Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif au statut des membres de la Cour des comptes présentant à première vue un caractère technique, il ne mérite pas de discours définitif, ni sur la Cour des comptes, ni sur les grands corps de l'État.
Estimant, pour ma part, qu'il conviendra d'engager une vaste réflexion sur la démocratisation nécessaire de ces grands corps, je me contenterai pour l'instant, puisque ce texte ne porte pas sur ce sujet, à formuler quelques remarques ponctuelles.
Ce projet de loi a pour principal objet d'étendre le recrutement de magistrats qui ont effectué une carrière professionnelle avant d'intégrer la Cour des comptes.
L'article 1er vise à modifier les règles applicables aux conseillers maîtres en service extraordinaire : il s'agit d'augmenter les nominations au tour extérieur en supprimant la condition de durée d'activité dans les services publics et en élargissant le recrutement. Le nombre de conseillers ainsi recrutés est porté de dix à douze, et la durée de leurs fonctions est allongée d'un an, pour passer de quatre ans à cinq ans.
Actuellement, peuvent être candidats les fonctionnaires appartenant au corps de contrôle des ministères exerçant la tutelle des entreprises publiques et les personnes ayant assumé des responsabilités dans les fonctions de tutelle ou de gestion des entreprises publiques.
Dans le projet de loi initial étaient élargis les critères de sélection applicables aux non-fonctionnaires : étaient ainsi visées les personnes exerçant des fonctions d'encadrement supérieur au sein de l'État ou d'organismes publics soumis au contrôle des juridictions financières.
L'Assemblée nationale a encore élargi ce dispositif, afin de viser les responsables de l'ensemble des organismes soumis au contrôle des juridictions financières, sans considération de leur caractère public ou privé.
En outre, l'Assemblée nationale a ouvert à l'ensemble des fonctionnaires issus des corps de contrôle des ministères l'accès aux fonctions de conseiller maître en service extraordinaire.
Compte tenu de ces diverses adaptations apportées au statut des conseillers maîtres en service extraordinaire, compte tenu également que sont généralement nommés à ce poste d'anciens collaborateurs de ministres, comme cela a d'ailleurs été le cas au début du mois de juin, je m'interroge sur l'opportunité de tels assouplissements et donc sur l'opportunité de l'examen de ce texte aujourd'hui.
Mes remarques suivantes ne porteront pas sur les autres dispositions du texte, qui n'appellent pas de commentaires particuliers, mais essentiellement sur des dispositions relatives aux chambres régionales des comptes qui auraient eu toute leur place dans ce texte.
Ainsi, la formation du conseil supérieur de la Cour des comptes est paritaire, même si sa composition est quelque peu modifiée aux termes de ce projet de loi : il y aura toujours neuf membres élus représentant les magistrats et les rapporteurs, et neuf membres non élus, dont, désormais, trois personnalités qualifiées nommées respectivement par le Président de la République, le président du Sénat et le président de l'Assemblée nationale.
Or la formation actuelle du conseil supérieur des chambres régionales des comptes ne présente pas ce caractère paritaire. En effet, il est composé, d'un côté, de sept membres non élus, dont trois personnalités qualifiées, et de deux représentants élus des présidents des chambres régionales et, de l'autre côté, de seulement six élus du corps des magistrats des chambres régionales.
Nous ne comprenons pas que soit maintenue une telle différence entre ces deux instances ; c'est pourquoi nous contestons les propos de M. le rapporteur, qui, dans son rapport, avance que la composition du conseil supérieur de la Cour des comptes « serait harmonisée avec les règles applicables aux chambres régionales des comptes ».
La seule harmonisation concerne la nomination de trois personnalités qualifiées, mais elle s'arrête là. Il y aura toujours neuf magistrats élus qui représenteront leurs collègues de la Cour des comptes, alors que six seulement représenteront leurs collègues des chambres régionales.
Ma deuxième remarque portera sur les sanctions disciplinaires applicables aux membres de la Cour des comptes et à ceux des chambres régionales des comptes.
Contrairement à ce qui existe pour le conseil supérieur des chambres régionales des comptes, l'intervention du Président de la République comme autorité prononçant la sanction a été le principe retenu pour la Cour des comptes, le Premier président ayant seulement le pouvoir de prononcer les deux sanctions les plus faibles, l'avertissement et le blâme.
En ce qui concerne les magistrats des chambres régionales, le pouvoir de sanction appartient au conseil supérieur. Là encore, une harmonisation des procédures disciplinaires entre les magistrats de la Cour et ceux des chambres régionales apparaît souhaitable.
Enfin, ma dernière remarque est l'occasion pour moi de soulever le problème de l'incompatibilité des magistrats des chambres régionales.
Alors que l'article 257-2 du code de procédure pénale dispose que les fonctions de juré sont incompatibles avec la fonction de magistrat, une telle incompatibilité n'existe pas pour les magistrats des chambres régionales.
Or le cas de figure se présente suffisamment souvent pour que le problème mérite d'être réglé. Pourquoi l'ensemble des magistrats financiers ne pourraient-ils être soumis à ce régime d'incompatibilité ?
Finalement, sur ce projet de loi, qui semble recevoir un accueil consensuel, compte tenu des diverses remarques que je viens d'exposer, concernant notamment l'opportunité de son examen, mon groupe s'abstiendra.