conseil supérieur de la Cour des comptes ».

II. - L'article L. 112-8 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 112-8. - Il est institué un conseil supérieur de la Cour des comptes.

« Ce conseil comprend :

« 1° Le premier président de la Cour des comptes, qui le préside ;

« 2° Le procureur général près la Cour des comptes ;

« 3° Trois personnalités qualifiées dans les domaines soumis au contrôle des juridictions financières qui n'exercent pas de mandat électif et sont désignées pour une période de trois ans non renouvelable respectivement par décret du Président de la République, par le Président de l'Assemblée nationale et par le Président du Sénat ;

« 4° Quatre magistrats les plus anciens dans leur grade de président de chambre, à l'exclusion des présidents de chambre maintenus en activité en application de l'article 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d'âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l'État ;

« 5° Neuf membres élus représentant les magistrats de la Cour des comptes, les conseillers maîtres en service extraordinaire et les rapporteurs extérieurs. Pour chacun d'eux, il est procédé à l'élection d'un suppléant. Leur mandat est de trois ans, il est renouvelable une fois. Les modalités de cette élection sont fixées par décret.

« Le conseil est consulté par le premier président sur toutes les questions relatives à la compétence, à l'organisation et au fonctionnement de la Cour des comptes, sur les modifications des dispositions statutaires applicables aux magistrats, ainsi que sur toute question déontologique, d'ordre général ou individuel, relative à l'exercice des fonctions des magistrats, des conseillers maîtres en service extraordinaire et des rapporteurs extérieurs.

« Le conseil donne un avis sur les mesures individuelles concernant la situation et l'avancement des magistrats de la Cour des comptes, à l'exception des propositions de nomination des présidents de chambre. De même, il donne un avis sur les propositions de nomination aux emplois de président de chambre régionale des comptes et de vice-président de la chambre régionale des comptes d'Île-de-France, ainsi que sur les propositions de nomination des premiers conseillers et des présidents de section de chambre régionale des comptes au grade de conseiller référendaire ou de conseiller maître.

« Sauf en matière disciplinaire, tous les membres du conseil siègent, quel que soit le niveau hiérarchique des magistrats dont le cas est examiné. Toutefois, les représentants des conseillers maîtres en service extraordinaire et des rapporteurs extérieurs ne siègent pas lorsque le conseil se réunit pour donner l'avis prévu à l'alinéa précédent.

« Lorsque la situation de l'un des membres élus du conseil supérieur est évoquée à l'occasion de l'examen d'une question figurant à l'ordre du jour, le magistrat, le conseiller maître en service extraordinaire ou le rapporteur extérieur en cause ne siège pas à la réunion. Il est remplacé par son suppléant. » -

Adopté.

I. - L'intitulé de la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du même code est ainsi rédigé : « Installation des magistrats ».

II. - Au début du titre II du livre Ier du même code, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :

« CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

« Dispositions générales

« Art. L. 120-1. - Les membres de la Cour des comptes ont la qualité de magistrats. Ils sont et demeurent inamovibles.

« Art. L. 120-2. - Le statut des membres de la Cour des comptes est régi par le présent titre et, pour autant qu'elles n'y sont pas contraires, par les dispositions statutaires de la fonction publique de l'État.

« Art. L. 120-3. - Tout magistrat de la Cour des comptes, lors de sa nomination dans le corps, prête serment publiquement devant la cour réunie en audience solennelle, sur réquisition du procureur général, de bien et fidèlement remplir ses fonctions, de garder le secret des délibérations et de se comporter en tout comme un digne et loyal magistrat.

« Il ne peut en aucun cas être relevé de ce serment.

« Art. L. 120-4 (nouveau). - Aucun membre de la Cour des comptes ne peut se prévaloir, à l'appui d'une activité politique, de son appartenance à la Cour des comptes.

« Tout membre de la Cour des comptes, en service à la cour ou chargé de fonctions extérieures, doit s'abstenir de toute manifestation de nature politique incompatible avec la réserve que lui imposent ses fonctions. » -

Adopté.

Après l'article L. 122-1 du même code, il est inséré un article L. 122-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-1-1. - Les promotions des magistrats de la Cour des comptes aux grades d'auditeur de 1ère classe, de conseiller référendaire et de conseiller maître sont prononcées sur proposition du premier président de la Cour des comptes, après avis du conseil supérieur de la Cour des comptes.

« Pour les nominations au grade de président de chambre, une liste comportant plusieurs noms est présentée par le premier président. » -

Adopté.

L'article L. 122-2 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 122-2. - Les deux tiers des vacances dans la maîtrise sont attribués à des conseillers référendaires.

« Une vacance sur dix-huit est pourvue par un magistrat de chambre régionale des comptes ayant le grade de président de section, âgé de plus de cinquante ans et justifiant au moins de quinze ans de services publics effectifs. Cet emploi est attribué sur proposition du premier président de la Cour des comptes, après avis du conseil supérieur de la Cour des comptes et du conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

« Pour les magistrats de la Cour des comptes en service détaché, l'avancement au grade de conseiller maître s'effectue hors tour.

« En dehors des conseillers référendaires et des magistrats de chambre régionale des comptes ayant le grade de président de section, nul ne peut être nommé conseiller maître s'il n'est âgé de quarante ans accomplis. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 2, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-2 du code des juridictions financières par les mots :

et ne justifie d'un minimum de quinze ans de services publics

La parole est à M. Jacques Mahéas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

M. Jacques Mahéas. Oui, je suis conservateur !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

C'est bien de le reconnaître ! Si vous ne l'étiez que dans ce domaine, on vous pardonnerait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Cet amendement vise donc à revenir à la rédaction précédente de l'article L. 122-2 du code des juridictions financières en rétablissant la condition de durée de services publics - quinze ans au minimum - nécessaire pour accéder à la maîtrise au tour extérieur.

