Intervention de Jean-Pierre Bel

Réunion du 11 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 6 suite

Photo de Jean-Pierre BelJean-Pierre Bel :

Vous avez considéré, monsieur le ministre, que l’article 6 était au cœur de votre projet de loi. Or il était possible d’aborder la réforme des retraites de plusieurs manières. Selon nous, nous l’avons dit, une telle réforme aurait pu avoir des fondements complètement différents de ceux que vous nous proposez et qui reposent uniquement sur des éléments démographiques.

L’article 6 vient après l’article 5, qui relève de 60 ans à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite. Il s’agit maintenant de s’attaquer à l’âge du bénéfice de la retraite à taux plein, qui doit passer de 65 ans à 67 ans.

J’ai écouté les propos de nombreux observateurs, de la majorité sénatoriale, mais aussi de la majorité dans son ensemble. Certaines personnalités considèrent que le relèvement de l’âge de départ à la retraite, avec lequel je suis en désaccord complet, est conforme à une certaine logique et peut se comprendre. Mais elles font observer que cette première mesure est assortie d’une seconde – le passage de 65 à 67 ans du bénéfice à taux plein –, qui est très dure pour l’ensemble de salariés et qui, elle, peut être considérée comme irresponsable.

Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, vous avez décidé d’adopter une attitude jusqu’au-boutiste, en enfonçant le clou. Dans le fond, votre manière de faire est révélatrice de vos contradictions et, sans doute, de vos interrogations. Car de quoi avons-nous le plus parlé au cours de l’examen de l’article 6 ? D’un amendement au projet de loi issu de l’Assemblée nationale qui tend à atténuer, dans une proportion très faible et pour très peu de personnes, les effets de cet article. Cela me paraît très révélateur de la volonté de certains d’aller dans le sens du progrès et de proposer des avancées.

Personne n’aura été dupe de vos manœuvres ! Vous avez essayé de dissimuler vos mesures derrière un rideau de fumée, pour les faire passer plus facilement. Ce qui vous gêne aujourd’hui, c’est que les Françaises et les Français ont très bien compris ce que vous faisiez.

Regardez les sondages d’opinion, dont je ne suis d’ailleurs pas fanatique, qui ont paru encore aujourd’hui. Il est tout de même relativement rare de voir, sur un tel sujet, une telle constance de l’opinion publique. Les Français sont même plus nombreux cette semaine à désapprouver votre projet de loi !

Pour cette réforme, qui est nécessaire, Il aurait fallu adopter un autre point de vue. Ce matin encore, nous avons essayé de montrer qu’il était possible de réformer les retraites en France sans aboutir à des mesures inégalitaires et injustes.

Tout d’abord, il aurait fallu réfléchir à la question des seniors. On peut lire, dans Le Monde d’aujourd’hui, un article intitulé : « Retraites : La Finlande trace la voie d’une réforme réussie. » Dans ce pays, depuis quinze ans, le taux d’emploi des seniors a augmenté de 15 %. Or Mme Christiane Demontès vient de nous dire que, en France, pour cette tranche d’âge, le chômage avait augmenté le mois dernier de 1 %. Nous ne sommes donc pas tout à fait sur la même voie !

La Finlande, pour parvenir à ce résultat, a fait le choix non seulement de l’amélioration des compétences et des conditions de travail des salariés âgés, mais aussi de la formation des managers. L’adoption de telles mesures a permis de changer le regard des employeurs sur le déroulement de la vie professionnelle.

Dans notre projet, nous avons proposé, pour les seniors, d’autres choix.

Premièrement, il est nécessaire d’accompagner vraiment les salariés, d’engager de manière continue l’adaptation des postes proposés et de favoriser la formation des plus de 45 ans.

Deuxièmement, un rendez-vous tous les deux ou trois ans doit être instauré pour tous les salariés, dès 45 ans, spécifiquement destiné à envisager leur évolution dans l’emploi.

Troisièmement, il convient de généraliser le tutorat ou les binômes en entreprise, de favoriser les départs en retraite progressive et d’aménager les conditions de travail des plus de 55 ans, en limitant ou supprimant le travail de nuit et les tâches physiques.

Quatrièmement, nous proposons un mécanisme de bonus-malus, par exemple une modulation de 1 point des cotisations patronales, en fonction de la part des seniors parmi les salariés.

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