Nous sommes plusieurs à réagir face aux pratiques observées à l’égard des bénéficiaires de la CMU et de l’aide médicale de l’État, l’AME.
Avec cet article 18, nous ne pouvons que constater que le Gouvernement – et la majorité, d’ailleurs – ont cédé aux amicales pressions des professionnels de santé, lesquels voulaient revenir sur les dispositions introduites par l’Assemblée nationale et tendant à instituer des mécanismes de protection des patients victimes de discrimination dans l’accès aux soins.
Cette discrimination est fondée sur la nature de la couverture médicale du patient. Pour être très précis, elle est subie par les bénéficiaires de la CMU ou de l’AME, une enquête de Médecins du monde démontrant qu’elle concerne encore plus les seconds que les premiers. Je suppose, monsieur Desessard, que cette enquête est celle que vous avez citée…
En tout cas, le constat est accablant, en particulier s’agissant des médecins libéraux parisiens. Et l’on s’étonne de l’engorgement des services d’urgence dans les hôpitaux… Il faudrait peut-être se demander pourquoi les patients se tournent vers ces services !
Quant à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, elle a bien constaté que ces pratiques étaient « discriminatoires ». Le mot est dit ! Elle s’est donc adressée à M. Xavier Bertrand, à l’époque ministre de la santé, afin que les mesures nécessaires soient prises. Elle a par ailleurs recommandé au Conseil national de l’ordre des médecins « d’informer les professionnels de santé, notamment du secteur libéral, du caractère discriminatoire du refus d’accès à la prévention et aux soins à l’encontre des bénéficiaires de la CMU et des conséquences de telles pratiques ».
Depuis, rien ne s’est passé, si ce n’est cet article 18, avant qu’il ne soit amputé en commission des affaires sociales.
Avec la généralisation du testing et l’inversion de la charge de la preuve, mesures sur lesquelles vous êtes revenus, vous avez créé un espoir, aujourd’hui dissipé, et suscité la colère des associations représentant les patients et leurs proches. Ces associations, qui sont déjà en grande difficulté, sont principalement sollicitées pour ce problème d’accès aux soins.
Mes chers collègues, je suppose que, comme nous, vous avez reçu un courrier émanant de l’ordre des médecins, considérant que la question est « traitée actuellement de façon la plus partiale qui soit, au détriment de la profession médicale ». On croit rêver !
La loi a créé la CMU et l’AME, et les médecins considèrent qu’il n’est pas discriminatoire de refuser de recevoir des patients qui n’ont pas d’autre couverture médicale !
Pour régler cette question, la participation de tous les acteurs est nécessaires : représentants des associations d’usagers, ordres professionnels, financeurs de l’assurance maladie, ARS, HALDE et, naturellement, les représentants de la nation que nous sommes.
Nous regrettons que cet article 18 ait été totalement vidé de son contenu. Parce qu’il n’est pas envisageable que l’on puisse renoncer à faire appliquer la loi, nous nous abstiendrons sur cet article.
On peut toujours discuter de la manière d’appliquer la loi, mais, dans ce cas précis, il n’y a aucune raison de laisser perdurer une situation qui contrevient à la loi.
Dans une ville comme Paris – je connais particulièrement bien cet exemple – où les médecins ne manquent pas et où les deux tiers des spécialistes et la moitié des généralistes sont en secteur 2, tout un chacun s’ingénie à refuser de recevoir les bénéficiaires de la CMU ou de l’AME.