Comme je l'ai rappelé dans la discussion générale, la refonte des grands corps d'État, réforme prévue par le Président de la République, devra répondre à ce type de questions.

Il est donc trop tôt pour décider d'aligner l'article L. 122-2 du code des juridictions financières sur l'article L. 133-3 du code de justice administrative, d'autant que l'âge minimal requis pour être nommé au grade de conseiller d'État au tour extérieur est de quarante-cinq ans accomplis, alors qu'il n'est que de quarante ans pour les conseillers maîtres à la Cour des comptes. Il n'y a donc pas d'alignement, contrairement à ce que nombre d'entre vous ont pu indiquer, mes chers collègues.

Plus encore, les missions de contrôle juridictionnel, de contrôle des comptes et de la gestion des deniers publics dont la Cour des comptes a la charge supposent, par leur nature même, une connaissance approfondie du fonctionnement des services publics.

Entre celui qui a travaillé une quinzaine d'années dans des services publics et celui qui, même éminent, recalé du suffrage universel par exemple, aura la possibilité de passer à ce tour extérieur, lequel préfère-t-on ? Il me semble nécessaire, pour contrôler les services publics, d'avoir une bonne expérience du service public. On ne s'improvise pas conseiller maître à la Cour des comptes : la condition d'activité préalable de quinze ans dans les services publics paraît seule en mesure de garantir un recrutement sérieux au tour extérieur.

Je suis donc persuadé que vous adopterez cet amendement, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Je suis navré de vous décevoir, mon cher collègue, mais la commission s'est déclarée défavorable à votre amendement.

La comparaison que vous faites avec l'âge minimal d'un conseiller d'État n'est pas un argument : pour être nommé à la Cour des comptes au tour extérieur, avoir quarante ans suffit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

En outre, il ne semble pas utile d'avoir à justifier de quinze ans de services publics.

La Cour des comptes voit ses missions s'étendre de plus en plus, avec cette nouvelle charge de certifications qu'elle ne maîtrise pas toujours. Il faut donc varier les profils des personnes recrutées, notamment en nommant des personnalités qui attestent d'une expérience dans le privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Absolument !

Le recrutement doit donc être nettement plus ouvert.

Quant au statut de la Cour des comptes, il sera aligné sur celui du Conseil d'État. Je trouve cela tout à fait pertinent.

Debut de section - Permalien
Henri Cuq, ministre délégué

M. Henri Cuq, ministre délégué. Les arguments de M. le rapporteur ont déjà convaincu M. Mahéas.

Sourires

Debut de section - Permalien
Henri Cuq, ministre délégué

J'ajouterai simplement que, sans remettre en cause l'âge minimum de quarante ans requis pour être nommé à la maîtrise par la voie du tour extérieur, la modification tendant à supprimer la condition de durée d'activité dans les services publics se veut tout simplement - en dépit de ce que vous avez indiqué, monsieur le sénateur - un alignement sur les dispositions en vigueur pour la nomination de conseiller d'État par la voie du tour extérieur. Je vous renvoie à l'article L. 133-3 du code de justice administrative.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

On ne peut pas comparer le travail d'un conseiller d'État à celui d'un conseiller maître en service extraordinaire : ils sont absolument différents.

Je répète qu'il est préférable d'avoir une expérience des services publics pour mieux pouvoir juger leur gestion, vous ne pouvez pas dire le contraire !

On a vu des gens porter un jugement d'une rigueur absolue, alors même qu'ils ne connaissaient pas le service public sur lequel ils exerçaient leur mission de contrôle. Avec l'article 5, nous risquons de nommer des conseillers qui n'auront pas d'expérience des services publics. Or, pour apprécier l'exécution d'un budget, la gestion d'un service de l'État, il est bon de connaître les difficultés propres aux services publics, d'en avoir appréhendé le fonctionnement à un certain moment, peut-être même d'y avoir travaillé soi-même.

C'est pourquoi je maintiens cet amendement, qui me semble de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur Mahéas, vous voulez rétablir l'obligation de justifier de quinze ans de services publics. Mais, franchement, ne peut-on envisager que la Cour des comptes recrute des commissaires aux comptes, des experts-comptables ou des experts ayant travaillé dans de grands cabinets d'audit et qui, à ce titre, ont pu être amenés à « auditer » des collectivités territoriales ? Ils feraient bénéficier de leur expérience la Cour des comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Si l'on veut attirer des experts pour cinq ans, il me semble judicieux de nommer ceux qui sont en pleine possession de leurs compétences professionnelles.

Il en va de même pour le Conseil d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Exiger que l'on justifie de quinze ans de services publics est selon moi une profonde erreur, même si la plupart des conseillers maîtres en service extraordinaire sont issus de la fonction publique. Ne fermons pas la porte en rendant cette condition obligatoire, compte tenu de l'importance des nouvelles missions que la Cour des comptes est amenée à assumer !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

C'est intéressant d'avoir des visions différentes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

À la Cour de cassation, de brillants juristes deviennent conseillers référendaires, de grands avocats, des professeurs d'université - vous me direz que ces derniers viennent de la fonction publique -, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

...on n'exige pas d'eux une condition similaire. Pourtant, ils sont appelés à rendre des jugements.

Monsieur Mahéas, permettez-moi de vous dire qu'il s'agit d'un faux débat.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

Après l'article L. 122-2 du même code, il est inséré un article L. 122-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-2-1. - La promotion d'un conseiller référendaire au grade de conseiller maître est subordonnée à l'accomplissement par l'intéressé soit de douze années au moins de service dans le grade de conseiller référendaire, soit de dix-sept années au moins de service comme magistrat de la Cour des comptes.

« Pour l'application de ces dispositions, les conseillers référendaires nommés directement dans leur grade sont réputés avoir la même durée de service dans l'auditorat que le conseiller référendaire ancien auditeur de 2ème classe qui les précède immédiatement au tableau. » -

Adopté.

