Je tiens tout d'abord à remercier la Haute Assemblée d'avoir bien voulu inscrire à son ordre du jour la discussion de cette proposition de loi, que M. Jackie Pierre présentera dans un instant, ainsi que la commission des affaires économiques, notamment son président, M. Jean-Paul Emorine, d'en avoir assuré l'examen. Permettez-moi également de saluer l'initiative de Gérard Bailly, qui a déposé une proposition de loi identique.
De quoi s'agit-il ? Nous avons des excédents de vins et nous devons procéder à leur distillation. Or l'Union européenne nous a proposé des prix de distillation qui ne sont pas satisfaisants. Le Gouvernement a donc décidé de compenser ce manque en ajoutant une part française complémentaire.
L'an dernier, pour les vins à appellation d'origine, nous avions obtenu une distillation de crise pour 1, 5 million d'hectolitres. Malheureusement, elle n'a été souscrite que pour 1 million d'hectolitres.
Nous avons obtenu en 2006 une nouvelle distillation de crise, qui concerne 1, 5 million d'hectolitres pour les AOC et 1, 5 million d'hectolitres pour les vins de table.
Pour assurer le succès de la distillation, le Gouvernement a décidé d'apporter aux exploitations une aide en trésorerie complémentaire d'environ 15 millions d'euros afin d'aboutir à une souscription qui, après l'aide de trésorerie, correspondrait à 3, 35 euros par degré et par hectolitre pour les vins d'appellation et à 2, 90 euros par degré et par hectolitre pour les vins de table.
Je suis bien conscient que ces prix ne sont pas suffisants. En effet, si le contingent peut être rempli s'agissant des vins de table, pour les AOC en revanche, la somme proposée ne représente que la moitié environ du prix de vente actuel des appellations régionales. Le phénomène de l'année dernière risque donc de se reproduire : plutôt que de distiller, certains producteurs préféreront vendre à « prix cassés ».
Nous allons cependant nous efforcer d'assurer le succès de la distillation.
Il faut maintenant que toutes les régions livrent des volumes importants, ce qui n'a pas été le cas l'an passé. Je crois que les interprofessions ont un grand rôle à jouer à cet égard. Je les ai d'ailleurs toutes rencontrées et encouragées à suivre cette voie.
J'ajoute que les appellations bordelaises, qui n'ont pas assez distillé l'an passé, ont pris des initiatives courageuses qu'il leur reste à concrétiser.
Pour ce qui est de l'effort financier de l'État, nous prévoyons d'ajouter 24 millions d'euros si la totalité des 3 millions d'hectolitres sont souscrits.
Cette proposition de loi est intéressante dans la mesure où elle permettra au Gouvernement de fixer les rendements dans certains cas. En effet, dans le cadre de la loi d'orientation agricole, vous avez voté la réforme de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO. Pour être mise en oeuvre, cette réforme nécessite de prendre une ordonnance, mais celle-ci n'est pas encore prête. Nous sommes donc dans une situation de vide juridique.
Nous pensons que l'INAO, qui s'est engagé courageusement dans cette opération, peut se trouver en difficulté en cas d'excédent de l'offre. Il serait donc bon que les pouvoirs publics puissent réguler les rendements, au moins pour cette année.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour saluer la mémoire du président du Comité national des vins et eaux de vie de l'INAO, René Renou, également propriétaire viticole en Anjou et en Languedoc, qui nous a quittés et a été inhumé cette semaine.
Cette proposition de loi nous permettra donc d'intervenir en cas d'excédents. Il s'agit en quelque sorte d'une arme de dissuasion. Peut-être ne l'utiliserons-nous pas, ce que je souhaite, car cela signifiera que la distillation est suffisante. En revanche, si la distillation est insuffisante, nous pourrons éviter la formation de stocks pléthoriques qui déséquilibreraient le marché pour les années à venir.
Vous avez eu la gentillesse, monsieur le président, d'évoquer les négociations difficiles qui se déroulent en ce moment même à Genève, où je me rendrai à nouveau demain matin. Je rappelle que la Commission a fait des propositions en matière de réforme vitivinicole qui ne satisfont pas le Gouvernement. Le Premier ministre l'a dit très clairement dans une interview au Midi libre et j'ai exprimé le même point de vue.
Nous ne récusons naturellement pas l'idée d'une réforme vitivinicole. Nous pensons même que celle-ci serait tout à fait utile, mais nous trouvons que la façon dont elle a été présentée est pour le moins brutale et provocatrice : arrachage de 400 000 hectares, ce qui représente un tiers du vignoble en Languedoc-Roussillon et, dans le même temps, autorisation de plantations. Ces deux prescriptions sont complètement contradictoires.
Aujourd'hui, j'ai profité de cette rencontre de Genève pour discuter avec plusieurs ministres européens de l'agriculture, notamment les ministres espagnol, allemand et portugais. Nous sommes décidés à agir ensemble pour que la Commission révise sa copie, car il n'est pas question d'adopter cette réforme en l'état.
En conclusion, je remercie à mon tour la Haute Assemblée d'avoir bouleversé son emploi du temps pour examiner après l'Assemblée nationale, qui l'a adoptée il y a quarante-huit heures, cette proposition de loi.