Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 17 novembre 2008 à 10h00
Questions orales — Instructions judiciaires impliquant des agents des forces de police

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Ma question, qui s’adressait initialement à Mme la garde des sceaux, concerne l’instruction judiciaire relative au décès, le 27 octobre 2005, de Zyed Benna et Bouna Traoré, âgés respectivement de dix-sept ans et de quinze ans, tous deux domiciliés à Clichy-sous-Bois.

Je suis élue d’un département dont la population, compte tenu de sa diversité, est confrontée à des conditions de vie encore plus difficiles, plus dures qu’ailleurs : parce qu’elle craint de ne pas trouver sa place, elle vit encore plus mal les injustices.

Je voudrais rendre compte de ce que nous constatons sur le terrain.

Nous ne pouvons pas faire un déplacement sans entendre évoquer, sinon une justice de classe – ces mots ne sont plus utilisés par personne –, du moins un système « deux poids, deux mesures ». On nous parle du zèle avec lequel ont été recherchés les voleurs d’une mobylette qui appartenait à un jeune homme au patronyme honorablement connu et de l’avancée, incompréhensiblement lente, de l’instruction judiciaire qui concerne le drame ayant frappé Clichy-sous-Bois.

Chacun se souvient de ce drame – deux adolescents ayant trouvé la mort dans un transformateur électrique et un troisième ayant été grièvement brûlé, alors que les uns et les autres n’avaient commis ni délit, ni infraction –, drame à la suite duquel des émeutes, des violences et des affrontements importants ont frappé la Seine-Saint-Denis et, plus largement, les banlieues et les quartiers de notre pays.

Trois ans ont passé depuis, sans que les conditions d’intervention ou, au contraire, de non-assistance des forces de police aient été établies.

Alors qu’un précédent juge considérait l’instruction close depuis pratiquement vingt mois, un nouveau juge a récemment repris le dossier et entend organiser prochainement un nouveau transport sur les lieux pour établir, de façon plus précise encore, la position des différents jeunes dans le transformateur au moment de leur décès. Ce faisant, la venue de l’affaire à l’audience semble encore retardée, comme l’ont relevé les avocats des familles des victimes.

Ce retard paraît d’autant moins compréhensible qu’il intervient dans un contexte de durcissement de l’arsenal répressif et alors que la justice est ordinairement sommée d’agir plus rapidement à l’égard des délinquants.

Dans ce dossier, les mises en examen ont été prononcées au mois de février 2007. Personne ne comprend que la justice prenne son temps. Nos concitoyens se demandent si l’implication de fonctionnaires de police, qui se doivent pourtant d’être particulièrement exemplaires, pourrait expliquer que la justice agisse moins bien et moins vite qu’envers quelque autre justiciable.

J’ai donc demandé à Mme la garde des sceaux de préciser si, d’une part, les forces de police ne font pas exception à la loi s’appliquant à tous les citoyens et si, d’autre part, les instructions judiciaires qui mettent éventuellement en cause les agissements de fonctionnaires de police se déroulent bien dans les mêmes termes et selon le même souci d’indépendance vis-à-vis du Gouvernement que n’importe quelle autre instruction.

Je sais bien que l’on va me répondre qu’il n’est pas question de donner des instructions à des juges, que le pouvoir politique ne saurait se livrer à des manipulations de cet ordre. Cependant, je voudrais plaider ici pour qu’on ne retarde pas encore de répondre, de façon précise, aux questions des familles qui se sont montrées d’une dignité exemplaire, qui ont constamment appelé au calme, qui jouent, aujourd’hui encore, un rôle de prévention, d’éducation et de médiation auprès de la municipalité de Clichy-sous-Bois et des associations, de ces familles que beaucoup admirent et qu’il n’est pas question de décevoir.

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