I. - Dans l'article L. 122-4 du même code, par deux fois, les mots : « de 1ère classe » sont supprimés.

II. - Le premier alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils sont réputés avoir une ancienneté de six ans dans le grade de conseiller référendaire. » -

Adopté.

I. - Dans l'article L. 122-5 du même code, par quatre fois, les mots : « de 2ème classe » sont supprimés.

II. - Dans le deuxième alinéa du même article, les mots : « de la commission consultative de la Cour des comptes » sont remplacés par les mots : « du conseil supérieur de la Cour des comptes ».

III. - Après le quatrième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les vacances parmi les conseillers référendaires autres que celles mentionnées au premier alinéa sont pourvues au moins à raison d'une sur quatre par des rapporteurs extérieurs à temps plein exerçant leurs fonctions à la Cour des comptes depuis au moins trois ans ou ayant exercé ces fonctions pendant au moins trois ans. »

IV. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du même article, les mots : « de l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « des deux alinéas précédents ».

V. - Le dernier alinéa du même article est supprimé. -

Adopté.

Après l'article L. 122-5 du même code, il est inséré un article L. 122-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-6. - Les nominations au tour extérieur dans les grades de conseiller maître et de conseiller référendaire ne peuvent être prononcées qu'après avis du premier président.

« Cet avis tient compte des fonctions antérieurement exercées par l'intéressé, de son expérience et des besoins du corps, exprimés annuellement par le premier président ; le sens de l'avis sur les nominations prononcées est publié au Journal officiel en même temps que l'acte de nomination.

« L'avis du premier président est communiqué à l'intéressé sur sa demande.

« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux nominations au grade de conseiller référendaire prononcées en application de l'article L. 122-4 et du deuxième alinéa de l'article L. 122-5, ainsi qu'aux nominations au grade de conseiller maître prononcées en application du deuxième alinéa de l'article L. 122-2. » -

Adopté.

Le titre II du livre Ier du même code est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« Discipline

« Art. L. 123-1. - Toute faute commise par un magistrat dans l'exercice de ses fonctions ou tout manquement aux devoirs de l'état de magistrat exprimés dans le serment prêté en application de l'article L. 120-3 l'expose à une sanction disciplinaire.

« Art. L. 123-2. - Les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats de la Cour des comptes sont :

« 1° L'avertissement ;

« 2° Le blâme ;

« 3° Le retrait de certains emplois ou fonctions ;

« 4° L'exclusion temporaire de fonctions dans la limite de six mois ;

« 5° La mise à la retraite d'office ;

« 6° La révocation.

« Art. L. 123-3. - Les sanctions disciplinaires sont prononcées par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sur proposition du conseil supérieur de la Cour des comptes.

« Toutefois, l'avertissement et le blâme peuvent être prononcés par le premier président de la Cour des comptes, après l'avis du conseil supérieur de la Cour des comptes s'il est saisi soit par lui-même, soit par le magistrat en cause.

« Art. L. 123-4. - Après avis du conseil supérieur, les motifs de la sanction peuvent être rendus publics par l'autorité qui l'a prononcée.

« Art. L. 123-5. - Le conseil supérieur de la Cour des comptes est saisi des faits motivant la poursuite disciplinaire par le président de la chambre où est affecté le magistrat en cause. Dans ce cas, ce président de chambre ne siège pas au conseil supérieur. Pour les présidents de chambre et pour les magistrats qui ne sont pas affectés dans une chambre, le conseil supérieur est saisi par le premier président de la Cour des comptes, qui ne siège pas, le conseil étant dans ce cas présidé par le président de chambre en activité le plus ancien dans son grade.

« Lorsque le magistrat en cause est délégué dans les fonctions du ministère public, le conseil supérieur, saisi par le premier président, est présidé par le procureur général près la Cour des comptes.

« Ne siègent pas au conseil supérieur les représentants des rapporteurs extérieurs, des conseillers maîtres en service extraordinaire ainsi que le procureur général près la Cour des comptes, sauf, s'agissant du procureur général, dans le cas mentionné à l'alinéa précédent.

« Seuls siègent au conseil supérieur de la Cour des comptes les magistrats d'un grade égal ou supérieur à celui du magistrat faisant l'objet de la procédure disciplinaire.

« Art. L. 123-6. - La procédure devant le conseil supérieur de la Cour des comptes est contradictoire.

« Le magistrat est informé par le président du conseil supérieur, dès la saisine de cette instance, qu'il a droit à la communication intégrale de son dossier et des pièces de l'enquête préliminaire, s'il y a été procédé, et qu'il peut se faire assister par l'un de ses pairs et par un ou plusieurs défenseurs de son choix.

« Le président du conseil supérieur désigne parmi les membres du conseil un rapporteur qui procède, s'il y a lieu, à une enquête.

« Au cours de l'enquête, le rapporteur entend l'intéressé. S'il y a lieu, il entend le plaignant et les témoins. Il accomplit tous actes d'investigations utiles.

« Art. L. 123-7. - Lorsqu'une enquête n'a pas été jugée nécessaire, ou lorsque l'enquête est terminée, le magistrat est cité à comparaître devant le conseil supérieur de la Cour des comptes.

« Art. L. 123-8. - Le magistrat en cause a droit à communication de son dossier, de toutes les pièces de l'enquête et du rapport établi par le rapporteur. Son conseil a droit à la communication des mêmes documents.

« Art. L. 123-9. - Si le magistrat ne comparaît pas, et à moins qu'il n'en soit empêché par force majeure, il peut néanmoins être statué et la procédure est réputée contradictoire.

« Art. L. 123-10. - Après lecture du rapport, le magistrat est invité à fournir ses explications ou moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés.

« Art. L. 123-11. - Le conseil supérieur peut entendre des témoins ; il doit entendre ceux que le magistrat a désignés.

