Intervention de Jackie Pierre

Réunion du 29 juin 2006 à 21h30
Vins à appellation d'origine contrôlée — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Jackie PierreJackie Pierre, rapporteur :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à permettre au secteur viticole de passer un cap difficile en attendant que soit réformée, d'ici à l'année prochaine, son organisation commune de marché. La filière, en effet, est marquée par une profonde crise, qui se caractérise par une surabondance de l'offre par rapport à la demande.

À l'échelle européenne, où ce secteur est également touché, les stocks sont en excédent de 15 millions d'hectolitres, tandis que la consommation de vin diminue de 750 000 hectolitres chaque année.

Au niveau français, les stocks étaient, au début de la campagne 2005-2006, de 70 % supérieurs à ceux de la campagne précédente pour les vins de table et de 14 % supérieurs à leur moyenne sur cinq ans pour les vins de qualité. Cette surproduction se conjuguant avec une atonie de la consommation due à une modification des comportements alimentaires, notamment de la part des jeunes, il en résulte une baisse substantielle du cours des vins, de table comme de qualité, pesant bien évidemment lourdement sur le revenu des viticulteurs : celui-ci a chuté de 56 % en 2005, selon les chiffres communiqués cette semaine par le ministère de l'agriculture.

Afin d'y remédier, la Commission européenne est intervenue le 7 juin dernier en autorisant la distillation d'une partie des stocks, c'est-à-dire leur transformation en alcool à usage industriel, en vue de réduire l'offre et donc de soutenir les cours.

Cependant, son offre a été considérée comme insuffisante par la France, ou tout au moins d'un niveau inférieur à ce qu'elle attendait, car insuffisamment rémunératrice pour les professionnels. Aussi le Gouvernement a-t-il décidé le 8 juin, et je vous en sais tout particulièrement gré, monsieur le ministre, d'apporter aux viticulteurs une enveloppe globale de plus de 20 millions d'euros. Répartie sous forme d'aides de trésorerie complétant le dispositif communautaire, elle devrait permettre à chaque producteur s'engageant dans la distillation d'obtenir 2, 90 euros par degré et par hectolitre de vin de table et 3, 35 euros par degré et par hectolitre de vin de qualité.

Si le dispositif de soutien, tel qu'il a été complété par la France, est appréciable, il risque toutefois d'être insuffisamment incitatif pour les vins de qualité. La rémunération garantie étant inférieure aux cours du marché, le risque est grand que certains producteurs, comme cela avait déjà été le cas l'année passée, renoncent à distiller, en espérant que la participation des producteurs « disciplinés » suffise à soutenir les cours. Or un tel jeu non coopératif limiterait considérablement la portée du dispositif : l'ensemble des quotas de distillation ne serait pas utilisé, l'offre demeurerait surabondante et les cours ne seraient pas revalorisés.

Il y a un moyen de prévenir de tels comportements, c'est de jouer sur les rendements maximum autorisés, en donnant aux pouvoirs publics la possibilité de fixer eux-mêmes ces rendements, à un niveau revu à la baisse, afin d'obliger les producteurs de vins AOC récalcitrants à limiter leur production.

C'est l'objet de la présente proposition de loi, déposée par le député Antoine Herth, identique, dans sa version initiale, à celle déposée par notre collègue Gérard Bailly.

Examiné mardi soir par l'Assemblée nationale, le texte a fait l'objet d'un amendement du député Hugues Martin, sous-amendé par le rapporteur : il prévoit que la décision du Gouvernement concernant les rendements est prise après consultation pour avis de l'INAO. Cela permet de maintenir la possibilité pour les professionnels concernés de donner clairement leur position et de prendre leurs responsabilités, tout en ne liant pas le Gouvernement dans sa décision finale.

Pour ma part, je vous proposerai, mes chers collègues, d'adopter ce texte conforme. Il ne comporte en effet plus qu'une seule disposition, simple dans son contenu, dont les seules améliorations envisageables ont été apportées par nos collègues députés. Voter le texte conforme permettrait de l'adopter définitivement juste avant la fin de la session et de le rendre ainsi applicable dès le lancement de la campagne viticole de cette année.

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