Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 29 juin 2006 à 21h30
Cour des comptes — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Je ne reviendrai pas sur le contenu même des dispositions du projet de loi, qui ont été largement présentées et expliquées par M. le ministre et par M. le rapporteur, et qui font apparemment l'unanimité. Je dirai plutôt quelques mots sur les conséquences que l'on peut attendre de la mise en oeuvre de ce texte et sur la réflexion qu'il faudra entreprendre à l'issue de son adoption.

Il me semble en effet que ce texte en apparence purement technique, qui tire les conséquences de la diversification des missions de la Cour des comptes, notamment avec la mise en application de la LOLF, va aussi, en élargissant sa base de recrutement, permettre à la Cour d'être innovante dans ses contrôles et obliger les gestionnaires à être plus rigoureux dans la gestion des fonds publics, ce dont, dans le contexte actuel, on ne peut que se féliciter.

Je ne doute pas non plus qu'au travers de ces modifications la Cour des comptes pourra poursuivre et amplifier l'évolution qu'elle a entreprise en développant depuis quelques années la publication de rapports publics thématiques - comme celui qu'elle a publié en novembre dernier sur l'intercommunalité - dont, me semble-t-il, on tire plus d'enseignements que du traditionnel rapport public dont, hélas, on ne parle plus guère une fois que l'intérêt médiatique est retombé.

Je pense également que cette réforme permettra à la Cour de conforter son rôle d'alliée du Parlement dans sa mission de contrôle des comptes de l'État et des organismes sociaux qui, du fait de l'application de la LOLF, prend une importance tout aussi grande que le vote du budget lui-même, comme aime à le rappeler le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis.

À titre d'illustration, je citerai le rapport rendu récemment par la Cour sur l'évolution des frais de justice, rapport qui avait été commandé par le président de la commission des finances en application de la loi du 1er août 2001 et qui nous apporte un éclairage très intéressant et d'actualité - je le dis en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois du budget de la justice - sur cet aspect préoccupant de la gestion du budget de la justice.

Je souhaite cependant appeler l'attention de M. le ministre sur le fait que cet aménagement nécessaire des dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes ne saurait nous dispenser de mener une réflexion sur le fonctionnement et la modernisation des grands corps de l'État, notamment des juridictions financières.

Force est de constater que les juridictions financières ont encore aujourd'hui, pour l'exercice de leurs compétences traditionnelles, un mode de fonctionnement extrêmement lourd : les procédures sont anciennes, complexes et difficilement compréhensibles. Cela n'est pas pour rien dans le retard avec lequel sont publiées leurs observations, ce qui prive parfois celles-ci d'une bonne partie de l'impact qu'elles devraient avoir.

Quand les observations portent sur une gestion, une affaire ou un dossier clos depuis de nombreuses années, les remarques que les juridictions financières formulent sont souvent mal comprises et paraissent décalées par rapport à l'actualité et à la nécessaire modernisation de la gestion publique.

Et que dire du cérémonial d'une autre époque qui est encore de mise lors des séances solennelles ? Or ce sont souvent les seules occasions qu'a le public de voir, par le biais de la télévision, comment fonctionnent les juridictions financières ; cela leur donne, me semble-t-il, l'image d'un autre temps.

On peut également se demander - cette remarque dépasse largement la question des juridictions financières - si un jeune magistrat sorti de l'ENA, un jeune administrateur ou un jeune contrôleur, qui n'a encore aucune expérience professionnelle, si brillant soit-il, est vraiment en situation d'apprécier de manière objective et avec le recul nécessaire la gestion d'ordonnateurs qui, eux, ont une expérience autrement plus importante que la sienne.

Mes propos ne se veulent en rien une critique de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes dont je suis moi-même issu. Toutefois, nous devrons un jour nous pencher sur la question de l'adaptation du recrutement et du mode de fonctionnement d'un certain nombre de nos corps de contrôle.

Telles sont les quelques observations que je tenais à formuler, monsieur le ministre, avant de confirmer que je voterai ce texte.

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