« Art. L. 123-12. - Le conseil supérieur siège à huis clos et donne son avis hors la présence du magistrat en cause. Son avis est rendu à la majorité des voix. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.

« Art. L. 123-13. - Sauf si elle est prononcée par le premier président de la Cour des comptes qui la notifie par ses soins, la sanction est notifiée au magistrat en cause par l'autorité investie du pouvoir de nomination. Elle prend effet le jour de cette notification.

« Art. L. 123-14. - Lorsqu'un magistrat de la Cour des comptes, y compris lorsqu'il a été nommé sur un emploi de président de chambre régionale des comptes ou de vice-président de la chambre régionale des comptes d'Île-de-France, commet une faute grave, qui rend impossible, eu égard à l'intérêt du service, son maintien en fonctions, et si l'urgence le commande, il peut être immédiatement suspendu de ses fonctions par l'autorité investie du pouvoir de nomination. Celle-ci saisit d'office et sans délai le conseil supérieur de la Cour des comptes.

« Cette suspension est prononcée sur proposition du premier président de la Cour des comptes ou sur proposition du procureur général près la Cour des comptes lorsque cette mesure concerne un magistrat délégué dans les fonctions du ministère public. La suspension ne peut être rendue publique.

« Art. L. 123-15. - Sous réserve des dispositions de l'article L. 123-17, le magistrat suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires.

« Art. L. 123-16. - La situation du magistrat suspendu doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois à compter de sa suspension. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions.

« Art. L. 123-17. - Le magistrat qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions, peut subir une retenue, fixée par le premier président ou par le procureur général s'il s'agit d'un magistrat délégué dans les fonctions du ministère public, dans la limite de la moitié de sa rémunération totale, supplément familial de traitement compris. Il continue néanmoins à percevoir les prestations familiales obligatoires. » -

Adopté.

Dans l'article L. 212-11 du même code, les mots : « sur le rapport du ministre chargé des finances » sont supprimés. -

Adopté.

La dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 223-1 du même code est ainsi rédigée :

« Dans ce cas, il est saisi par le premier président. » -

Adopté.

La première phrase de l'article L. 212-19 du même code est ainsi rédigée :

« Sauf en matière disciplinaire, tous les membres du conseil supérieur des chambres régionales des comptes siègent, quel que soit le niveau hiérarchique des magistrats dont le cas est examiné. » -

Adopté.

I. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 221-2 du même code, les mots : « de la commission consultative de la Cour des comptes » sont remplacés par les mots : « du conseil supérieur de la Cour des comptes ».

II. - Dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 221-7 du même code, les mots : « la commission consultative de la Cour des comptes parmi les membres de la commission » sont remplacés par les mots : « le conseil supérieur de la Cour des comptes en son sein ». -

Adopté.

Dans l'article L. 221-4 du même code, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux ». -

Adopté.

Les sixième à huitième alinéas de l'article L. 221-7 du même code sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« - trois membres désignés respectivement par le ministre chargé de la fonction publique, par le ministre chargé des finances et par le ministre de l'intérieur ; ». -

Adopté.

Le second alinéa de l'article L. 112-1 du même code est supprimé, et les articles L. 112-3 et L. 122-3 du même code sont abrogés. -

Adopté.

Le décret du 19 mars 1852 sur la mise en retraite et la discipline des membres de la Cour des comptes est abrogé. -

Adopté.

I. - Pour l'application de l'article L. 122-2-1 du code des juridictions financières dans sa rédaction issue de l'article 6 de la présente loi, les magistrats des chambres régionales des comptes nommés, avant la date de publication de la présente loi, conseillers référendaires de 1ère classe en application de l'article L. 122-4 du même code, sont réputés avoir dans leur grade, outre la durée de services accomplie depuis leur nomination, celle accomplie dans l'ancien grade de conseiller référendaire de 2ème classe, en activité dans les juridictions financières ou en position de détachement, par le conseiller référendaire qui les précède immédiatement au tableau à la date de publication de la présente loi.

II. - Les conseillers maîtres en service extraordinaire en fonctions à la date de publication de la présente loi continuent d'exercer celles-ci jusqu'à l'expiration de la durée de cinq ans prévue par l'article L. 112-6 du même code dans sa rédaction issue de l'article 1er de la présente loi.

III. - Les membres de la commission consultative de la Cour des comptes sont membres du conseil supérieur de la Cour des comptes jusqu'à l'installation de celui-ci dans les formes prévues à l'article L. 112-8 du même code dans sa rédaction issue de l'article 2 de la présente loi, dans la limite d'une durée d'un an à compter de la publication de celle-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 3, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le II de cet article.

La parole est à M. Jacques Mahéas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Cet amendement n'a plus d'objet ; je le retire.

L'article 19 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

J'ai déjà défini l'état d'esprit qui nous anime. Si l'on se lance dans une réforme des grands corps de l'État, il faut qu'elle soit conséquente. Or, en l'occurrence, nous sommes en présence d'un petit texte, qui n'est pas en conformité avec l'orientation politique définie par le Président de la République. D'ailleurs, je ne comprends pas que la majorité ne suive pas la politique dictée par le Président de la République. Mais c'est un autre débat !

Quoi qu'il en soit, ce texte va créer un certain nombre de difficultés, car il est mal cadré par rapport aux autres grands corps de l'État. Je reconnais qu'il contient des avancées positives, dont certaines étaient attendues depuis 2001 et ont beaucoup tardé, mais d'autres points, pourtant importants, n'ont pas été abordés, comme le rapprochement des chambres régionales des comptes et de la Cour des comptes.

La copie est donc à revoir. C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons, bien que nous ne soyons pas opposés à ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la fixation des rendements des vins à appellation d'origine contrôlée pour la campagne 2006-2007 (nos 427, 428).

Je tiens à saluer M. le ministre de l'agriculture et de la pêche et à le remercier, au nom du Sénat, d'avoir fait l'effort d'être parmi nous ce soir. En effet, il était à Genève tout à l'heure encore, et il nous a rejoints spécialement pour ce débat. Nous lui sommes reconnaissants pour le temps qu'il accepte de nous consacrer et pour sa volonté de venir défendre lui-même ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche

Je tiens tout d'abord à remercier la Haute Assemblée d'avoir bien voulu inscrire à son ordre du jour la discussion de cette proposition de loi, que M. Jackie Pierre présentera dans un instant, ainsi que la commission des affaires économiques, notamment son président, M. Jean-Paul Emorine, d'en avoir assuré l'examen. Permettez-moi également de saluer l'initiative de Gérard Bailly, qui a déposé une proposition de loi identique.

De quoi s'agit-il ? Nous avons des excédents de vins et nous devons procéder à leur distillation. Or l'Union européenne nous a proposé des prix de distillation qui ne sont pas satisfaisants. Le Gouvernement a donc décidé de compenser ce manque en ajoutant une part française complémentaire.

L'an dernier, pour les vins à appellation d'origine, nous avions obtenu une distillation de crise pour 1, 5 million d'hectolitres. Malheureusement, elle n'a été souscrite que pour 1 million d'hectolitres.

Nous avons obtenu en 2006 une nouvelle distillation de crise, qui concerne 1, 5 million d'hectolitres pour les AOC et 1, 5 million d'hectolitres pour les vins de table.

Pour assurer le succès de la distillation, le Gouvernement a décidé d'apporter aux exploitations une aide en trésorerie complémentaire d'environ 15 millions d'euros afin d'aboutir à une souscription qui, après l'aide de trésorerie, correspondrait à 3, 35 euros par degré et par hectolitre pour les vins d'appellation et à 2, 90 euros par degré et par hectolitre pour les vins de table.

Je suis bien conscient que ces prix ne sont pas suffisants. En effet, si le contingent peut être rempli s'agissant des vins de table, pour les AOC en revanche, la somme proposée ne représente que la moitié environ du prix de vente actuel des appellations régionales. Le phénomène de l'année dernière risque donc de se reproduire : plutôt que de distiller, certains producteurs préféreront vendre à « prix cassés ».

Nous allons cependant nous efforcer d'assurer le succès de la distillation.

Il faut maintenant que toutes les régions livrent des volumes importants, ce qui n'a pas été le cas l'an passé. Je crois que les interprofessions ont un grand rôle à jouer à cet égard. Je les ai d'ailleurs toutes rencontrées et encouragées à suivre cette voie.

J'ajoute que les appellations bordelaises, qui n'ont pas assez distillé l'an passé, ont pris des initiatives courageuses qu'il leur reste à concrétiser.

Pour ce qui est de l'effort financier de l'État, nous prévoyons d'ajouter 24 millions d'euros si la totalité des 3 millions d'hectolitres sont souscrits.

Cette proposition de loi est intéressante dans la mesure où elle permettra au Gouvernement de fixer les rendements dans certains cas. En effet, dans le cadre de la loi d'orientation agricole, vous avez voté la réforme de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO. Pour être mise en oeuvre, cette réforme nécessite de prendre une ordonnance, mais celle-ci n'est pas encore prête. Nous sommes donc dans une situation de vide juridique.

Nous pensons que l'INAO, qui s'est engagé courageusement dans cette opération, peut se trouver en difficulté en cas d'excédent de l'offre. Il serait donc bon que les pouvoirs publics puissent réguler les rendements, au moins pour cette année.

Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour saluer la mémoire du président du Comité national des vins et eaux de vie de l'INAO, René Renou, également propriétaire viticole en Anjou et en Languedoc, qui nous a quittés et a été inhumé cette semaine.

Cette proposition de loi nous permettra donc d'intervenir en cas d'excédents. Il s'agit en quelque sorte d'une arme de dissuasion. Peut-être ne l'utiliserons-nous pas, ce que je souhaite, car cela signifiera que la distillation est suffisante. En revanche, si la distillation est insuffisante, nous pourrons éviter la formation de stocks pléthoriques qui déséquilibreraient le marché pour les années à venir.

Vous avez eu la gentillesse, monsieur le président, d'évoquer les négociations difficiles qui se déroulent en ce moment même à Genève, où je me rendrai à nouveau demain matin. Je rappelle que la Commission a fait des propositions en matière de réforme vitivinicole qui ne satisfont pas le Gouvernement. Le Premier ministre l'a dit très clairement dans une interview au Midi libre et j'ai exprimé le même point de vue.

Nous ne récusons naturellement pas l'idée d'une réforme vitivinicole. Nous pensons même que celle-ci serait tout à fait utile, mais nous trouvons que la façon dont elle a été présentée est pour le moins brutale et provocatrice : arrachage de 400 000 hectares, ce qui représente un tiers du vignoble en Languedoc-Roussillon et, dans le même temps, autorisation de plantations. Ces deux prescriptions sont complètement contradictoires.

Aujourd'hui, j'ai profité de cette rencontre de Genève pour discuter avec plusieurs ministres européens de l'agriculture, notamment les ministres espagnol, allemand et portugais. Nous sommes décidés à agir ensemble pour que la Commission révise sa copie, car il n'est pas question d'adopter cette réforme en l'état.

En conclusion, je remercie à mon tour la Haute Assemblée d'avoir bouleversé son emploi du temps pour examiner après l'Assemblée nationale, qui l'a adoptée il y a quarante-huit heures, cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jackie Pierre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à permettre au secteur viticole de passer un cap difficile en attendant que soit réformée, d'ici à l'année prochaine, son organisation commune de marché. La filière, en effet, est marquée par une profonde crise, qui se caractérise par une surabondance de l'offre par rapport à la demande.

À l'échelle européenne, où ce secteur est également touché, les stocks sont en excédent de 15 millions d'hectolitres, tandis que la consommation de vin diminue de 750 000 hectolitres chaque année.

Au niveau français, les stocks étaient, au début de la campagne 2005-2006, de 70 % supérieurs à ceux de la campagne précédente pour les vins de table et de 14 % supérieurs à leur moyenne sur cinq ans pour les vins de qualité. Cette surproduction se conjuguant avec une atonie de la consommation due à une modification des comportements alimentaires, notamment de la part des jeunes, il en résulte une baisse substantielle du cours des vins, de table comme de qualité, pesant bien évidemment lourdement sur le revenu des viticulteurs : celui-ci a chuté de 56 % en 2005, selon les chiffres communiqués cette semaine par le ministère de l'agriculture.

Afin d'y remédier, la Commission européenne est intervenue le 7 juin dernier en autorisant la distillation d'une partie des stocks, c'est-à-dire leur transformation en alcool à usage industriel, en vue de réduire l'offre et donc de soutenir les cours.

Cependant, son offre a été considérée comme insuffisante par la France, ou tout au moins d'un niveau inférieur à ce qu'elle attendait, car insuffisamment rémunératrice pour les professionnels. Aussi le Gouvernement a-t-il décidé le 8 juin, et je vous en sais tout particulièrement gré, monsieur le ministre, d'apporter aux viticulteurs une enveloppe globale de plus de 20 millions d'euros. Répartie sous forme d'aides de trésorerie complétant le dispositif communautaire, elle devrait permettre à chaque producteur s'engageant dans la distillation d'obtenir 2, 90 euros par degré et par hectolitre de vin de table et 3, 35 euros par degré et par hectolitre de vin de qualité.

Si le dispositif de soutien, tel qu'il a été complété par la France, est appréciable, il risque toutefois d'être insuffisamment incitatif pour les vins de qualité. La rémunération garantie étant inférieure aux cours du marché, le risque est grand que certains producteurs, comme cela avait déjà été le cas l'année passée, renoncent à distiller, en espérant que la participation des producteurs « disciplinés » suffise à soutenir les cours. Or un tel jeu non coopératif limiterait considérablement la portée du dispositif : l'ensemble des quotas de distillation ne serait pas utilisé, l'offre demeurerait surabondante et les cours ne seraient pas revalorisés.

Il y a un moyen de prévenir de tels comportements, c'est de jouer sur les rendements maximum autorisés, en donnant aux pouvoirs publics la possibilité de fixer eux-mêmes ces rendements, à un niveau revu à la baisse, afin d'obliger les producteurs de vins AOC récalcitrants à limiter leur production.

C'est l'objet de la présente proposition de loi, déposée par le député Antoine Herth, identique, dans sa version initiale, à celle déposée par notre collègue Gérard Bailly.

Examiné mardi soir par l'Assemblée nationale, le texte a fait l'objet d'un amendement du député Hugues Martin, sous-amendé par le rapporteur : il prévoit que la décision du Gouvernement concernant les rendements est prise après consultation pour avis de l'INAO. Cela permet de maintenir la possibilité pour les professionnels concernés de donner clairement leur position et de prendre leurs responsabilités, tout en ne liant pas le Gouvernement dans sa décision finale.

Pour ma part, je vous proposerai, mes chers collègues, d'adopter ce texte conforme. Il ne comporte en effet plus qu'une seule disposition, simple dans son contenu, dont les seules améliorations envisageables ont été apportées par nos collègues députés. Voter le texte conforme permettrait de l'adopter définitivement juste avant la fin de la session et de le rendre ainsi applicable dès le lancement de la campagne viticole de cette année.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Dans le contexte de crise viticole sans précédent que nous connaissons, vous m'avez très souvent entendu insister, monsieur le ministre, sur l'absolue nécessité de permettre à de nombreux viticulteurs de passer un cap extrêmement difficile, faute de quoi des pans entiers de ce secteur d'activité disparaîtront.

Or, vous le savez, la situation se détériore de jour en jour. Cette situation, dans un contexte certes différent, ressemble fort à la période qui avait précédé les événements tragiques de 1907, une année qui a marqué à jamais le midi de la France.

Nous allons d'ailleurs commémorer cette révolte des vignerons l'an prochain, et je ne vous cache pas que nous allons le faire avec une certaine appréhension, tant la situation est grave. Force est de le constater, un siècle après, les vignerons éprouvent toujours, en Languedoc-Roussillon notamment, le même sentiment d'abandon.

Quel avenir les pouvoirs publics entendent-ils réserver à la première région viticole du monde ? Le pessimisme règne, monsieur le ministre. La présente proposition de loi, selon son exposé des motifs, « offre donc la possibilité de fixer par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'économie et de la consommation, des seuils de rendements adaptés, permettant le cas échéant de compenser un engagement insuffisant dans la campagne de distillation volontaire. » Cette possibilité est offerte à titre exceptionnel et après consultation pour avis de l'INAO.

Je comprends les intentions des auteurs de cette proposition de loi. Il s'agit de permettre au Gouvernement de baisser les rendements autorisés pour les AOC qui, dans certaines régions, ne participent pas, ou trop peu, aux mesures d'assainissement du marché et qui espèrent que les efforts de distillation seront accomplis par d'autres. Étrange comportement, en effet !

Mais, en marge de nos travaux en cette fin de session, à quelques mois des prochaines vendanges, on me permettra de faire quelques remarques d'ordre général.

La première est bien plus qu'une remarque de forme. Cessons, comme j'ai pu le lire et même l'entendre, de qualifier certaines catégories de vins « vins de qualité », ce qui tendrait à dire que les vins de pays et les vins de tables ne seraient pas, eux, de qualité... Je puis vous assurer que nous avons aussi des vins de pays de très grande qualité.

Ma deuxième remarque est pour regretter que les instances européennes aient décidé de refuser un volume de distillation plus important et à des prix plus rémunérateurs. Vous avez été précis, monsieur le ministre, et j'ai bien noté votre réaction.

Pour cette raison, je crains que cette mesure d'assainissement n'ait pas de véritable effet sur le marché. De surcroît, elle arrive bien tard, pour ne pas dire trop tard. Encore une occasion manquée, serais-je tenté d'ajouter, et toujours cette lente mais régulière dégradation du marché...

Va-t-on continuer à laisser à la crise le soin de faire le sale travail, c'est-à-dire de tirer un trait sur des zones viticoles entières ? C'est une vraie question.

Ce que nous attendons de l'État en urgence, vous le savez, monsieur le ministre, ce sont d'abord des mesures conjoncturelles autrement plus conséquentes que celles que vous avez annoncées. Je vous ai dit voilà deux mois, ici même, que des exploitations, en nombre particulièrement important, perdaient en moyenne entre 600 euros et 1 000 euros par hectare, alors que les aides que vous proposiez ne s'élevaient, en moyenne, qu'à 1 000 euros par exploitation.

Il vous faut - j'y insiste, monsieur le ministre - revoir l'ensemble des mesures conjoncturelles et mettre en place un véritable soutien social, faute de quoi, je le répète, des pans entiers de l'économie vitivinicole vont disparaître, entraînant d'innombrables drames humains.

Par ailleurs, pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas donné suite aux récentes décisions de l'Union européenne qui permettent de porter le montant annuel des préretraites jusqu'à 18 000 euros par an, avec un cofinancement de 50 % ?

Dans mon département, 34 % des viticulteurs ont plus de cinquante-cinq ans. C'est, à mon avis, encore une occasion manquée !

En avril dernier, lors du débat sur la situation viticole, concernant la prochaine réforme de l'OCM-vin, j'avais mis en avant les lignes de force qui nous paraissaient être fondamentales, je n'y reviens donc pas.

Mais quel choc avons-nous ressenti en prenant connaissance des orientations annoncées par la Commission européenne sur cette réforme de l'OCM vitivinicole ! C'est, comme vous l'avez vous-même souligné voilà quelques instants, monsieur le ministre, une véritable provocation !

Nous sommes là, ni plus ni moins, dans l'inacceptable ! Le plan d'arrachage de 400 000 hectares qui est proposé est inacceptable, d'autant que nous savons quelle région en pâtira le plus en France !

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Quelque 27 000 hectares dans votre région !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Faut-il rappeler que, par le passé, près de 120 000 hectares ont déjà été voués à l'arrachage en Languedoc-Roussillon ?

En réalité, cela ressemble fort à un plan de liquidation de la viticulture. En fait d'arrachage, nous aurions apprécié que l'on réglât le problème des 150 000 hectares plantés illicitement en Espagne, en Italie, en Grèce et peut-être même en France...

Bref, les orientations de la Commission ressemblent à une sorte de dépeçage : suppression des outils de régulation du marché, donc des distillations ; réduction des financements ; volonté de lever l'interdiction de vinifier des moûts importés des pays tiers et de mélanger les vins communautaires. Sur ce dernier point, d'ailleurs, craignons certaines tentations de fraudes et de trafics !

Le Gouvernement se doit donc de refuser l'inacceptable et il est impératif que le secteur du vin bénéficie d'une politique vitivinicole européenne et française autrement plus positive et ambitieuse que celle dont nous sommes actuellement dotés.

Toujours dans le domaine communautaire, je me permettrai une parenthèse : comment expliquer, monsieur le ministre, que des produits phytosanitaires soient interdits en France mais autorisés en Espagne ? Si vous me répondez que c'est pour des raisons de santé publique, comment expliquez-vous que l'on importe des vins espagnols issus de vignobles ayant bénéficié de traitements phytosanitaires considérés, en France, comme dangereux pour la santé ? Dans ce cas, n'y a-t-il pas lieu de contrôler la qualité des vins d'Espagne que nous importons ? Je souhaiterais connaître votre sentiment sur ce point, monsieur le ministre.

J'en viens à deux préoccupations essentielles - et ce n'est pas la première fois que vous m'entendez les évoquer, car elles touchent aux causes mêmes de la crise : la baisse de la consommation en France et la baisse de nos exportations.

Sur ce dernier point, je l'ai déjà dit, les aides à la promotion et à l'exportation sont insuffisantes comparées à celles consenties par l'Espagne, 49 millions d'euros, par l'Australie, 75 millions d'euros, ou même par le conseil régional du Languedoc-Roussillon, 12 millions d'euros.

Concernant le premier point, je ne peux que déplorer l'entreprise de diabolisation dont le vin est la cible. Peut-être faut-il chercher là l'une des raisons de la baisse régulière de la consommation, qui est, vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, de l'ordre de 750 000 hectolitres par an ? Peut-être faut-il chercher là l'une des explications au changement de comportement alimentaire des jeunes, qui ont tendance, comme vous le soulignez également justement, monsieur le rapporteur, à délaisser le vin au profit d'autres alcools, souvent plus forts ?

Inlassablement, je rappellerai l'article L. 3311-3 du code de la santé publique, qui interdit, dans le cadre des campagnes de prévention, toute discrimination entre les différentes boissons.

Par ailleurs, comment espérer convaincre les populations de l'Europe du Nord, où la consommation s'accroît régulièrement, de consommer nos vins français, alors que la plupart des campagnes de prévention, au demeurant fort légitimes, stigmatisent régulièrement le vin, et uniquement le vin ?

Dernière provocation, monsieur le ministre : le sujet soumis aux candidats à un baccalauréat agricole, dans lequel l'on demandait aux élèves de traiter une question portant sur « les dangers du vin » ! Notez au passage que, une fois de plus, on n'évoque pas les alcools durs, ni la bière ou d'autres boissons industrielles, ni même l'alcool en général...

Quelles sont vos réactions, monsieur le ministre, par rapport à cet acte provocateur - car je ne crois pas à une simple erreur - qui reflète bien la pensée dominante de certains milieux ?

Je voudrais évoquer un ultime point, monsieur le ministre. Il semblerait que, dans certaines casernes de régions viticoles, l'on consomme du vin, du vin certes, mais provenant d'Espagne ! Convenons que, dans le contexte de crise que nous connaissons, une telle information est particulièrement choquante. Je vais donc m'employer à la vérifier, mais je serais intéressé de connaître votre sentiment.

Comme nous pouvons le constater, la crise viticole que nous subissons est d'une très grande ampleur. Alors, bien au-delà de la présente proposition de loi, je crois devoir le rappeler encore une fois, l'urgence commande de mettre en oeuvre, d'abord, un véritable soutien social aux viticulteurs en difficulté, puis une politique viticole digne de ce nom !

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

Je remercie M. Jackie Pierre de la qualité de son rapport et de la précision avec laquelle il a présenté la proposition de loi. Par ailleurs, je tiens à répondre à M. Courteau, qui a eu la courtoisie de me poser quelques questions.

S'agissant du vin en provenance d'Espagne consommé dans les casernes, monsieur le sénateur, j'avoue que je n'en ai pas entendu parler, mais je vais interroger Mme Alliot-Marie pour qu'elle diligente les informations nécessaires.

Quant au sujet donné au baccalauréat, c'est en effet une absurdité. La tentation de mettre un peu d'huile sur le feu n'y était peut-être pas étrangère... J'ai réagi avec véhémence car, comme vous, j'ai été choqué. J'ai demandé une enquête pour savoir comment les sujets étaient choisis et nous avons réformé le système pour l'année prochaine. Je vous signale que je me suis fait « enguirlander » par un syndicat enseignant que vous connaissez bien, sur le thème : « le ministre n'a pas à se mêler de nos affaires ! ». Vous voyez, nul n'est prophète en son pays...

Sourires

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

En ce qui concerne les exportations, vous avez raison, nous devons mettre le paquet.

Je me suis rendu à Hong-Kong, où s'est tenu cette année le salon Vinexpo. De nombreux viticulteurs de toutes les régions de France, dont ceux de votre région, y ont participé, et ils ont pris de bons contacts.

Il faut que nous augmentions nos efforts à l'exportation, car c'est là que nous trouverons de nouveaux débouchés. Le marché intérieur ne représente que 62 millions d'habitants. Les vins de votre région, monsieur le sénateur, sont tout à fait capables de rivaliser avec les vins australiens ou chiliens sur beaucoup de marchés, voire de les surpasser.

Nous allons mettre en place le Conseil de la modération et de la prévention. Il se réunira dans quelques jours sous la présidence de Michel Rougé. C'était la volonté d'un grand nombre de parlementaires, en particulier de sénateurs. Le président du Sénat, M. Poncelet, a désigné les représentants du Sénat et le président de l'Assemblée nationale, M. Debré, les représentants de l'Assemblée nationale.

En ce qui concerne les produits phytosanitaires, vous avez également raison, monsieur le sénateur, ils introduisent une vraie distorsion de concurrence.

La loi d'orientation agricole a créé un observatoire des distorsions pour étudier tous ces sujets. Cet observatoire sera mis en place à la fin du mois de juillet, et je lui demanderai lors de ses premiers travaux d'examiner la question de l'utilisation de ces produits phytosanitaires afin que je puisse vous en rendre compte rapidement.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, ministre

C'est un vrai problème. Je crois d'ailleurs qu'aujourd'hui, au Perthus, de jeunes agriculteurs ont organisé des barrages et effectué des vérifications pour dénoncer la distorsion induite par les produits phytosanitaires.

Quant à l'expression « vin de qualité », elle s'inspire des règlements communautaires et de ce que l'on appelle les VQPRD, les vins de qualité produits dans des régions déterminées. Il s'agit donc d'une appellation technocratique, et non d'un jugement de valeur.

Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter.

En tout état de cause, je remercie la Haute Assemblée d'avoir travaillé aussi rapidement sur cette proposition de loi qui va maintenant être soumise à votre appréciation, mesdames, messieurs les sénateurs. Je souhaite de tout coeur qu'elle reçoive de votre part un accueil positif.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

À titre exceptionnel et par dérogation à l'article L. 641-3 du code rural, les ministres chargés de l'agriculture, de l'économie et de la consommation peuvent, après consultation pour avis de l'Institut national des appellations d'origine, fixer pour la campagne 2006-2007 les rendements autorisés pour les vins à appellation d'origine contrôlée, y compris en dessous du rendement de base fixé dans le décret de l'appellation considérée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation de la fonction publique.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 440, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'ai reçu de M. Roland Ries une proposition de résolution, présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création du fonds européen d'ajustement à la mondialisation (n° E-3102).

La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 441, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil relative à la signature de l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement du Canada établissant un cadre de coopération dans les domaines de l'enseignement supérieur, de la formation et de la jeunesse ; Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement du Canada établissant un cadre de coopération dans les domaines de l'enseignement supérieur, de la formation et de la jeunesse.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3178 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'ai reçu de MM. Alain Vasselle et Bernard Cazeau un rapport d'information fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de la commission des affaires sociales sur les évolutions du financement de la protection sociale et la réforme du système de santé en Allemagne.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 439 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 30 juin 2006 :

À neuf heures trente :

1. Discussion des conclusions du rapport (419, 2005-2006) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

M. Michel Thiollière, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.

2. Discussion des conclusions du rapport (416, 2005-2006) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement.

M. Dominique Braye, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.

L'après-midi :

3. Discussion des conclusions du rapport (413, 2005-2006) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures quinze.